Le mauvais pronostic des complications infectieuses après traitement chirurgical des fractures et luxations de la cheville et de l’arrière pied. À propos d’une série de 34 cas

Le mauvais pronostic des complications infectieuses après traitement chirurgical des fractures et luxations de la cheville et de l’arrière pied. À propos d’une série de 34 cas

Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique 105 (2019) 705–710 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com Mémoire original ...

915KB Sizes 1 Downloads 68 Views

Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique 105 (2019) 705–710

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

Mémoire original

Le mauvais pronostic des complications infectieuses après traitement chirurgical des fractures et luxations de la cheville et de l’arrière pied. À propos d’une série de 34 cas夽 Poor prognosis for infectious complications of surgery for ankle and hindfoot fracture and dislocation. A 34-case series Stéphanie Krissian ∗ , Ramy Samargandi , Jérôme Druon , Philippe Rosset , Louis Romé Le Nail Services d’orthopédie et traumatologie 1 et 2, faculté de médecine, université de Tours, CHU Trousseau, avenue de la République, 37170 Chambray-lès-Tours, France

i n f o

a r t i c l e

Historique de l’article : ˆ 2018 Rec¸u le 26 aout Accepté le 11 juillet 2019 Mots clés : Infection Cheville Calcaneus Traumatisme

r é s u m é Introduction. – Les fractures de la cheville et de l’arrière-pied présentent un taux important de complications notamment infectieuses qui varie de 1 à 48 % selon les études. Hypothèse. – Le traitement des infections ostéo-articulaires (IOA) survenant après le traitement chirurgical d’une fracture de la cheville et de l’arrière-pied est à haut risque d’échec. Nous avons analysé les résultats du traitement de ces complications. Matériel et méthodes. – Au total, 33 patients (34 cas) ont été pris en charge pour une IOA de la cheville et de l’arrière-pied entre 2010 et 2015. La guérison de l’infection était définie par l’absence de fistule, de signes inflammatoires locaux et généraux et la normalisation de la protéine C réactive au recul minimum de 2 ans. L’arthrodèse sans infection était définie comme un succès alors que la récidive de l’infection, et l’amputation étaient considérées comme un échec de prise en charge de ces IOA. L’âge moyen lors du traumatisme était de 52 ans (16–85). Le délai médian du diagnostic d’IOA était de 44 jours (2–830). Résultats. – La durée moyenne de suivi était de 20 mois (3–59). Vingt-deux patients ont été considérés comme guéris de l’infection (65 %). Sept cas ont nécessité une arthrodèse (21 %). Le taux d’échec était de 15 % avec 5 amputations transtibiales. Une couverture cutanée par lambeau a été nécessaire pour 15 patients (44 %), dans un délai médian de 33 jours (0–167). Discussion. – Cette étude, bien que rétrospective et avec un effectif réduit, confirme le mauvais pronostic des infections après traitement chirurgical des fractures de la cheville et/ou de l’arrière-pied, dont le patient doit être informé. Type d’étude. – Niveau de preuve : IV, étude rétrospective, observationnelle. © 2019 Publie´ par Elsevier Masson SAS.

1. Abréviations

IOA RCP

infections ostéoarticulaires réunion de concertation pluridisciplinaire

CRIOGO centre de référence pour les infections ostéoarticulaires complexes du grand ouest CRP protéine C réactive indice de masse corporelle IMC ASA American Society of Anesthesiologists 2. Introduction

DOI de l’article original : https://doi.org/10.1016/j.otsr.2019.06.006. 夽 Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc¸aise de cet article, mais celle de l’article original paru dans Orthopaedics & Traumatology: Surgery & Research, en utilisant le DOI ci-dessus. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (S. Krissian). https://doi.org/10.1016/j.rcot.2019.07.012 1877-0517/© 2019 Publie´ par Elsevier Masson SAS.

