Perspectives dans le domaine transfusionnel

Perspectives dans le domaine transfusionnel

Transfusion Clinique et Biologique 10 (2003) 91–93 MISE AU POINT IMMUNOHÉMATOLOGIE Perspectives dans le domaine transfusionnel Prospects in blood tr...

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Transfusion Clinique et Biologique 10 (2003) 91–93

MISE AU POINT IMMUNOHÉMATOLOGIE

Perspectives dans le domaine transfusionnel Prospects in blood transfusion P. Rouger * Institut national de la transfusion sanguine (INTS), université Paris VI, Inserm U76, 6, rue Alexandre-Cabanel, 75015 Paris, France

Résumé Comment évoluera la transfusion sanguine dans les 10 prochaines années ? Comment peut-on donner des arguments scientifiques aux décideurs politiques et administratifs pour orienter les développements ? De très nombreux travaux montrent que les produits de substitution annoncés depuis 2 décades n’ont pas fait la preuve de leur efficacité et de leur innocuité. Il faudra encore très longtemps avoir recours aux prélèvements de sang chez l’homme. La sécurité transfusionnelle viendra ainsi des améliorations des techniques de préparation et de qualification des dons et d’une meilleure utilisation clinique. Les thérapies cellulaires ne seront qu’une voie de diversification. © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract What will be the evolution of blood transfusion in the next 10 years? What are the scientific and medical arguments to help the decision makers to propose the developments? Many scientific and clinical studies show that blood substitutes are not ready for use in man. So, for a long time, blood collection in man will still be a necessity to prepare cell concentrates (red blood cells and platelets) and fresh frozen plasma. During this period, blood safety will be based on development of testing technics and preparation processes of blood products. Another major point will be a better clinical use of blood derivates. Cellular therapy will be probably only a way of diversification in blood transfusion centers in partnership with hospitals. © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. All rights reserved. Mots clés : Analyse des risques ; Cytokines ; Substituts du sang ; Thérapie cellulaire Keywords: Risk management; Cytokines; Blood substitutes; Cellular therapy

Trois aspects importants sont à prendre en compte pour le développement futur des activités en matière de transfusion sanguine. 1. L’IDENTIFICATION, LA GESTION ET LA MAÎTRISE DES RISQUES TRANSFUSIONNELS L’évolution des exigences de sécurité et de qualité du système de santé en général et du système transfusionnel en particulier confirme l’intérêt de l’activité « gestion du risque * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (P. Rouger). © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. DOI: 1 0 . 1 0 1 6 / S 1 2 4 6 - 7 8 2 0 ( 0 2 ) 0 0 2 8 2 - 3

et de la qualité » développée depuis 1994, en particulier par l’Institut national de la transfusion sanguine (INTS). Les travaux méthodologiques engagés depuis 5 ans et transposés en pratique servent de référence. Ils se poursuivent et se développent sur des thématiques nouvelles en bénéficiant des retours d’expérience des programmes mis en œuvre dans les établissements de santé partenaires [1]. Compte tenu de la priorité sécuritaire de la médecine transfusionnelle, c’est l’approche intégrée « management du risque et de la qualité » qui est retenue, dans laquelle la démarche d’assurance de la qualité est un moyen déterminant de maîtriser les risques. Elle garantit la fiabilité des processus, la lisibilité de l’organisation et permet l’apport de preuves.

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Tableau 1 Évaluation et estimation des risques en transfusion Les risques Virus du Sida Virus Hépatite B Virus Hépatite C Accidents ABO (graves) Accidents par allo-anticorps (graves) Accidents bactériens (par poche)

Évaluation au 01/07/01 1/1 750 000 1/400 000 1/720 000 1/30 000 1/30–50 000 1/100 000

Évaluation Prédictive 2002–2003 < 1/3 500 000 1/400 000 1/3 000 000 1/30 000 1/30–50 000 –

sur une base de 2 400 000 dons/an en France.

Le risque bactérien reste à un niveau encore trop élevé ; néanmoins la typologie de ce risque est différente des autres, allant de l’état du donneur au moment du prélèvement, au mode de préparation [2]. Le résultats chiffrés tant dans le domaine immunologique que virologique sont présentés dans leTableau 1. Ces indicateurs sont à la base de la définition d’une stratégie médicale en matière de transfusion.

2.2. Les plaquettes

2. LE DÉVELOPPEMENT DE PRODUITS DE SUBSTITUTION ET LEUR IMPACT EN TRANSFUSION

2.3. Les substituts protéiques... en quelques mots

Depuis longtemps la presse nationale et internationale évoquent la notion de « sang artificiel » alors que les scientifiques développent des actions pour l’étude des substituts des différentes composantes du sang. En effet, le sang humain est un ensemble si complexe, qu’en l’état actuel des connaissances, un substitut unique ne paraît pas envisageable. Les biotechnologies permettent de produire des éléments cellulaires ou protéiques, in vitro, c’est-à-dire au laboratoire, voire dans des unités industrielles de production, mais chaque programme de recherche–développement se traduit par la fabrication d’un seul composant, ce qui permet de mesurer la distance entre les recherches actuelles et le « sang artificiel ». 2.1. Les globules rouges Les substituts en cours d’étude sont d’une part des dérivés de fluorocarbures et d’autre part l’hémoglobine d’extraction ou de recombinaison. Les applications des émulsions de fluorocarbures sont encore extrêmement limitées du fait de leur toxicité et de leur faible stabilité. Les études sur l’hémoglobine d’extraction évoluent, mais les applications paraissent très limitées. Les recherches sur l’hémoglobine recombinante ne permettent pas d’entrevoir d’issue pratique à moyen terme. En dépit de nombreuses recherches, aucun substitut du globule rouge ne s’impose comme transporteur d’oxygène. Dans le domaine des biotechnologies, les indications de l’érythropoïétine peuvent encore évoluer en vue de permettre une économie des besoins en érythrocytes. Le développement industriel des progéniteurs érythroblastiques en culture est loin, très loin, d’avoir fait ses preuves [3–4].

