Le Paléolithique Supérieur dans la moyenne vallée de l’Ebre

Le Paléolithique Supérieur dans la moyenne vallée de l’Ebre

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L’anthropologie 112 (2008) 168–181 http://france.elsevier.com/direct/ANTHRO/

Article original

Le Paléolithique Supérieur dans la moyenne vallée de l’Ebre Upper Palaeolithic in the central Ebro Valley Lourdes Montes a,*, Pilar Utrilla b a

Dpto. Ciencias de la Antigüedad (Prehistoria), Universidad de Zaragoza, Plaza de la Universidad 3, 22002 Huesca, Espagne b Dpto. Ciencias de la Antigüedad (Prehistoria), Universidad de Zaragoza, C/Pedro Cerbuna 12, 50009 Zaragoza, Espagne Disponible sur Internet le 2 avril 2008

Résumé Après 30 ans de recherches, nous commençons à envisager une esquisse du Paléolithique Supérieur dans l’axe de la vallée de l’Ebre. Les données obtenues permettent de parler des occupations sur le versant méridional des Pyrénées, mais aussi sur les contreforts de la Cordillère Ibérique et la dépression de l’Ebre. Tous ces sites semblent marquer les voies de passage avec les territoires voisins, en mettant l’accent sur le rôle de couloir de communication du bassin de l’Ebre. # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract After 30 years of research, we begin to perceive an incipient outline of the Upper Palaeolithic in the central Ebro Valley. The assembled data permit us to speak of human occupation on the Southern face of the Pyrenees, but also on the borders of the Iberian Mountains and of the Ebro basin. All these sites seem to mark the passageways from and to the neighbour territories, emphasizing the communication pathway role of the Iberian basin. # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Paléolithique Supérieur ; Vallée de l’Ebre ; Communications ; Art paléolithique ; Industries lithiques et osseuses Keywords: Upper Palaeolithic; Ebro basin; Communications; Palaeolithic Art; Lithic and bone industries

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (P. Utrilla). 0003-5521/$ – see front matter # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.anthro.2008.02.005

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1. Introduction Les recherches sur le Paléolithique Supérieur dans le bassin Moyen de l’Ebre font partie d’un travail récent, qui commence au début des années 1980. Quoiqu’il reste encore beaucoup à faire, les données obtenues ont contribué à quelques synthèses sur l’ensemble du Paléolithique (Utrilla, 1992, 2000) ou plus particulièrement sur le Paléolithique Supérieur (Utrilla, 1995, 1997 ; Utrilla et Mazo, 1996a ; Utrilla et Montes, 2007a). Dans cet article, nous ne traiterons que de la région dite « Aragón » où nous développons nos fouilles et nos recherches. Néanmoins, nous insérerons notre propos dans le cadre plus vaste du bassin de l’Ebre. Nous ferons ainsi références aux territoires de Navarre et de La Rioja, où se trouvent deux gisements fouillés par nous : les grottes d’Abauntz et de Peña Miel. Par ailleurs, nous mettrons en rapport le bassin ibérique avec les territoires voisins : le quart nord-est de la Péninsule Ibérique et le sud de la France (Fig. 1). Le bassin de l’Ebre comprend le versant sud des Pyrénées, la dépression de l’Ebre et la Chaîne ibérique. La composition, ainsi que les structures de ces trois unités sont très différentes. Cela implique une diversité de paysages et de ressources. Bien que nous connaissions des sites du Paléolithique Supérieur dans les trois zones, leur répartition n’est pas équilibrée. Alors que les occupations connues sont rares dans la vallée de l’Ebre (Grotte du Gato, à Épila), les sites connus sur les deux chaînes montagneuses sont plus nombreux, surtout sur le versant pyrénéen. En plus, sur les différences structurelles des trois unités morphologiques, on doit ajouter les variables de latitude, orientation des reliefs et d’altitude (entre vallée et montagne). Tous ces facteurs engendrent une vaste mosaïque de conditions climatiques qui influent sur la couverture végétale. Dans le bassin de l’Ebre, et en Aragón, on rencontre une grande variabilité du paysage (du désert des plaines monnegrines, à la flore alpine des sommets pyrénéens) en traversant plusieurs gradients climatiques (en ce qui concerne les températures et les précipitations). Le fort

Fig. 1. Carte du bassin de l’Ebre avec les gisements décrits dans le texte et les voies de communications possibles avec les territoires voisins, à travers les bassins fluviatiles (Cinca-Segre, Jalón et Guadalope). Fig. 1. Ebro basin map, with the archaeological sites described in the text and the possible communication ways with the neighbour territories through the fluvial basins (Cinca–Segre, Jalón and Guadalope).

