Le prasugrel en pratique : quel patient ? Comment ? Quelle durée ?

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perspectives thérapeutiques Le prasugrel en pratique : quel patient ? Comment ? Quelle durée ? D’après la communication de G. Montalescot Hôpital de...

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perspectives thérapeutiques

Le prasugrel en pratique : quel patient ? Comment ? Quelle durée ?

D’après la communication de G. Montalescot Hôpital de La Pitié Salpêtrière, Paris

S

uite aux résultats de l’étude TRITON-TIMI 38 [1], l’indication du prasugrel a pu être définie et ses modalités thérapeutiques précisées pour la prise en charge des patients présentant un syndrome coronaire aigu traités par angioplastie.

Quels patients ? Les patients concernés sont avant tout ceux pour lesquels la prescription du prasugrel peut se faire sans hésitation. Il s’agit en premier lieu des patients présentant un infarctus du myocarde avec élévation du segment ST (STEMI) en phase aiguë avant l’angioplastie, chez lesquels on observe un bénéfice important du prasugrel, avec une réduction significative de 21  % des décès cardiovasculaire, IDM non fatal, AVC non fatal à 450 jours (9,8 % vs 12,2  % ; IC  95  %  : 3-35), et qui ne présentent pas de sur-risque hémorragique majeur ni mineur, comme le montre l’analyse de cette cohorte pré-spécifiée des patients STEMI de TRITON-TIMI 38 [2]. Ces patients bénéficient de plus d’une réduction significative de la mortalité à 30 jours sous prasugrel. La deuxième indication indiscutable concerne les thromboses de stent pour lesquelles le prasugrel a permis une réduction significative de 52  % (1,13  % vs 2,35  % ; IC 95  %  : 36-64 ; p  <  0,0001), un bénéfice observé aussi bien sur les thromboses précoces que tardives en les réduisant respectivement de 71 % et 54 % par rapport au clopidogrel (figure 1). L’utilisation du prasugrel est également possible chez les patients présentant une résistance au clopidogrel, dont on sait qu’elle est difficilement surmontable, même en augmentant de façon très importante les doses. À l’inverse, l’inhibition plaquettaire obtenue avec le prasugrel est homogène et élevée. S24

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Enfin, les diabétiques présentant un syndrome coronaire aigu et devant subir une angioplastie sont eux aussi des candidats privilégiés au prasugrel car particulièrement exposés aux complications ischémiques. Les données de ce sous-groupe dans TRITON-TIMI 38 sont extrêmement convaincantes : le prasugrel réduit de 30  % la survenue de décès cardiovasculaire, IDM non fatal ou AVC non fatal, sans majoration du risque hémorragique [3]. Aussi chez ces patients particulièrement à risque, le prasugrel prend-il toute son importance. De la même manière, cette étude a permis d’identifier clairement les patients pour lesquels le prasugrel est contre-indiqué. La seule contre-indication absolue concerne  les patients ayant un antécédent d’AVC ou d’AIT. Afin d’éviter tout sur-risque hémorragique, les patients âgés de 75 ans et plus et/ou de moins de 60 kg ne devraient également pas être traités par le prasugrel à la dose de 10 mg. Par ailleurs, il est attendu que le risque hémorragique observé dans la pratique en France soit moindre par rapport aux données de TRITON, ceci pour plusieurs raisons (tableau 1). D’une part, l’utilisation de la voie radiale est prépondérante en France (dans 2/3 des angioplasties), et présente un risque hémorragique fortement réduit par rapport à la voie fémorale (figure 2). Seconde particularité, le pontage coronaire est programmé dans la plupart des cas en France, permettant ainsi une gestion anticipée des antiplaquettaires et la réduction du risque hémorragique péri-opératoire. Enfin, le risque hémorragique sera minimisé étant donné que les patients de 75 ans et plus et/ou de moins de 60 kg ne doivent pas recevoir prasugrel, compte tenu que la posologie de 5  mg n’est pas disponible en France (figure 3). AMC pratique  Suppl. 2  avril 2010

Compte-rendu de SYMPOSIUM

Thromboses de stent précoces (Jours 0-30)

Proportion des patients (%)

2,5

Thromboses de stent tardives (Jours 30-450)

2,5

2,0

Clopidogrel Prasugrel

2,0 1,44

1,5

1,5 0,91

p = 0,0001 RRR= 71 %

1,0

1,0

0,5

p = 0,04 RRR = 54%

0,5 0,42

0,42

0,0

Jours

0,0 5

0

10

15

20

25

30

90

30

150 210 270 330 390 450

Figure 1. Réduction des thromboses précoces et tardives chez les patients avec stent actif.

29%, p=0,002 3

Clopidogrel 300/75 Clopidogrel 600/150

25%, p=0,02 3

Clopidogrel 300-600/75 Ticagrelor

52%, p<0,001 3

Clopidogrel 300/75 Prasugrel

2,5 2,5 2,5 Tableau 1. 4 raisons de penser que2 le risque de saignement en France sera inférieur à celui observé 2dans l’étude TRITON. 2 1,5

1,5

0

0

2,9

CURRENT

% événements

5 4

1,1

PLATO

TRITON

Clopidogrel Prasugrel HR 1,31 p = 0,35

3 2

2,4

1,5 1 0,5 0

1. L’utilisation de la voie radiale est prépondérante en angioplastie coronaire. 2,2 1 1 2. Le pontage coronaire est programmé dans2,3 la plupart 1,6 des cas. 0,5 0,5 3. Les groupes à risque de saignement sont exclus (poids faible et personnes âgées).

