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Le froid et la sécurité sanitaire : des recommandations à l’application pratique
Annales Franc¸aises d’Anesthe´sie et de Re´animation 33 (2014) 387–388
E´ditorial
Le froid et la se´curite´ sanitaire : des recommandations a` l’application pratique Cold and medical safety: from guidelines to practice
A` la suite de deux alertes e´mises successivement par les centres re´gionaux de pharmacovigilance de Brest en septembre 2011 et de Paris Fernand-Widal en janvier 2012 rapportant une augmentation des cas de re´actions anaphylactiques lie´s a` l’administration de succinylcholine, l’ANSM a e´mis des recommandations concernant les conditions de conservation de ce curare de´polarisant. En effet, l’enqueˆte officielle de pharmacovigilance cible´e sur les re´actions anaphylactiques notifie´es avec l’ensemble des curares sur la pe´riode 2000–2011 retrouvait une augmentation progressive des re´actions anaphylactiques se´ve`res sur la pe´riode conside´re´e et concluait a` la ne´cessite´ d’une expertise des e´tudes de stabilite´ de la succinylcholine a` tempe´rature ambiante. Dans l’intervalle, a` titre de pre´caution, un rappel des bonnes pratiques de conservation de ce produit e´tait effectue´ et leur utilisation en cas d’exposition a` tempe´rature ambiante limite´e a` une pe´riode de 24 h. Si le principe de cette recommandation d’un respect plus strict des conditions de conservation de ce curare ne peut eˆtre conteste´, son roˆle en tant que facteur contribuant a` l’augmentation des re´actions anaphylactiques, en particulier allergiques, semble plus discutable. L’essentiel des re´actions allergiques a` la succinylcholine re´pond a` un me´canisme allergique mettant en jeu des IgE spe´cifiques [1]. Aucune indication du roˆle des produits de de´gradation dans la gene`se des re´actions allergiques n’a e´te´ apporte´e, et une diminution de la concentration en principe actif des ampoules exposerait plutoˆt a` une diminution de l’efficacite´ et donc du risque d’hyperkalie´mie [2]. D’anciennes e´tudes confirment la stabilite´ du produit durant 14 jours lorsqu’il e´tait soumis a` des cycles extreˆmes de variation de tempe´rature et de 90 jours pour une conservation entre 13 et 32 8 C [3]. L’ANSM elle-meˆme retrouvait, dans son e´tude de stabilite´ conduite a` 25 8 C durant un mois sur un lot proche de la date de pe´remption, des re´sultats conformes aux spe´cifications de´crites dans les dossiers d’AMM. Afin de respecter les recommandations de l’ANSM, meˆme si elles restent discutables, les Samu/Smur de France ont re´ussi a` modifier les conditions de conservation de la succinylcholine4. Lefort et al. [4], dans le cadre d’une enqueˆte nationale avant–apre`s, montrent que les conditions de conservation entre 2011 et 2012 ont connu une ame´lioration substantielle. Pre`s de trois quarts des unite´s mobiles d’hospitalisation (UMH) sont aujourd’hui e´quipe´es de re´frige´rateur contre seulement la moitie´ en 2011.