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vent du nord-ouest, canalisé par la Dépression même accentue les processus érosifs et empêche la régénération végétale. Il est le seul trait commun à tous ces territoires d’ambiances si contrastés. 2. Le piémont pyrénéen : milieu physique et gisements D’une longueur de 450 km environ, les Pyrénées s’étendent du golfe de Biscaye (mer Cantabrique) jusqu’au cap de Creus (Méditerranée). Les sommets les plus élevés (Aneto 3404 m) ainsi que la plus grande largeur du massif sont situés dans le secteur central de la chaîne, au niveau de l’aire aragonaise. Nous y rencontrons ces deux unités lithologiques principales : le Massif Paléozoïque d’origine hercynienne qui articule la cordillère et les Sierras Interiores et Exteriores, dont les sédiments secondaires et tertiaires pliés pendant l’orogenèse alpine, encadrent le noyau central. Dans ce cadre pyrénéen, on trouve les sites d’Abauntz en Navarre ; Legunova et Peña-14 à Saragosse et Chaves, Forcas et Alonsé dans la province de Huesca. Deux grottes à Huesca présentent des vestiges d’art rupestre : Fuente del Trucho (aussi avec des restes d’habitation), et Forcón. Tous ces gisements ont en commun leur localisation sur les reliefs des Sierras Exteriores qui entourent le massif axial, seuls les sites d’Abauntz, de Fuente del Trucho et de Forcón sont de véritables grottes karstiques ouvertes dans le calcaire. Legunova et Peña-14 sont des modestes abris-sous-roche d’origine érosive creusés dans les grés piémontais de la Sierra de Santo Domingo. Dans les conglomérats adossés aux reliefs calcaires s’ouvrent Chaves (grotte de grandes dimensions) et Forcas et Alonsé (simples abris sous parois en surplomb). Les conditions générales sont semblables (ambiance de semi-montagne qui permet l’accès à des ressources diverses) à partir d’une même stratégie d’occupation du territoire, qui a permis aux populations de profiter des particularités locales lithologiques. 3. La Dépression centrale : milieu et gisements La Dépression de l’Ebre, parcourue par ce fleuve et ses affluents, se présente comme un triangle encadré par les Pyrénées au Nord, la cordillère Ibérique au sud et la chaîne CosteroCatalana à l’Est. Il s’agit d’un bassin sédimentaire de profil dissymétrique, dont l’axe a subi un déplacement vers le sud. Les sédiments marins de l’Eocène qui sont à la base des formations ont été ensuite recouverts par des apports continentaux de l’Oligocène. Ces derniers ont subi l’action tectonique postérieure. À la fin du Tertiaire, ce bassin endoréique, s’ouvre sur la Méditerranée. Un processus érosif va se déclencher et contribuer à l’encaissement du réseau fluvial : apparition des muelas et organisation définitive et actuelle du réseau, avec des dépôts alluviaux caractéristiques (glacis et terrasses) dans les parties basses du bassin. À la limite de la Dépression et de la cordillère Ibérique se trouve la Grotte du Gato (Épila, Zaragoza), dans le karst des Montes de Rodanas, dernier prolongement de la Chaîne Ibérique. D’une faible hauteur (600 m environ) et orienté vers le bassin, ce relief assure la transition entre les deux unités citées. Ainsi, ses habitants avaient un accès facile vers les reliefs ibériques méridionaux mais aussi vers les plaines du cours inférieur du Jalón et vers l’Ebre. 4. Le piémont ibérique : milieu et gisements La cordillère Ibérique est un grand arc montagneux de 400 km environ qui encadre la Meseta à l’Est et limite partiellement la Dépression de l’Ebre au Sud. Elle est caractérisée par une

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disposition discontinue, où alternent des massifs montagneux (San Lorenzo, Urbión, Moncayo. . .) et des dépressions allongées. L’orogenèse hercynienne a plié des matériaux essentiellement marins. Une étape de fracturation a suivi avec de grandes failles qui ont compartimenté la cordillère. De nouvelles séries détritiques d’origine marine (carbonates) et continentale (conglomérats, argiles et sables) se sont déposées postérieurement. Tout cet ensemble a subi l’orogenèse alpine, avec une alternance de phases de compression et de distension, qui a modelé le relief. Ce dernier ne correspond pas au modèle alpin typique. Le piémont ibérique se présente comme une chaîne où les plissements, alternent avec des reliefs tabulaires. Dans ce cadre, on trouve les abris calcaires d’Alexandre et Vergara à Deza, Soria, ceux qui sont creusés dans les grés de Peña del Diablo 1 et 2 à Cetina, et la grotte Bolichera à Calcena, tous les trois à Saragosse. Les cinq sites ont en commun leur localisation dans le bassin du Jalón et ses affluents, le passage vers la Meseta : les rivières Henar (gisements de Deza et Cetina) et Isuela (Bolichera). Plus à l’Est, dans la province de Teruel, les gisements du Maestrazgo, montrent des liens avec l’aire méditerranéenne. Ángel-1 (Ladruñán) est un grand surplomb calcaire sur le Guadalope, affluent de l’Ebre. La grotte des Toros à Cantavieja, domine une petite rivière tributaire aussi du Guadalope. Ces deux sites seraient peut-être une halte sur la route d’accès au Pays Valencien le long des fleuves Guadalope et Mijares. On peut ajouter le site de Las Callejuelas à Monteagudo del Castillo (Teruel). Il s’agit d’une halte de chasse de chevaux et bovidés encore non daté et dont l’industrie lithique (petits grattoirs carénés et becs) empêche une filiation culturelle nette. La liste des sites de la rive droite de l’Ebre est complétée par deux sites en plein air, avec des gravures rupestres douteuses. L’abri de Valdearcos à Tabuenca (Saragosse), très proche de Bolichera, présente un bovidé de style atypique et la Roca Hernando, à Cabra de Mora (Teruel), montre une série de traits profondément gravés qui pourrait correspondre à de probables figurations animales. 5. Révision diachronique Dans les pages suivantes, nous allons présenter l’état de nos connaissances sur le Paléolithique Supérieur du bassin central ibérique. Nous parlerons aussi des relations possibles entre les terres du bassin ibérique et les régions voisines : Meseta, versant nord pyrénéen, territoires côtiers cantabriques et méditerranéens. La révision des données permet d’émettre un tableau général des gisements (Tableau 1), leurs séquences reliées au Paléolithique Supérieur et leur attribution culturelle précise, et les datations C14 (date, référence de laboratoire, type d’analyse et matière première datée). 5.1. Le Paléolithique Supérieur initial Quand on parle des débuts du Paléolithique Supérieur en Aragón, on évoque surtout les gisements de la chaîne ibérique : le Gravettien de l’abri Ángel-1 et peut-être l’Aurignacien de Toros à Cantavieja et de Las Callejuelas de Monteagudo del Castillo. Sur les rebords de la chaîne, on peut citer aussi la grotte de Peña Miel (Nieva de Cameros, La Rioja), fouillée au XIXe siècle par E. Lartet, puis reprise par le Utrilla en 1980. La couche c, (Moustérien le plus récent de la grotte), est surmontée d’une série de matériaux du Paléolithique Supérieur (grattoirs, dont quelques uns sont carénés, et burins sur lame) que l’on a attribué à l’Aurignacien d’après les études fauniques (présence de Crocuta dans un niveau supérieur). Une datation faite sur un os de la partie

