Le pied dans le BTP

Le pied dans le BTP

Archives des Maladies Professionnelles et de l’Environnement 2013;74:415-434 facteurs irritatifs d’agressions physiques et chimiques des mains, au cou...

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Archives des Maladies Professionnelles et de l’Environnement 2013;74:415-434 facteurs irritatifs d’agressions physiques et chimiques des mains, au cours du travail. D’autres dermatoses fre´quentes des mains, chez les utilisateurs de ciments et autres professionnels du BTP devront eˆtre e´limine´es comme la tinea manuum palmaire ou dorsale (dermatophytie chronique des mains), associe´e ou non a` des onychomycoses des doigts [1]. Une prise en charge me´dicale the´rapeutique adapte´e serait alors ne´cessaire. Rappelons par ailleurs les risques cutane´s potentiels lie´s aux expositions chroniques aux ultra-violets solaires lors du travail permanent ou tre`s fre´quent, en milieu exte´rieur (ke´ratoses actiniques, carcinomes baso-cellulaires et e´pidermoı¨des). La vigilance et les conseils du me´decin spe´cialiste en sante´ au travail s’ave`rent donc d’une importance capitale. . . [2]. Re´fe´rences [1] Cleenewerck MB. La « main abıˆme´e » du travailleur. Progre`s en Dermato-Allergologie. GERDA Bruxelles. John Libbey Eurotext. Tome VII; 2001 [2] Cre´py MN. Dermatoses professionnelles au ciment. Documents pour le me´decin du travail. INRS no 88. 4e trimestre 2001. 11 p. [3] Tennstedt D. Stigmates ungue´aux des onze diagnostics diffe´rentiels des « ecze´mas » des mains. Progre`s en Dermato-Allergologie. GERDA Bruxelles. John Libbey Eurotext. Tome VII; 2001 [4] Lachapelle JM, Frimat P, Tennstedt D, et al. Dermatologie professionnelle et de l’environnement. Paris: Masson; 1992: 372. [5] Cre´py MN. Allerge`nes responsables de dermatites de contact allergiques en milieu de travail. Classement par secteur d’activite´ professionnelle. Documents pour le me´decin du travail. INRS no 123. TA 86. 3e trimestre 2010:319-–41. http://dx.doi.org/10.1016/j.admp.2013.07.006

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Le pied dans le BTP G. Jelen GERDA, 67700 Saverne, France Le pied est, a` cote´ de la main, l’objet de toutes les sollicitations dans la vie professionnelle de la plupart des salarie´s, et du BTP en particulier. Les dermatoses professionnelles rele`vent de causes multiples, parmi lesquelles on peut distinguer des agents infectieux, des agents physiques et des facteurs chimiques. Un ecze´ma chronique des pieds est invalidant et le diagnostic en est souvent de´courageant. Le pied y tient une certaine originalite´. Les risques.– En effet, il existe un risque particulier dans les travaux publics, en raison de risques traumatiques majeurs (a` limiter par le port obligatoire de chaussures de se´curite´), mais aussi de l’exposition aux diffe´rentes varie´te´s de ciments dans lesquels sont inte´gre´s des constituants secondaires comme des laitiers, cendres volantes, liants spe´ciaux, adjuvants e´poxydiques. Si les mains sont le plus souvent agresse´es, les pieds peuvent l’eˆtre e´galement, soit a` type de bruˆlure par les ciments a` prise rapide, soit a` type d’allergie par le chrome du ciment introduit dans les bottes ou/et le chrome du cuir des chaussures de se´curite´ [1]. Le froid et l’humidite´ peuvent eˆtre responsables d’engelures en hiver, la chaleur et la mace´ration d’hyperhidrose, bromhidrose, ke´ratolyse ponctue´e et de dysidrose en e´te´. Des irritations chroniques lie´es au port de chaussures mal adapte´es entraıˆneront des pulpites, des ke´ratodermies, notamment sur terrain psoriasique ou atopique, des dystrophies ungue´ales. La dermatite d’irritation fera souvent le lit d’une allergie de contact ou/et d’une surinfection mycosique ou microbienne. Ainsi le port meˆme des e´quipements de protection peut entraıˆner des de´sagre´ments cutane´s. Principales pathologies.– Les dermatophyties sont tre`s fre´quentes aux pieds et leurs pre´sences toujours suspecte´es, malgre´ un re´sultat

