Le règlement des litiges opposant les organismes de sécurité sociale aux professionnells de santé

Le règlement des litiges opposant les organismes de sécurité sociale aux professionnells de santé

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LE RSGLEMENT DES LITIGES OPPOSANT LES ORGANISMES DE &CURITc SOCIALE AUX PROFESSlONNEL%DE SANTC M. Hamidou

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‘une man&e gtntrale, et cela dans le cadre du contentieux du contrble technique, les organismes de Stcurite sociale sont habilites a poursuivre, devant une juridicsp&ialisCe, tout professionnel tion disciplinaire de sank coupable de fautes, d’abus ou de fraudes dam l’exercice de sa profession a l’occasion des soins dispenses a des assures sociaux (article L. 145-1 du Code de la Securite sociale). Lorsque la mattrialitt des faits est ttablie, la sanction n’est pas prise directement par les Caisses d’assurance maladie. En premiere instance, c’est une section des assurances sociales du conseil regional de discipline de l’ordre, auquel appartient le praticien ou l’auxiliaire medical incrimint, qui est compttente pour infliger la sanction, le cas &h&ant. En appel, la juridiction disciplinaire competente est une section des assurances sociales du conseil national de l’ordre, auquel est rattache le professionnel de Sante. Dans cette hypothtse, la Stcurite sociale a un role indirect dans la prise de la dtcision. Elle se contente de traduire le praticien ou l’auxiliaire medical, soupconnt des faits, devant la juridiction disciplinaire specialisee. D’une maniere particuliere, et cela dans le cadre des conventions nationales, les Caisses d’assurance maladie peuvent infliger directement des sanctions administratives ou financitres au professionnel de santt qui ne respecte pas les stipulations conventionnelles. Ici, la Stcuritt sociale peut etre assimilee a un organe de sanction a l’tgard des praticiens et auxiliaires mtdicaux qui exercent leur activite dam le cadre des conventions. Dans l’une comme dans l’autre hypothtse, la Securitt sociale occupe une place importante. I1 convient alors de s’interroger sur la pertinence des regles organisant cette repression a la lumitre des principes generaux reiatifs a la competence et des principes gtneraux afferents a la proctdure.

UNE COMPETENCE

DISCUTABLE

Le contentieux du contrble technique couvre un champ trb vaste, en ce qu’il concerne les mtdecins, les chirurgiens-dentistes, les sages-femmes, et sous reserve de quelques adaptations, les pharmaciens et auxiliaires mtdicaux. Les juridic-

*Docteur en droit.

Mtd & Droit 2001 ; 49 : 16-20 0 2001 Editions scientifiques et mCdicales Eisevier SAS. Tous droits rtserv&

Abdou

Sauna*

tions du contentieux du controle technique sont composees dun magistrat professionnel de l’ordre administratif - qui en est le president - et des assesseurs en nombre tgal reprtsentant, dune part, 1’Ordre interesse et, d’autre part, les organismes de Securite sociale dont au moins l’un des representants doit &tre un praticien conseil. Les decisions, rendues en dernier ressort. par ces juridictions, peuvent Ctre deferees au Conseil d&at par le biais du pourvoi en cassation. Cette composition n’appelle pas de remarques particulitres, sauf a souligner que les professionnels de Sante sont bien reprtsentts. En effet, outre le fait qu’ils disposent dun nombre de sieges tgal a celui des Caisses d’assurance maladie, il ne faut pas oublier le fait que parmi les assesseurs representant la SCcuritt sociale, doit figurer au moins un praticien conseil. La presence de ce dernier garantit, de notre point de vue, le professionnel de Sante poursuivi contre tout risque de voir son dossier maladroitement instruit, et son affaire jugee, par des personnes dont les competences ne se limiteraient qu’a des appreciations administratives, financ&es ou comptables. La principale reserve, que suscite la competence des juridictions du contentieux du controle technique, est relative B leur competence materielle. Les organismes d’assurance maladie sont habilitts a poursuivre tout professionnel de santt soupconnt de fautes, ah etfiaudes interessant l’exercice de la profession B l’occasion des soins dispenses aux assures sociaux. En droit repressif pur, cette disposition est critiquable. Logiquement, tout fait susceptible d’etre sanctionne doit &tre defini par un texte : nulLurn crimen, nullapoena sine lege. Cependant, les differentes sections des assurances sociales se voient confier la mission de sanctionner, dune man&e g&kale, des infractions qu’aucun texte n’a pris le soin de determiner par une formule precise. Si cette situation est en Porte-a-faux avec l’un des principes fondamentaux de notre droit rtpressif, il convient toutefois de temperer la critique. En effet, l’article L. 145-l du Code de la SCcuritt sociale fixe deux limites a cette competence gtntrale : le fait reprocht au praticien ou a l’auxiliaire medical doit inttresser l’exercice de la profession, dune part ; et il doit avoir et& commis a l’occasion des soins dispenses aux assures sociaux, d’autre part. Si ces deux conditions sont remplies, les sections des assurances sociales peuvent statuer m&me sur des griefs qui n’ont pas ete articules dans la plainte. C’est ainsi que le Conseil d&at a decide que le juge du contentieux du controle 16