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Tableau 1 Table des gisements concernés, avec les couches et les dates du Paléolithique Supérieur dans l’axe du bassin de l’Ebre Table 1 Concerned archaeological sites table, with the levels and dates of the Upper Palaeolithic in the Central Ebro Basin zone Gisement Abauntz (Utrilla & Mazo, 1996) (Utrilla & Mazo, 1996) Legunova (Montes, 2005a) (Montes, 2005a) (Montes, 2005a) (Montes, 2005a) (Montes, 2005a) (Montes, 2005a) (Montes, 2005a) Peña 14 (Montes, 2005a) (Montes, 2005a) (Montes, 2005a) Chaves (Utrilla, 1995) (Utrilla, 1995) (Utrilla, 1995) (Utrilla, 1995) Fte. Trucho (Mir & Salas, 2000) (Mir & Salas, 2000) (Montes et al., 2006) (Montes et al., 2006) Alonsé (Montes, 2005a) (Montes, 2005a) Forcas I (Utrilla & Mazo, s.p.) (Utrilla & Mazo, s.p.) (Utrilla & Mazo, 1991) (Utrilla & Mazo, s.p.) (Utrilla & Mazo, 1991) (Utrilla & Mazo, s.p.) Peña Miel (Montes et al., 2000) P. Diablo 1 (Utrilla et al., 1999) Vergara (Utrilla & Blasco, 2000) Alejandre (Utrilla & Blasco, 2000) C. Gato (Blasco & Rodanés, 2004) (Blasco & Rodanés, 2004) Ángel 1 (Utrilla et al., 2003) Toros (Montes et al., 2006) (Montes et al., 2006) (Montes et al., 2006)

Niveau

Culture

C 14

Laboratoire

Type

Matériela

2r e

Magd. Supérieur/Final Magd. Moyen

11760  90 13500  160

OxA-5116 OxA-5983

AMS AMS

C H

m q q q q q q

Epipal. /Magd.Final Magd. Sup/Final Magd. Sup/Final Magd. Sup/Final Magd. Sup/Final Magd. Sup/Final Magd. Sup/Final

10760  60 11240  60 11640  60 11780  60 11980  80 12060  60 12500  90

GrA-24295 GrA-27846 GrA-27841 GrA-27843 GrA-22087 GrA-24296 GrA-22089

AMS AMS AMS AMS AMS AMS AMS

C C C C C H C

d d d

Epipal. /Magd.Final Epipal. /Magd.Final Epipal. /Magd.Final

10160  130 10430  190 10630  100

GrN-25096 GrN-26001 GrN-26000

Conv. Conv. Conv.

C C C

c1 2a 2b 2b

Solutréen Magd. Final Magd. Supérieur Magd. Supérieur

19700  310 12020  350 12660  70 12950  70

GrN -12681 GrN -12682 GrN-14561 GrN-15635

Conv. Conv. Conv. Conv.

HH HH HH HH

UA1 UA3 Remanié Remanié

Moustérien Moustérien Gravettien ? Magdalénien ?

19060  80 a 22460  150 a 20800  100 13244  945

Beta 72393 Beta-80691 GrA-29915 MADN-4624

AMS AMS AMS TL

H C H Sb

m m

Mad. Inférieur Mad. Inférieur

15069  90 14840  90

GrA-21536 GrA-21537

AMS AMS

C C

10 13 13 14 14 15

Magd. Magd. Magd. Magd. Magd. Magd.

Final Supérieur Supérieur Supérieur Supérieur Inférieur

11015  45 12010  60 12620  360 12600  60 13010  320 14440  70

GrA-32955 GrA-33987 GrN-17787 GrA-33986 GrN-17788 GrA-25979

AMS AMS Conv. AMS Conv. AMS

H H H H H H

c

Moustérien/Aurignacien

37300  1300

OxA-5518

AMS

C

2

Magd.Final/Az

10760  140

GrN-21014

Conv.

