Rev Méd Interne 2001 ; 22 : 542-8 © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S024886630100385X/SSU
Mise au point
L’encéphalite virale à tiques R. Jaussaud1*, N. Magy2, A. Strady1, J.L. Dupond2, J.F. Deville1 1
Service de médecine interne et des maladies infectieuses, hôpital Robert-Debré, avenue du Général-Koenig, 51092 Reims cedex, France ; 2service de médecine interne, hôpital Jean-Minjoz, 25030 Besançon cedex, France
(Reçu le 7 mars 2000 ; accepté le 20 février 2001)
Résumé Introduction. – L’encéphalite à tiques est une maladie transmise par morsure de tique. L’agent causal, le virus TBE, appartient à la famille des Flaviviridae. La répartition de la maladie en Europe suit celle du réservoir animal, essentiellement constitué par les rongeurs et les petits mammifères des zones forestières et broussailleuses. La zone d’endémie s’étend du Rhin à l’Oural et de la Scandinavie à la Grèce. Actualités et points forts. – La symptomatologie évolue typiquement en deux phases : un syndrome pseudogrippal aspécifique suivi, après une phase de rémission de la fièvre, de signes neurologiques (méningite, méningoencéphalite et/ou myélite) évoluant dans un contexte à nouveau fébrile. L’une ou l’autre de ces phases peut cependant manquer. Des séquelles neurologiques sont possibles sous forme d’atteintes motrices ou de troubles des fonctions supérieures. Les formes orientales sont caractérisées par un pronostic vital plus sévère que les formes occidentales. Le diagnostic, évoqué de principe en zone d’endémie en cas de morsure de tique, repose sur la présence d’IgM spécifiques dans le sang et/ou le liquide céphalorachidien. Perspectives et projets. – Il n’y a pas de traitement étiologique. La prévention repose sur des mesures individuelles (autoexamen et extraction systématiques des tiques après exposition, utilisation de répulsifs) et sur la vaccination. Celle-ci, reposant sur une préparation de virus inactivés, s’adresse à une population ciblée, exposée de mai à novembre, par ses activités professionnelles ou de loisirs, aux morsures de tiques lors d’activités de plein air. © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS tique / virus TBE / encéphalite à tiques / méningoencéphalite / vaccination / immunoglobulines spécifiques
Summary – Tick-borne encephalitis. Introduction. – Tick-borne encephalitis (TBE), a disease contracted through tick bites, is caused by a Flavivirus. Its geographical distribution comes from the geographical distribution of the reservoir of infection – i.e., mainly the tiny mammals living in the forests and bushes. The endemic area spreads from the Rhine to the Urals, from Scandinavia to Italy and Greece. Current knowledge and key points. – Symptoms usually evolve in three phases: at first a nonspecific phase with fever and myalgia, then an afebrile phase, and finally a phase with neurological manifestations, such as meningitis, meningoencephalitis and/or myelitis, and fever. Motor neurological sequelae are possible. The cases occurring in the East are characterized by their greater severity compared to those occurring in the West. The diagnosis, easily established given a history of a tick bite in an endemic area, is confirmed by the presence of specific IgM in the blood and/or cerebral spinal fluid. *Correspondance et tirés à part. Adresse e-mail :
[email protected] (R. Jaussaud).
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Future prospect and projects. – There is no specific treatment. Prevention consists of individual prophylactic measures (self-examination and systematic extraction of ticks after exposure, use of repellents), and in immunization. The vaccine, prepared from inactivated viruses, should be used for target populations, that is, for people exposed to tick bites during their professional or leisure outdoor activities. © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS tick / TBE virus / tick-borne encephalitis / meningoencephalitis / immunization
L’encéphalite à tiques d’Europe Centrale (ou méningoencéphalite à tiques ou méningoencéphalite estivale (ou FMSE pour Früh Sommer MeningoEncephalitis ou encore fièvre de lait diphasique) est l’arbovirose européenne la plus fréquente. Elle est due au virus TBE (tick-borne encephalitis) transmis par morsure de tiques. Sa première description remonte à l’année 1931 en Autriche (maladie de Schneider) [1]. La preuve de sa transmission par un arthropode (la tique Ixodes persulcatus), puis de son réservoir animal était apportée par des auteurs soviétiques quelques années plus tard [2, 3]. LE VIRUS TBE Il s’agit d’un virus enveloppé à ARN, de la famille des Flaviviridae. Deux sous-types antigéniques du virus sont décrits : Eastern (souche orientale de l’Est de la Russie) et Western (souche occidentale) [4-8]. La protéine C structurale de la nucléocapside et la protéine E d’enveloppe sont stables et identiques dans toutes les souches. L’hémagglutinine E porte les antigènes spécifiques responsables de la synthèse d’anticorps neutralisants protecteurs. La protéine M, autre protéine d’enveloppe, varie selon les souches isolées. Le virus TBE est inactivé par chauffage, pasteurisation ou par les solvants ; il peut survivre de façon prolongée dans le lait et résister à l’acidité gastrique [7]. LES VECTEURS Les tiques sont des arthropodes, parasites hématophages d’animaux divers : rongeurs, mammifères domestiques ou sauvages, oiseaux et reptiles [9, 10]. L’homme est un hôte accidentel qui se contamine après morsure de tiques. Si au moins 14 espèces de tiques sont capables de transmettre le virus TBE, deux espèces principales du genre Ixodes en constituent les vecteurs habituels : Ixodes persulcatus en Russie et en Asie et Ixodes ricinus en Europe Occidentale et