technique peut legalement prendre en consideration l’ensemble du comportement dun praticien et fonder une sanction, y compris sur des faits et griefs non Cvoques dans la plainte [l]. En cette matitre, l’interdiction faite au juge de statuer ultrapetita ne joue pas. 11 s’agit dune entorse f&e B un autre principe de notre droit processuel. Les Caisses d’assurance maladie peuvent, par ailleurs, saisir dune plainte les juridictions du contentieux du controle technique sans &tre tenues de justifier dune quelconque atteinte portte a leurs droits [2]. Ici, la jurisprudence ne s’encombre pas du principe (( pas dint&&t, pas d’action )). Les organismes d’assurance maladie ont done capacite pour defendre leurs propres inter&s, mais tgalement ceux de leurs ressortissants. Les fonctions de repression de la Securitt sociale dans ses rapports avec les professionnels de santt sont, ici, indirectes. Bien qu’elle ait quake pour traduire le professionnel devant les juridictions du contentieux du controle technique, le prononce de la sanction lui tchappe ; la sanction ne peut etre prise que par les sections des assurances sociales des differents Ordres. Cependant, il existe une matiere pour laquelle les Caisses d’assurance maladie ont une competence directe, c’est la prise des sanctions en cas de meconnaissances des obligations contenues dans les conventions nationales. En cette mat&e, la Stcuritt sociale se transforme en un organe rtpressif direct ne rtferant a aucun autre organe pour firlminer la condamnation. 11 est vrai qu’une instance, composte paritairement de representants du service du controle medical des organismes d’assurance maladie et de reprtsentants des organisations syndicales representatives des professions medicales, peut intervenir dans le processus aboutissant a la prise de la sanction ; mais cet organe conventionnel ne peut donner que son avis, et cela, B titre purement consultatif. En cas de non-respect des stipulations conventionnelles, ce sont les organismes de Securite sociale, euxmemes, qui prononcent les sanctions contre le professionnel de Sante dtfaillant. L’une de ces sanctions est la mise hors convention qui (( rev&, du point de vue juridique, le caracttre dune sanction administrative, prononcte par une autorite investie dune mission de service public, sous le controle du juge )) [3]. L’ordonnance no 96-345 du 24 avril 1996, ayant insert un article L. 162-34 au Code de la Stcuritt sociale, a voulu confier le rtglement des litiges relatifs a une mesure de mise hors convention aux tribunaux des affaires de SCcuritC sociale. Cependant, le Tribunal des conflits [4], le Conseil d&at [5] et la Chambre sociale de la Cour de cassation [6] ont desavout les dispositions de ce texte, en jugeant que ce type de litiges ressortit toujours a la competence des juridictions de l’ordre administratif. Cela nous parait tout a fait normal, car les Caisses nationales d’assurance maladie sont des organismes publics. Les decisions de dtconventionnement qu’elles sont amen&es B prendre sont prononcees dans le cadre de I’exercice de leur mission de service public. Ces mesures sont, par ailleurs, des sanctions purement administratives. 11 n’y a done aucune raison juridique de confier ces litiges a la competence des juridictions de I’ordre judiciaire. Sous le regime de l’article L. 162-6 ancien du Code de la Securite sociale, certains tribunaux dtcidaient qu’il resultait MhECINE & DROIT no 49 - 2001