C

d

Magdalénien

14000  100

GrA-8403

AMS

H

IIIb

Magdalénien

15370  110

GrN-23448

Conv.

C

2 2

Solutréen? Solutréen?

18260  130 18650  140

GrA22503 GrA-22505

AMS AMS

C C

10b med

Gravettien

25330  190

GrA-16961

AMS

C

a2/b a2/b a2/b

Magdalénien Inférieur Aurignacien ? Aurignacien ?

14410  70 27770  180 30920  240

GrA-27867 GrA-29140 GrA-24788

AMS AMS AMS

H C H

C : charbon de bois ; H : os unique ; HH : lot d’esquilles osseuses ; Sb : silex brûlé. a Dates avec des problèmes (Montes et al., 2006).

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supérieure de la couche donne 37 700  1300 ans BP. Un doute subsiste sur l’époque datée par l’échantillon : Aurignacien du sommet ou Moustérien présent dans toute la couche. Le caractère aurignacien de l’industrie est indubitable mais, l’échantillon daté demeure douteux (Montes et al., 2000, 2006). À Ladruñán, dans l’abri d’Ángel-1, la séquence stratigraphique antérieure à l’Holocène est puissante : sous un lit épais de sables stériles (déposés par les crues du Guadalope qui coule au pied de l’abri), apparaît un atelier lithique avec des nucléus, des éclats et des lames, des burins sur troncature et quelques pièces à dos dont quelques pointes type de la Gravette. Nous sommes en présence d’une courte occupation du site. Les hommes ont certainement profité de l’excellente qualité du silex local. La typologie lithique ainsi que la date obtenue (25 330  190 ans BP) placent cette occupation, que l’on peut rattacher à l’aire levantine, durant le Gravettien (Utrilla et al., 2003). Dans la grotte des Toros de Cantavieja, le dépôt est partiellement soliflué et de fait très difficile à interpréter. Au-dessus de trois couches moustériennes, on rencontre une couche peu épaisse (a2/b), qui a subi les effets de la solifluxion avec des outils typiques du Paléolithique Supérieur (grattoirs sur lame, parfois doubles, troncatures et petites pièces à dos). Cette industrie a été attribuée au Magdalénien final, voire, à l’Épipaléolithique microlaminaire (Utrilla et Álvarez, 1985). Vingt ans plus tard, une datation AMS sur un os de cette couche a donné une date de 30 920  240 ans BP. Cette attribution aurignacienne était surprenante à moins que nous ayons daté un os « pris » par la solifluxion de la couche sous-jacente moustérienne. De nouveaux travaux en 2004, ont permis de nuancer nos conclusions. La couche posait des problèmes d’identification stratigraphique lors de sa position sommitale. L’industrie lithique de cette couche sommitale est bien plus proche des standards magdaléniens même si l’on a des pièces ‘‘aurignaciennes’’ (quelques grattoirs légèrement carénés). Cependant les dates récemment obtenues, chacune sur un seul os, rattachent cette séquence aux deux périodes : 27 770  180 ans BP (Aurignacien) et 14 410  70 ans BP (Magdalénien) (Montes et al., 2006). Le site de Las Callejuelas, sur le ravin de la Tejería (aux sources du Mijares) à Monteagudo del Castillo (Teruel) est un cas particulier. Il s’agit d’une halte de chasse de chevaux et de bovidés qui reste encore non datée malgré plusieurs essais de datations infructueux. L’industrie lithique (petits grattoirs carénés et becs) ne permet pas un diagnostic certain. Elle ressemble aux industries Protocharentiennes de Bolomor phase IV, bien éloignées de notre propos, mais aussi à l’industrie de la couche 18c de la grotte du Castillo, industrie de « transition » et des débuts de l’Aurignacien Cantabrique (Utrilla et al., 2004a). Dans le bassin du Mijares, à Cabra de Mora, un autre site remarquable à la chronologie douteuse doit être mentionné. C’est une roche en plein-air, dite Roca Hernando, dont la surface est entièrement couverte de traits profonds, dans lesquels on a pu envisager une tête d’aurochs ou de cerf, peut-être deux bisons et d’autres figures indéterminées. Sont-ce des contours inachevés, comme on en rencontre par exemple aux Gargas ou dans la partie archaïque des Trois Frères ? (Utrilla et al., 2001). Sur le versant sud des Pyrénées, on ne connaît que trois sites d’habitat anciens, en Navarre : le site de plein air de Mugarduia Sud, avec des pointes et lames à dos, mais sans datation ; le niveau 2 de la grotte d’Alkerdi, avec une grande pointe à dos datée de 26 470 + 530/ 490 ans BP (GrN20 322) et le niveau IIb am de la grotte de Zatoya, datée du 28 870 + 760/ 690 ans BP (GrN23 999) (Barandiarán et Cava, 2001). En Aragón, on connaît un site majeur supposé appartenir au Paléolithique Supérieur. C’est le panneau des gravures extérieures, à trait profond, de La Fuente del Trucho, à Huesca. Parmi plusieurs traits gravés, on reconnaît un cervidé (renne ?), deux chevaux (l’un d’eux pourrait être