Les fractures de la cheville et de l’arrière-pied de l’adulte représentent 12 % des fractures [1]. Elles sont principalement représentées par les fractures de cheville (56 %) dont 13 % de fractures bimalléolaires, puis du pilon tibial (10 %), du calcanéum (9 %) et

706

S. Krissian et al. / Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique 105 (2019) 705–710

enfin du talus (7 %) [2]. Dans 64 % des cas, ces fractures sont liées à un traumatisme à basse énergie[3]. Le taux de fractures ouvertes varie entre 3 et 18 % [2,3]. La grande majorité des fractures de cheville et de l’arrière pied sont traitées par ostéosynthèse à foyer ouvert[3,4]. Ces fractures présentent un risque important de complications : infection, nécrose et désunion cutanée, paralysie, ostéonécrose, pseudarthrose, cal vicieux et arthrose [5]. Concernant les complications infectieuses, les taux rapportés dans la littérature varient de 1 à 48 % [6–12]. Cela traduit une grande hétérogénéité de mécanisme et cinétique de traumatisme, de lésions initiales (osseuses, ligamentaires, vasculaires, cutanées . . .), de patients, de traitement et de suivi. Tout cela pourrait expliquer le fait que le résultat du traitement de ces complications infectieuses est très rarement évoqué dans la littérature [13–15]. Notre hypothèse principale était que le traitement des complications infectieuses survenant après traitement chirurgical d’un traumatisme de la cheville et de l’arrière-pied était à haut risque d’échec. Nous avons donc souhaité analyser les résultats du traitement de ces complications infectieuses ainsi que les facteurs d’échec.

pu être inclus (Fig. 1). Parmi ces patients, 29 (30 cas) avaient été pris en charge initialement dans le service et 4 avaient été transférés pour prise en charge dans le cadre du centre de référence des infections ostéoarticulaires complexes du grand Ouest (CRIOGO) (Fig. 1). Les caractéristiques des patients sont résumées dans le Tableau 1. L’âge moyen lors du traumatisme était de 52 ans. Les patients avaient pour principaux antécédents un tabagisme actif (21 %), un diabète (24 %), une obésité avec un indice de masse corporelle (IMC) supérieur à 30 (18 %) et une hypertension artérielle (39 %). Le score de l’American Society of Anesthesiolologists (ASA) était compris entre 1 et 2 dans 73 % des cas. Un geste de couverture cutanée par lambeau a été nécessaire lors de la prise en charge de la fracture dans 12 % des cas et pour le traitement de l’IOA dans 32 % des cas (Tableau 1). Un seul échec (1/4, 25 %) a été constaté après réalisation d’un lambeau en urgence contre six réalisés secondairement (6/11, 55 %). Le délai médian de couverture cutanée était de 33 jours (0–167). Le lambeau le plus utilisé a été le lambeau libre de gracilis (9/15) (Tableau 1).

3. Matériel et méthodes

3.3. Méthode d’étude

3.1. Patients, critères d’inclusion/exclusion

Le diagnostic d’IOA a été posé devant l’apparition d’une désunion cicatricielle, d’un écoulement purulent, de signes biologiques (leucocytes, élévation de la protéine C réactive [CRP]) et devant les résultats des prélèvements bactériologiques effectués en peropératoire [16]. Le diagnostic a été retenu lorsque l’infection est apparue dans les 12 mois suivant la chirurgie [17]. Le dossier a été discuté en Réunion de Concertation Pluridisciplinaire (RCP) du CRIOGO. La guérison de l’infection a été définie par l’absence de fistule et de signe(s) inflammatoire(s) locaux et généraux (fièvre), la normalisation de la CRP et la consolidation radiologique de la fracture au recul minimum de 2 ans. L’arthrodèse sans récidive de l’infection a été définie comme un succès. L’échec a été défini par la récidive de l’infection (apparition de signes cliniques et biologiques et la mise en évidence d’un germe) ou par une pseudarthrodèse ou une amputation.

