Le tournant des États généraux de la prévention

Le tournant des États généraux de la prévention

Revue d’Épidémiologie et de Santé Publique 55 (2007) 319–320 Éditorial Le tournant des États généraux de la prévention Prevention Forum opens new pe...

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Revue d’Épidémiologie et de Santé Publique 55 (2007) 319–320

Éditorial

Le tournant des États généraux de la prévention Prevention Forum opens new perspectives J.-F. Toussaint1 Pôle « Imagerie et Explorations Fonctionnelles », Hôtel-Dieu, 1, Parvis Notre-Dame 75181, Paris Cedex 4, France Disponible sur internet le 19 septembre 2007

La prévention a souvent été l’objet de frustrations de la part de ceux qui, en connaissance de cause, s’agacent des retards de décision publique, car si l’on a vu progressivement de meilleures dispositions pour réagir aux risques aigus, plus adaptés aux rythmes des décisions politiques, cela n’a pas toujours été le cas dans les démarches de prévention qui anticipent sur un terme beaucoup plus long. De plus, hors du contexte de souffrance, le discours préventif ne peut faire appel à l’émotion ni à sa vertu catalysante. Dans les suites de la loi de santé publique du 9 août 2004, une stratégie ambitieuse de soutien à la politique de prévention a été proposée en janvier 2006 par Xavier Bertrand, alors ministre de la Santé et des Solidarités. Le montant global des dépenses de prévention (12 milliards € annuels, soit 8 % des dépenses courantes de santé contre 7 % en 2002) place notre pays en sixième position, selon l’OCDE, et des efforts significatifs, illustrés pour les plus récents par le Plan national nutrition– santé, le plan de prévention des addictions, la réduction du prix des préservatifs ou encore l’interdiction totale de fumer dans les lieux publics, y ont été progressivement adjoints. Cette stratégie a vu l’organisation d’assises nationales puis de forums régionaux de novembre 2006 à mars 2007. L’objectif principal en était de renouveler les politiques de santé publique en centrant l’approche sur la santé et les moyens de la préserver, en privilégiant des objectifs ciblés à l’occasion d’événements majeurs à chacun des âges de la vie et en mettant les outils des politiques nationales et régionales de santé publique au service de la prévention. Il convenait aussi de donner une cohérence d’ensemble et une visibilité accrue aux actions déjà entreprises dans ce domaine et de relancer une dynamique de terrain mettant en lumière les démarches trans-

Adresse e-mail : [email protected] (J.-F. Toussaint). 1 Président de la commission « Prévention et déterminants de santé » du Haut conseil de sante publique.

versales actuellement soutenues par les collectivités territoriales ou les organisations régionales de santé. Les grands thèmes ont été regroupés autour du parcours de prévention et de la protection sociale, de l’éthique, de la réduction des inégalités de santé, de l’organisation territoriale, de l’éducation à la santé en général et de la promotion de la santé en milieu de travail, en milieu scolaire et universitaire en particulier, de l’éducation thérapeutique, des outils et méthodes de dépistage, de la recherche, l’évaluation et la formation et des déterminants environnementaux. Les régions ont ainsi choisi de décliner ces objectifs dans le cadre de leurs priorités locales. Elles ont proposé plusieurs approches ciblant les populations, les déterminants ou les méthodes. Ont ainsi été abordés : la périnatalité, les addictions, les maladies métaboliques ou l’obésité dans les départements d’outre-mer, les difficultés spécifiques de l’enfance et de l’adolescence (activités physiques, éducation affective et sexuelle, conduites suicidaires) en Franche-Comté, Alsace, Auvergne ou Poitou-Charentes, les dépistages (cancers, maladies infectieuses et cardiovasculaires) et ses spécificités selon l’âge, la souffrance psychique au travail et la santé mentale en Midi-Pyrénées, les violences faites aux femmes, les sujets âgés en Île-de-France, pour n’en citer que quelques-uns. D’autres régions se sont également intéressées aux relations complexes avec l’environnement (Guyane, Normandie, Bretagne, Lorraine, Bourgogne), telles que pour la prévention du saturnisme (programme « M. Plombard » en Nord-Pas-de-Calais). Organisés de manière très professionnelle par les conférences régionales de santé et les DRASS sous la forme d’ateliers, de tables rondes ou de forums, ces débats ont accueilli nos concitoyens, leurs représentants et les professionnels de santé, en présence de la presse. La Conférence nationale de santé, les médecins traitants, l’assurance maladie, les enseignants, les observatoires régionaux de santé, les hôpitaux, les collectivités et les entreprises, les associations œuvrant dans les domaines

0398-7620/$ - see front matter © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.respe.2007.06.005

