Le test de provocation conjonctivale : quand et comment ?

Le test de provocation conjonctivale : quand et comment ?

Revue française d’allergologie et d’immunologie clinique 45 (2005) 234–236 http://france.elsevier.com/direct/REVCLI/ Le test de provocation conjoncti...

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Revue française d’allergologie et d’immunologie clinique 45 (2005) 234–236 http://france.elsevier.com/direct/REVCLI/

Le test de provocation conjonctivale : quand et comment ? The conjonctival provocation test: when and how? F. Chiambaretta a,*, J.-L Fauquert b, D. Rigal a a

Service d’ophtalmologie, hôpital Gabriel-Montpied, CHU de Clermont-Ferrand, 58, rue Montalembert, BP 69, 63003 Clermont-Ferrand cedex 01, France b Unité d’allergologie de l’enfant, CHU Hôtel-Dieu, BP 69, 63058 Clermont-Ferrand cedex 01, France Reçu le 31 janvier 2005 ; accepté le 14 février 2005 Disponible sur internet le 19 mars 2005

Mots clés : Allergie oculaire ; Conjonctivite ; TPC Keywords: Ocular allergy; Conjunctivitis; TPC

1. Introduction L’allergie oculaire est une pathologie de plus en plus répandue et représente un des motifs de consultation les plus fréquents ; sa prévalence serait de l’ordre de 25 % de la population générale. Le diagnostic de conjonctivite allergique invite dans la majorité des cas à la pratique d’un bilan allergique : fondé sur l’interrogatoire, des tests cutanés et des dosages d’IgE spécifiques sériques, à la recherche d’une sensibilisation allergénique. L’existence d’une sensibilisation ne signifie pas l’implication obligatoire de l’allergène dans la pathologie oculaire développée. Si les données cliniques permettent d’orienter vers un déclenchement allergénique des symptômes, seul le test de provocation conjonctivale (TPC) permet dans les cas douteux d’attester d’un lien fonctionnel entre la pathologie conjonctivale et l’exposition à l’allergène. Certaines formes cliniques d’allergies oculaires, justifient le recours au TPC pour tenter d’améliorer ces patients [1].

2. Quand réaliser un TPC ? La réalisation d’un TPC a pour but de confirmer l’implication d’un allergène dans la pathologie oculaire d’un patient, en vue de son éviction ou d’une désensibilisation éventuelle. * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (F. Chiambaretta). 0335-7457/$ - see front matter © 2005 Publié par Elsevier SAS. doi:10.1016/j.allerg.2005.02.018

Dans de rares cas il s’agit au contraire de prouver l’absence d’implication d’un allergène. Enfin un TPC peut être proposé lorsque l’anamnèse est très évocatrice de l’implication d’un allergène mais que le bilan allergique n’a pas permis d’extraire un allergène. Dans les atteintes allergiques oculaires il est classique de différencier : les conjonctivites bénignes et les conjonctivites sévères. Dans les conjonctivites allergiques aiguës et saisonnières, où l’allergène est souvent évident car il est exprimé en saison (pollens) ou de façon itérative (phanères animaux), le TPC peut être indiqué si l’allergène mis en évidence par le bilan allergique est différent de celui attendu. L’indication la plus classique du TPC est la conjonctivite chronique (où les manifestations oculaires durent plus de 6 semaines) pour laquelle une polysensibilisation attestée par les tests cutanés est fréquente. La kératoconjonctivite vernale, se caractérise par une atteinte inflammatoire chronique de la conjonctive. Elle touche les enfants et les adolescents principalement de sexe masculin, dans un contexte allergique. Elle peut se compliquer d’atteintes cornéennes mettant en jeu le pronostic fonctionnel. Le test de provocation conjonctivale n’est pas de pratique courante. Cependant, environ la moitié des kératoconjonctivites vernales ont des prick-tests positifs. On conçoit aisément, dans cette pathologie souvent sévère, l’intérêt de reconnaître un allergène favorisant les poussées inflammatoires conjonctivales.

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La kératoconjonctivite atopique (KCA), encore plus rare, survient dans un contexte d’eczéma sévère, en particulier au niveau des paupières. La mise en évidence de l’imputabilité de l’allergène décelé par le bilan allergénique est là aussi essentielle.

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Un nouvel examen ophtalmologique est réalisé 15 minutes après l’instillation de l’allergène et recherchera les signes cliniques d’une réaction allergique au niveau de la surface oculaire. Les critères retenus sont le prurit, la rougeur oculaire, le larmoiement et le chémosis. 4.1. Le prurit

3. Quel allergène suspecter ? Pour suspecter l’implication d’un allergène dans les manifestations allergiques oculaires, il est classique qu’une sensibilisation à ce dernier soit établie. Les critères couramment admis pour affirmer une telle sensibilisation sont un pricktest supérieur au témoin positif, et la présence d’IgE spécifiques vis-à-vis du même allergène (en général supérieures à 0,70 UI/ml avec la technique de référence). Cependant, des TPC se sont avérés positifs et pertinents chez des enfants dont les prick-tests étaient juste supérieurs à la moitié du témoin positif ainsi que pour des allergènes dont les IgE spécifiques étaient à peine supérieures à 0,35 UI/ml. Les allergènes à tester sont dominés par les pneumallergènes. Il est cependant nécessaire d’élargir le bilan aux trophallergènes, en particulier chez l’enfant qui, avec l’âge, se sensibilise à un nombre croissant d’allergènes. Dans certains cas, la pratique d’un TPC peut être décidée même en l’absence de sensibilisation avérée, lorsque l’interrogatoire est très évocateur. Dans la kératoconjonctivite vernale, certains auteurs retrouvent 20 % de patients avec un TPC positif pour un allergène alors que les prick-test et les IgE spécifiques sont négatifs.