Cette étude rétrospective monocentrique sur dossier, incluait les patients adultes pris en charge de janvier 2010 à décembre 2015 pour une infection ostéo-articulaire (IOA) survenue après le traitement chirurgical d’une fracture, associée ou non à une luxation, du pilon tibial, des malléoles, du talus ou du calcanéus. Les patients présentant une IOA dans les suites d’un traumatisme non opéré étaient exclus. 3.2. Population Sur cette période, 956 dossiers comportant un codage de fracture de la cheville et/ou de l’arrière-pied et/ou un codage IOA de la cheville et de l’arrière-pied ont été revus : 33 patients (34 cas) ont

Fig. 1. Diagramme de flux.

Tableau 1 Caractéristiques des patients, traitement de l’infection et devenir. Sexe

Âgea

Localisation de la fracture

Cinétique du traumatisme

Stade d’ouverture cutanée

Traitement initial

Délai de diagnostic infectionb Traitement de l’infection

Résultats (délaib )

1 2 3

M M F

85 30 56

Bimall Bimall Bimall

Basse énergie Inconnu Basse énergie

Fermée Fermée Fermée

Clou transplantaire P/H P/H

46 174 19

AMO, P/L AMO, P/L AMO, P/L

Fermée Fermée Fermée Fermée Fermée Fermée Fermée Fermée Fermée Fermée

P/H P/H Clou transplantaire plaque latérale P/H P/H P/H P/H P/H P/H

92 15 73 57 524 543 222 230 14 439

AMO, P/L P/L AMO, P/L AMO, P/L P/L AMO, P/L AMO, P/L AMO, P/L AMO, P/L, FE AMO, Ar

Basse énergie

Fermée

P/H

Gracile

41

AMO, P/L, FE

Pilon

Basse énergie

Fermée

FE

LFH

29

P/L

32

Pilon

Haute énergie

Fermée

Plaque

Hemi soléaire

110

AMO, P/L, FE

M M M F

27 26 20 49

Haute énergie Haute énergie Haute énergie Haute énergie

Gracile Gracile

M M F F M F

45 79 61 82 16 62

Haute énergie Basse énergie Inconnu Basse énergie Haute énergie Basse énergie

Fermée Fermée Fermée Fermée Gustilo II Gustilo II Gustilo IIIA Gustilo IIIA Gustilo IIIA Gustilo IIIB Gustilo IIIB

Plaque Plaque FE FE bilatéral

21 22 23 24 25 26

Calca Calca Calca + bimall Pilon + talus Pilon + talus Bimall Bimall Bimall Bimall Bimall Bimall

Hauban medial Clou transplantaire FE Clou transplantaire FE P/H

Gracilec

87 33 12 830 13 2 11 33 199 26 104

AMO, P/L P/L AMO, P/L P/L AMO, P/L Prélèvement P/L AMO, P/L AMO, P/L P/L Prélèvement

27 28 29 30 31 32

M M F M M M

57 66 73 24 26 57

Pilon Pilon Pilon Talus Talus + bimall Calca + talus

Haute énergie Haute énergie Basse énergie Haute énergie Inconnu Haute énergie

Gustilo I Gustilo II Gustilo IIIA Gustilo II Gustilo II Gustilo II

FE FE FE Broches FE Plaque + vis

Gracile Soléaire

28 38 19 9 637 122

P/L P/L, FE P/L P/L AMO, Am AMO, P/L, FE

33

M

52

Luxation TT

Haute énergie

Gustilo IIIB

FE

Gracilec

10

Prélèvement

Guérison Guérison Arthrodèse TTC (349) Guérison Guérison Guérison Guérison Guérison Guérison Guérison Guérison Amputation (941) Arthrodèse TT (486) Arthrodèse TT (807) Arthrodèse TT (157) Arthrodèse TTC (113) Guérison Guérison Guérison Amputation (135) Amputation (1268) Guérison Amputation (13) Guérison Guérison Guérison Arthrodèse TT (104) Guérison Guérison Guérison Guérison Amputation (664) Arthrodèse TTC (122) Guérison

4 5 6 7 8 9 10 11 12 13

F M F M F M M F F F

69 49 63 63 54 53 60 64 63 45

Bimall Bimall Bimall Bimall Bimall Bimall Bimall Bimall Bimall Bimall

Basse énergie Basse énergie Basse énergie Haute énergie Basse énergie Inconnu Basse énergie Basse énergie Basse énergie Basse énergie