Centrale [7]. La contamination de la tique s’effectue lors d’un repas sanguin pris sur un animal infecté, en phase virémique. Après multiplication virale, le virus dissémine dans tous les organes de la tique et notamment dans les glandes salivaires et les ovaires. Il y survit longtemps [10]. Les larves, nymphes et les formes adultes peuvent transmettre le virus à l’homme. La transmission à l’hôte survient au moment de la morsure par injection de salive. Les risques d’infestation sont étroitement liés à l’activité de la tique : au repos dans le sol pendant l’hiver, en activité maximale du printemps à l’automne dans les zones boisées ou broussailleuses expliquant l’allure saisonnière et la répartition géographique limitée de la maladie. La consommation de lait de vaches, de chèvres ou brebis contaminées en phase virémique, constitue un autre mode de contamination possible pour l’homme [11, 12]. La contamination transfusionnelle est également possible [13]. RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE : « DU RHIN À L’OURAL » La méningoencéphalite à tiques sévit à l’état endémique en Europe. Elle s’étend d’ouest en est, depuis la Forêt Noire [14] et la Suisse [15] jusqu’à l’Oural, et du nord au sud de la Scandinavie à la Grèce. Ainsi les cas sont rapportés d’Allemagne, d’Autriche, de Biélorussie, de Bulgarie, de Chine, de Croatie, du Danemark, d’Estonie, de Finlande, de France, de Grèce, de Hongrie, d’Italie, du Japon, du Kazakhstan, de Lettonie, de Lituanie, de Norvège, de Pologne, de République tchèque, de Russie, de Roumanie, de Slovaquie, de Slovénie, de Suède et de Suisse. Dans l’Est de la France, les principaux foyers sont localisés dans les départements du Bas-Rhin (forêt d’Illkirch), du Haut-Rhin (vallée de Munster et ballon de Guebwiller), de la Moselle et de la Meurtheet-Moselle [16]. Les activités exposantes, profession
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nelles ou de loisirs, pendant la période d’activité des tiques, expliquent que la majorité des contaminations a lieu durant la période estivale, avec des pics en mai et en octobre [17]. Une trentaine de cas ont été publiés en France. Parmi une population de 619 professionnels travaillant dans les forêts de l’Est de la France, une enquête de séroprévalence publiée en 1995 avait révélé 47 sujets séropositifs en IgG pour le virus TBE (7,6 %) [18]. L’incidence croissante de la morbidité liée au virus TBE en Europe au cours des dernières années s’expliquerait par la prolifération des petits mammifères et des tiques pendant les hivers plus cléments [19]. PHYSIOPATHOLOGIE La première phase, fébrile, de l’infection correspond à la période virémique de la maladie faisant suite à l’inoculation du virus par la tique et à son passage dans le système lymphatique. La phase neurologique correspond à la dissémination virale dans le système nerveux central [7]. Une production accrue d’oxyde nitrique expliquerait les dégâts tissulaires constatés sur les modèles expérimentaux in vivo [20]. Les titres en anticorps IgM spécifiques dans le liquide céphalorachidien sont significativement plus faibles chez les malades atteints d’encéphalite par rapport à ceux ne présentant que des signes méningés au 9e jour après le début de l’infection. La persistance de ces anticorps dans le sérum ou le liquide céphalorachidien n’est cependant pas corrélée avec la sévérité de l’infection [21]. Des autoanticorps sériques antiaxonaux, dont la signification est inconnue, sont enfin mis en évidence chez les malades présentant des séquelles neurologiques [22]. Les données autopsiques disponibles et les modèles expérimentaux attestent d’une infiltration diffuse des méninges par des lymphocytes et parfois des leucocytes. Le système nerveux central, œdématié et hyperhémique, est le siège de lésions microscopiques diffuses tout particulièrement au niveau du bulbe, du pont, du cervelet, du tronc cérébral, du diencéphale, du thalamus et de la moelle épinière. Ces lésions associent une prolifération de cellules gliales, une infiltration lymphocytaire périvasculaire et une nécrose. Au niveau du cortex, ce sont les zones motrices qui sont généralement concernées par une nécrose des cellules pyramidales et une prolifération gliale alors que les cel-
