Annales françaises d’oto-rhino-laryngologie et de pathologie cervico-faciale 135 (2018) 230–234
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Article original
Le contrôle des symptômes dans la rhinosinusite chronique est un facteur prédictif indépendant de la baisse de productivité夽 A.P. Campbell a,b , L.P. Hoehle a,b , K.M. Phillips a,b , D.S. Caradonna a,c , S.T. Gray a,b , A.R. Sedaghat a,b,c,d,∗ a
Department of Otolaryngology, Harvard Medical School, A-111, 25, Shattuck Street, 02115 Boston, MA, United States Department of Otolaryngology, Massachusetts Eye and Ear Infirmary, 243, Charles street, 02115 Boston, MA, United States c Division of Otolaryngology, Beth Israel Deaconess Medical Center, 330, Brookline avenue, 02115 Boston, MA, United States d Department of Otolaryngology and Communications Enhancement, Boston Children’s Hospital, 300, Longwood avenue, 02115 Boston, MA, United States b
i n f o
a r t i c l e
Mots clés : Contrôle des symptômes perc¸u par les patients Rhinosinusite chronique RSC Productivité Qualité de vie
r é s u m é Buts. – Les symptômes rhino-sinusiens qui altèrent la qualité de vie (QdV) des patients atteints de rhinosinusite chronique (RSC) entraîneraient une baisse significative de leur productivité, baisse qui pourrait être compensée par leur capacité à contrôler ces symptômes. Le but de cette étude était de mieux comprendre la relation entre capacité de contrôle de ces symptômes et baisse de productivité chez les patients atteints de RSC. Matériels et méthodes. – Étude de cohorte transversale prospective portant sur 200 patients atteints de RSC. Les patients ont catégorisé le contrôle de leurs symptômes de RSC en « Aucun », « Faible », « Partiel », « Bon » et « Total ». La baisse de la productivité a été évaluée en déterminant le nombre de jours d’absentéisme au travail et/ou à l’école, liés aux symptômes de RSC, au cours des 3 derniers mois. La gravité des symptômes rhino-sinusiens a été mesurée à l’aide du questionnaire à 22 items SNOT-22. Des associations entre la baisse de productivité et la perception par les patients du contrôle de leurs symptômes de RSC ont été recherchées. Objectif. – Déterminer l’association éventuelle entre la perception du contrôle longitudinal de leurs symptômes et la productivité des patients atteints de RSC. Résultats. – Au total, 200 participants (48 % d’hommes, 52 % femmes), d’un âge moyen de 52 ans (Écarttype [ET] : 16) ont été recrutés. Le score SNOT-22 moyen des participants était de 33,5 (ET : 22,4). Les participants ont manqué en moyenne 3 jours (ET : 10) de travail et/ou d’école en raison d’une RSC. Le contrôle des symptômes de RSC catégorisé comme « Aucun » a été associé à 11 jours d’absentéisme dus à la RSC en analyse univariée ( = 11,16, IC à 95 % : 5,39–16,94, p < 0,001) et à 8 jours d’absentéisme en analyse multivariée ( = 8,02, IC à 95 % : 1,92–14,13, p = 0,011). Aucune autre catégorie de contrôle des symptômes de RSC rapportés par les patients n’a été associée à un absentéisme dû à la RSC. Conclusions. – L’absence totale de contrôle de leurs symptômes par les patients atteints de RSC, diminue nettement leur productivité ce qui ne semble pas le cas lorsqu’il existe un contrôle même partiel des symptômes. Ces résultats justifient la réalisation d’études longitudinales afin d’affiner ces résultats. © 2018 Publie´ par Elsevier Masson SAS.