14

F

61

Pilon

15

M

58

16

M

17 18 19 20

Lambeau

Fasciocutané

Gracilec Sural

Gracile Grand dorsalc Gracile

S. Krissian et al. / Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique 105 (2019) 705–710

Patient

F : féminin ; M : masculin ; bimall : bimalléolaire ; calca : calcanéus ; TT : tibio-talienne ; P/H : plaque latérale et hauban médial ; FE : fixateur externe ; AMO : ablation matériel d’ostéosynthèse ; P/L : prélèvements + lavage ; Ar : arthrodèse ; Am : amputation/prélèvement : systématique avant réalisation du lambeau ; TTC : tibio-talo-calcanéenne. a Années. b À partir de la fracture, en jours. c Lambeau réalisé lors de la prise en charge initiale de la fracture.

707

708

S. Krissian et al. / Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique 105 (2019) 705–710

3.4. Technique opératoire La prise en charge des IOA a été dictée par le protocole en vigueur dans notre établissement (Fig. 2). Une fois le diagnostic d’IOA posé, la reprise chirurgicale a consisté en un parage cutané, prélèvements bactériologiques et lavage. L’ablation du matériel d’ostéosynthèse a été effectuée si la consolidation a été jugée suffisante (> 45 jours postopératoires). Un lambeau a été nécessaire dans 11 cas. Dans 3 cas, le diagnostic d’IOA a été posé suite aux prélèvements effectués à titre systématique avant la réalisation du lambeau. Une antibiothérapie probabiliste intraveineuse postopératoire par piperacilline/tazobactam et vancomycine était débutée

après les prélèvements puis adaptée selon les résultats après discussion en RCP.

3.5. Analyse statistique Tous les tests statistiques ont été réalisés à l’aide du logiciel Gra® phPad PRISM . Nous avons eu recours au test de Mann-Whitney pour la comparaison de variables non paramétriques non appariées et au test de Fisher pour l’analyse des tableaux de contingence. Une valeur de p < 0,05 était considérée comme significative.

Fig. 2. Prise en charge des infections ostéo-articulaires (IOA) après traitement chirurgical des fractures de cheville et de l’arrière-pied. AMO : ablation de matériel d’ostéosynthèse, RCP : réunion de concertation pluridisciplinaire. * : antibiotiques par piperacilline/tazobactam et vancomycine.

S. Krissian et al. / Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique 105 (2019) 705–710 Tableau 2 Bactéries impliquées. Bactéries Staphylococcus aureus Enterobacter cloacae Enterococcus faecalis Pseudomonas aeruginosa Staphylococcus epidermidis Autres

709

Tableau 3 Comparaison des groupes. Nombre de patients concernésa 18 10 4 4 2 13

a Le nombre de pathogènes est supérieur à 34 car 14 infections étaient polybactériennes.