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J.-F. Toussaint / Revue d’Épidémiologie et de Santé Publique 55 (2007) 319–320

social, de la santé ou de l’environnement ont ainsi pu prendre la parole. Les états généraux de la prévention ont aussi permis de présenter les référentiels étrangers et français, de préciser les concepts, les méthodes d’intervention et les acteurs en éducation et promotion de la santé, de montrer les expériences et actions particulièrement significatives (Ateliers Santé – Ville ; Réseaux Asalée ; Relais Santé) en montrant les possibles contributions à l’action des GRSP, les exemples d’actions concrètes ou l’adaptation des recommandations nationales à la réalité du terrain, voire de souligner l’équité des démarches de proximité (appliquée pour les groupes les plus à risque pour la détection du VIH ou désormais proposée dans la prise en charge de la tuberculose). Ils ont enfin montré que les actions les plus efficaces avaient impliqué un investissement durable des professionnels, comme des institutions, permettant au public d’exercer ses compétences nouvellement acquises et que, s’incarnant sur les lieux même où les gens habitent, travaillent, étudient ou se font soigner, elles étaient l’un des éléments essentiel de leur réussite. Elles ont aussi déterminé le point d’équilibre entre l’éthique collective, transposée par la société, et les consciences individuelles, où la prévention acquiert la valeur d’un partage des connaissances, d’un passage de relais pour une meilleure transmission de l’anticipation. Cette démarche globale a débouché dans un premier temps sur la mise en œuvre de mesures appliquées dès cette année, annoncées lors du conseil des ministres du 3 janvier 2007 pour un investissement de 130 M€ regroupées en cinq priorités : ● actions à des étapes clés du parcours de vie (la périnatalité, période charnière de la prévention, l’enfance et le bien vieillir) ; ● renforcement du rôle des professionnels de santé dans leur formation initiale et permanente ; ● développement de la prévention dans les lieux de vie (entreprise, école, université) ; ● prise en charge précoce de deux maladies chroniques ; ● aide à la mobilisation des associations de terrain ;ainsi que sur le lancement d’un grand programme de recherche en santé publique instruit de janvier à juin 2007 par l’ReSP (Institut de recherche en santé publique, en association étroite avec l’Institut national de prévention et d’éducation à la santé, la Haute

Autorité de santé et le Régime social des indépendants) incluant des projets portant sur la prévention de la maladie d’Alzheimer, le rôle des connaissances et des croyances dans l’application des recommandations, la prise en charge spécifique des migrants, les stratégies de promotion de l’alimentation et de l’activité physique, la résilience ou les inégalités de recours à la prévention en Europe. Alors que la prévention et la santé des jeunes s’annoncent parmi les objectifs principaux de Roselyne Bachelot, ministre de la Santé de la Jeunesse et des Sports, les perspectives d’avenir sont, entre autres, de développer les activités physiques et sportives, axe majeur des dix prochaines années en s’appuyant sur les complémentarités entre sport et santé, soulignées par les États généraux du sport, les acteurs du monde sportif ou les fédérations les plus volontaristes (FFEPGV). En prévention primaire, de telles mesures pourraient déboucher sur des résultats supérieurs aux approches médicamenteuses isolées, permettant de réduire d’environ 30 % les coronaropathies et les accidents vasculaires cérébraux, de 20 % le diabète ou l’hypertension, les cancers du côlon ou du sein ou les fractures ostéoporotiques. On voit ici tout l’intérêt de développer les synergies en ces domaines, tel que le nouveau périmètre ministériel le souligne. Pour assurer la pérennité de cette démarche, il conviendra aussi d’intégrer dans les projets l’évaluation de nos décisions et de nos politiques de santé publique. Ce sera le rôle important dévolu au Haut conseil de santé publique que de jauger les objectifs de la loi d’août 2004. Ce travail a démarré dès la mise en place du HCSP en mars dernier et devrait porter ses premiers fruits en juin 2008. La transparence sera ici la règle, comme c’est le cas de l’évaluation du Plan national santé–environnement actuellement en cours. Il sera enfin nécessaire de s’appuyer sur l’expertise (Inserm, Irmes, InVS, HAS, Inpes…) et d’étendre le périmètre des programmes de recherche en santé publique par l’IResP, la CNAM ou l’Agence nationale de la recherche, incluant des projets innovants (de type observatoire des nanotechnologies) et d’inclure nos décisions dans le cadre européen et le respect des engagements internationaux de la France. Ce n’est qu’à moyen et à long terme que nous pourrons pleinement évaluer les conséquences de l’ensemble de ces initiatives, mais un réel tournant semble avoir été pris.