Le site de Nepryakhino sur la moyenne Volga (Russie)

Le site de Nepryakhino sur la moyenne Volga (Russie)

L’Anthropologie 106 (2002) 185−206 www.elsevier.com/locate/anthro Le site de Nepryakhino sur la moyenne Volga (Russie) The Site Nepryahino in Middle ...

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L’Anthropologie 106 (2002) 185−206 www.elsevier.com/locate/anthro

Le site de Nepryakhino sur la moyenne Volga (Russie) The Site Nepryahino in Middle Volga (Russia) Andreï Zakharikov * Rue Zerkalnaya 14, Appart. 70, 410041 Saratov, Russie

Résumé Le site de Nepriakhino est situé en Russie, à l’est de la région de Saratov, entre les fleuves Volga et Oural. Les couches supérieures (niveau 1) ont livré du matériel d’âge néolithique et les six niveaux inférieurs ont livré une abondante industrie en quartzite du Paléolithique. Les données préliminaires permettent d’attribuer le niveau 2 au Pléistocène supérieur (stade d’Ostashkovo). Le niveau 7 correspond à la limite entre le Paléolithique moyen tardif et le Paléolithique supérieur archaïque. Les complexes d’outils sont principalement représentés par des outils de type moustérien et les outils caractéristiques du Paléolithique supérieur sont bien moins nombreux. Il y a des bifaces et également des pointes bifaciales triangulaires. On peut donc penser que les couches inférieures du site de Nepryakhino correspondent à la période la plus précoce de la culture « Kostienki-Streletskaya ». © 2002 E´ditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract The site is located East of the Saratov region, between the rivers Volga and Ural. The stratigraphy is the following: the 1st upper layer is Eneolithic and the bottom layers complexes belong to the Palaeolithic and yield numerous quartzite artefacts. The preliminary data allow to assign layer 2 to the Upper Pleistocene (Ostashkovo). Layer 7 matches the limit between Late Middle Palaeolithic and archaïc Upper Palaeolithic. The implement complexes are mainly represented by Mousterian tools and the typical Upper Palaeolithic ones are less numerous (cores and blades). Handaxes are numerous; so are bifacial subtriangular points. It is possible to assume a connection of the bottom layers from Nepryahino with the earliest complexes of KostienkyStreletskaya culture. © 2002 E´ditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. All rights reserved.

* Auteur correspondant. © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. PII: S 0 0 0 3 - 5 5 2 1 ( 0 2 ) 0 1 0 8 9 - 0

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Mots clés: Paléolithique; Pléistocène supérieur; Bifaces; Pointes foliacées; Culture Kostienki-Streletskaya Keywords: Palaeolithic; Upper Pleistocene; Handaxes; Leaf points; Kostienki-Streletskaya culture