4. Résultats La durée moyenne de suivi a été de 20 mois (3–59 mois). Deux patients ont été perdus de vue (6 %). Le diagnostic d’IOA a été posé dans un délai médian de 44 jours (2–830). Les caractéristiques des germes sont résumées dans le Tableau 2. Les cultures étaient polymicrobiennes dans 14 cas (42 %). 4.1. Échec Le taux d’échec (5 amputations) sans infection au recul minimum de 2 ans était de 14,7 % (5/34 cas). Les fractures concernées étaient deux fractures bimalléolaires, une du pilon tibial, une du pilon associée au talus et une bimalléolaire associée au talus (Tableau 1). Le nombre moyen d’interventions était de 4,5. Deux patients ont nécessité le recours à un lambeau. 4.2. Succès Sept cas (20 %) ont nécessité le recours à une arthrodèse pour le traitement de l’infection. Une arthrodèse tibio-talienne a été effectuée dans 4 cas et une tibio-talo-calcanéenne dans les 3 autres cas. Les fractures concernées trois fractures bimalléolaires, trois du pilon tibial et une du talus associée au calcaneus (Tableau 1). Le nombre moyen d’interventions était de 4. Cinq patients ont nécessité le recours à un lambeau. Les arthrodèses ont toutes évoluées vers une consolidation radiologique ; nous n’avons donc pas eu de cas de pseudarthrodèse. En plus des 7 cas d’arthrodèses, 22 autres cas ont été considérés comme guéris. Pour ces derniers, les fractures les plus fréquentes étaient les fractures bimalléolaires (14/22, 64 %) suivies des fractures du pilon tibial (3), du calcanéum (2), du talus (1), d’une luxation tibio-talienne pure et d’une fracture bimalléolaire associée à une fracture du calcanéum (Tableau 1). Le nombre moyen d’interventions était de 2,4. Huit patients (36 %) ont requis un lambeau dont 2 ont été repris. 4.3. Analyse statistique En comparant les deux groupes (Tableau 3), nous n’avons pas pu mettre en évidence de différence significative concernant le type de fracture (ouverte ou fermée). Le stade d’ouverture cutanée des fractures était aussi comparable ainsi que les antécédents. Le matériel d’ostéosynthèse a été retiré lors de la prise en charge initiale de l’IOA dans 60 % des cas de succès et 40 % des échecs (p = 0,62). Sur les 5 cas de fractures multiples il y avait 3 échecs alors que sur les 29 cas de lésions isolées il y avait 2 échecs, p = 0,015. Parmi les 34 cas d’IOA, 29 avaient été pris en charge au CHU dès la fracture initiale. Le taux d’échec du traitement de l’IOA était de 31 % pour une prise en charge de la fracture et de l’IOA au CHU, et de 60 % pour une prise en charge uniquement de l’IOA au CHU.

Âge moyen (années) Sexe F M Cinétique Haute Basse Fracture Ouverte Fermée Localisation Bimalléolaire Pilon tibial Luxation TT Talus Calcaneus Fractures multiples

Succès (n = 29)

Échec (n = 5)

p

52

53

0,98

11 (38 %) 18 (62 %)

3 (60 %) 2 (40 %)

0,63

12 (41 %) 14 (48 %)

2 (40 %) 2 (40 %)

1

11 (39 %) 18 (61 %)

3 (60 %) 2 (40 %)

0,63

17 (59 %) 6 (21 %) 1 (3 %) 1 (3 %) 2 (7 %) 2 (7 %)

2 (40 %)

0,015

3 (60 %)

n : nombre ; F : féminin ; M : masculin ; TT : tibiotalienne.

5. Discussion Notre étude confirme que les infections après traitement chirurgical des fractures de la cheville et/ou de l’arrière-pied sont de mauvais pronostic. Malgré une prise en charge pluridisciplinaire dans un centre de référence, le taux d’échec lié aux amputations était de 15 %. Les arthrodèses (consolidées et non infectées) représentaient un taux de 20 %. Bien que l’arthrodèse soit un geste enraidissant avec des risques de décompensation arthrosique des articulations adjacentes, nous l’avons considérée comme un succès. En effet, les succès étaient définis par la guérison de l’infection, indépendamment de la mobilité articulaire, cette dernière pouvant être réduite après toute fracture articulaire compliquée d’une infection. Les facteurs de risque de complications après traitement chirurgical des fractures du calcaneum, retrouvés dans la littérature, étaient le score ASA > 1, l’absence de drainage [8], la non compliance du patient [9] et l’expérience du chirurgien [18]. D’autres facteurs de risque ont été retrouvés dans les suites du traitement chirurgical de fracture de la cheville : diabète, neuropathie périphérique, fracture ouverte et non compliance du patient [19]. L’effectif de notre étude était trop faible pour pouvoir mettre en évidence des facteurs de risque particuliers. Nous rapportons 5 cas d’amputation transtibiale (15 %), toutes après fractures du pilon tibial ou bimalléolaire dont 3 fractures ouvertes. Le taux d’amputation pour infection varie dans la littérature de 0 à 50 %. Dans notre série, pour 7 patients (21 %), le traitement de l’infection a nécessité une arthrodèse tibiotalienne et/ou tibio-talo-calcanéenne. Heier [10] rapporte 11 arthrodèses sous talienne ou triple arthrodèses sur 33 fractures ouvertes du calcanéum (33 %). Kienast [20] rapporte une série de 133 patients présentant une infection post-traumatique de la cheville, avec lésions ostéocartilagineuses importantes, dont 129 ont été traitées par arthrodèse tibiotalienne. Zalavras [15] et Malizos [14] ont décrit des protocoles de prise en charge des IOA suite au traitement chirurgical des fractures de cheville. Notre prise en charge (Fig. 2) est basée sur 2 principes : obtenir une couverture cutanée de qualité en recourant facilement aux lambeaux de couverture et enlever si possible le matériel interne dès que la stabilité de la fracture le permet, avec si besoin un relais par un fixateur externe et sans antibiotiques locaux à la différence de Malizos ou Zalavras qui préfèrent ne pas enlever le matériel si l’infection survient avant 10 semaines. En cas de perte de substance osseuse, une arthrodèse en utilisant la technique de la membrane induite de Masquelet peut être utilisée. La durée et les modalités de