des dispositions de cet article qu’il n’appartenait qu’a la Caisse primaire d’assurance maladie de prendre a l’encontre dun praticien conventionne l’une des sanctions prevues par la convention en cas de non-respect des obligations tdictees par celle-ci. 11s estimaient alors que la sanction prononcte par la Caisse primaire ne pouvait pas Ctre entachee d’incompttence, faute d’avoir et& egalement prise par les organismes des autres regimes d’assurance maladie signataires de ladite convention [7]. Cet article a ttt abrogt par l’ordonnance no 96-345 du 24 avril 1996. Aujourd’hui, le Conseil d&at decide (( qu’il resulte des dispositions de l’article L. 162-7 du Code de la Stcuritt sociale qu’une mesure de sanction prise a I’encontre dun praticien conventionnt doit, a peine d’ilkgalite, emaner conjointement des organismes reprtsentant les Caisses signataires de la convention nationale. Des lors qu’il est constant que la sanction litigieuse n’a ete prononcee que par la Caisse primaire d’assurance maladie, elle est entachte d’incompetence et doit etre, par suite, annulee )) [S]. Cette manitre de voir appelle une reserve. En effet, en dtcidant que les sanctions conventionnelles doivent &tre prises conjointement par les Caisses signataires de la convention, le Conseil d&at tree par-la meme une source supplementaire de complications et de lourdeur, alors que le but des conventions est de tendre vers la c&rite et la souplesse. Pourquoi ne pas autoriser la Caisse, ayant constatt les manquements, a prendre settle la decision qui s’impose ? La signature des conventions est une affaire, la sanction du non-respect des obligations conventionnelles en est une autre. Nous pensons que les deux procedures doivent Ctre distinguees ; le fait de les rendre interdtpendantes relke dune intention de trop bien faire, alors qu’aucun principe juridique ne l’exige. Et pourtant, le Conseil d&at avait semblt aller dans le sens de la souplesse en dtcidant dans une autre affaire qu’(( il resulte des articles L. 121-1 et R. 121-1, 4”, du Code de la SCcuritt sociale que, sauf dispositions particulieres a certains regimes ou organismes, le conseil d’administration d’un organisme de Stcuritt sociale a pour role de controler l’application par le directeur des dispositions ltgislatives et rtglementaires, ainsi que I’extcution de ses propres deliberations. La mise hors convention dun praticien figurant au nombre des dispositions legislatives et rtglementaires susmentionn&es, la decision prise, non par le conseil d’administration, mais par le directeur n’a pas ttt prise par une autorite incompetente )) [9]. Cette interpretation parait meilleure par rapport a celle CvoquCe prtctdemment. En effet, on voit poindre, ici, un esprit de c&rite et de souplesse. C’est dans cette optique que doivent se diriger toutes les actions relatives aux diffkultes d’application des conventions nationales. Autrement, ces conventions devraient &tre mises au placard, ce qui serait tout de m&me regrettable. L’analyse de la competence des juridictions du contentieux du controle technique et des organismes d’assurance maladie pour sanctionner les professionnels de Sante qui enfreignent les dispositions legislatives et rtglementaires ainsi que les stipulations conventionnelles nous a permis de mettre en lumitre les limites juridiques, voire simplement sociales, de cette competence. Mais en rtgle g&r&ale, cette attribution ne parait pas devoir &tre rejette dans sa globalitt.