Les sites paléolithiques des régions inférieures et moyennes de la Volga ne sont pas connus. La découverte d’outillages de cette période en contexte stratigraphique présente par conséquent un grand intérêt. Le site de Nepryakhino, présenté dans cet article, est situé à la limite orientale de la plaine russe, entre les fleuves Volga et Oural, dont la limite de partage des eaux correspond au plateau de l’Obstchy Syrt (Fig. 1A). Il est situé à 2 km au nord du village de Nepryakhino, dans le district d’Ozinki, région de Saratov. Il a été découvert en 1989 par A.I. Yudine (Yudine, 1990). Le site de Nepryakhino dont les couches en place ont livré des industries lithiques, est situé à l’extrémité sud des montagnes de l’Obstchy Syrt. Ces contreforts méridionaux sont constitués par les anciennes terrasses de la rive droite de la rivière Tchalykla (appartenant au bassin de la Volga) dont le lit est actuellement situé à environ 1 km au sud-ouest du site. Dans les environs du site de Nepryakhino, ainsi que sur les pentes de la Syrt, on trouve une couche d’un mètre d’épaisseur ayant livré un quartzite de très bonne qualité ayant servi de matière première pour la fabrication des outils lithiques du site. Les fouilles, qui ont été effectuées sur une superficie de 20 m2, ont permis d’établir la stratigraphie suivante : Niveau 1 – Couche sommitale constituée d’humus noir, de 0,3 m d’épaisseur au maximum. La partie supérieure de cette couche (G-V) est de teinte grisâtre. La partie inférieure (G-N) est un peu plus sombre. Le contact avec la couche sous-jacente est bien net. Niveau 2 – Situé sous le niveau 1, son épaisseur varie de 40 à 60 cm. Il est constitué d’un sédiment argilo-sableux brun clair à jaunâtre présentant des nodules carbonatés de 2 à 3 cm de diamètre disséminés dans la partie inférieure du niveau. Niveau 3 – Il s’agit d’un niveau fin mais bien individualisé de 2 cm d’épaisseur. Niveau 4 – Ce niveau présente une épaisseur variant de 50 à 70 cm. Il est constitué d’argile sableuse de couleur brun clair à jaunâtre. Cette couche est riche en carbonates lui conférant ainsi une teinte blanche par endroits. La transition avec le niveau sous-jacent (niveau 5) est graduelle et irrégulière. Niveau 5 – Sédiment argilo-sableux brun clair présentant des zones plus sombres correspondant peut-être à de l’humus. Ce niveau mesure environ 40 cm d’épaisseur. Il est très riche en fragments de quartzite, accolés les uns aux autres, formant ainsi une brèche. Niveau 6 – Constitué d’humus noir à brun, ce niveau a une épaisseur variant de 50 cm à 1 m. Niveau 7 – Épais de 40 cm à 1 m, ce niveau est hétérogène. Il est constitué de sable argileux brun clair à jaunâtre et présente notamment des inclusions de gravier et de sable. La base de ce niveau est nettement plus riche en sable. Niveau 8 – Il s’agit de la base de la séquence. D’une épaisseur visible de 10 m, il est constitué de sable d’âge paléogène. Il se différencie nettement des niveaux sus-jacents.

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Fig. 1. A. Localisation du site Nepryahino entre les fleuves Oural et Volga. B. Matériel du niveau 1. A. Location of Nepryahino site between rivers Ural and Volga. B. Assemblage from layer 1.

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Les objets archéologiques sont présents dans les niveaux 1 à 7 (Figs 1 et 2). Les industries lithiques permettent d’interpréter les niveaux archéologiques en termes culturels. On notera également que les foyers, les niveaux riches en cendres ou tout autre attribut lié à un habitat préhistorique sont absents. Par contre, les outils ne montrent pas de traces liées à un éventuel transport et ne sont pas altérés, hormis dans les niveaux 2–5 où certains outils présentent une patine de couleur blanche sur la face exposée à l’air libre. Il est possible de situer chronologiquement le site de Nepryakhino en se basant sur les données de la géologie, de la paléontologie, de la paléobotanique et de la typologie. De la base au sommet du remplissage, la succession des couches géologiques du site de Nepryakhino met en évidence trois cycles sédimentaires liés au climat : Le premier cycle correspond aux niveaux 7 et 6. Le niveau 6 peut être corrélé au site de Sykhaya Mietchetka (Shadroukhine, 1992) qui date de l’interglaciaire de Mikulo (Riss-Würm, stade 5 E de la chronologie marine isotopique). Le second cycle correspond aux niveaux 5, 4 et 3. Le troisième cycle correspond aux niveaux 2 et 1. Les analyses palynologiques montrent que le niveau 2 date vraisemblablement du stade glaciaire d’Ostashkovo (Sahdroukhrine, 1992) et les données paléomagnétiques indiquent que le niveau 1 a un âge holocène. Par contre, les analyses palynologiques effectuées dans les autres niveaux n’ont pas pu être interprétées. Les restes osseux recueillis dans le site de Nepryakhino sont malheureusement rares et mal conservés. Seuls 17 d’entre eux ont pu être déterminés avec précision (selon la définition de A.K. Kasparov IIMK RAN) : Niveau 1 : trois ossements de chèvre ou de mouton. Niveau 5 : un ossement de bison ou de cheval. Niveau 6 : un fragment de dent de bison, un ossement du membre postérieur de bison et un fragment de dent de bison ou de cheval. Niveau 7 : une côte de rhinocéros ou de mammouth, une côte de grand herbivore indéterminé, une omoplate de bison, une mandibule de bison ou de cheval, trois fragments de défense de mammouth. La faune du niveau 1, composée d’espèces domestiques, est d’âge holocène. Les niveaux 2 à 4 n’ont pas livré de faune. La faune des niveaux 5 et 6 ne permet pas de proposer une hypothèse biochronologique. La faune de la couche 7 est caractéristique du Pléistocène. Le site de Nepryakhino a livré une abondante industrie lithique. De nombreux articles ont insisté sur la difficulté d’analyser les industries lithiques, et en particulier les séries du Paléolithique (Matioukhine, 1990b ; Matioukhine, 1995). En général, les pièces lithiques provenant de ces sites sont extraordinairement grossières. La définition de l’âge de ces industries, ainsi que leur appartenance culturelle est l’un des buts de la typologie. On peut, par exemple, se référer à la méthode élaborée par F. Bordes (Bordes, 1961), sans tenir compte du contexte général du site et induire ainsi des conclusions erronées.