1. Introduction La rhinosinusite chronique (RSC) est une maladie inflammatoire systémique qui affecte principalement la muqueuse
DOI de l’article original : https://doi.org/10.1016/j.anorl.2017.05.005. 夽 Ne pas utiliser pour citation la référence franc¸aise de cet article, mais celle de l’article original paru dans European Annals of Otorhinolaryngology Head and Neck Diseases en utilisant le DOI ci-dessus. ∗ Auteur correspondant. Department of Otolaryngology, 243, Charles street, Boston, Massachusetts, 02114, United States. Adresse e-mail : ahmad
[email protected] (A.R. Sedaghat). https://doi.org/10.1016/j.aforl.2018.04.002 1879-7261/© 2018 Publie´ par Elsevier Masson SAS.
rhino-sinusienne et entraîne une diminution de la qualité de vie (QdV) des patients, en raison de symptômes rhino-sinusiens, d’exacerbations aiguës et d’une comorbidité pulmonaire [1–3]. De multiples mécanismes inflammatoires [4–6] ont été proposés comme étiologie de la RSC, et ont conduit au phénotype clinique qui définit la maladie [7]. Outre le préjudice pour la QdV du patient, la RSC a un impact sur la santé publique en termes de coûts indirects dus à l’absentéisme professionnel et scolaire [8]. L’objectif principal du traitement médico-chirurgical la RSC est de maintenir les symptômes rhino-sinusiens et la QdV à des niveaux acceptables pour le patient. Par conséquent, l’un des principaux facteurs déterminant l’initiation ou l’intensification
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d’un traitement de la RSC est le contrôle des symptômes [9,10]. Contrairement aux indicateurs transversaux de la symptomatologie rhino-sinusienne, comme les questionnaires sur la sévérité des symptômes [11], le contrôle des symptômes est une mesure longitudinale qui reflète la capacité à maintenir la sévérité des symptômes à un niveau acceptable sur une période de temps donnée. Étant une mesure longitudinale qui mesure les tendances des symptômes, la notion de contrôle peut être plus appropriée pour les mesures de résultats évoluant au cours du temps. Pour les autres maladies chroniques comme l’asthme, la sensation de contrôle de la maladie et des symptômes par les patients fait partie intégrante du processus de décision clinique et de la prise charge de la maladie [12]. Il est, par conséquent, très important pour les patients et les prestataires de soins de déterminer la perception qu’ont les patients du contrôle de leurs symptômes directement associé à la QdV, liée à l’état de santé général des patients atteints de RSC [13]. Toutefois, le lien entre la sensation par les patients du degré de contrôle des symptômes de RSC et les conséquences fonctionnelles de la RSC, comme par exemple la baisse de la productivité due à la maladie, n’a jamais été décrit. Des études précédentes ont montré que la sévérité des symptômes de la RSC relevés à un moment donné pourrait être associée à une baisse rétrospective de productivité passée liée à la RSC [14,15]. Toutefois, aucune étude précédentes n’a examiné si l’altération du contrôle des symptômes par le patient, [13], était associée à une baisse de la productivité due à la RSC. Dans un effort visant à réduire la perte de productivité associée à la RSC, il est essentiel de déterminer les facteurs et les marqueurs les plus souvent associés à l’absentéisme professionnel et/ou scolaire. Seule l’identification de facteurs associés à la perte de productivité liée à la RSC peut permettre de concevoir des études interventionnelles visant à identifier des méthodes pour réduire l’absentéisme dû à la RSC. Étant donné l’importance du contrôle des symptômes de la RSC perc¸u par les patients, [13] nous avons émis l’hypothèse que la perception du contrôle des symptômes de la RSC par les patients était associée à la fréquence de leur absentéisme professionnel et/ou scolaire due à la RSC. Dans cette étude, nous avons par conséquent cherché à déterminer les associations entre le contrôle des symptômes de RSC perc¸u par les patients et la fréquence de leur absentéisme professionnel et/ou scolaire dû à la RSC.