710

S. Krissian et al. / Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique 105 (2019) 705–710

l’antibiothérapie dépendent du germe, de la présence de matériel et du terrain. Le recours à un geste de couverture cutanée par lambeau varie de 15 à 40 % dans la littérature [7,10,14,15,21,22], mais le délai de réalisation du lambeau et les indications ne sont pas évoquées. Comme Aldridge [7], nous considérons que le recours à un geste de couverture cutanée fait partie intégrante du traitement initial. En effet, nous observons 25 % d’échecs de traitement de l’IOA chez les malades ayant eu un lambeau initialement contre 55 % pour ceux ayant eu un lambeau lors de la prise en charge de l’IOA. Ces éléments plaident en faveur d’une prise en charge pluridisciplinaire d’emblée avec la réalisation d’un lambeau au moindre doute sur la qualité de couverture. Nous n’avons pas l’expérience de l’utilisation de la thérapie à pression négative dans ces situations. Notre étude a l’inconvénient d’être rétrospective avec un effectif réduit. Nous sommes conscients d’avoir une cohorte hétérogène en ayant regroupé les fractures de la cheville et de l’arrière-pied mais il nous paraît important de pouvoir prendre en compte l’ensemble de ces fractures notamment à cause des fractures multiples associant parfois une fracture du pilon tibial et du talus. Les principes de prise en charge dans notre centre étaient homogènes, traduisant la discussion des dossiers en RCP. 6. Conclusion Le taux d’échec fonctionnel des IOA survenant après fractures de la cheville et/ou de l’arrière-pied est important malgré une prise en charge dans le cadre de RCP associant orthopédistes, infectiologues, plasticiens et microbiologistes. L’information du patient au sujet de ces potentielles complications est primordiale dès la prise en charge initiale en urgence compte tenu de leur gravité. Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. Sources de financement Aucune. Contributions des auteurs S. Krissian : bibliographie, recueil des données, rédaction, correction. R. Samargandi : bibliographie, recueil des données. J. Druon : relecture, correction. P. Rosset : direction du travail, relecture, correction. L.R. LeNail : codirecteur du travail, relecture, correction. Tous les auteurs ont lu et validé la version finale et soumise du manuscrit.

