Le récepteur cholinergique: un domaine en expansion

Le récepteur cholinergique: un domaine en expansion

O Ill m I I U~ 1 9 7 8 , 60, n ° 3. Le r 6 c e p t e u r c h o l i n e r g i q u e : un d o m a i n e e n e x p a n s i o n d'etre hydrolys~e en ch...

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O Ill m I I

U~ 1 9 7 8 , 60, n ° 3.

Le r 6 c e p t e u r c h o l i n e r g i q u e : un d o m a i n e e n e x p a n s i o n

d'etre hydrolys~e en choline et ac6tate (voir I).

La transmission de I"excitation des nerfs moteurs aux fibres de la musculature squelettique des vertdbr~s met en jeu la liberation par les terminaisons nerveuses d'un transmetteur chimique, I'ac~tycholine (ACh). Cette petite molecule diffuse travers les 600 A qui s~parent la terminaison nerveuse de la fibre musculaire avant de se lier ~ une prot~ine intdgrde la membrane post-synaptique, le r~cepteur de I'ac6tylcholine (AChR). A la suite de cette liaison, la rdgion sous-synaptique de la membrane plasmique de la fibre musculaire devient fortement permeable aux cations, et I'entr~e nette de charges positives entra~ne une chute locale du potentiel membranaire qui est reprise, amplifide et propag~e par un syst~me ~lectriquement excitable semblable ~ celui qui conduit I'influx nerveux le long des axones. Cette ddpolarisation gdn~ralis~e provoque ~ son tour la libdration de calcium dans le sarcoplasme de la fibre et I'interaction des filaments d'actine et de myosine responsable de la contraction. Au d~but de cette cascade d'~v~nements, I'arrivde d'un potentiel d'action ~ la terminaison nerveuse aura entra~n~ ~ nous prendrons pour exemple la jonction neuromusculaire de grenouille - - la libdration d'environ 600 000 de molecules d'ac~tylcholine (en environ 100 paquets, ou quanta, d'~ peu pros 6 0 0 0 molecules chacun) ; chaque r~cepteur excit~ aura laissd p~ndtrer dans le sarcoplasme environ 4 0 0 0 0 cations (essentiellement Na ÷) en un temps qui ne ddpasse gu~re la milliseconde. La prdsence dans la fente synaptique de renzyme acdtylcholinestdrase fait que chaque moldcule d'acdtylcholine n'aura gudre eu roccasion de se fixer que sur un seul site tdcepteur avant

Purification du r~cepteur : cinq ans d~j~. II y a plus de cinq ans qu'ont dt~ obtenues les premieres preparations homoggnes de rdcepteur cholinergique (voir 2). La prot6ine ~tait purifi6e ~ partir non du muscle, mais de I'organe ~lectrique de certains poissons, essentiellement celui du Gymnote (Electrophorus electricus) et ceux de diverses esp~ces de raies ~lectriques (Torpilles, Torpedo spo). Les cellules multinucld~es constituant ces organes (les dlectroplaques) sont embryologiquement homologues de fibres musculaires ; elles se diff~rencient en disques plats dont une face re coit une dense innervation cholinergique qui recouvre 1 ~ 2 p. cent (chez le Gymnote) ou 50 ~ 100 p. cent (chez la Torpille) de sa surface (le chiffre ~quivalent pour une fibre musculaire de grenouille serait de I'ordre de 0,01 ~ 0,1 p. cent). Apr~s homog~n~isation et purification plus ou moins poussde, la fraction contenant les fragments de membranes pr~sum~es d'origine sous-synaptique ~tait solubilisde ~ I'aide de ddtergents puissants (Triton X-IO0, cholate ou d~oxycholate, etc...) et le surnageant soumis ~ une ou plusieurs chromatographies d'affinit~. Les ligands fixes aux gels constituant les colonnes d'affinit~ dtaient connus pour se fixer, in vivo et in vitro, sur le site de liaison de racdtylcholine, qu'il s'agisse d'analogues du curare ou des a-toxines de venins de serpent. Le produit de la purification est une glycoprot~ine oligom~rique, d'un poids mol~culaire apparent d'environ 300 000 daltons, liant fortement lipides ou d~tergents. Son identification en tant que rdcepteur de rac6tylcholine est bas6e sur