patient, les données relatives à l’âge, au sexe, à l’ethnie, et aux antécédents de chirurgie sinusienne et de tabagisme ont été recueillies. Au moment du recrutement, les participants ont été évalués par le rhinologiste chargé de l’évaluation afin de vérifier les antécédents d’hypersensibilité aux allergènes aéroportés à l’aide d’un test d’allergie conventionnel, d’asthme d’après les antécédents cliniques et un diagnostic précédent, de polypes nasaux par endoscopie nasale ou d’après un diagnostic précédent, d’utilisation de corticostéroïdes intranasale et les antécédents d’allergie à l’aspirine à l’aide d’un test conventionnel ou d’un diagnostic clinique. Tous les participants ont rempli un questionnaire SNOT-22 [11] afin de mesurer la sévérité des symptômes initiaux de RSC. Afin de déterminer le nombre d’exacerbations de RSC, il a été demandé aux participants d’indiquer le nombre de traitements antibiotiques pris au cours des trois mois précédents pour les symptômes de RSC précédemment décrits afin de refléter la fréquence d’exacerbations de RSC [2]. Afin d’évaluer la perte de productivité, il a été demandé aux participants de rapporter le nombre de jours de travail et/ou d’école manqués au cours des trois mois précédents pour cause de RSC, comme précédemment décrit [15–17]. Cette méthode d’évaluation de la perte de productivité spécifique à la maladie a été précédemment validée comme un moyen précis de déterminer le nombre de jours de travail et/ou d’école manqués en raison d’une maladie chronique [18–20]. Tous les participants à notre étude ont également catégorisé le contrôle de leurs symptômes de RSC en « Aucun », « Faible », « Partiel », « Bon », « Total », comme précédemment décrit pour évaluer le contrôle des symptômes rhino-sinusiens perc¸u par les patients [13,21]. 2.3. Caractéristiques des participants à l’étude Au total, 200 patients (48 % d’hommes, 52 % de femmes) d’un âge moyen de 52 ans (écart-type [ET] : 16) ont été recrutés dans cette étude ; leurs caractéristiques sont résumées dans le Tableau 1. Sur ces personnes recrutées, 25 % étaient tabagiques, 39 % avaient des antécédents d’hypersensibilité aux allergènes aéroportés, 28 % avaient des antécédents d’asthme et 5 % avaient eu un
Tableau 1 Caractéristiques des participants à l’étude. Participants à l’étude (n = 200)
2. Matériels et méthodes 2.1. Participants à l’étude L’Institutional Human Studies Committee (IHSC) a approuvé cette étude. Nous avons recruté de manière prospective des patients âgés de 18 ans minimum qui satisfaisaient les critères des recommandations de consensus établis pour la RSC [7]. Tous les participants à l’étude ont donné leur consentement éclairé par écrit afin d’être inclus dans cette étude. Afin d’inclure uniquement des patients atteints de RSC et d’éviter toutes pathologies rhino-sinusiennes avec signes extrarhinologiques, les patients ayant des diagnostics de comorbidité de type vascularite, mucoviscidose, sarcoïdose et déficit immunitaire ont été exclus de l’étude. Pour éviter les biais de confusion liés au traitement, tous les patients ayant subi une chirurgie rhino-sinusienne au cours des 6 mois précédents ont été exclus. Les patients en cours d’exacerbation aiguë de RSC ont également été exclus. 2.2. Plan de l’étude et collecte des données Dans cette étude de cohorte transversale, 200 participants au total ont été recrutés de manière prospective et toutes les données ont été collectées au moment du recrutement. Pour chaque
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Caractéristiques démographiques Âge, moyen en années, (ET) Sexe Hommes Femmes Ethnie Caucasiens Noirs ou Afro-américains Indiens d’Amérique/natifs d’Alaska Asiatiques Autres Refus de répondre Antécédents tabagiques Comorbidités Hypersensibilité aux allergènes aéroportés Asthme Allergie à l’aspirine Caractéristiques de la RSC Polypes nasaux Chirurgie sinusienne antérieure Utilisation de corticostéroïdes intranasale Score SNOT-22, moyen (ET) Cures d’antibiotiques liés à la RSC-pris au cours des 3 mois précédents (ET) Jours de travail et/ou d’école perdus au cours des 3 mois précédents dus à la RSC, moyenne (ET)
51,8 (15,8) 48 % 52 % 68 % 2% 2% 2% 1% 25 % 25 % 39 % 28 % 5% 43 % 38 % 72 % 33,5 (22,4) 0,7 (1,3) 2,5 (10,1)