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Fig. 2. Site de Nepryahino, niveau 2 : nucléus. Nepryahino site, layer 2 : cores.

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Comme l’a fort justement remarqué A.A. Sinitsine, « il est tout à fait évident que même les formes très semblables provenant de secteurs différents peuvent avoir des significations différentes » (Sinitsine, 1977, 1961). L’analyse des assemblages lithiques des différents niveaux du site de Nepryakhino permet de penser qu’ils sont homogènes et appartiennent au même faciès culturel. Le matériel utilisé est le quartzite, c’est-à-dire la matière première la plus abondante dans les alentours immédiats du site. Il convient de remarquer ici que le quartzite, contrairement à la conception généralement admise, est la matière première la plus fréquemment utilisée par certaines civilisations, suivie de près par le silex. Avant toute chose, il convient de préciser que les trois couches inférieures du site de Nepryakhino ont livré de grands bifaces, associés à d’autres types d’outils, tels que les nucléus.

1. Niveau 1 Le niveau 1 a livré 3912 outils (Tableaux 1 à 3 ; Fig. 1B), compte non tenu des outils issus des fouilles de l’année 1995 (Tableau 3). La partie inférieure de cette couche (l’horizon G-N, qui ne se distingue pas toujours facilement) est caractérisée par la présence d’outils plus évolués que ceux des niveaux sus-jacents. L’horizon G-N a livré l’unique pièce en céramique du site. Il s’agit d’un fragment de col d’un pot en céramique richement décoré (Fig. 1B(1)). L’ornementation a été effectuée par piquetage. Des pièces identiques ont été rencontrées dans certains sites néolithiques, notamment celui d’Altata (Ioudin, 1989).

Tableau 1 Site de Nepryahino. Outillage lithique à l’exception du matériel découvert lors des fouilles de 1995, présenté séparémént (cf. Tableau 3) Nepryahino site. Lithic tools not including the artefacts discovered during the excavations of 1995, presented apart (Tableau 3) Couches Éclats

Nucléiformes Nucléus

1 2 4 5 6 7 Total

3598 585 64 7902 10226 4142 26517

Centripètes

UniBiPrisma- Informes polaires polaires tiques

1

10 2

6

2 2

12 3 5 32

5 2 2 15

2

1

1 3

6

14 1 1 13 8 11 48

Préformes

3

13 2 18

Divers

9 3 3 25 5 5 50

Percuteurs

Total

2 1

3645 594 69 7975 10244 4168 26695

3

6

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Tableau 2 Site de Nepryahino. Outillage lithique Nepryahino site. Lithic tools Couches Racloirs Pointes Grattoirs Denticulés Encoches 1 2 4 5 6 7 Total

33 5 15 241 81 33 408

Bifaces Éclats retouchés

6

34

4

20

5 12

3 24 9

20

70

2 56 24 12 98

1 183 78 33 315

126 13 21 251 78 27 516

Gros Burins outils massifs

Divers

Total

7 1 5 108 19 7 147

34 1 3 50 20 7 115

266 20 50 918 322 119 1695

2

1 3

Tableau 3 Site de Nepryahino. Outillage lithique des fouilles de 1995 Nepryahino site. Lithic tools from the 1995 excavations Couches Débris