une sdrie d'arguments dont aucun ~ lui seul n'emporterait totalement la conviction, mais dont rensemble constitue une d~monstration extr~mement solide ; il s'agit essentiellement de crit~res 1) pharmacologiques: la liaison ~ la protdine purifi~e de I'ac&tylcholine et de ses analogues (agonistes), de curarisants (antagonistes), des (~-toxines, et d" un marqueur d" affinit~, le 4-(N-mal~imido)-ph~nyltrim~thylammonium (MPTA), qui ~tablit une liaison covalente avec un r~sidu cyst~ine situ~ au voisinage imm~diat du site de liaison de I'ACh ; 2) immunologiques : le s~rum de lapins ayant re cu des injections de la protdine purifi~e bloque postsynaptiquement la jonction neuro-musculaire ; 3) morphologiques : la prot~ine purlfide prdsente au microscope ~lectronique un aspect en rosette tr6s caract~ristique qu'on peut observer in situ au niveau de la membrane post-synaptique. On n'a cependant jamais pu apporter de d~monstration satisfaisante que le r~cepteur purifi~ est capable, apr6s r~insertion dans un environnement membranaire, non seulement de lier les agonistes mais aussi de provoquer ~ la suite de cette liaison un changement de permdabilit~ comparable la r~ponse physiologique. Apr6s d~naturation en presence de dod~cylsulfate, I'dlectrophor6se en gel d'acrylamide r~v6le I'existence d'un nombre variable de cha~nes polypeptidiques dont une seule, la plus I~g6re (PM ~__ 4 0 . 0 0 0 ) e s t marqu&e par le MPTA et donc prdsum~e porter le site de liaison de I'A Ch.

Depuis risolement de I'AChR, son ~tude s'est consid6rablement approfondie et diversifi~e mais, assez paradoxalement, c'est peut-~tre la connaissance de la structure de la prot~ine elle-m~me qui a le moins progress~ au cours des cinq derni6res ann~es. Cette situation tient ~ la conjugaison de nombreux facteurs, et pas seulement aux difficult~s propres qu'a rencontr~es I'dtude de cette structure. Notamment, notre connaissance des ~vdnements biochimiques qui accompagnent le fonctionnernent du r~cepteur s'est consid~rablement enrichie au cours des derni6res anndes ; nous examinerons quelques-uns des r~sultats les plus marquants tout ~ I'heure. Des domaines nouveaux : myasth6nie exp6rimentale et m6tabolisme du r6cepteur. 1978, 60, n ° 3.

Par ailleurs, des domaines nouveaux se sont ouverts ~ I'exp~rimentation. Ainsi, Iorsqu'en 1973 deux groupes d'exp~rimentateurs tent~rent d'obtenir les premiers anticorps dirig~s contre le r~cepteur purifid de Gymnote [3], ils ddclench6rent chez leurs lapins une r~action auto-immune, I'organisme entreprenant la production d'anticorps dirig~s contre ses propres r~cepteurs. Les sympt6mes pr~sent~s (paralysie flasque transitoirement abolie par I'injection d'agents anticholinest~rasiques) s"apparentent ~ ceux d'une grave maladie humaine, la myasthenia gravis. Des anticorps anti-r~cepteur ont effectivement pu ~tre mis en ~vidence dans le s~rum de patients myasth~niques. Plusieurs groupes s"attachent actuellement ~ d~finir en quoi myasthenia gravis et myasth~nie exp~rimentale se ressemblent ou diffdrent, et quel est leur d~terminisme [volt 4]. D'autre part, la mise au point sur les poissons ~lectriques de m~thodes de purification et de caract~risation du r~cepteur cholinergique a jou~ un r61e essentiel dans I'approche du r~cepteur d'origine musculaire. Ainsi peut-on, par exemple, tirer parti de I'existence de r~sidus glycosidiques en le purifiant sur des gels porteurs de lectines. Le r~cepteur musculaire, peut exister sous au moins deux formes, I'une, m~taboliquement stable, formant un dense tapis sous-synaptique, rautre, ~ renouvellement rapide (12-24 h), dispers6e dans les zones extra-synaptiques. Chez I'adulte, dans les conditions normales, la densit~ extra-synaptique de r~cepteur cholinergique est 100 ~ 1000 lois plus basse que sous les terminaisons nerveuses ; elle augmente consid~rablement, cependant, si le muscle perd son innervation. La rdgulation de cette hypersensibilit6 de d6nervation, d" abord expdrimental difficile, fait actuellement I"objet de nombreuses dtudes (et de presque autant d'hypoth6ses). II est d'ores et d~j& certain que I'activit~ musculaire y joue un r61e d~terminant, en inhibant la ndo-synth6se de rdcepteur extra-synaptique. A cette hypersensibilit~ semble directement li~e la possibilit~ pour un nerf ~tranger d'~tablir une ionction fonctionnelle avec la fibre musculaire dans une r~gion pr~c~demment non innerv6e (ph~nom6ne qui ne se produit pas sans d~saffdrentation pr~alable) [ voir 5, 6]. Semblablement, des cellules mus-