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diagnostic d’allergie à l’aspirine. Concernant les caractéristiques de la RSC, 43 % des participants à l’étude avaient des antécédents de polypes nasaux (RSC avec polypes nasaux) tandis que 57 % avaient une RSC sans polypes nasaux et 38 % de l’ensemble des participants avaient subi une chirurgie sinusienne par voie endoscopique. Le score SNOT-22 moyen était de 33,5 (ET : 22,4) et le nombre moyen d’exacerbations de RSC était de 0,7 (ET : 1,3). Le nombre moyen de jours de productivité perdus au cours des trois mois précédents en raison d’une RSC était de 3 (ET : 10). La perception du contrôle des symptômes par les patients était 17 % « Total », 31 % « Bon », 28 % « Partiel », 16 % « Faible » et 8 % « Aucun ». 2.4. Analyse statistique Toutes les analyses ont été réalisées à l’aide du progiciel statistique R (www.r-project.org). Le nombre total de patients recrutés (n = 200) était suffisant pour détecter une association petite à moyenne entre l’effet de taille (d de Cohen d = 0,09) et les cinq niveaux de contrôle des symptômes, tout en contrôlant huit facteurs de confusion supplémentaires à un niveau de significativité de 0,05 avec une puissance de 0,8. Un test de corrélation de Pearson a été utilisé pour évaluer la relation entre les scores du SNOT-22 et la perte de productivité. Une association entre les jours de productivité perdus (comme variable dépendante) et le contrôle des symptômes de RSC perc¸u par les patients (comme variable indépendante) a été étudiée par une analyse de régression linéaire. Un modèle multivarié a été utilisé pour étudier cette association selon l’âge, le sexe, l’hypersensibilité aux allergènes aéroportés, l’asthme, les polypes, l’utilisation de corticostéroïdes intranasale, les antécédents de tabagisme et les exacerbations de RSC des patients. 3. Résultats 3.1. La perte de productivité est associée au contrôle des symptômes perc¸u par les patients Nous avons tout d’abord vérifié si la sévérité de la RSC des patients, telle que reflétée par le score du SNOT-22, était associée au nombre de jours de travail et/ou d’école manqués en raison d’une RSC au cours des trois mois précédents et avons mis en évidence une corrélation statistiquement significative (r = 0,54, IC à 95 % : 0,43–0,63, p < 0,001). Toutefois, le score SNOT-22 reflétant la symptomatologie de la RSC à un moment donné, en l’occurrence les symptômes initiaux des patients au moment de leur inclusion, alors que notre variable d’intérêt dépendante était la perte de productivité au cours des trois mois précédents, nous avons recherché une mesure plus longitudinale de la symptomatologie de la RSC. Nous avons ensuite vérifié l’existence d’un lien entre le nombre de jours de travail et/ou d’école manqués au cours des trois mois précédents et la sensation du contrôle de leurs symptômes par les patients, contrôle dont l’étude permet une mesure plus longitudinale de la symptomatologie de la RSC, symptomatologie impactant directement leur QdV [9,13]. Globalement, nous avons montré que les patients rapportant le plus mauvais contrôle des symptômes de la RSC avaient le plus fort taux d’absentéisme (Fig. 1). L’analyse de l’association univariée (Tableau 2) nous a montré que les patients qui avaient l’impression que leurs symptômes n’étaient « pas du tout » contrôlés manquaient en moyenne 11 jours de travail et/ou d’école ( = 11,16, IC à 95 % : 5,39–16,94, p < 0,001) de plus que les patients qui avaient l’impression que leurs symptômes de RSC étaient « totalement » contrôlés. Aucun des autres niveaux de contrôle des symptômes perc¸u par les patients (« Faible », « Partiel » et « Bon ») n’était associé à une perte de productivité statistiquement différente de celle des patients qui rapportaient un contrôle « total » de leurs
Fig. 1. Perte de productivité due à la RSC. Boîtes à moustaches indiquant le nombre de jours de productivité perdus liés à la RSC par les patients stratifiés en fonction du niveau de contrôle des symptômes de RSC rapporté par les patients au cours des 3 mois précédents. La boîte va du 1er quartile au 3e quartile et la médiane est représentée par une ligne horizontale. Les moustaches s’étendent à 1,5 fois (écart interquartile) au-delà du 3e quartile.