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mycologique ne´gatif. Cependant, l’atteinte des sillons inter orteils et, lorsque les le´sions sont plantaires, leur asyme´trie doivent faire e´voquer ce diagnostic. A` la diffe´rence des manifestations ecze´mateuses, les urticaires sont rarement isole´es aux pieds mais parfois l’expression d’urticaires retarde´es a` la pression, parfois traite´es, a` tort, comme des manifestations rhumatologiques. La dysidrose a le plus souvent une e´tiopathoge´nie inde´termine´e et multifactorielle, par conjonction de facteurs endoge`nes et exoge`nes. On lui reconnaıˆt une relation avec l’hyperhidrose dans certains cas, avec un ecze´ma de contact a` distance, avec une mycose des orteils, avec une forme de localisation palmoplantaire de « l’ecze´ma de contact syste´mique » d’origine me´dicamenteuse ou par allergie au nickel endoge`ne ou a` d’autres aliments tels que les aroˆmes. On admet comme facteur aggravant le cafe´, l’alcool, le tabac, le terrain atopique [2]. La litte´rature met en exergue plusieurs e´tudes sur l’ecze´ma aux chaussures, dont les re´sultats sont varie´s et discordants. Cela n’est pas e´tonnant quand on sait la diversite´ des manie`res de se chausser, la diversite´ des climats, et plus encore la diversite´ de la fabrication des chaussures. L’ecze´ma spe´cifique aux chaussures de se´curite´ et bottes de chantier, est e´vocateur [3]. Les le´sions d’ecze´ma, bilate´rales et syme´triques, sont localise´es sur le dos des pieds et des orteils[4]. Il semble exister une influence de la saison chaude qui favorise, avec la mace´ration, la compression et la friction, une pe´ne´tration des allerge`nes et le de´clenchement de la dermatite. Les dermatoses sousjacentes, telles que psoriasis ou atopie semblent e´galement eˆtre des facteurs favorisants [5]. Les allerge`nes potentiels.– Les allerge`nes les plus fre´quemment rencontre´s sont les ingre´dients du caoutchouc (mercaptobenzothiazole, thiuram, diphe´nylthioure´e) et les ingre´dients du cuir (re´sines phe´nole´es des colles, sels de chrome du tannage, colorants azoı¨ques) sans oublier les topiques utilise´s pour traiter la dermatose initiale : baume du Pe´rou, benzocaı¨ne, ne´omycine, antimycosiques, anti-inflammatoire. . . Toutes les e´tudes retrouvent au moins 25 % de cas, ou`, malgre´ une forte suspicion d’allergie aux chaussures, on n’arrive pas a` prouver cette hypothe`se par des tests e´picutane´s. La visite d’une tannerie permet de mieux appre´hender la complexite´ du tannage et par la`, la multiplicite´ des produits utilise´s [6]. Avec le tannage il s’agit de transformer une matie`re putrescible en un produit imputrescible, souple et re´sistant graˆce a` trois groupes de produits tannants : – tanins ve´ge´taux, (e´corce cheˆne, bois comme le chaˆtaignier, feuilles, fruits, racines) ; – produits mine´raux,(sulfate de chrome, d’aluminium, de fer, de zirconium, soufre) ; – produits organiques non ve´ge´taux : formol, chlorace´tamide, quinone, tanins synthe´tiques. . . Les plus utilise´s sont les sels de chrome. Le tannage ve´ge´tal est re´serve´ a` la pre´paration de cuirs a` semelles et de quelques peausseries pour ameublement et doublure, notamment pour bracelet montre. L’avantage principal du tannage au chrome est sa rapidite´ (24 heures maximum) et sa qualite´. Une peau de veau sera manipule´e plus de 200 fois pendant la phase de tannage, qui durera environ 30 jours entre son entre´e dans la tannerie et sa finition. Plus de 300 produits chimiques pourront eˆtre utilise´s pendant cette pe´riode. Ainsi donc, en dehors du caoutchouc et du cuir proprement dit, on pourra suspecter : – les biocides commune´ment utilise´s dans la fabrication du cuir, et notamment des isothiazolinones. Le dimethylfumarate (DMF) est un fongicide actuellement interdit en Europe, qui a pu entraıˆner des ecze´mas se´ve`res lie´s au ports de chaussures en cuir importe´es de Chine ; – les matie`res plastiques, largement utilise´es dans la confection des chaussures, surtout dans les colles, mais aussi dans la partie solide. Le PVC est issu de la polyme´risation de chlorure de vinyl monome`re en