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un félin ?) et deux figures d’ours et leurs griffes. À l’intérieur de la grotte, sur toute la voûte et les parois du fond, on rencontre une série de mains négatives peintes en noir et en rouge, qui pourraient être contemporaines des gravures de l’extérieur. Il s’agit de mains d’enfants, dont il manque la troisième phalange, tels qu’on les connaît à Gargas et Tibiran, de l’autre coté de la chaîne pyrénéenne. La date de 22 460  150 ans BP obtenue par A. Mir sur un échantillon de plusieurs os, découverts dans la couche 3 (par ailleurs moustérienne) de l’habitat (Mir et Salas, 2000), pourrait se rattacher à cet ensemble figuratif et indique une intrusion postérieure à la première occupation néandertalienne du site (Utrilla et Montes, 2007a). Durant l’été 2005, nous avons repris un petit sondage sous le panneau gravé. Ce sondage, ouvert en 1980 par Utrilla, avait livré quelques microlamelles en silex, étrangères aux couches moustériennes découvertes par A. Mir. La fouille étendue, sur 16 m2 a permis la découverte de quelques lamelles à dos et de trois fosses circulaires qui s’ajoutent à une autre trouvée lors de l’ancien sondage. L’une de ces fosses était encadrée par un cercle de pierres et une grande dalle calcaire sous laquelle on a récupéré un charbon en bois qui a livré la date 1235  35 ans BP. Ces cuvettes auraient pu être creusées au début du Moyen-Âge. À l’intérieur de la grotte, on a effectué un deuxième sondage sur 10 m2 au pied d’un panneau peint de mains et de signes trilobés. Malheureusement, le dépôt était remanié. On a récupéré des matériaux lithiques sans contexte, dont quelques-uns pourraient appartenir à l’Aurignacien (grattoirs carénés à museau, lames étranglées) et au Gravettien (pointes à dos). Une date de 20 800  100 ans BP faite sur un os, marquerait le moment final de cette occupation du Paléolithique Supérieur initial et s’accorderait bien avec quelques motifs représentés (mains, séries de points, gravures extérieures). Parallèlement, les digitations courbes de type « macaroni » trouvées dans la grotte du Forcón (Casado, 1985), à Sierra Ferrera, pourraient être rapportées à cette époque ancienne. Un foyer de grottes ornées anciennes sur le versant Sud des Pyrénées, peut-être supposé et mis en rapport avec certaines grottes du versant Nord comme Gargas, (mains incomplètes, macaroni. . .). 5.2. L’étape solutréenne À la Fuente del Trucho, les parois de la salle intérieure portent plusieurs représentations de chevaux qui constituent en termes de fréquence, le deuxième thème figuratif. Il s’agit de têtes et de figures complètes, dont certaines pourraient être rapprochées au Gravettien final ou au Solutréen ancien d’après la séquence de Parpalló (Villaverde, 1994). On peut noter la présence d’un cheval à pattes parallèles ouvertes, sans détails intérieurs, opposé à un autre petit cheval. Tous deux présentent une courbe cervicodorsale très accentuée. D’autres chevaux, l’un associé à un signe en forme de trèfle (ou trilobé), d’autres à des doubles séries de ponctuations, présentent plus de détails : crinière à traits verticaux, cou, œil et indication de la bouche. Ces détails évoquent du point de vue stylistique un solutréen plus avancé. Il pourrait être alors mis en relation avec la date de 19 060  80 ans BP obtenue pour la couche 1 (aussi moustérienne, problèmes d’échantillon dites) des fouilles d’Anna Mir. Une gravure de cheval sur un galet venant de la couche 6 de la petite Grotte de Bize (Sacchi, 1986 : 69), rappelle les figures de la Fuente del Trucho. Cette ressemblance pourrait supposer des contacts avec les Pyrénées orientales pendant le Solutréen supérieur (Utrilla et Montes, 2007a et b). Ces relations supposées seraient confirmées au Solutréen final à pointes à cran de la grotte de Chaves (Huesca), daté de 19 700  300 ans BP. Les industries et dates radiométriques montrent des affinités avec le Languedoc français et notamment le Salpêtrien ancien de la grotte de La Salpêtrière. Par le bassin du Cinca-Segre, il existe bien une liaison avec le Languedoc à travers la