symptômes de RSC. Nous avons ensuite examiné l’association entre la perte de productivité et le contrôle des symptômes perc¸u par les patients à l’aide d’un modèle de régression multivarié selon l’âge, le sexe, l’hypersensibilité aux allergènes aéroportés, l’asthme, les polypes, l’utilisation de corticostéroïdes intranasale, les antécédents de tabagisme et les exacerbations de RSC (Tableau 2). À nouveau, les symptômes décrits comme « pas du tout » contrôlés étaient significativement associés à un absentéisme professionnel et/ou scolaire ( = 7,88, IC à 95 % : 1,72–14,04, p = 0,013) dû à la RSC comparé aux patients avec des symptômes de RSC « totalement » contrôlés. En outre, afin de garantir que nos résultats statistiquement significatifs n’étaient pas dus à des patients qui avaient manqué de nombreux jours de travail, nous avons répété nos analyses après avoir exclu ceux dont la perte de productivité liée à la RSC était supérieure à 1,5 fois l’intervalle interquartile audelà du troisième quartile (représentés par les points individuels sur la Fig. 1) dans chaque strate du contrôle des symptômes de RSC rapporté par les patients. Après ces analyses, nous avons confirmé l’existence d’une association statistiquement significative entre la baisse de productivité liée à la RSC et les symptômes « pas du tout » contrôlés de la RSC sur l’association univariée ( = 1,85, IC à 95 % : 0,93–2,77, p < 0,001) et multivariée ( = 1,67, IC à 95 % : 0,71–2,64, p = 0,001), comparé aux patients avec des symptômes de RSC « totalement » contrôlés. 4. Discussion La RSC a un fort impact sur les patients et sur l’ensemble de la société. Dans le monde, la RSC a été associée à une diminution de la productivité du fait d’un absentéisme professionnel et/ou scolaire [10,15] pouvant atteindre 6,5 % dans des études spécifiques au milieu professionnel [22]. Par conséquent, il est essentiel pour les employeurs, les médecins et les établissements de santé d’identifier et de traiter les patients les plus exposés à cette perte de productivité. Toutefois, avant de concevoir des études longitudinales permettant d’identifier des stratégies de prise en charge pour réduire la perte de productivité due à la RSC, les facteurs associés à la perte de productivité liée à la RSC doivent être identifiés. La perception par les patients atteints de RSC du contrôle de leurs symptômes a été décrite comme un indicateur important de l’impact longitudinal de l’affection reflétant l’altération de la QdV des patients [13]. La perte de productivité étant une mesure longitudinale de l’impact de la RSC, il est important de la corréler à d’autres caractéristiques longitudinales de la RSC. C’est la raison pour laquelle, dans cette étude, nous avons étudié la relation entre la sensation par le patient du contrôle des symptômes de RSC et la perte de productivité due à la RSC et avons démontré que l’absence
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Tableau 2 Association entre le contrôle des symptômes de RSC rapporté par les patients et les jours de productivité perdus. Analyse multivariéea
Analyse univariée 
b
Contrôle des symptômes de RSC rapporté par les patients Total Bon Partiel Faible Aucun
(IC à 95 %)
Référence 0,28 (−4,35–3,78) 2,66 (−1,48–6,80) 2,35 (−2,34–7,04) 11,16(5,39–16,94)
Valeur de p
b
– 0,892 0,209 0,327 < 0,001
Référence 0,17(−3,98–4,32) 3,02(−1,29–7,33) 2,86(−1,97–7,69) 7,88(1,72–14,04)
(IC à 95 %)
Valeur de p – 0,937 0,171 0,247 0,013
a Selon l’âge, le sexe, l’hypersensibilité aux allergènes aéroportés, l’asthme, les polypes, l’utilisation de corticostéroïdes intranasale, les antécédents tabagiques et l’utilisation d’antibiotiques liés à la RSC au cours des trois mois précédents. b Coefficient de régression linéaire.