IX

culaires fusionn~es en culture, les myotubes, (et sans doute les zones extrasynaptiques des muscles d~saffdrent~s) poss~dent ~ la fois des r~cepteurs diffus, mobiles dans le plan membranaire, et des agr~gats de r~cepteurs fortement immobilis~s. On ignore encore le rSle dventuel de ces agr~gats Iors de la synaptog~n~se. II semble toutefois plausible ~ sans que cela soit enti~rement prouv~ ~ que le r~cepteur sous-synaptique d~rive du r~cepteur extra-synaptique ~ la suite d'un processus de ¢ stabilisation >~. Les propridt~s pharmacologiques des deux types de r~cepteurs sont trds semblables, sinon identiques, mais les molecules solubilis~es different I~g~rement par leur point iso~lectrique (pHi). Chez le Gymnote, deux formes de r~cepteurs prdsentant cette difference de p h i peuvent ~tre mises en ~vidence (sans que leur origine extraou sous-synaptique puisse ~tre ~tablie) ; leur interconversion a pu ~tre ddmontr~e in vitro. Elle pourrait r~sulter d'une phosphorylation. Par ces ~tudes, la formation de la jonction neuro-musculaire peut se r~v~ler un excellent module de synaptog~n~se [voir 6]. Etudier le rdcepteur dans son environn ement membranaire.

Tandis que nombre d'exp~rimentateurs s'engageaient sur ces voles nouvelles, les autres constataient avec une satisfaction mitig~e que les propri~t~s de liaison de la protdine purifi~e diff~raient consid~rablement de celles qu'elle pr~sente avant d'etre arrach~e ~ son environnment membranaire [1] : ainsi I'affinitd de la prot~ine de Torpille pour racdtylcholine et les autres agonistes est plus de cent lois plus ~lev~e dans I'~tat membranaire qu'apr~s purification, alors que celle qu'elle manifeste vis-a-vis des antagonistes reste relativement constante. D'autres differences, qualitatives, allaient ~tre ddcouvertes par la suite [voir 2]. La membrane plasmique de I'dlectroplaque de Gymnote ou de Torpille, Iorsqu'elle est fragmentde, se referme en v~sicules dont les dimensions sont de I'ordre du micron. Ces <( microsacs )) peuvent gtre remplis d'une solution contenant un cation radioactif (g~n~ralement le ~Na*). Apr~s dilution dans un milieu non radioactif, une ~quilibration se produit, dont la vitesse est fonction de la perm~abilit~ 1 9 7 8 , 6g, n ° 3.

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membranaire. Lorsque la membrane contient du r~cepteur cholinergique dans son ~tat natif, I'addition d'ac~tylcholine provoque une augmentation considerable de sa perm~abilitd cationique et une ~quilibration rapide du cation radioactif. II est ainsi possible de reproduire in vitro I'excitation cholinergique et donc de v~rifier que la preparation contient t o u s l e s ~l~ments du syst~me dans un ~tat fonctionnel. II n'est ~videmment plus question de conduire ce test sur le r6cepteur solubilis~ et, faute d'une m~thode reproductible permettant de le r~associer fonctionnellement ~ une membrane, nous ignorons si la molecule purifi~e poss~de encore tous ces ~l~ments ~ I'~tat natif. Pour ces diff6rentes raisons, les r~sultats les plus int~ressants concernant les corr~lats biochimiques de la r6ponse I'ac~tylcholine sont venus d'~tudes effectu6es sur le r~cepteur encore int~gr~ ~ son environnement membranaire. Partant le plus souvent de rorgane ~lectrique de Torpille, des fractionnements optimisds ont permis d'obtenir des preparations de fragments de membrane sous-synaptique de plus en plus homog~nes ; la plus r~cente d'entre elles est constitute 90 p. cent de fragments couverts des rosettes identifi~es au r~cepteur, qui constitue environ 40 p. cent des prot~ines [ 8 ] . Sur ces fragments peuvent ~tre ~tudi~es en parall~le les propri~t~s de liaison et celles de permdabilit~. Leur richesse en r~cepteur permet I'application de m~thodes biophysiques comme I'~tude de la fluorescence intrins~que (celle des prot~ines) ou celle de ligands fluorescents de propri~t~s pharmacologiques diverses, ou comme les techniques de rdsonance paramagn~tique ~lectronique (RPE), qui permettent de sonder I'environnement d'une molecule porteuse d'un dlectron libre. Trois dtats conformationnels.