1 2

243 3 434

Éclats et Nucléus NucléiLames formes

Outils Racloirs Grattoirs Bifaces

Mixtes

Éclats Divers retouchés

2909

21

20

12

34

13

78

35

369

7

5

2

5

1

6

3

12

Le matériel lithique issu de ce niveau appartient au groupe « nucléiforme ». Parmi ces pièces, on notera la présence d’un nucléus conique, de deux nucléus anguleux, de deux cunéiformes et de six nucléus prismatiques grossiers, de trois nucléus à lames bipolaires. Les autres nucléus ne présentent pas de forme particulière et sont caractéristiques de ce que l’on rencontre dans les ateliers de taille du Paléolithique (cf. Matioukhine, 1995). En 1995, la découverte de certains nucléus a montré que des microlamelles avaient été obtenues par pression (Fig. 1B(2)). La matière première était un quartzite blanc opaque. Cette matière première n’a pas été rencontrée dans les autres niveaux archéologiques, ni dans les environs du site. L’expérimentation (cf. Girya, 1994a) suggère que la matière première était chauffée avant la taille. Les éclats de la couche 1 (3598 pièces) se distinguent par de petits tranchants. La longueur moyenne des éclats et des lames ayant servi de supports, pour l’horizon G-N est de 6,2 cm. À titre de comparaison, on notera que ce paramètre est de 6,6 cm pour le niveau 2, de 7 cm pour le niveau 4, de 8,6 cm pour le niveau 5, de 9 cm pour le niveau 6 et de 9,7 cm pour le niveau 7. Les lames récoltées en 1995 sont peu nombreuses (N = 97, ce qui représente 3,6 % du total des lames recueillies dans le site) Les grattoirs (Fig. 1B(4–8)) typiques ou atypiques et les racloirs sont nombreux dans le site. Les éclats et les lames retouchées sont extrêmement abondants. On a découvert également des bifaces, d’aspect inachevé, et deux fragments de pointes bifaciales triangulaires.

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Dans le niveau 1, on rencontre quelques outils présentant une patine de couleur blanche. De telles pièces ont également été récoltées dans les niveaux 2–5. Un enlèvement plus tardif tronquent également la partie patinée. Les occupants de la couche 1 ont vraisemblablement collecté et utilisé des outils provenant des niveaux sous-jacents, peut-être lorsque la matière première était rare. Ceci peut expliquer la présence de pièces lithiques anciennes d’âge paléolithique dans des niveaux datant du Néolithique.

2. Le niveau 2 Les outils lithiques sont peu nombreux dans le niveau 2 (Tableaux 1 à 3). Le nombre total des pièces est de 614 et on notera que leur représentation diminue du sommet à la base de ce niveau. Les nucléus sont particulièrement typiques, ce qui n’est pas le cas de la composition globale des outils de ce niveau. Les nucléus prismatiques caractéristiques du Paléolithique supérieur sont remarquables (Fig. 2). Ils possèdent une base soigneusement régularisée et rétrécie. Le plan de frappe forme un angle aigu, le front est de forme semi-circulaire. Le dos de la pièce est généralement brut. Parmi les éclats, on notera la présence de lames « à crête » et de « tablettes » caractéristiques des enlèvements transversaux de remise en forme des nucléus (Zakharikov, 1994, Figs 3–5). Il y a également de nombreux produits laminaires (16 % du matériel lithique en ce qui concerne la campagne de fouilles de 1995). Il s’agit de lamelles à dos qui présentent des indices de débitage de la partie proximale caractéristiques du Paléolithique supérieur (cf. Nekhorozhev, 1993). Enfin, quelques grattoirs, racloirs et éclats retouchés ont également été récoltés dans ce niveau.

3. Le niveau 4 (Tableaux 1 et 2 ; Fig. 3) Ce niveau est pauvre en industrie lithique (N = 119). On notera également que seuls des éclats (N = 27) ont été recueillis dans la partie supérieure. La zone de contact avec le niveau 5 sous-jacent est particulière et caractérisée par une forte proportion (43 %) de produits retouchés. Les outils typiques sont quasiment absents. La retouche est généralement isolée et irrégulière et crée souvent un bord sinueux denticulé, ou à encoche. Parmi les 5 nucléus recueillis dans ce niveau, on notera la présence d’une pièce rappelant un nucléus Levallois, d’un nucléus centripète alors que les trois autres nucléus sont techniquement indéfinissables.