2,5

HR 1,13 p = 0,82

1,9

1,4

1,2 1

N=

0

6123

6150

Fémorale

556

564

Radiale

Figure 2. Impact du choix de la voie d’abord sur le risque hémorragique : réduction saignements majeurs non liés à un pontage avec l’abord radial dans TRITON-TIMI 38.

Initiation du traitement Concernant la prescription, le schéma thérapeutique est simple  : initiation par une dose de charge de 60  mg poursuivie par une dose quotidienne de 10 mg en phase d’entretien. Le traitement doit être initié dès le premier contact médical pour les patients STEMI, en particulier lors du transport médicalisé, ainsi que chez ceux présentant une thrombose de stent. Pour les diabétiques l’initiation se fera au moment de l’angioplastie. AMC pratique  Suppl. 2  avril 2010

Dans le cas des SCA sans sus-décalage du segment ST (angor instable et IDM ST-) survenant chez un patient non diabétique, se pose la question du prétraitement avant l’angiographie, mais sa réponse diffère selon les recommandations européennes qui le conseillent et américaines qui le déconseillent. L’étude européenne ACCOAST actuellement en cours permettra de répondre à cette question. Elle évaluera chez plus de 4 000 patients l’intérêt du prétraitement par le prasugrel dans le NSTEMI. S25

Hémorragies non liées au pontage coronaire

Compte-rendu de SYMPOSIUM

Le prasugrel en pratique : quel patient ? Comment ? Quelle durée ?

7 6 5 %

4,82

4 3

3,62

2 1

2,28

Poids

1,21

0 ≥ 75 ans

< 75 ans Age

≥ 60 kg

< 60 kg

Figure 3. Hémorragies non liées au pontage coronaire suivant l’âge et le poids des patients dans TRITON-TIMI 38.

Suivi du traitement

Conflits d’intérêts

La durée du traitement avec le prasugrel est recommandée pour un an. L’arrêt ou la modification du traitement n’ont pas été étudiés en clinique ; toutefois l’impact de ces modifications et du « switch » d’un antiplaquettaire à l’autre ont fait l’objet d’une évaluation dans l’étude biologique ACAPULCO, une étude randomisée multicentrique parisienne : une efficacité moindre en termes d’inhibition de l’agrégation plaquettaire est obtenu lors du passage de prasugrel 10 mg au clopidogrel 150 mg et une résistance plus élevée est observée sous clopidogrel 150 mg [4]. Les conséquences cliniques du switch n’ont à l’heure actuelle pas été démontrées, même si leur tendance en termes d’événements cardiovasculaires se dessine déjà.

Gilles Montalescot : Travail de recherche  : Bristol Myers Squibb, Boston Scientific, Centocor, Cordis, Eli-Lilly, Fédération Française de Cardiologie, Fondation de France, Guerbet Medical, INSERM, ITC Edison, Medtronic, Pfizer, Sanofi-Aventis Group, Société Française de Cardiologie; Consultant : Accumetrics, Astra-Zeneca, Bayer, BoehringerIngelheim, Bristol-Myers Squibb, Daichi-Sankyo, Eisai, Eli-Lilly, Menarini, MSD, Novartis, Portola, Sanofi-Aventis Group, Schering-Plough, The Medicines Company.

Conclusion Le prasugrel, dose de charge de 60  mg suivi d’une dose d’entretien quotidienne de 10 mg, devrait être privilégié en cas d’angioplastie chez les patients STEMI, ceux ayant une thrombose de stent et chez les diabétiques. Son usage est indiqué dans les SCA avec angioplastie chez les patients de moins de 75 ans et plus de 60 kg, avec une durée de traitement recommandée jusqu’à 1 an.

S26

Références 1. Wiviott SD, Braunwald E, McCabe C, et al. Prasugrel versus clopidogrel in patients with acute coronary syndromes. N Engl J Med 2007;357:2001-15. 2. Montalescot G, Wiviott SD, Braunwald E, et al. Prasugrel compared with clopidogrel in patients undergoing percutaneous coronary intervention for ST-elevation myocardial infarction (TRITON-TIMI 38): double bind, randomized trial. Lancet 2009;373:723-31. 3. Wiviott SD, Braunwald E, Andiolillo DJ et al. Greater clinical benefit of more intensive oral antiplatelet therapy with prasugrel in patients with diabetes mellitus in the trial to assess improvement in therapeutic outcomes by optimizing platelet inhibition with prasugrel-thrombolysis in myocardial infarction. Circulation 2008;118:1626-36. 4. Montalescot G, Sideris D, Cohen R, et al. Prasugrel compared with high-dose clopidogrel in acute coronary syndrome. Thromb Haemost 2010;103:213-23.

AMC pratique  Suppl. 2  avril 2010