totale de contrôle des symptômes augmentait significativement le nombre de jours d’absentéisme professionnel et/ou scolaire dus à la RSC. Plusieurs indicateurs ont été développés pour évaluer la sévérité de la maladie et l’effet des symptômes de la RSC sur leur QdV [23], dont des méthodes à la fois transversales et longitudinales, la sensation de contrôle de la maladie étant l’une des mesures longitudinales désormais proposée [10]. Cet indicateur a été notamment utilisé pour l’asthme, reflétant la capacité du patient et du professionnel de santé à maintenir les symptômes dans des limites acceptables au cours du temps [12]. Pour l’asthme, les recommandations de consensus international ont changé afin de se concentrer sur le contrôle des symptômes. Cette réorientation a été due, en partie, au fait que les traitements peuvent améliorer certaines mesures, comme par exemple un risque d’exacerbation aiguë de l’asthme, mais n’ont aucun impact toutefois sur le contrôle des symptômes à long terme [12]. En revanche, la sensation de contrôle des symptômes par le patient constitue une mesure longitudinale et un indicateur dont on tient désormais compte dans la prise en charge thérapeutique des asthmatiques [12,24]. À ce jour, aucune étude n’a mesuré l’impact de la sensation du contrôle des symptômes de la RSC sur la perte de productivité liée à l’affection, perte de productivité ayant un impact économique considérable [14]. Dans cette étude, nous avons évalué l’association entre la perception du contrôle des symptômes de RSC par les patients et la perte de productivité liée à la RSC. Nous avons montré que les patients qui avaient l’impression que leurs symptômes de RSC n’étaient « pas du tout » contrôlés avaient manqué, en moyenne, environ 11 jours de travail et/ou d’école en raison de la RSC au cours des 90 jours précédents, même après contrôle des comorbidités et de la fréquence des exacerbations de RSC qui pourraient également contribuer à des pertes de productivité. En revanche nous n’avons trouvé aucune association statistiquement significative entre d’autres niveaux de mauvais contrôle des symptômes de RSC (tels que « faible »), et augmentation de la perte de productivité liée à la RSC. Il est possible que les autres niveaux de mauvais contrôle des symptômes aient eu un effet dont l’ampleur n’a pas pu être mise en évidence par manque de puissance dans notre étude. De futurs travaux incluant davantage de patients devraient permettre d’établir un lien éventuel entre défaut de contrôle et perte de productivité liée à la RSC. Des travaux précédents ont étudié l’impact économique de la RSC consécutive à la perte de productivité ; ils ont également montré qu’une aggravation des symptômes de la RSC, était associée à une augmentation des coûts liée à une baisse de productivité et que celle-ci était essentiellement due à l’état dépressif qu’elle pouvait engendrer [14,15]. Toutefois, ces études ont évalué la sévérité des symptômes de RSC à un moment donné. Notre travail a complété ces études en montrant également que la perte totale de sensation de contrôle des symptômes de RSC—une mesure longitudinale de
la sévérité des symptômes de RSC—était associée à la perte de productivité liée à l’affection. Des travaux précédents ont recommandé de considérer la sensation de contrôle des symptômes comme un critère important pour la prise en charge de la RSC [10]. Plus récemment, elle a aussi été recommandée en raison des résultats qu’elle procure dans la mesure de la QdV des patients atteints de RSC [13]. Dans ces conditions, il est essentiel de comprendre sa corrélation avec les conséquences les plus significatives de la RSC, comme la perte de productivité et à cet égard, notre étude fournit de nouvelles preuves de son intérêt. Les résultats obtenus ont également des implications cliniques importantes, car le contrôle des symptômes peut être modifié par un changement thérapeutique. Bien que notre étude n’établisse pas de lien entre mauvais