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Fig. 3. Site de Nepryahino, niveau 4 : industrie lithique. Nepryahino site, layer 4 : lithic assemblage.

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Fig. 4. Site de Nepryahino, niveau 5 : industrie lithique. Nepryahino site, layer 5 : lithic assemblage.

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Fig. 5. Site de Nepryahino, niveau 5 : industrie lithique. Nepryahino site, layer 5 : lithic tools.

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4. Le niveau 5 (Tableaux 1 et 2 ; Figs 4 et 5) Le niveau est extraordinairement riche en outils, débris, rognons et autres produits de débitage. Les outils et les morceaux de quartzite, accolés les uns aux autres, constituent en fait la couche elle-même. La partie supérieure de ce niveau est caractérisée par une forte proportion d’objets retouchés (38 % pour les fouilles de 1990) qui n’est pas sans rappeler les effets induits par le piétinement (cf. Schelinski, 1983). À ce jour, 8893 pièces en quartzite ont été recensées dans ce niveau. 70 pièces ont été rapportées à des nucléus. Parmi ceux-ci, le débitage parallèle dans un même plan (Fig. 4(1)) prédomine. On notera la présence de 12 nucléus unipolaires, de 5 nucléus bipolaires, de 2 nucléus prismatiques grossiers et de deux nucléus prismatiques de belle facture. Tous ces nucléus sont au stade initial du débitage. 13 nucléus sont mal caractérisés et, enfin, 31 nucléus sont proprement indéfinissables. On notera également la présence de 13 nucléus laminaires de type Paléolithique supérieur particulièrement intéressants (Fig. 4(1)). Ils sont allongés et présentent une section triangulaire, des bases rétrécies, régulières et des arêtes longitudinales. Le plan de frappe est aménagé par quelques enlèvements. Parmi les 8000 éclats récoltés dans ce niveau, il y a très peu d’éclats intentionnellement retouchés. Il s’agit principalement de produits de débitage liés à la fabrication des grands bifaces (cf. Matioukhine, 1983). Les lames sont extrêmement rares, ce qui est vraisemblablement lié à la rareté des nucléus dans le niveau. Il y a également de nombreux outils typiques. Parmi ces derniers, on notera la présence de racloirs simples (N = 82 ; voir Fig. 5(2)), de racloirs doubles (N = 40), de racloirs transversaux et obliques (N = 10), de racloirs à bords convergents (N = 22 ; voir Figs 3(4), 5(7)) et de racloirs déjetés (N = 33). Il y a par contre peu de pointes (N = 5 ; Fig. 5(1)), comme c’était déjà le cas dans les autres niveaux. Des grattoirs ont été recueillis (N = 24 ; Fig. 5(3, 5)). Ils présentent des formes variées. Certains sont carénés et d’autres denticulés. Enfin, on a récolté un grattoir de type « pédonculé », un grattoir à museau épais, un grattoir double et un grattoir circulaire. D’autre part, les bifaces sont au nombre de 183 (Fig. 5(4, 6)). Il y a un grand nombre d’éclats, présentant des retouches diverses, ainsi que des grands outils massifs. Parmi les 56 pièces qui peuvent être rapportées au groupe des denticulés et encoches, il est possible de distinguer deux sous-groupes. Le premier est constitué par les outils à retouches alternées sur les bords et le second par ceux qui sont retouchés au niveau des « creux », le plus souvent à encoches multiples. En matière de traitement secondaire des produits de débitage, on peut remarquer l’utilisation extrêmement rare des chutes de burins, dans le niveau 5, ainsi que dans les autres niveaux (Figs 5(1), 6(8)). L’amincissement de la base et de la partie ventrale de l’outil est fréquente. La retouche est généralement variée et la modification du support est largement répandue.

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Fig. 6. Site de Nepryahino, niveau 6 : industrie lithique. Nepryahino site, layer 6 : lithic tools.