Communications orales pre´sence d’un plastifiant dont la concentration de moins de 5 % durcit le PVC, et de plus de 30 % le ramollit ; – les colles : les colles latex sont a` base de caoutchouc synthe´tique, avec des cas d’allergie prouve´e a` un antioxydant comme le monobenzyl e´ther d’hydroquinone, a` un acce´le´rateur de vulcanisation comme le mercaptobenzothiazole ou le thiurame. D’autres colles caoutchoute´es peuvent contenir de la colophane ou du diphe´nylguanidine. Dans les colles ne´opre`nes les allerge`nes potentiels sont le thiuram utilise´ comme controˆleur de polyme´risation des polychloropre`nes, le dode´cyl mercaptan comme produit d’arreˆt de polyme´risation, e´thyl butyl thioure´e comme acce´le´rateur de polyme´risation, et surtout le paratertiaire butylphe´nol formalde´hyde utilise´ comme stabilisateur de colle ne´opre`ne. La sensibilisation peut venir d’ailleurs puisque ces colles sont aussi utilise´es dans des ceintures, bretelles, garnitures de voiture, bricolage. Bien que 80 % des colles a` chaussures soient des polyure´thanes, tre`s peu de cas d’allergies a` celles-ci ont e´te´ de´crites ; – les colorants. La fre´quence de l’allergie aux colorants des chaussures est certainement sous-estime´e. Cela tient en partie a` la prolife´ration de teintures non re´fe´rence´es et a` l’inade´quation des allerge`nes des batteries standards avec la complexite´ et la multiplicite´ des colorants actuels. Tous les cuirs sont obligatoirement teinte´s, soit dans la masse avec des colorants azoı¨ques (cuir aniline) (Dispers Yellow 3, Orange 3, Yellow 27, Blue 124, Blue 106, Red 1, Blue 3, Black 1), soit en finition avec des colorants de toute sorte, notamment antraquinoniques (Dispers Blue 1 et Blue 35) ; – les chaussettes pourraient eˆtre en cause bien plus souvent qu’on ne le pense, soit par action directe de ses composants, et notamment des colorants, soit par action indirecte en concentrant les allerge`nes des chaussures. La laine est irritante et peut causer des urticaires de contact, mais rarement des ecze´mas de contact. Dans le baˆtiment, les meilleures chaussures sont celles qui allient confort et se´curite´ tout en gardant les pieds au sec et au chaud. Sont ainsi recommande´es les chaussures de protection (norme EN 346-1), qui posse`dent un embout re´sistant a` un choc de 100 joules et a` un e´crasement de 10 kN ou mieux les chaussures de se´curite´ (norme EN 345-1), qui posse`dent un embout re´sistant a` un choc de 200 joules et a` un e´crasement de 15 kN. Le choix de la matie`re joue un roˆle primordial dans la re´sistance de la chaussure de se´curite´ : Cuir qui associe confort, solidite´ et esthe´tisme ; Polyure´thane, dont les semelles en polyure´thane offrent une re´sistance accrue a` l’abrasion, aux hydrocarbures, aux flexions re´pe´te´es, a` l’absorption des chocs ; Caoutchouc nitrile, utilise´ pour sa re´sistance a` la coupure, a` l’abrasion, a` la chaleur, aux hydrocarbures et produits chimiques. Conclusion.– La ne´gativite´ des tests e´picutane´s dans les bilans d’ecze´mas des pieds est fre´quente (plus de 25 % des cas), sans doute en raison de notre ignorance sur les agents tannants et les colorants utilise´s. En cas d’ecze´ma au bichromate du cuir, et dans l’impossibilite´ de trouver des chaussures sans cuir ou sans cuir tanne´ au chrome, le fait de porter des chaussures neuves semble ame´liorer la dermatose, peut-eˆtre parce que les sels de chrome sont mieux fixe´s dans le cuir neuf et de ce fait moins libe´re´s. Cela permet d’e´viter l’ecze´ma des pieds chez la moitie´ des patients ayant une allergie aux chaussures de cause inconnue. Re´fe´rences [1] Geraut C. L’essentiel des pathologies professionnelles. Paris: Ellipses; 1995: 238–43. [2] Lachapelle JM, Tennstedt D. La dysidrose et l’ecze´ma dysidrosique. Approches diagnostiques et the´rapeutiques innovatrices. Louvain Med 2000;119:S55–63. [3] Foussereau J. L’ecze´ma allergique aux objets et veˆtements de protection individuelle. Fiche d’allergologie-dermatologie professionnelle. Documents pour le me´decin du travail : DMT 34, TA 46; 1988.