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Cerdagne et les vallées du Têt et de l’Aude (Utrilla et Mazo, 1994). Lors de la fouille de 2005 dans le dépôt remanié de la salle intérieure de la Fuente del Trucho, quelques pointes à cran (identiques aux exemplaires de la grotte de Chaves) ainsi que l’extrémité d’une pointe à retouche plate bifaciale ont été découvertes. Ces pièces concorderaient avec la date de 19 060 ans BP citée plus haut. Dans la partie occidentale des Pyrénées, le niveau solutréen final (couche f) de la grotte d’Abauntz (Navarre), présente des pièces de typologie cantabrique et aquitaine : pointes à cran à retouches plates. Des rapports sont possibles avec les sites du versant nord (Azkonzilo, Isturitz, Brassempouy et Montaut) par l’axe Velate-Maya et Otsondo, utilisé tout au long de l’Histoire (Utrilla et Mazo, 1994, 1996a). Sur les rebords de la dépression de l’Ebre et de la Cordillère Ibérique, la couche 2 de la grotte du Gato (Épila) a livré des restes lithiques sans indices solutréens, malgré les dates obtenues (18 650  140 ans et 18 260  130 ans BP). L’industrie lithique sur lame comprend des grattoirs, des burins et des pièces à dos, sans présence de retouche plate. On notera aussi la présence d’une pendeloque en bois de cervidé avec un décor géométrique incisé (dont on ne connaît pas d’équivalent dans le Solutréen), d’une sagaie en bois de renne cassée et réutilisée comme pendeloque et de deux coquilles marines – Trivia perforée et fragment de Cypraea– (Blasco et Rodanés, 2004; Utrilla et al., 2006). 5.3. Le Magdalénien Si l’on compare avec les périodes antérieures, l’époque magdalénienne montre un grand développement. Le nombre de gisements est trois fois plus important que durant les époques antérieures. Certains sites montrent une succession de plusieurs couches magdaléniennes différentes (Utrilla et Montes, 2007a). Ces sites attribués au début du magdalénien (Dryas ancien) sont localisés dans la partie orientale du bassin de l’Ebre. Au Tardiglaciaire, les sites sont répartis sur l’ensemble du territoire (Figs. 2 et 3). 5.3.1. Le Magdalénien ancien Dans l’aire aragonaise, on connaît des sites magdaléniens anciens sur les contreforts pyrénéens et ibériques. Dans le bassin Cinca-Segre, (Huesca), on signalera la Cova Alonsé, datée de 15 069  90 ans et 14 840  90 ans BP et la couche 15 de Forcas-I, datée de 14 440  70 ans BP. Ces deux sites ont livré des industries à grattoirs et à burins, de types fréquemment nucléiformes : faciès dit « Juyo » du Magdalénien inférieur Cantabrique (Utrilla et Montes, 2007a et b). De tels ensembles sont connus dans la vallée du Segre, à Lérida : sites de plein-air de Montlleó, en Cerdagne, et plus au sud, couche XI de la Cova del Parco. Ces deux sites ont été datés respectivement tous les deux du 15 440  40 ans BP (OxA-9017) et de 14 300  150 ans BP (GifA-95552) (Fullola, 2001). Cette répartition des sites anciens dans la partie orientale de l’Ebre s’observe également sur le versant français des Pyrénées (sites de La Rivière, Petite Grotte de Bize, Lassac). Les industries sont également riches en grattoirs et en burins nucléiformes et les datations aussi anciennes. Cela nous indique de possibles relations vers la méditerranée pour cette époque, comme nous l’avions déjà identifié avec les pointes à cran solutréennes de type salpêtrien de Chaves et Fuente del Trucho. À nouveau, le couloir Cinca-Segre et les bassins de l’Aude et du Têt auraient facilité le passage entre les deux versants pyrénéens. Par ailleurs, on retrouve le magdalénien ancien au sud du territoire concerné, sur les rebords de la chaîne ibérique. Il s’agit de deux petits abris calcaires ouverts dans la vallée du Henar, près des

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Fig. 2. Carte des Pyrénées avec les sites magdaléniens des deux versants. Fig. 2. Pyrenees Map with the Magdalenian sites of both slopes.

sources du Jalón (Utrilla et Blasco, 2000; Utrilla et al., 2006). L’abri Alexandre a livré un petit ensemble lithique avec des grattoirs, des pièces à dos et des burins. Il est daté de 15 370  110 ans BP. L’abri Vergara a livré une industrie également typique du Magdalénien et datée de 14 000  100 ans BP. Bien que l’espace fouillé de ces deux gisements soit très différent (fouille de surface et sondage limité à Alexandre), nous avons discerné des variations notables entre eux. Cela ne concerne pas seulement les dates, mais aussi le caractère d’atelier de taille supposé à Vergara et même l’industrie. Les grattoirs et les burins nucléiformes de Vergara sont absents dans le site d’Alexandre. Il faut souligner que les dates, ainsi que les analyses sédimentologiques et polliniques, placent ces occupations dans une phase froide (Dryas I), (Utrilla et al., 1999). 5.3.2. Le Magdalénien moyen Le Magdalénien moyen classique est presque absent dans le bassin de l’Ebre. On ne le connaît que dans la couche e2 d’Abauntz. On a souligné plus haut le caractère aquitain de cette occupation (Utrilla et Mazo, 1996a ; Utrilla, 2000) (présence de renne et de cinq os du tarse d’un saïga). Ces derniers pourraient provenir d’une peau transportée depuis l’Aquitaine. Les sites de Duruthy/Dufaure, Isturitz et Berroberría, constituent des étapes possibles sur cet axe de migration. Le Magdalénien moyen est absent de la séquence de Forcas, (trois couches du Magdalénien ancien (17–15) et supérieur (14, 13, 11), et une du Magdalénien final (10). Seule la date TL sur un grattoir brûlé du remanié de Fuente del Trucho (13244+-945 BP) pourrait se rattacher à cette étape, bien que le sigma est trop vaste. 5.3.3. Le Magdalénien supérieur/final Les gisements rapportés à cette époque sont présents dans toute l’aire d’étude et notamment sur les rebords montagneux des deux rives de l’Ebre. Sur les contreforts pyrénéens, on trouve Abauntz (couche e1), Legunova (q), Peña-14 (d), Chaves (2b et 2a) et Forcas (14, 13, 11). Sur la

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Fig. 3. Carte du Jalón (affluent de l’Ebre) avec les sites paléolithiques supérieurs qui marquent le passage vers la Meseta. Fig. 3. Jalón Map (Ebro river affluent) with the Upper Palaeolithic sites which mark the way to the Meseta.