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5. Le niveau 6 (Tableaux 1 et 2 ; Figs 6, 7, 8(1)) Bien que moins abondant que dans le niveau 5, le matériel lithique recueilli dans ce secteur est très important. 18 nucléus ont été récoltés. Parmi ceux-ci, 5 sont débités parallèlement et dans un même plan, 8 sont sans forme particulière, un nucléus montre un traitement de la surface qui rappelle le débitage Levallois (Fig. 6(1)). Enfin, 4 nucléus sont techniquement inclassables. Les éclats présentent des caractères comparables à ceux qui ont été récoltés dans le niveau 5. IF Strict = 4–6, IF large = 30 et Ilam = 10. On notera cependant que les nervures des lames sont très rarement parallèles. Par ailleurs, 10–15 % des enlèvements semblent posséder des « talons réduits ». Les outils sont représentés par 322 exemplaires. Les pointes, au nombre de 12, sont plus nombreuses que dans les autres niveaux et présentent certaines particularités. En effet, certaines pointes classiques ont été effectuées sur des éclats triangulaires et possèdent une retouche située en bordure de la pointe, stabilisant ainsi la lame (Fig. 6(7)), alors que d’autres sont grandes et allongées, se rapprochant par leur forme des pointes foliacées. Elles présentent dans ce cas une retouche régulière, présente sur la totalité du dos de la pièce et certaines pièces montrent également une retouche ventrale. On a dénombré 81 racloirs. Les principaux types sont représentés (Fig. 6(2–6, 10)). Les racloirs à bords convergents (Fig. 6(3–5)), incluant les racloirs déjetés et les limaces, constituent 35 % de l’ensemble des racloirs (alors que cette valeur est de l’ordre de 22 % pour les couches 5 et 7). Ceci permet de corréler le site de Nepryakhino avec celui de Volgogradskaya ou d’autres sites, situés dans les régions avoisinantes (cf. Paleolit SSSR, 1984). Parmi ces racloirs, on notera que certains sont entièrement ou partiellement bifaciaux. Les bifaces (Figs 7(1–3), 8(1)) représentent 24 % de l’ensemble des outils provenant de ce niveau (alors qu’ils représentent respectivement 20 et 27 % de l’ensemble des outils dans les niveaux 5 et 7). Les bifaces des trois niveaux inférieurs sont comparables typologiquement et technologiquement. Ainsi, la description des bifaces du niveau 6 s’appliquera également aux niveaux 5 et 7. Sur un total de 78 pièces récoltées, on notera que 46 % d’entre elles sont cassées et que les classiques « coups de poing » sont absents. Une grande quantité de bifaces se rapporte au groupe des « pointes lancéolées » (qui ne doivent pas être confondues avec les bifaces lancéolés acheuléens), dont la morphologie suggère un traitement particulier, d’une manière ou d’une autre, afin de permettre l’emmanchement au bout d’une lance ou d’un javelot (Fig. 7(1, 3)). Ils présentent une morphologie particulière. Ils ont en effet généralement une face de forme symétrique et un profil allongé et relativement fin (rapport L/E = 2/1 et parfois même 3/1). Le bord oblique du tranchant forme un angle inférieur à 45–65°. La section est biconvexe et la base est généralement rectiligne. Quelques exemplaires sont également intéressants (N = 5 pour le niveau 6 et N = 22 pour le niveau 5) et se rapportent au groupe des bifaces asymétriques. Ils présentent une asymétrie dans le plan et moins souvent dans le profil. Ils sont généralement de forme sub-triangulaire ou sub-cordiforme allongée. La section est convexe à rectiligne et la

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Fig. 7. Site de Nepryahino, niveau 6 : les outils. Nepryahino site, layer 5 : lithic tools.

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Fig. 8. Site de Nepryahino, industrie lithique et osseuse, niveau 6 ; 2–4, niveau 7. Nepryahino site, lithic and bone tools, 1, layer 6 ; 2–4, layer 7.