L’absence de moyen de conservation passif ou actif a, au cours de la meˆme pe´riode, diminue´ de 31 a` 3,5 % (sac isotherme ou pain de glace). De plus, les e´quipes Smur ont e´galement tenu compte de la re`gle de destruction des produits non utilise´s et porte´s a` tempe´rature ambiante dans pre`s de la moitie´ des cas. Une option sans doute plus simple aurait pu consister en la suppression pure et simple de ce curare de la dotation des me´dicaments embarque´s dans les UMH. Il aurait cependant e´te´ dommageable de se priver de cette mole´cule unique dont l’indication essentielle est, rappelons-le, l’induction en se´quence rapide en pre´sence d’un estomac plein, situation clinique si fre´quente en me´decine pre´hospitalie`re [5]. Le choix des e´quipes Samu/Smur est donc un choix de raison auquel il faut rendre hommage. Si, dans les conditions d’exercice si particulie`res de la me´decine pre´hospitalie`re, les recommandations de l’ANSM ont su eˆtre applique´es, qu’en est-il dans les blocs ope´ratoires et dans les unite´s ˆ r que dans les blocs d’urgence ou dans de re´animation ? Est-on su les unite´s d’obste´trique la succinylcholine est conserve´e et/ou de´truite lorsque celle-ci reste a` tempe´rature ambiante pendant plus de 24 heures ? A` ce jour, aucune enqueˆte de pratique en me´decine hospitalie`re ne permet de re´pondre a` ces questions. Ainsi, il faut souligner l’efficacite´ et la re´activite´ du re´seau national des Samu/Smur quant a` la mise en œuvre de ces contraintes supple´mentaires. Si l’on ne peut que se fe´liciter du respect croissant des conditions de conservation conforme a` l’AMM de la succinylcholine, la recommandation re´cente de destruction apre`s 24 h d’exposition a` tempe´rature ambiante apparaıˆt de´ja` comme particulie`rement exigeante et rien ne justifie de durcir encore les conditions d’utilisation comme cela semble eˆtre le cas dans certaines e´quipes. Enfin, la question essentielle de l’augmentation du nombre et de la se´ve´rite´ des re´actions anaphylactiques aux curares, n’apparaıˆt ni re´solue par l’enqueˆte conduite ni par le rappel aux bonnes pratiques de conservation de la succinylcholine e´mis par l’ANSM. De´claration d’inte´reˆts Conseiller scientifique de l’e´tude ALPHO (financement industriel par un consortium Zambon, Urgo, Pierre Fabre, Boots, Hepatoum, Biocodex, Sanofi, LBR, GSK, APL, Bells Healthcare, Pinewood, T & R, Ernest Jackson).
http://dx.doi.org/10.1016/j.annfar.2014.06.001 0750-7658/ß 2014 Publie´ par Elsevier Masson SAS pour la Socie´te´ franc¸aise d’anesthe´sie et de re´animation (Sfar).
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E´ditorial / Annales Franc¸aises d’Anesthe´sie et de Re´animation 33 (2014) 387–388
Re´fe´rences
P.M. Mertesa,*, B. Debaeneb Service d’anesthe´sie-re´animation chirurgicale, hoˆpitaux universitaires de Strasbourg, Nouvel Hoˆpital Civil, 1, place de l’Hoˆpital, BP 426, 67091 Strasbourg cedex, France b De´partement d’anesthe´sie-re´animation, CHU de Poitiers, 2, rue de la Mile´trie, BP 577, 86021 Poitiers cedex, France a
[1] Mertes PM, Alla F, Trechot P, Auroy Y, Jougla E. Anaphylaxis during anesthesia in France: an 8-year national survey. J Allergy Clin Immunol 2011;128:366–73. [2] Mertes PM, Aimone-Gastin I, Gueant-Rodriguez RM, Mouton-Faivre C, Audibert G, O’Brien J, et al. Hypersensitivity reactions to neuromuscular blocking agents. Curr Pharm Des 2008;14:2809–25. [3] Gammon DL, Su S, Jordan J, Patterson R, Finley PJ, Lowe C, et al. Alteration in prehospital drug concentration after thermal exposure. Am J Emerg Med 2008;26:566–73. [4] Lefort H, Mendibil A, Margerin S, Cuquel AC, Jost D, Tazarourte K, et al. Conservation de la succinylcholine en pre´ hospitalier apre`s recommandations de l’Agence Nationale de Sante´ et du Me´dicament. Ann Fr Anesth Reanim 2014;33:395–9. [5] Plaud B, Debaene B. D’une confe´rence de consensus a` l’AMM : l’exemple de la succinylcholine. Ann Fr Anesth Reanim 2002;21:247–8.
*Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (P.M. Mertes)
E´ditorial
Le froid et la se´curite´ sanitaire : des recommandations a` l’application pratique Cold and medical safety: from guidelines to practice
A` la suite de deux alertes e´mises successivement par les centres re´gionaux de pharmacovigilance de Brest en septembre 2011 et de Paris Fernand-Widal en janvier 2012 rapportant une augmentation des cas de re´actions anaphylactiques lie´s a` l’administration de succinylcholine, l’ANSM a e´mis des recommandations concernant les conditions de conservation de ce curare de´polarisant. En effet, l’enqueˆte officielle de pharmacovigilance cible´e sur les re´actions anaphylactiques notifie´es avec l’ensemble des curares sur la pe´riode 2000–2011 retrouvait une augmentation progressive des re´actions anaphylactiques se´ve`res sur la pe´riode conside´re´e et concluait a` la ne´cessite´ d’une expertise des e´tudes de stabilite´ de la succinylcholine a` tempe´rature ambiante. Dans l’intervalle, a` titre de pre´caution, un rappel des bonnes pratiques de conservation de ce produit e´tait effectue´ et leur utilisation en cas d’exposition a` tempe´rature ambiante limite´e a` une pe´riode de 24 h. Si le principe de cette recommandation d’un respect plus strict des conditions de conservation de ce curare ne peut eˆtre conteste´, son roˆle en tant que facteur contribuant a` l’augmentation des re´actions anaphylactiques, en particulier allergiques, semble plus discutable. L’essentiel des re´actions allergiques a` la succinylcholine re´pond a` un me´canisme allergique mettant en jeu des IgE spe´cifiques [1]. Aucune indication du roˆle des produits de de´gradation dans la gene`se des re´actions allergiques n’a e´te´ apporte´e, et une diminution de la concentration en principe actif des ampoules exposerait plutoˆt a` une diminution de l’efficacite´ et donc du risque d’hyperkalie´mie [2]. D’anciennes e´tudes confirment la stabilite´ du produit durant 14 jours lorsqu’il e´tait soumis a` des cycles extreˆmes de variation de tempe´rature et de 90 jours pour une conservation entre 13 et 32 8 C [3]. L’ANSM elle-meˆme retrouvait, dans son e´tude de stabilite´ conduite a` 25 8 C durant un mois sur un lot proche de la date de pe´remption, des re´sultats conformes aux spe´cifications de´crites dans les dossiers d’AMM. Afin de respecter les recommandations de l’ANSM, meˆme si elles restent discutables, les Samu/Smur de France ont re´ussi a` modifier les conditions de conservation de la succinylcholine4. Lefort et al. [4], dans le cadre d’une enqueˆte nationale avant–apre`s, montrent que les conditions de conservation entre 2011 et 2012 ont connu une ame´lioration substantielle. Pre`s de trois quarts des unite´s mobiles d’hospitalisation (UMH) sont aujourd’hui e´quipe´es de re´frige´rateur contre seulement la moitie´ en 2011.