Chaîne Ibérique, les abris Peña del Diablo 1 et 2 et Bolichera (Fig. 2). On doit ajouter les sites de Zatoya, Alaiz, et Portugain en Navarre et les sites catalans de Parco, Santa Linya, Peixera d’Alfés, Guilanyà, Hort de la Boquera, Colls, Boix, Molí del Salt, Bora Gran, Coma d’Infern ou San Benet. L’intensité des occupations de cette période s’observe aussi sur le versant français des Pyrénées : Isturitz, Duruthy, Dufaure, Espalungues, Poëymau, Espelugues de Lourdes, Lorthet, Gourdan, La Tourasse, Le Portel, Mas d’Azil, La Vache, Rhodes, Les Eglises, Belvis, La Teulera, La Crouzade, Conques 2, etc. La relation de Abauntz avec l’Aquitaine, déjà observée au magdalénien moyen, semble se confirmer au Magdalénien supérieur/final (niveau e1), d’après l’iconographie de ses trois blocs gravés (Utrilla et Mazo, 1996a, 1996b ; Utrilla et al., 2004b). Le bloc 3 porte une belle tête de cheval. Sur le bloc 2, un anthropomorphe au-dessus d’un cheval est accompagné de quatre bouquetins vues de face. Le bloc 1 semble reproduire le paysage qui entoure la grotte d’Abauntz, avec la représentation des accidents géographiques (rivière, falaises calcaires. . .), des animaux (cerfs, troupeau de bouquetins, un bouquetin isolé, deux possibles veaux) et d’un anthropomorphe (Utrilla et al., 2007). La prédominance du cheval (sur deux blocs) semble répondre aux caractéristiques proposées par Sieveking (1987, 1990) pour le versant nord-pyrénéen. Les sculptures de chevaux d’Isturitz et

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de Duruthy seraient apparentées à ce schéma. En ce qui concerne les bouquetins en vue frontale, il faut rappeler que c’est un thème tellement habituel sur les Pyrénées françaises et aussi sur l’aire Cantabrique, qu’on le considère comme un fossile directeur du Magdalénien final (Utrilla, 1990). En revanche, les ensembles des gisements de Chaves (couche 2b et 2a), de Forcas (couches 14, 13 11) et de Legunova (couche q) évoquent l’aire méditerranéenne. Les industries lithiques montrent la prédominance des burins sur les grattoirs, l’importance des petites pointes et des lamelles à dos et une présence irrégulière des pièces osseuses, peut-être en relation avec les conditions sédimentologiques des sites. Les harpons sont toujours absents. Tandis qu’à Chaves il y a des outils (poinçons, ciseaux, sagaies) et des éléments de parure (coquilles perforées, pendeloques. . .), à Forcas, il n’y a guère de vestiges osseux (quelques fragments de sagaies, d’aiguilles et une baguette), et à Legunova on compte seulement une sagaie, un poinçon douteux et le bout d’un bois de cervidé découpé. Il faut souligner le caractère ouvert des dépôts stratigraphiques de ces deux abris, ainsi que l’immédiat voisinage des cours d’eau, dont les crues ont affecté la sédimentologie : Forcas I est sur le bord du Ésera et Legunova sur celui de l’Arba. Les trois gisements ont livré des dates semblables entre 13 000 ans et 11 000 ans BP. Un peu plus récent, l’abri de Peña-14, au voisinage de Legunova, a livré une industrie aux traits magdaléniens (avec des burins, des grattoirs et des petites pièces à dos) qui correspond par ses dates (deuxième moitié du XIe millénaire) à l’Azilien ou étape équivalente (Montes, 2001–2002, 2005a, 2005b). Dans le dépôt remanié de Fuente del Trucho, il y a des pièces que l’on pourrait rattacher au Magdalénien supérieur/final. Ce sont des petites pointes à retouche abrupte (type Teyjat), quelques burins dièdres et des petits grattoirs unguiformes et circulaires typiques du versant nord de cette époque, et d’autres pointes et lamelles à dos, grattoirs et burins peu significatifs (Montes et al., 2006). Dans la vallée du Jalón, sur les rives de son affluent, le Henar, on compte deux gisements voisins : les abris de Peña del Diablo 1 et 2, á Cetina, (Saragosse). Peña del Diablo-1 présente une occupation dont les outils (burins dièdres et burins sur troncature, grattoirs, grattoir–burins, petites pièces à dos) évoquent un Magdalénien final, bien que les dates soient très récentes : 10 760  60 ans et 11 080  540 ans BP (cette dernière avec un sigma important). À 100 m, Peña del Diablo-2 est un abri non daté mais dont le rare matériel est presque identique à l’abri 1. Ces deux sites doivent être rattachés à la même période finale (Utrilla, 1995 ; Utrilla et Domingo, 2003). Ces sites, ainsi que ceux de Deza cités auparavant (Vergara et Alexandre), marquent l’accès à la Meseta (Fig. 3), tel qu’on l’a déjà dit. En effet, la route vers la Meseta passe par les gisements magdaléniens des vallées du Sorbe et d’Henares (Jarama II, Peña Capón, grottes de Reno et Turismo) (Adán et al., 1989 ; Alcolea et al., 1997a et b) et par les grottes ornées de Los Casares et la Hoz (Balbín et Alcolea, 1992) dans la province de Guadalajara. La présence magdalénienne a été aussi documentée par les trouvailles de C. Cacho dans l’abri de Buendía (Cacho et Pérez, 1997). Par ailleurs, il faut faire attention au fait que ces cavités s’ouvrent au-dessus des 700 m, certaines même au-delà de 1000 m. Cela signifie que nos sites se trouvent dans des zones froides dont les influences de type périglaciaire sensibles. En ce qui concerne les gisements de la vallée du Henar (Peña del Diablo, Vergara, Alexandre), leur microclimat pourrait être tempéré par la présence d’eaux thermales aux alentours. La trouvaille de l’extrémité distale d’un harpon à simple barbelure dans la grotte Bolichera (Calcena, Saragosse), en cours de fouille par C. Mazo, suggère une étape récente du Magdalénien. La grotte s’ouvre sur la rivière Isuela, affluent du Jalón qui conduit à la Meseta septentrionale.