contrôle des symptômes de RSC et perte de productivité due à la RSC, la mise en évidence d’un lien entre absence totale de contrôle des symptômes et absentéisme peut motiver la réalisation d’études interventionnelles destinées à savoir si l’amélioration de la sensation du contrôle des symptômes de la RSC peut améliorer les pertes de productivité liées à la RSC. Nos résultats doivent être interprétés en considérant les limites de notre étude. Nous nous sommes axés spécifiquement sur le contrôle des symptômes de la RSC, cause principale de l’altération de la QdV, comme reflet longitudinal de l’affection, et principale mesure utilisée pour la prise de décision clinique [1,2]. Bien que le fait de demander aux patients d’évaluer rétrospectivement le contrôle de leurs symptômes soit une technique bien établie [21,24] et s’avère directement lié à la QdV [13], cette méthodologie présente un biais de rappel. Cela est également vrai de la méthode consistant à demander aux patients de se souvenir de leur perte de productivité liée à la RSC au cours des trois mois précédents. Toutefois, demander aux patients de se rappeler des pertes de productivité dues spécifiquement à la maladie est une méthodologie validée, non seulement pour la RSC [15–17], mais également pour les maladies chroniques [18–20]. Néanmoins, l’évaluation idéale des résultats comme ceux de la perte de productivité, devrait être longitudinale.
5. Conclusion Les patients atteints de RSC n’ayant aucun contrôle des symptômes de RSC ont eu les plus grandes pertes de productivité, reflétées par les jours d’absentéisme professionnel et/ou scolaire dû à la RSC au cours des trois mois précédents. Ce résultat démontre l’importance de la sensation de contrôle de leurs symptômes par les patients atteints de RSC compte tenu des conséquences que peuvent engendrer ces symptômes tant sur le plan individuel qu’économique. Ces résultats permettent d’envisager des futures études interventionnelles visant à déterminer si l’amélioration du contrôle des symptômes de la RSC conduirait à réduire le nombre de jours d’absentéisme professionnel et/ou scolaire dû à la RSC.
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Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. Remerciement Les auteurs remercient sincèrement les patients ayant participé à cette étude pour leur contribution. Références [1] Hoehle LP, Phillips KM, Bergmark RW, et al. Symptoms of chronic rhinosinusitis differentially impact general health-related quality of life. Rhinology 2016;54:316–22. [2] Phillips KM, Hoehle LP, Bergmark RW, et al. Acute exacerbations mediate quality of life impairment in chronic rhinosinusitis. J Allergy Clin Immunol Pract 2017;5:422–6. [3] Phillips KM, Hoehle LP, Caradonna DS, et al. Association of severity of chronic rhinosinusitis with degree of comorbid asthma control. Ann Allergy Asthma Immunol 2016;117:651–4. [4] Sedaghat AR, Gray ST, Wilke CO, et al. Risk factors for development of chronic rhinosinusitis in patients with allergic rhinitis. Int Forum Allergy Rhinol 2012;2:370–5. [5] Carey RM, Adappa ND, Palmer JN, et al. Taste receptors: regulators of sinonasal innate immunity. Laryngoscope Investig Otolaryngol 2016;1:88–95. [6] London NR, Lane AP. Innate immunity and chronic rhinosinusitis: what we have learned from animal models. Laryngoscope Investig Otolaryngol 2016;1:49–56. [7] Rosenfeld RM, Piccirillo JF, Chandrasekhar SS, et al. Clinical practice guideline (update): adult sinusitis. Otolaryngol Head Neck Surg 2015;152 [S39]. [8] Caulley L, Thavorn K, Rudmik L, et al. Direct costs of adult chronic rhinosinusitis by using 4 methods of estimation: results of the US Medical Expenditure Panel Survey. J Allergy Clin Immunol 2015;136:1517–22. [9] Banglawala SM, Schlosser RJ, Morella K, et al. Qualitative development of the sinus control test: a survey evaluating sinus symptom control. Int Forum Allergy Rhinol 2016;6:491–9.
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