Les dtudes, menses en parall~le, de la liaison d'un ligand (l'ac~tylcholine par exemple) sur des fragments de membranes riches en r~cepteur isol~s de I'organe de Torpille, et de I'accroissement de permdabilit~ qui suit cette liaison aboutirent ~ un r~sultat surprenant : alors qu'apr~s incubation avec 10 m M d'acdtylcholine, la moiti~ des sites de liaison sont satur~s, il en faut 2 ~M dans le

milieu de dilution pour obtenir la moiti~

de I'accroissement maximum de permdabilitd au =~Na÷. Un calcul simple suggdrait d'ailleurs que la haute affinitd mesur~e lots des expdriences de liaison n'dtait pas <( physiologique )), c'est-~-dire ne correspondait pas ~ celle du rdcepteur /ors de la neurotransmission : en supposant que la vitesse de liaison de I'ACh sur son site n'est limitde que par la diffusion, soit au maximum k "~ 10~ M-Is -~, une constante d'dquilibre de 10 nM correspond ~ un temps d'occupation moyen de I'ordre de 100 ms, alors que nous savons que Iors de la transmission synaptique I'ACh ne reste pas fixde au rdcepteur plus de quelques millisecondes. Ce prob/~me allait ~tre rdsolu ~ la suite d'une sdrie d'expdriences que I'on peut rdsumer ainsi : a) (( ddsensibilisation )) de la r~ponse de permdabilitd. Le changement de permdabilitd des fragments de membrane induit par les agonistes n'est que transitoire : apr~s quelques minutes d'incubation, la permdabilitd retombe ~ son niveau de base et les membranes sont transitoirement inexcitables [9]. Cette d~sensibilisation, qui dispara~t en quelques minutes si I'on 61imine I'ACh, avait ddj~ ~td observde in vivo par les dlectrophysiologistes. L'analyse des cindtiques et de la pharmacologie du processus, in vitro comme in vivo, conduit ~ favoriser un (ou des) modUle(s) postulant I'existence d'au moins trois 6tats conformationnels interconvertibles. Ces trois dtats diff~reraient par I'affinitd du site de liaison de I'ACh vis-a-vis des agonistes et des antagonistes et par I'dtat d'activit~ de la structure permdabilisant la membrane aux cations (l'ionophore, A Chl). Dans I'~tat de repos, le plus peupld en rabsence de tout ligand, I'affinitd de I'A ChR pour les agonistes serait faible et r A C h l inactif. L'6tat actif, correspondant ~ I'activation de I'A Chl, prdsenterait pour les agonistes une affinitd plus dievde. Enfin, un dtat ddsensibilis6, en dquilibre lent (secondes ou minutes) avec les deux premiers, pr~senterait la plus haute affinitd pour les agonistes et I'AChl y serait inactif. Seraient antagonistes les composds prdsentant plus d'affinitd pour I'dtat de repos ou I'dtat ddsensibilis~ que pour I'dtat actif. On retrouve I~ run de ces moddles inspirds des mdcanismes allostdriques [10 ; voir I] : I'AChl tient lieu de site catalytique et I'ACh et les 1978, 60, n ° 3.