L’absence de moyen de conservation passif ou actif a, au cours de la meˆme pe´riode, diminue´ de 31 a` 3,5 % (sac isotherme ou pain de glace). De plus, les e´quipes Smur ont e´galement tenu compte de la re`gle de destruction des produits non utilise´s et porte´s a` tempe´rature ambiante dans pre`s de la moitie´ des cas. Une option sans doute plus simple aurait pu consister en la suppression pure et simple de ce curare de la dotation des me´dicaments embarque´s dans les UMH. Il aurait cependant e´te´ dommageable de se priver de cette mole´cule unique dont l’indication essentielle est, rappelons-le, l’induction en se´quence rapide en pre´sence d’un estomac plein, situation clinique si fre´quente en me´decine pre´hospitalie`re [5]. Le choix des e´quipes Samu/Smur est donc un choix de raison auquel il faut rendre hommage. Si, dans les conditions d’exercice si particulie`res de la me´decine pre´hospitalie`re, les recommandations de l’ANSM ont su eˆtre applique´es, qu’en est-il dans les blocs ope´ratoires et dans les unite´s ˆ r que dans les blocs d’urgence ou dans de re´animation ? Est-on su les unite´s d’obste´trique la succinylcholine est conserve´e et/ou de´truite lorsque celle-ci reste a` tempe´rature ambiante pendant plus de 24 heures ? A` ce jour, aucune enqueˆte de pratique en me´decine hospitalie`re ne permet de re´pondre a` ces questions. Ainsi, il faut souligner l’efficacite´ et la re´activite´ du re´seau national des Samu/Smur quant a` la mise en œuvre de ces contraintes supple´mentaires. Si l’on ne peut que se fe´liciter du respect croissant des conditions de conservation conforme a` l’AMM de la succinylcholine, la recommandation re´cente de destruction apre`s 24 h d’exposition a` tempe´rature ambiante apparaıˆt de´ja` comme particulie`rement exigeante et rien ne justifie de durcir encore les conditions d’utilisation comme cela semble eˆtre le cas dans certaines e´quipes. Enfin, la question essentielle de l’augmentation du nombre et de la se´ve´rite´ des re´actions anaphylactiques aux curares, n’apparaıˆt ni re´solue par l’enqueˆte conduite ni par le rappel aux bonnes pratiques de conservation de la succinylcholine e´mis par l’ANSM. De´claration d’inte´reˆts Conseiller scientifique de l’e´tude ALPHO (financement industriel par un consortium Zambon, Urgo, Pierre Fabre, Boots, Hepatoum, Biocodex, Sanofi, LBR, GSK, APL, Bells Healthcare, Pinewood, T & R, Ernest Jackson).
http://dx.doi.org/10.1016/j.annfar.2014.06.001 0750-7658/ß 2014 Publie´ par Elsevier Masson SAS pour la Socie´te´ franc¸aise d’anesthe´sie et de re´animation (Sfar).
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E´ditorial / Annales Franc¸aises d’Anesthe´sie et de Re´animation 33 (2014) 387–388
Re´fe´rences
P.M. Mertesa,*, B. Debaeneb Service d’anesthe´sie-re´animation chirurgicale, hoˆpitaux universitaires de Strasbourg, Nouvel Hoˆpital Civil, 1, place de l’Hoˆpital, BP 426, 67091 Strasbourg cedex, France b De´partement d’anesthe´sie-re´animation, CHU de Poitiers, 2, rue de la Mile´trie, BP 577, 86021 Poitiers cedex, France a
[1] Mertes PM, Alla F, Trechot P, Auroy Y, Jougla E. Anaphylaxis during anesthesia in France: an 8-year national survey. J Allergy Clin Immunol 2011;128:366–73. [2] Mertes PM, Aimone-Gastin I, Gueant-Rodriguez RM, Mouton-Faivre C, Audibert G, O’Brien J, et al. Hypersensitivity reactions to neuromuscular blocking agents. Curr Pharm Des 2008;14:2809–25. [3] Gammon DL, Su S, Jordan J, Patterson R, Finley PJ, Lowe C, et al. Alteration in prehospital drug concentration after thermal exposure. Am J Emerg Med 2008;26:566–73. [4] Lefort H, Mendibil A, Margerin S, Cuquel AC, Jost D, Tazarourte K, et al. Conservation de la succinylcholine en pre´ hospitalier apre`s recommandations de l’Agence Nationale de Sante´ et du Me´dicament. Ann Fr Anesth Reanim 2014;33:395–9. [5] Plaud B, Debaene B. D’une confe´rence de consensus a` l’AMM : l’exemple de la succinylcholine. Ann Fr Anesth Reanim 2002;21:247–8.
*Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (P.M. Mertes)