Les recherches actuelles ne laissent pas envisager de perspectives sur un substitut potentiel des plaquettes sanguines. La découverte de la thrombopoïétine et de son dérivé, le MGDF, ont fait espérer une substitution possible, cependant les premiers essais thérapeutiques révélant des effets secondaires majeurs ont ralenti, voire stoppé son développement.

2.3.1. L’albumine Les essais de production d’albumine humaine par voie biotechnologique sont développés depuis 1986. Les problèmes de développement sont liés à plusieurs facteurs : • la structure relativement complexe de la molécule incluant 17 ponts disulfures ; • le prix unitaire très faible comparé aux prix des autres protéines recombinantes ; • les quantités à produire ; • l’obtention d’une solution « pure ». 2.3.2. Le facteur VIII Le facteur VIII de recombinaison génétique est déjà validé en France depuis 1994. Il s’agit d’une des plus belles réussites des biotechnologies, malgré la persistance de certains problèmes : 1. les indications, en particulier, pour les hémophiles jamais transfusés et les hémophiles déjà transfusés par des dérivés plasmatiques humains ; 2. l’incidence clinique à long terme des anticorps antifacteur VIII induits. 2.3.3. Le facteur IX Le développement clinique du facteur IX recombinant s’est heurté à des problèmes fondamentaux de glycosylation et de stabilité. Depuis, les essais cliniques ont montré l’efficacité certaine du produit recombinant, compatible avec une utilisation thérapeutique. 2.3.4. Les immunoglobulines Les recherches concernant les immunoglobulines spécifiques évoluent favorablement sur le plan méthodologique (génie cellulaire, recombinaison génétique) ; les essais cliniques démontrent que la fonctionnalité de ces anticorps n’est

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pas toujours satisfaisante (ex : anti-RhD). En revanche, les substituts des immunoglobulines polyvalentes ne sont pas actuellement envisageables du fait de la diversité des spécificités et de la connaissance très imparfaite des mécanismes d’action.

tion de la majorité des risques, tout en étant attentif à la survenue de risques émergents ; • le développement des thérapies cellulaires comporte un potentiel très important mais dont les applications cliniques sont encore très éloignées des connaissances disponibles sur le plan de la physiologie cellulaire et des mécanismes du contrôle de l’expression génique et de différenciation cellulaire. Les essais cliniques chez l’homme amènent à être très prudent ; • la standardisation des pratiques et l’évaluation de l’utilisation des produits, avec deux corollaires, l’un quantitatif (épargne du sang), l’autre qualitatif (efficacité optimale du produit sélectionné) ; • la prise en compte du contexte européen au moment où une directive fixera de nouveaux critères de qualité et de sécurité applicables à l’ensemble du secteur transfusionnel.

2.3.5. Les cytokines Les facteurs de croissance des cellules sanguines, les protéines d’interactions cellulaires (interleukines) sont des cytokines dont certaines ont un intérêt transfusionnel direct ou indirect. Parmi les facteurs de croissance, certains agissent sur les tissus, le PDGF (Platelet Derived Growth Factor) est spécifique des plaquettes sanguines. Deux d’entre eux ont une place particulière, l’érythropoïétine et la thrombopoïétine. Seule l’érythropoïétine est entrée en application dans le domaine clinique. 3. LES TENDANCES ACTUELLES EN MATIÈRE DE RECHERCHE TRANSFUSIONNELLE L’analyse précédente montre que globules rouges, plaquettes et plasma resteront, à moyen mais aussi à long terme, les composants de base de l’activité transfusionnelle. Cinq tendances principales peuvent être dégagées : • le développement d’une médecine transfusionnelle, allant du donneur au suivi des receveurs, organisée autour de tous les métiers et spécialités de la chaîne transfusionnelle [5–6] ; • l’optimisation des approches immunologiques et microbiologiques de la sécurité des produits sanguins tenant compte des évolutions méthodologiques (biologie moléculaire, biopuces, etc..), permettant une meilleure ges-

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RÉFÉRENCES [1] [2] [3] [4]

[5] [6]

Rouger P. La transfusion sanguine, 2 ed. Collection Que sais-je ? 3136. Paris: PUF; 2001. 125 p. Lefrère JJ, Rouger P. Transfusion sanguine : une approche sécuritaire. Montrouge: Editions J. Libbey Eurotext; 2000. 450 p. Rouger P. De l’immunohématologie à la biologie moléculaire. Transfus Clin Biol 1998;5:42S–6S. Cartron JP, Rouger P. Bases moléculaires des antigènes de groupes sanguins, De l’immunogénétique à la biologie cellulaire. Paris: Masson; 1998 ; 518 p. Rouger P. La médecine transfusionnelle à l’horizon 2000. Transfus Clin Biol 1998;5:177–9. Rouger P. Médecine transfusionnelle : du mythe à la réalité. Transfus Clin Biol 1999;6:341.