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base de la pièce a, dans la plupart des cas, fait l’objet d’un traitement minimal. Un bord latéral est généralement retouché de façon a obtenir un bord particulièrement tranchant alors que l’autre bord, qui fait l’objet d’une retouche régulière et rapide ou d’une absence de retouche, peut être considéré comme le dos de la pièce. Il y a également des bifaces grossiers ou partiels (N = 25). Ce sont, comme c’est généralement le cas de la grande majorité des pointes bifaciales lancéolées, des produits inachevés. La présence de telles pièces inachevées permet de caractériser la technologie de taille des bifaces de cette collection, composée principalement de pointes lancéolées bifaciales (Zakharikov, 1993). Les bifaces étaient fabriqués à partir d’un bloc massif de quartzite, parfois à partir de grands éclats. Chaque fois, la première étape du traitement consistait à l’aplatissement du support en utilisant les plans de frappe naturels. On obtenait ainsi une pièce nucléiforme qui avait fait partiellement l’objet d’un traitement pour obtenir un biface. Il n’est pas aisé de distinguer de telles pièces des nucléus. La fabrication de bords tranchants, de la base au sommet de la pièce, était la deuxième étape technologique. À ce stade, le modèle du biface était atteint et les produits inachevés ressemblaient à des « coups de poings ». Les bords présentent un profil extraordinairement sinueux. L’aplatissement se poursuit, mais les « ondes » de choc viennent buter contre les bords latéraux. La diminution de l’épaisseur de la pièce et l’augmentation de l’allongement du support ainsi obtenus expliquent qu’un coup de percuteur peut facilement provoquer une cassure de la pièce (Girya, 1994b). Au terme de cette deuxième phase du traitement du support, l’outil obtenu correspond totalement à celui du modèle lancéolé (Fig. 7(1)). La dernière étape de la fabrication du biface est sa finition – c’est à dire son aménagement. La mise en forme et l’aménagement étaient fait successivement. La disposition des négatifs d’enlèvements montre que l’opération était menée du sommet à la base, le long des bords de la pièce [le sommet de ces supports inachevés est souvent bien manufacturé alors que la base reste à peine ébauchée (Fig. 7(5))]. À Nepryakhino, un percuteur tendre a semble-t-il été utilisé pour chacune des étapes décrites ci-dessus.

6. Le niveau 7 (Tableaux 1 et 2 ; Figs 8(2–4), 9, 10) Un unique ossement travaillé a été trouvé dans ce niveau (Fig. 8(3)). Selon A.K. Filippova, il s’agit d’un lissoir. Parmi les 26 nucléus récoltés dans ce niveau, un peu moins de la moitié (N = 11) n’ont pas à proprement parler une forme de nucléus. 7 nucléus proviennent de débitage parallèle, un de débitage centripète et 5 sont de type indéfinissable. Dans ce niveau, on a également recueilli deux nucléus présentant un débitage frontal convexe (Fig. 10(1, 2)), l’un d’entre eux se rapproche des nucléus informes, issus d’une ébauche de débitage, rencontrés dans le niveau 5.

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Fig. 9. Site de Nepryahino, niveau 7, outillage lithique. Nepryahino site, layer 7 : lithic tools.

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Fig. 10. Site de Nepryahino, niveau 7, industrie lithique. Nepryahino site, layer 7 : lithic tools.