Remerciements À Madame Thuy Verna pour son aide précieuse pour la collection des données. Références [1] Court-Brown CM, Caesar B. Epidemiology of adult fractures: a review. Injury 2006;37:691–7. [2] Shibuya N, Davis ML, Jupiter DC. Epidemiology of foot and ankle fractures in the United States: an analysis of the National Trauma Data Bank (2007 to 2011). J Foot Ankle Surg 2014;53:606–8. [3] Thur CK, Edgren G, Jansson K-Å, Wretenberg P. Epidemiology of adult ankle fractures in Sweden between 1987 and 2004: a population-based study of 91,410 Swedish inpatients. Acta Orthop 2012;83:276–81. [4] Mauffrey C, Vasario G, Battiston B, Lewis C, Beazley J, Seligson D. Tibial pilon fractures: a review of incidence, diagnosis, treatment, and complications. Acta Orthop Belg 2011;77:432–40. [5] Dujardin F, Abdulmutalib H, Tobenas AC. Total fractures of the tibial pilon. Orthop Traumatol Surg Res 2014;100:S65–74. [6] Bonnevialle P, Bonnomet F, Philippe R, Loubignac F, Rubens-Duval B, Talbi A, et al. Early surgical site infection in adult appendicular skeleton trauma surgery: a multicenter prospective series. Orthop Traumatol Surg Res 2012;98:684–9. [7] Aldridge JM, Easley M, Nunley JA. Open calcaneal fractures: results of operative treatment. J Orthop Trauma 2004;18:7–11. [8] Backes M, Schepers T, Beerekamp MSH, Luitse JSK, Goslings JC, Schep NWL. Wound infections following open reduction and internal fixation of calcaneal fractures with an extended lateral approach. Int Orthop 2014;38:767–73. [9] Benirschke SK, Kramer PA. Wound healing complications in closed and open calcaneal fractures. J Orthop Trauma 2004;18:1–6. [10] Heier KA, Infante AF, Walling AK, Sanders RW. Open fractures of the calcaneus: soft-tissue injury determines outcome. J Bone Joint Surg Am 2003;85A:2276–82. [11] Molina CS, Stinner DJ, Fras AR, Evans JM. Risk factors of deep infection in operatively treated pilon fractures (AO/OTA: 43). J Orthop 2015;12:S7–13. [12] Ovaska MT, Madanat R, Honkamaa M, Mäkinen TJ. Contemporary demographics and complications of patients treated for open ankle fractures. Injury 2015;46:1650–5. [13] Asloum Y, Bedin B, Roger T, Charissoux J-L, Arnaud J-P, Mabit C. Internal fixation of the fibula in ankle fractures: a prospective, randomized and comparative study: plating versus nailing. Orthop Traumatol Surg Res 2014;100:S255–9. [14] Malizos KN, Gougoulias NE, Dailiana ZH, Varitimidis S, Bargiotas KA, Paridis D. Ankle and foot osteomyelitis: treatment protocol and clinical results. Injury 2010;41:285–93. [15] Zalavras CG, Christensen T, Rigopoulos N, Holtom P, Patzakis MJ. Infection following operative treatment of ankle fractures. Clin Orthop 2009;467:1715–20. [16] Metsemakers WJ, Morgenstern M, McNally MA, Moriarty TF, McFadyen I, Scarborough M, et al. Fracture-related infection: a consensus on definition from an international expert group. Injury 2018;49:505–10. [17] Horan TC, Gaynes RP, Martone WJ, Jarvis WR, Emori TG. CDC definitions of nosocomial surgical site infections, 1992: a modification of CDC definitions of surgical wound infections. Infect Control Hosp Epidemiol 1992;13:606–8. [18] Court-Brown CM, Schmied M, Schmidt M, Schutte BG. Factors affecting infection after calcaneal fracture fixation. Injury 2009;40:1313–5. [19] Miller AG, Margules A, Raikin SM. Risk factors for wound complications after ankle fracture surgery. J Bone Joint Surg Am 2012;94:2047–52. [20] Kienast B, Kiene J, Gille J, Thietje R, Gerlach U, Schulz AP. Posttraumatic severe infection of the ankle joint - long term results of the treatment with resection arthrodesis in 133 cases. Eur J Med Res 2010;15:54–8. [21] Boraiah S, Kemp TJ, Erwteman A, Lucas PA, Asprinio DE. Outcome following open reduction and internal fixation of open pilon fractures. J Bone Joint Surg Am 2010;92:346–52. [22] Rightmire E, Zurakowski D, Vrahas M. Acute infections after fracture repair: management with hardware in place. Clin Orthop 2008;466:466–72.