antagonistes sont consid~r6s comme des effecteurs allostdriques dont I'affinitd prdfdrentielle pour I'un ou I'autre ~tat ddplace I'~quilibre dans un sens ou dans I'autre. A insi I'addition d'ACh au syst~me entra~nerait un basculement rapide vers I'dtat actif (cindtiques de I'ordre de la milliseconde), et donc une augmentation de permdabilitd ; si I'ACh n'est pas dliminde, le syst~me glisse ensuite, lentement, vers I'dtat ddsensibilis~ et la permdabilitd dispara~t [voir I I ]. b) Constantes de liaison. Le type de module ci-dessus permet de rationaliser la diffdrence observde entre la concentration d'ACh qui provoque la moitid de I'augmentation de permdabilitd aux cations et celle qui entra~ne roccupation de la moitid des sites de liaison : apr~s incubation avec I'ACh, I'affinitd mesurde serait celle, non physiologique, de I'dtat ddsensibilisd. Effectivement, une affinitd beaucoup plus faible est observde si la liaison est mesur~e immddiatement apr~s addition de I'ACh ; elle augmente progressivement si I'incubation est prolongde, et cette augmentation prdsente des caract~res pharmacologiques semblables ~ ceux de la ddsensibilisation [ 12]. Cet effet a ~t~ retrouvd en mesurant directement ou indirectement la liaison d'ACh, ou par spectroscopie (RPE ou fluorescence) en utilisant des ligands addquats. La dernidre mdthode, utilisde avec un appareillage de mdlange rapide, a d'ailleurs permis de vdrifier une autre prddiction du moddle, ~ savoir la prdexistence en I'absence de tout ligand d'une fraction de sites dans I'dtat ddsensibilisd. c) Etats conformationnels. Le rdcepteur contenant du tryptophane, on pouvait espdrer en mesurant la fluorescence intrins~que des protdines ddtecter directement sur les fragments de membrane les changements d'dtats conformationnels. Une diminution lente et rdversible de cette fluorescence suit effectivement raddition d'A Ch et pourrait correspondre au processus de ddsensibilisation [13]. La technique est malheureusement peu sensible. Davantage de r~suitats ont ~t~ obtenus en suivant la fluorescence d'un marqueur sur lequel nous allons revenir, la quinacrine, qui se lie aux fragments de membrane sur des sites distincts du site de liaison de I'ACh. Sa

fluorescence, excitde par transfert d'~nergie ~ partir des prot~ines, met en dvidence deux processus d'isom~risation dont le plus lent correspond vraisemblablement ~ la d~sensibilisation. Le plus rapide ne s'observe qu" avec les agonistes, et non avec les antagonistes, et semble donc lid au processus d'activation. Cependant, ses cinEtiques sont plus lentes (d'un trois ordres de grandeur) que ce que les donn~es ~lectrophysiologiques permettent d" attendre.

L'apport de I'~lectrophysiologie. En effet, parall~lement ~ ces ~tudes biochimiques, le d#veloppement de nouvelles approches ~lectrophysiologiques a fait consid~rablement progresser notre connaissance de I'ionophore que commande le r$cepteur cholinergique. Etudiant les fluctuations ((~ bruit ~) de la d~polarisation provoqu~e par une dose faible et constante d'ac$tylcholine, B. Katz et R. Miledi concluaient, en 1970, qu'elles $taient dues ~ la sommation statistique d'$v$nements dl$mentaires brefs et de tr~s faible amplitude, interpr$tEs comme I'ouverture et la fermeture al~atoires de pores. L'AChl associd au r$cepteur sous-synaptique reste ouvert en moyenne de 1 ~ 3 ms ~ chaque activation ; effet de l'environnement membranaire diffdrent ou difference r$elle entre les prot$ines, le temps d'ouverture moyen de I'AChl associ~ ~ I'A ChR extra-synaptique est de 3 ~ 5 fois plus grand [voir I, I I ] . Ces derniers ~v~nements ont pu ~tre enregistr$s directement, confirmant I'interprEtation des mesures de (( bruit )>. L'$quilibre entre les ~tats d'ouverture et de fermeture des pores est fonction de la nature et de la concentration de i'agoniste, mais aussi de la temperature, du potentiel membranaire, etc... La conductance globale observEe en presence d'une concentration donn~e d'agoniste depend doric de chacun de ces param~tres. Leur variation brusque determine un nouvel $quilibre que le syst~me atteint selon une cin~tique de relaxation. II est ainsi possible d'~tudier les cin$tiques d'ouverture et de fermeture de rA Chl en effectuant des sauts de potentiel [voir ! I ] ou en augmentant brutalement la concentration d'agoniste gr&ce ~ un compos$ photo-isom~risable [ I 5]. 1978, 60, n ° 3.