11 importe, maintenant, de savoir si I’on peut aboutir au m&me constat, en ce qui concerne le respect de certaines regles de procedure. UNE PROC6DURE

IMPARFAITE

Lorsque les organismes de SCcuritt sociale envisagent de faire sanctionner ou bien lorsqu’ils envisagent de sanctionner eux-memes un praticien ou un auxiliaire medical n’ayant pas respect6 les dispositions ltgislatives et rtglementaires ou les stipulations contenues dans les conventions, un certain nombre de principes doivent &tre observes. Ceux-ci ont pour but de proteger le professionnel de Sante en lui offrant toutes les garanties dtcoulant des regles proctdurales. C’est ainsi que prtalablement au prononct de toute mesure de mise hors convention, les Caisses d’assurance maladie doivent attirer l’attention du professionnel de Sante sur son comportement qui paraitrait deviant. Par ailleurs, que la solution du litige ressortisse B la competence des organismes de Stcuritt sociale ou B celle des juridictions specialistes, le principe du contradictoire doit etre respect& mais quelques interrogations surgissent quant B la mise en ceuvre de cette rtgle. Du fait qu’elles tvoluent en vase clos, les Caisses ont du ma1 a accepter la presence dun avocat au tours de l’instruction du dossier mettant en cause un praticien ou un auxiliaire medical, cette attitude ne peut que susciter des embarras. Pour permettre au condamnt de bien comprendre le bien-fondt de la sanction et aussi pour permettre a la Cour regulatrice d’exercer son controle, les decisions juridictionnelles ou administratives doivent etre motivees. La mise en garde en matke dbconventionnement

de

La mesure de mise hors convention, qui peut aboutir a une instance juridictionnelle lorsque le professionnel de santt sanctionnt conteste cette sanction devant les juridictions de I’ordre administratif, est obligatoirement pr&CdCe par une phase administrative. Cette mesure ne peut intervenir qu’apres consultation des organes paritaires conventionnels au sein desquels siegent les pairs du praticien ou de l’auxiliaire medical interesst. Selon les termes de l’article L. 162-5-7 du Code de la Stcuritt sociale, (( la Caisse primaire d’assurance maladie peut decider de placer un mtdecin hors de la convention pour violation des engagements prtvus par celle-ci ; cette decision doit etre prononcee selon les conditions prevues par la convention, lui permettant notamment de presenter ses observations )). Ce sont done aux parties B la convention qu’il incombe de determiner les regles auxquelles est soumise la procedure de la mise hors convention dun professionnel de Sante. Aucune mesure de ce genre ne peut etre prise par les Caisses d’assurance maladie en l’absence de stipulations expresses de la convention. Cela releve du bon sens, car pour qu’un professionnel de santt puisse &tre dtconventionnC, il faut qu’il ait ttt prtalablement conventionne. C’est pour cette raison que l’annulation de l’arrett d’approbation d’une convention prive rttroactivement de base legale les mesures de dtconventionnement prononcees andrieurement [lo]. 18