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Les éclats ne présentent pas de différence notable avec ceux des niveaux 5 et 6. 50 à 60 % de ces derniers sont fragmentés. Plus de 80 % des éclats et des fragments proximaux ont une « lèvre » en bordure du talon induite par l’utilisation d’un percuteur doux. Au total, 119 outils ont été récoltés. Les bifaces sont au nombre de 33 (Fig. 9(1, 4, 5)). 32 racloirs de tous types ont été mis en évidence (Figs 8(2), 4, 9(2)). La particularité du niveau 7 réside dans le fait que de nombreux outils sont de très bonne facture. Le niveau 2 est caractérisé par un débitage lamellaire associé à des nucléus prismatiques. Les paramètres techno-typologiques, les données stratigraphiques et paléobotaniques indiquent un âge paléolithique supérieur pour ce niveau. Le niveau 4 est (de part sa position sur la coupe et sa composition en industries lithiques) intermédiaire entre le niveau 2 et les niveaux inférieurs. Il n’est pas possible d’être plus précis en ce qui concerne l’âge de ce niveau. Les trois niveaux inférieurs sont homogènes et présentent des similitudes frappantes. Ces secteurs sont caractérisés en premier lieu par un faible débitage des outils, un fort pourcentage de bifaces (avec une nette augmentation de leur représentation du niveau 5 aux couches les plus anciennes) et la forte présence de racloirs. Par ailleurs, on notera que les pointes et les grattoirs sont rares. La retouche est fréquente ; un burin a été recueilli. La fabrication de bifaces, à l’échelle industrielle, permet de caractériser ces niveaux. Le niveau 5 est plus « embrouillé » en raison de la retouche naturelle sur plusieurs objets (induite par un intense piétinement). Les nucléus sont typiques du débitage du Paléolithique supérieur. Les industries lithiques du niveau 6 présentent des caractéristiques rencontrées dans les niveaux inférieurs, ainsi que certaines particularités, comme par exemple un pourcentage plus important de pointes. Des éléments propres au Paléolithique supérieur, aussi bien pour la préparation du matériel que pour le débitage lui-même, sont présents dans les niveaux 6 et 7. Néanmoins, l’outillage de ces niveaux est caractérisé par la prédominance des outils du Paléolithique moyen. Ainsi, du niveau 7 au niveau 5, on assiste à la transition entre le Paléolithique moyen et le Paléolithique supérieur. D’autre part, les datations radiométriques suggérant que les niveaux inférieurs de la séquence datent de la fin du Pléistocène moyen (Riss) ne sont pas conformes aux données archéologiques. Les couches inférieures du site de Nepryakhino datent du Paléolithique moyen et du Paléolithique supérieur. Le niveau 6 doit ainsi être corrélé, non pas au stade isotopique 5 (interglaciaire Riss-Würm), mais à l’interstadiaire de Mologo-Sheksnine et le niveau 7 à la période de Kalinine. Il est difficile de comparer le site de Nepryakhino aux autres sites paléolithiques. En effet, d’une part, les séries du Paléolithique de la Volga et des régions avoisinantes (nord et ouest du Kazakhstan) sont peu connues et d’autre part, le site de Nepryakhino présente une particularité fonctionnelle évidente rendant délicate toute forme de comparaison, étant donné que nous avons affaire à un atelier de taille par excellence.

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Il y a cependant une vague ressemblance avec les ateliers de taille connus dans le district de Kamensky, dans la région de Rostov (Matioukhine, 1990), et avec un grand nombre de sites moustériens à bifaces de la Plaine russe et de Crimée (Ukraine). Les trois niveaux inférieurs du site de Nepryakhino, selon toute vraisemblance, présentent un faciès particulier témoignant de la transition entre le Paléolithique moyen final et le Paléolithique supérieur archaïque. Le site de Nepryakhino peut ainsi être corrélé avec les autres séquences connues datant de la même période précoce du Paléolithique supérieur à nombreuses pointes foliacées bifaciales de l’Europe centrale et de l’Europe de l’est, telles que Szeleta, Balla, Poushkaporosh etc. (Grigoryev, 1968 ; Haesaerts et Sirakova, 1979 ; Allsworth-Jones, 1986 ; Grigoryeva et Anikovich, 1990 ; Siman, 1990 ; Sirakova, 1990). Le site de Nepryakhino, de par son industrie à pointes foliacées, est unique car aucun autre site de cet âge n’a livré une telle fabrication industrielle de pointes bifaciales, associées à des lamelles prismatiques et aux nucléus qui ont permis de les obtenir, ainsi qu’à des grattoirs et d’autres pièces caractéristiques du Paléolithique inférieur. Il apparaît que les industries lithiques du site de Nepryakhino donnent principalement des indications sur l’unité des voies de développement pour cette période, plutôt que sur des affinités culturelles avec d’autres séquences. Parmi les sites connus du Paléolithique supérieur de la Plaine russe, seuls ceux qui ont été décrits comme représentatifs de la technique széletoïde (Anikovich, 1993), et plus particulièrement les niveaux inférieurs du site de Volkovskaya (Anikovich, 1977), présentent des affinités avec les niveaux inférieurs du site de Nepryakhino. Le niveau 2 présente une industrie de type Paléolithique supérieur avec un débitage lamellaire prismatique très développé. L’immense quantité de produits de débitage et le nombre restreint de restes relevant d’une activité autre que la taille des outils (restes fauniques par exemple) permettent de penser que le site n’était pas occupé en permanence. En effet, le site devait être utilisé uniquement pour des séjours de courtes durées en vue de l’approvisionnement en matière première et de la taille des outils. Les sites d’occupation humaine sont vraisemblablement situés dans les environs, à ce jour encore inexplorés, de Nepryakhino.

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