[4] Freeman S. Shoe dermatitis. Contact Dermatitis 1997;36:247–51. [5] Tennstedt D. Quel bilan devant un ecze´ma des pieds. Rev Franc Allergol 2010;50:244–7. [6] Jelen G. Le pied professionnel. In: Progres en Dermato-allergologie. Paris: John Libbey Eurotext; 2002: 143–56. http://dx.doi.org/10.1016/j.admp.2013.07.007 7

Cas difficiles car trompeurs : quiz interactif D. Tennstedt Service de dermatologie, universite´ catholique de Louvain, UCL-3033, 1200 Bruxelles, Belgique Pour clore cette session consacre´e a` la dermatologie professionnelle du monde du BTP, nous vous proposons une formule « Quiz » touchant a` plusieurs domaines inte´ressant la dermato-allergologie, la dermatologie de l’environnement et la dermatologie spe´cifique des professionnels du baˆtiment. Le principe consiste en un mode « d’enseignement particulier » dont la me´thodologie correspond a` une « de´marche biphasique ». Ce type de de´marche est habituel au sein de notre pratique quotidienne lorsque nous examinons pour la premie`re fois un patient que nous ne connaissons pas. La premie`re phase ou « phase d’induction » (correspondant a` la de´marche anamnestique, a` l’examen clinique et aux demandes d’e´ventuels examens paracliniques) devrait permettre aux auditeurs de poser un diagnostic de pre´somption ; alors que la deuxie`me phase ou « phase de re´ve´lation » leur offrira le diagnostic de certitude (dans un certain nombre de cas. . .). D’autres cas traitant du meˆme sujet seront e´ventuellement pre´sente´s. Ce quiz clinique s’adresse bien entendu essentiellement aux me´decins du travail qui sont confronte´s journellement a` de multiples proble`mes dermatologiques rencontre´s dans le monde du BTP. Le but de cet expose´ vise a` proposer, a` partir de situations ve´cues, une autoe´valuation anonyme, permettant de « confronter » ses connaissances et e´ventuellement ses propres attitudes diagnostiques et the´rapeutiques a` celles des autres participants. En pratique, le quiz « Dermatologie du BTP » est un jeu diagnostique interactif re´serve´ aux participants des 32e Journe´es nationales sante´travail BTP. Une se´rie de patients, pre´sentant des proble`mes cutane´s suppose´s d’origine professionnelle, ou d’origine environnementale, sera pre´sente´e, tant sur le plan anamnestique, que sur le plan clinique (et parfois paraclinique). Nous demanderons aux participants de proposer un diagnostic clinique, de de´couvrir un e´ventuel allerge`ne en cause, de de´terminer la probabilite´ de la nature environnementale d’une re´action ou encore de s’orienter vers une pathologie plus internistique. . . Afin de donner une unite´ a` la pre´sentation, pratiquement tous les patients qui seront pre´sente´s sont des patients envoye´s par la me´decine du travail pour eˆtre « teste´s » ou « mis au point » en milieu dermatologique. En un deuxie`me temps, la « solution » de ce Quiz sera expose´e et discute´e. Nous n’avons pas voulu imprimer dans ce re´sume´ le de´tail des cas cliniques pre´sente´s ce jour afin de ne pas de´voiler a` l’avance les re´ponses qui seront demande´es a` l’auditoire. Apre`s l’expose´ de chaque cas clinique, nous e´voquerons quelques diagnostics diffe´rentiels potentiels ainsi que d’autres cas cliniques se rapportant au cas pre´sente´. L’expose´ qui sera fait au cours de ces 32e Journe´es nationales sante´travaille BTP se veut interactif et devrait donc laisser l’auditoire re´agir aux proble`mes pose´s. http://dx.doi.org/10.1016/j.admp.2013.07.008

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