A cet effet, une objection peut s’tlever. Le Professeur Xavier Prttot a mis en lumitre la situation en s’interrogeant (( sur la licitt dune convention qui ne comprendrait aucune stipulation permettant la mise hors convention des praticiens qui ne respectent pas leurs engagements U. En rtponse a cette interrogation, l’auteur estime, a juste titre, qu’a partir du moment ou la (( loi renvoie a la convention sur ce point, le regime de la mise hors convention fait sans doute partie des objets de la ntgociation auxquels les parties ne sauraient se dtrober )) [I I]. Nous ne pouvons que souscrire B cette analyse. Quant au Conseil d&at, il decide qu’une convention est illicite, faute pour elle de n’avoir pas precise le regime des droits de la defense, nonobstant les exigences formelles de la loi en ce sens [12]. Parmi les rtgles qui doivent &tre-observtes en l’occurrence, figure en bonne place la procedure de la mise en garde. Les conventions nationales stipulent, dune maniere get&ale, que le dtconventionnement dun professionnel de santt ne pourrait etre prononce sans qu’une procedure de mise en garde ait ttt prealablement mise en ceuvre. Appele a se prononcer sur la portte de cette procedure, le Conseil cl%tat a juge que la mise en garde ne rev&t pas le caracttre dune sanction proprement dite et ne fait pas grief [ 131. I1 ne s’agit que dune simple mesure preparatoire qui doit intervenir prtalablement a la decision de la Caisse d’assurance maladie en vue de permettre au professionnel de Sante de modifier son comportement. Elle ne peut done, a ce titre, faire l’objet par elle-meme dun recours contentieux. Tout au plus peut-elle etre contest&e dans le cadre du recours juridictionnel formt contre la decision de mise hors convention [14]. L’application de la procedure de la mise en garde est obligatoire [ 151. Cette mise en garde doit Ctre adressee au praticien dtfaillant par les instances paritaires conventionnelles, auxquelles ne peuvent se substituer les organismes de Securite sociale en cas de carence des premieres [ 161. La mise hors convention doit intervenir dans un dtlai raisonnable suivant la mise en garde [ 171. L’apprtciation doit toutefois &tre nuancte. En effet, il a ttt jugt qu’a partir du moment ou ayant constatt des manquements de la part dun praticien, une Caisse primaire a saisi un comitt medical paritaire local en m&me temps qu’elle informait l’interesse de ses observations qui ont ete communiquees au comite medical, lequel a adresse une mise en garde au praticien, et que, de nouveaux manquements ayant CtC constatts immtdiatement aprts la mise en garde, la Caisse primaire a de nouveau saisi le comitt medical qui a Cmis un avis favorable a la mise hors convention de l’inttresst, le praticien n’ttait pas fond6 a soutenir ni que la mise hors convention prononcte a son encontre Ctait intervenue en mtconnaissance des stipulations conventionnelles, ni que . . le prmctpe gCn&al des droits de la defense aurait ete meconnu, dans la mesure oh il a ete mis a meme de presenter ses observations sur les manquements qui lui ttaient reprochts et inform& des consequences que la repetition de tels manquements impliquait [ 181. La procedure de la mise en garde doit etre observte avant 1e prononct de toute mesure de deconventionnement. Les organismes de Stcurite sociale ne peuvent done prendre une telle sanction a l’encontre d’un professionnel de Sante qu’au MhECINE & DROIT no 49 2001

terme dune periode de mise a l’epreuve de nature a lui permettre de remtdier aux manquements qui lui ont ete reprochts lors de la mise en garde. Mais les Caisses d’assurance maladie peuvent agir eu egard, notamment au principe selon lequel les conventions doivent Ctre executees de bonne foi. Ainsi, dam le cas oh I’activite dun praticien aurait ttt rtduite au tours de la periode de mise a l’tpreuve en raison dun con& pris par ledit praticien, il demeure etabli que le comportement de l’inttresst a persist6 au tours de cette periode, la sanction prononcte de ce chef se trouve justifite [ 191. Par ailleurs, les Caisses d’assurance maladie sont en droit de tenir compte - pour decider de ne plus se placer a l’tgard dun praticien sous le regime de la convention - non seulement des nouveaux manquements commis par l’inttresse posttrieurement a la mise en garde dont il a ete l’objet, mais egalement des faits qui avaient provoque cette mise en garde [20]. Cependant, une troisieme mise hors convention, qui n’a pas ttP prcktdee dune mise en garde, doit etre annulte

Pll.

La procedure de la mise en garde a done pour objectif essentiel d’attirer l’attention du professionnel de Sante sur ses pratiques qui paraissent contraires aux stipulations conventionnelles. La mise en place de cette procedure est une bonne chose, car la sanction n’intervient que lorsque le praticien persiste dans son attitude apres l’ecoulement de la periode de cette mise B l’tpreuve. En regle genCraIe, cette procedure est respectee par les organismes de SCcuritt sociale. On ne peut pas en dire autant, pour ce qui concerne le respect du principe du contradictoire. Le principe du contradictoire Dans le cadre du respect des droits de la defense, la regle du contradictoire tient une place importante en mat&e de procedure, et le Conseil d’Etat y veille. C’est pour cette raison qu’il estime que si un organisme de SCcuritt sociale n’est pas normalement tenu, avant la mise hors convention dun praticien, de proctder a une nouvelle communication des griefs a l’interesst, dts lors que celui-ci s’est borne, par ses agissements posttrieurement a la mise en garde, a persister dans son attitude anttrieure sur laquelle il avait ete invite a s’expliquer, la durte qui s’est Ccoulte entre l’audition de l’inttresse devant le comitt medical paritaire au tours de laquelle a ttC evoqut son comportement anterieur et la decision de mise hors convention, est telle que le praticien n’a pu presenter utilement ses moyens de defense [22]. Par ailleurs, la jurisprudence decide, lorsque la mise hors convention intervient peu aprts la mise en garde et Porte sur les faits relevts et/au des faits de m&me nature, que cette mise hors convention puisse ltgalement intervenir sans que les organismes de Stcurite sociale soient tenus de proctder a un nouveau dtbat contradictoire avec le professionnel de santt [23]. A ce propos, un auteur fustige l’attitude des Caisses d’assurance maladie. Pour Isabelle Lucas-Baloup, c(en ce domaine (comme en d’autres) on constate en effet que les Caisses et les mtdecins-conseils ont une propension a tenter d’kiter le dtbat contradictoire en utilisant un certain nombre de moyens et de pressions qui, parfois, destabilisent le praticien non inform6 de ses droits )) [24]. Cette situation nous pardt MhECINE & DROI’I no49 - 2001