Premier critère clinique, il est dû à une stimulation des récepteurs H1 des terminaisons nerveuses. Il est quantifié par le patient : 0 lorsque le prurit est absent, 1 lorsqu’il est faible, avec une sensation intermittente de picotement, 2 lorsqu’il est d’intensité moyenne, avec une sensation de picotement permanente sans désir de se frotter les yeux, 3 lorsqu’il est sévère, le patient ressentant une sensation de picotement permanente avec le désir de se frotter les yeux, et enfin 4 lorsqu’il est insupportable, avec une nécessité impérieuse de se frotter les yeux. 4.2. La rougeur L’hyperhémie ou rougeur est due à une vasodilatation consécutive à la stimulation des récepteurs H1 et H2 des cellules endothéliales vasculaires. Elle doit être quantifiée par le médecin qui pratique le test, et examinera le lit vasculaire épiscléral, ciliaire et conjonctival. La rougeur est cotée de 0 à 3 : 0 lorsqu’elle est absente, 1 lorsqu’elle est faible, parfois localisée dans un quadrant, 2 lorsqu’elle est modérée, avec une rougeur plus marquée et plus diffuse sur l’ensemble des quadrants touchant la majorité du lit vasculaire, et 3 lorsqu’elle est sévère, importante et diffuse à l’ensemble des quadrants.

4. Comment réaliser le TPC ?

4.3. Le larmoiement

Le patient aura préalablement interrompu tout traitement médical pouvant modifier la réponse conjonctivale à la provocation allergénique. Par voie orale, les antihistaminiques H1 seront arrêtés une semaine avant, les corticoïdes deux semaines et le kétotifène trois semaines au préalable. Les traitements ophtalmologiques devraient être interrompus une semaine auparavant. Le TPC sera bien sûr réalisé en dehors de toute période d’exposition à un allergène naturel comme les pollens. L’examen ophtalmologique initial éliminera toute inflammation avant de débuter le TPC. Un environnement médical est nécessaire pour la surveillance des patients, permettant de prendre en charge une éventuelle crise aiguë de bronchospasme ou d’urticaire. Le TPC débute par un examen ophtalmologique de référence et l’instillation de sérum physiologique au niveau de l’œil témoin (le gauche par convention). L’allergène testé est alors instillé au niveau de l’œil droit. Il existe différents protocoles de dilution de l’allergène, celui retenu utilise une progression des dilutions par paliers de 2. L’allergène dilué est instillé à l’aide d’une micropipette dans un volume de 20 µl, au niveau du cadran inféroexterne de la conjonctive bulbaire.

Le larmoiement est coté par le médecin de 0 à 3. Coté 0 lorsqu’il est absent, le larmoiement est coté 1 lorsque l’œil est légèrement humide, 2 lorsqu’il est modéré, quelques larmes perlant au sein de l’œil, et 3 lorsqu’il est important, ruisselant, avec des sécrétions de mucus. 4.4. Le chémosis Il doit être également quantifié par le médecin. Coté 0 lorsqu’il est absent, le chémosis est coté 1 lorsqu’il est léger. Il est alors souvent difficile à mettre en évidence et se caractérise par une simple séparation de la conjonctive et de la sclère. Un chémosis modéré, coté 2, est plus évident, avec un soulèvement de la conjonctive au niveau du limbe. Le chémosis sévère, coté 3, avec un ballonnement de la conjonctive, est exceptionnel. Le score total du TPC est obtenu par l’addition de la valeur de chaque critère, après 15 minutes, au niveau de l’œil testé. Il se situe entre 0 et 13. Le TPC sera considéré comme positif lorsque le score total obtenu est supérieur ou égal à 5. Si le score est négatif après 15 minutes, c’est-à-dire inférieur à 5, on instille la dilution supérieure, jusqu’à positivité.

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Le test sera considéré comme négatif, si le score reste inférieur à 5 après l’application de la dernière dilution.

5. Conclusion

talmologiste peuvent alors proposer une éviction ou une désensibilisation adaptée.

Références [1]

Le TPC est un élément clé pour la prise en charge de patients souffrant de certaines formes d’allergies oculaires. Réalisé avec rigueur, le TPC permet d’établir ou d’infirmer l’implication de certains allergènes dans la pathologie oculaire du patient. En cas de positivité, l’allergologue et l’oph-

Fauquert JL, Mortemousque B, Brémond-Gignac D, CreuzotGarcher C, Helleboid L, Chiambaretta F, et al. Le test de provocation conjonctivale allergénique : recommandations pratiques pour le diagnostic des conjonctivites allergiques. Compte rendu de la table ronde du groupe ophtalmoallergo (GOA) (Journées parisiennes d’allergologie, 10 janvier 2004). Rev Fr Allergol Immunol Clin 2004;44:689–99.