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6. Recherches actuelles et perspectives Les recherches actuelles et leurs perspectives sont basées sur un programme de prospection dans toute l’aire concernée. Nous avons récemment découvert deux abris attribuables au Paléolithique Supérieur : l’abri de la Tosuguera aux sources mêmes du Jalón et l’abri de Valcervera dans le bassin de l’Arba de Biel. À la Tosuguera (Benamira, Soria) l’équipe de M.A. Rojo vient de faire un sondage qui a livré quelques pièces évoquant du Paléolithique Supérieur : des burins dièdres et des grattoirs sur lame. Valcervera est un abri identique aux abris de Peña-14 et de Legunova, dont le sondage effectué par Montes n’a concerné que les couches sommitales. Les matériaux lithiques sont d’apparence plus anciens que les dates obtenues sur des échantillons douteux (Montes, 2005b). Il faudra étendre les fouilles sur ces sites. Nous travaillons encore sur le site de Fuente del Trucho (fouille, études de l’art pariétal). Nous allons poursuivre la fouille à Ángel-1 et reprendre celle de l’abri Alonsé. C. Mazo, d’une part, et M.F. Blasco et J.M. Rodanés, d’autre part, vont poursuivre leurs travaux respectifs dans les grottes de Bolichera et du Gato. Nous sommes également en train d’achever la rédaction des monographies des sites de Forcas, Chaves, Peña-14 et Legunova. Les travaux de prospections et de fouilles sur le Paléolithique Supérieur de l’aire aragonaise ne font que débuter. Le nombre et l’importance des sites augmenteront certainement au fur et à mesure du développement de notre recherche. Remerciements Nous remercions Patrick Paillet (MCM, MNHN) pour la correction de ce texte. Références Adán, G., García, M.A., Jordá, J., Sánchez, B., 1989. Jarama II. Nouveau gisement magdalénien avec art mobilier de la « Meseta » Castellane (Guadalajara, Espagne). Prehistoire Ariegeoise XLIV, 97–120. Alcolea, J., Balbín, R., García, M.A., Jiménez, P., Aldecoa, A., Casado, A.B., Andrés, B., Ruiz, S., Sainz, P., Suárez, N., 1997a. Avance al estudio del poblamiento paleolítico del Alto Valle del Sorbe (Muriel, Guadalajara). Actas del II Congreso de Arqueología Peninsular, Tome I, Zamora, 201–218. Alcolea, J., Balbín, R., García, J.A., Jiménez, P.J., 1997b. Nuevos descubrimientos de arte rupestre paleolítico en el Centro de la Península Ibérica : La cueva del Reno (Valdesotos, Guadalajara). Actas del II Congreso de Arqueología Peninsular, Tomo I, Zamora, 239–257. Balbín, R., Alcolea, J., 1992. La grotte de Los Casares et l’art paléolithique de la Meseta espagnole. Anthropologie 96, 397–452. Barandiarán, I., Cava, A., 2001. El Paleolítico superior de la cueva de Zatoya (Navarra). Actualización de datos en 1997. Trabajos de Arqueología Navarra 15, 5–99. Blasco, M.F., Rodanés, J.M., 2004. La Cueva del Gato-2 (Épila, Zaragoza) : la dinámica de ocupación desde el 18. 000 a. C. hasta nuestros días. Naturaleza Aragonesa 12, 66–75. Cacho, C., Pérez, S., 1997. El Magdaleniense de la Meseta y sus relaciones con el Mediterráneo español : el abrigo de Buendía (Cuenca). El mon mediterrani després del Pleniglacial (18.000–12.000 B.P. Col.loqui Banyoles 1995), Gerona, 263–274. Fullola, J.M., 2001. Recherches sur le Paléolithique Supérieur dans le Nord-Est Ibérique : la Catalogne. Le Paléolithique Supérieur européen. Bilan quinquennal 1996–2001. XIVe Congrès UISPP (Liège, 2001). ERAUL 97, 141–148. Casado, P., 1985. Los grabados de la cueva de ‘‘El Forcón’’. Bolskan 1, 183–192. Mir, A., Salas, R., 2000. La cueva de la Fuente del Trucho y su industria lítica arcaizante del Pleniglacial superior (Colungo, Huesca). Bolskan 17, 9–32.

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