La comparaison des donn~es cin~tiques obtenues in vivo et in vitro pose e n c o r e de nombreux probl~mes. A lors que la rdsolution temporelle des m~thodes dlectrophysiologiques est excellente (tr~s en dessous de la milliseconde), les experiences biochimiques ont pour I'instant les limites de la mdthode de rn61ange rapide (usuel/ement que/ques millisecondes) ; par ailleurs, I'information d~riv~e de I'~lectrophysiologie ne concerne que I'&tat de I'AChl et ignore les &tats conformationnels d$tect~s in vitro et le degr6 d'occupation des sites de liaison. Nous ne disposons pas encore d'une m~thode qui permette de suivre in vitro I'activation de I'AChl avec une r~solution temporelle meilleure que la seconde. Aussi n'existe-t-il pas actuellement de modble unifi# capable de rendre compte de Fensemble des donn~es recueillies. La description d$taill#e des diff~rentes ~tapes de ractivation devrait ~tre un sujet particuli~rement chaud dans les ann$es venir.

Le canal sort-il du tunnel ? L'animation risque de ne pas manquer non plus, toutefois, dans un autre domaine, qui touche cette lois ~ la structure du complexe A ChR/A Chl. En dehors des agonistes et antagonistes, il existe un troisi~me groupe de ligands actifs sur la membrane postsynaptique, celui des anesth~siques Iocaux. La quinacrine, ainsi qu'une toxine d'amphibien, rhistrionicotoxine (HTX), appartiennent ~ la m~me classe de compos~s. Tous bloquent r~versiblement, in vivo, le changement de conductance provoqu6 par les agonistes mais, contrairement ~ ce qu'on observe avec les antagonistes, leur action ne peut ~tre contrebalanc~e par I'augmentation de la dose d'agoniste. II s'agit donc d'un blocage non comp$titif, ce que I'on peut v~rifier sur les fragments de membranes riches en r$cepteur : aux concentrations physioIogiquement actives, les anesth~siques ne bloquent pas la liaison de I'A Ch sur son site. Bien au contraire, il existe une facilitation mutuelle de la liaison de ces compos~s et des agonistes, raffinit~ des uns 6tant plus forte en presence des autres, et r$ciproquement [volt 2, I I ] . Curieusement, cette interaction dispara~t apr~s solubilisation du r$cepteur.

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XH

Des exp6riences r~centes ont montrd que I ' H T X radioactive se l i a i t aux fragments de membrane riches en r~cepteur, mais non ~ la molecule purifi~e [ 1 6 ] . Semblablement, I'HTX diminue, peut-6tre par compdtition, la fluorescence de la quinacrine li~e aux fragments de membrane, mais non ce/le d'un m~lange de quinacrine et de r~cepteur solubilis~ [ 1 1 ] . L'ensemble de ces expdriences sugg~rait que le site de liaison des anesth~siques Iocaux avait dt~ soit perdu, soit ddnatur~ Iors de la solubilisation. L'analyse ~lectrophor~tique en gel d~naturant de membranes sous-synaptiques particuli~rement pures montre, en sus de polypeptides minoritaires qui passent en solution avec la cha~ne de P M 40 0 0 0 attribute au rdcepteur, une prot~ine ma]eure d'un poids mol~culaire apparent de 4 3 0 0 0 daltons, appel6e la prot6ine 43-1( [ 8 ] . Lots de la solubilisation du r~cepteur, cette protdine forme un agrdgat insoluble. La fluorescence de la quinacrine lide ~ cette prot~ine est sensible ~ I'HTX et aux anesthdsiques Iocaux [ 17]. La prot~ine 43-K pourrait donc porter le site de liaison de ces compos~s et ~tre par cons~quent, in situ, ~troitement associ~e I'AChR sensu s t r i c t o . Or des arguments ~lectrophysiologiques conduisent ~ placer le site d'action des anesth~siques Iocaux, et en particulier de la quinacrine, au niveau de I'ionophore lui-m~me [ 1 8 ] . On peut donc espdrer que ces derniers d~veIoppements jetteront une lumi~re nouvelle sur la structure du complexe r~cepteurionophore.

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10.

11.

Jean-Luc POPOT. 12.

13. 14. BIBLIOGRAPHIE. N.B. Chaque fois qu'il 6tait possible, et ta I'exception de quelques articles marquants, on a renvoy~ aux revues les plus r6centes couvrant le sujet trait6. 1. Rang, H. P., Q. Rev. Bioph., 7, 283-399 (1975); Magazanik, L. G., Ann. Rev. Pharmacol., 16, 161-176 (1976); Gage, P. W., Physiol. Rev., 56, 177-247 (1976) ; Steinbach, J. H. El" Stevens, C. F., in Frog Neurobiology, a handbook (Minas, R. ~ Precht, W. eds), pp. 33-92, Springer (1977).

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15. 16. 17. 18.

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