proprement aberrante. En effet, le d&bat contradictoire a pour vocation de permettre a la Caisse d’exposer les motifs de sa plainte, et au professionnel d’y repondre par des arguments de fait et de droit. Le fait d’occulter le debat contradictoire du pro& est en contradiction flagrante avec les principes de notre droit rtpressif. 11 est regrettable que des magistrats avalisent ce genre de comportements. La procedure devant les sections des assurances sociales, dans le cadre du contentieux du controle technique, est, elle aussi, contradictoire. Cette procedure est &rite, et l’audition de l’inttresst n’est pas indispensable [25]. Le professionnel de santt poursuivi ne peut invoquer une violation du principe du contradictoire, s’il a pu presenter utilement sa defense, alors m&me que la qualification juridique des faits a ete modifiee par le juge d’appel [26]. Le principe du contradictoire doit etre respect6 a tous les stades de la procedure ; peu importe la quake des instances chargees de dtnouer l’affaire. Outre l’exigence du debat contradictoire, le ministhe dun avocat est, en principe, requis. Cassistance d’un avocat Le minis&e dun avocat est un autre principe qui garantit les droits de la defense. A ce titre, cette regle fait partie inttgrante de notre droit repressif Malheureusement, ce principe n’est pas toujours respect& notamment par les Caisses d’assurance maladie qui ferment la Porte - heureusement pas celle du pretoire - a ces prtcieux auxiliaires de justice. Le Conseil d&at a tout rtcemment rappel6 l’obligation de respecter ce principe, lorsqu’il a ete appek a se prononcer sur la kgalitt de l’arrett interministeriel du 3 I juillet I997 portant approbation de la convention nationale des infirmiers

W'l.

Quelques annees auparavant, la Haute juridiction a dtcide que suivant les dispositions de l’article 5 de la loi du 31 dtcembre I971 portant reforme de certaines professions judiciaires et juridiques, les avocats exercent leur minis&e et peuvent plaider devant toutes les juridictions et organismes juridictionnels ou disciplinaires. Ces dispositions s’appliquent aux instances a caracttre disciplinaire institutes par la convention nationale des orthophonistes conclue le 30 novembre 1984 et approuvee par arrett interministtriel du 4 decembre 1987, qui doivent &tre consultees avant la mise hors convention d’un orthophoniste. Pour la Haute juridiction, des lors que la C&se primaire d’assurance maladie a mtconnu le droit que l’auxiliaire medical tenait des dispositions ci-dessus rappeltes d’avoir acces a son dossier et de se faire assister par un avocat, les decisions de mise hors convention sont intervenues sur une procedure irregulitre et doivent ainsi etre annukes [28]. Dans un &at de droit, toutes les parties a un pro& doivent se plier au respect des rttgles edict&es pour le bon dtroulement des differentes phases de la procedure. 11 n’y a aucune raison que les organismes d’assurance maladie s’affranchissent de cette obligation pour des considerations d’opportunite, voire de mtpris. Dura lex, sed lex, nul ne doit se placer au-dessus de la loi, Mt-ce un organisme public exercant une mission de service public. C’est d’ailleurs, B ces organismes de montrer l’exemple, autrement le simple 19

EXCERCICE PmfEssMwHE~ citoyen se sentirait frustre. Ce dernier risquerait d’avoir le sentiment que notre pays pratique une justice a deux vitesses ; ce qui aurait pour effet de l’inciter a faire fi des prescriptions legislatives et rtglementaires, et cela, plus par dCsillusion que par revolte. Un autre principe assure les garanties des droits de la defense, c’est la motivation des decisions. A ce sujet le conseil d&at est t&s vigilant, et censure irrtmtdiablement les decisions qui ont semble ignorer cette regle. La motivation

des dkisions

L’obligation dune motivation suffisante est sans conteste une garantie importante pour le professionnel de Sante poursuivi devant les juridictions disciplinaires sptcialisCes. Cette motivation des decisions permet au juge de cassation d’exercer pleinement et effkacement son contrble sur les decisions rendues par les juges du fond [29]. Aussi, le Conseil d&at estime-t-i1 que la procedure &ant essentiellement &rite, I’absence de motivation &rite n’est pas couverte par des explications orales [30]. De m&me, la section des assurances sociales ne motive pas sufftsamment sa decision, si elle ne specific pas les agissements incrimints [3 11. Par ailleurs, la section des assurances sociales doit indiquer avec une precision suffisante les motifs pour lesquels elle estime que les prescriptions mtdicales, bien qu’abusives, ne justifient pas une sanction de man&e a permettre le controle du juge de cassation [32] ou justifient une telle sanction [33]. Dans le m&me ordre d’idtes, la mise hors convention dun praticien par un organisme &assurance maladie doit &tre regardte comme une sanction et doit, par suite, &tre motivee. Est done insuffkmment motivte, faute de mentionner les elements de fait qui fondent la sanction, la decision de mise hors convention d’un praticien qui se borne a enoncer que l’inttresst a continue a ne pas respecter l’obligation de tact et de mesure pour la fixation de ses honoraires depuis la notification de la mise en garde B lui La circonstance, qu’un document adresste auparavant. accompagnant la mise en garde avait Porte B la connaissance de l’interesse le comportement qui lui ttait reprocht, n’est pas de nature a dispenser l’organisme de I’obligation d’indiquer les faits reprochts depuis I’intervention de la mise en garde [34]. On le voit, que ce soit en matiere de sanctions prises par les juridictions du contentieux du controle technique ou bien que ce soit en mat&e de sanctions directement prononcees par les Caisses d’assurance maladie, l’obligation de motiver suffisamment les decisions est Crigte en un principe auquel ne peuvent se soustraire ces organes. Le rappel de cette exigence par le Conseil d&at s’inscrit dans le cadre dune meilleure protection des justiciables ; ce qui est louable et, somme toute, logique. Le reglement des litiges opposant les organismes de Securitt sociale aux professionnels de Sante semble obtir B des rtgles exorbitantes du droit commun. La competence quasi-gtntrale des differents organes juridictionnels et administratifs suscite des reserves. 11revient done au ltgislateur de delimiter avec soin le domaine de cette competence. A dtfaut, les magistrats devront prendre leur responsabilite en 20

jugeant ce type de pro& conformement aux principes gtntraux guidant notre droit processuel. Quant au deroulement de la procedure, les droits de la defense paraissent tenir un role relatif. Si certaines rtgles sont respectees, par contre, d’autres telles que le principe du contradictoire et I’assistance dun avocat semblent gCner considtrablement les organismes de Securite sociale, voire certaines juridictions disciplinaires sp&Glistes. Cette lacune doit &re denoncee avec force, d’autant plus que le rapport de force ne joue pas generalement en faveur des praticiens et auxiliaires medicaux. 11 est grand temps que les magistrats sonnent le tocsin a ce sujet, en censurant systematiquement les decisions rendues au mtpris de ces regles. Cela fait aussi partie des obligations decoulant de la fonction ptdagogique de la jurisprudence. REFERENCES 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34

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Mots cl& : SCcuritC sociale (contentieux) I ordre (section des assurances sociales) I conventions mbdicales (contentieux) I contentieux de SOcurit6 sociale

MiDECINE & DROIT no 49 - 2001