lules de Purkinje et les cellules de la corne antérieure sont atteintes aux étages cérébelleux et médullaire [10, 23]. CLINIQUE L’incubation de la maladie est en moyenne de sept à 14 jours, avec des extrêmes allant de un à 28 jours. Dans la majorité des cas, à l’instar d’autres arboviroses, l’infection par le virus TBE n’a aucune traduction clinique. En général, l’infection reste au stade infraclinique ou n’entraîne qu’un syndrome pseudogrippal. L’évolution dans la forme typique de la maladie est biphasique. Les chiffres de 20 à 30 % de formes diphasiques sont habituellement cités dans les revues de synthèse sur le sujet [7, 24]. Ainsi dans un travail rétrospectif mené en Croatie entre 1973 et 1995 chez des patients présentant une forme neurologique d’infection à TBE, 67,4 % d’entre eux avaient une évolution monophasique [25]. Cependant dans l’étude prospective de Kaiser, colligeant 656 observations survenues en Allemagne de l’Ouest de 1994 à 1998, 74 % des patients présentaient une évolution biphasique [26]. Au cours de la première phase, un tableau pseudogrippal associant fièvre, céphalées, myalgies et asthénie éventuellement arthralgies, conjonctivite et catarrhe résume la clinique. Ces symptômes se prolongent en général une semaine avant de disparaître. La deuxième phase, inconstante, apparaît huit à dix jours plus tard. C’est la phase neurologique contemporaine d’une recrudescence fébrile de quatre à dix jours mais parfois prolongée pendant un mois. Plusieurs présentations sont possibles : méningites, méningoencéphalites ou méningoencéphalomyélites [7, 10]. Elles représentent respectivement 49, 41 % et 10 % des tableaux cliniques rencontrés par Kaiser [26]. De nombreux signes cliniques peuvent être rencontrés : l’altération de la conscience, les hallucinations, l’ataxie, les parésies des membres inférieurs, les parésies des nerfs crâniens, les tremblements, les dysesthésies, la dysphasie, le nystagmus, l’insuffisance respiratoire et des signes neurovégétatifs divers [7, 26]. Les formes neurologiques sont les plus sévères. La mortalité est plus importante dans les formes extrêmes-orientales (sous-type Eastern) (de 5 à 20 %), que dans les formes occidentales (soustype Western) où la mortalité est d’environ 1 à 2 % [7]. La sévérité de la maladie augmente avec l’âge et les formes sévères sont rares chez les enfants
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avant dix ans [26, 27]. Les patients qui présentent un tableau d’encéphalomyélite et/ou de radiculite ont les risques les plus élevés en termes de mortalité et de séquelles neurologiques [26]. Ces séquelles neurologiques sont possibles sous forme d’atteintes motrices ou de troubles des fonctions supérieures [17]. L’apparition de signes chroniques non spécifiques (asthénie, céphalées, déficits mnésiques, hypoacousie, tremblements, troubles de la coordination) au décours de la phase aiguë de l’infection à virus TBE définit le syndrome postencéphalitique [7]. Celui-ci était présent dans 36 % des observations d’une enquête scandinave [27, 28]. DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE ET IMAGERIE Le syndrome inflammatoire biologique n’est pas spécifique. Une hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles ou, à l’inverse, une neutropénie et/ou une thrombopénie sont présents à la phase initiale [29]. Les anomalies du liquide céphalorachidien sont constantes : pléiocytose modérée (de 10 à 1 000 éléments/ mm3), protéinorachie élevée mais normoglycorachie. Elles persistent pendant trois à six semaines et parfois jusqu’au 4e mois [7]. Le diagnostic de certitude repose, à l’heure actuelle, sur la mise en évidence d’IgM spécifiques dans le sang ou dans le liquide céphalorachidien, par technique Elisa. Ces anticorps sont présents dès la deuxième phase de la maladie et jusqu’à trois à dix mois plus tard [30]. L’apparition des IgG est contemporaine de celle des IgM. Les IgG persistent plusieurs années et peuvent entraîner des réactions croisées chez les patients infectés par d’autres flavivirus. L’imagerie du cerveau par résonance magnétique peut montrer des anomalies non spécifiques du signal. Ces lésions se situent dans le thalamus, le cervelet, le tronc cérébral et le noyau caudé [26, 27, 31]. DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL Le diagnostic est surtout difficile dans les régions où l’infection à virus TBE n’est pas présente à l’état endémique. C’est le diagnostic d’une encéphalite et/ou d’une méningoencéphalite aiguë qui est alors discuté [32]. Ce sont surtout les causes de méningites et/ou de méningoencéphalites nécessitant un traitement spécifique urgent qui devront d’abord être envisagées : méningites à pyogènes, listériose, tuberculose, leptospirose ou infection à virus herpétique.
L’infection à virus TBE peut être responsable, en dehors de ses frontières géographiques habituelles, d’une authentique maladie d’importation [33]. D’autres microorganismes transmis par morsure de tiques (Borrelia sp., Ehrlichia sp., Rickettsia sp.) peuvent également être responsables d’atteintes neurologiques [34-38]. Certains tableaux cliniques de méningoradiculite secondaires à une morsure de tique sont en fait des infections à Rickettsia slovaca, dont la tique vectrice est Dermacentor marginatus, retrouvée non seulement en Slovaquie mais également en Suisse et en France [39]. Enfin, l’éventualité d’un vecteur commun à toutes ces infections suggère la possibilité de co-infections [40-44]. Un nouvel agent pathogène, surnommé deer tick virus, qui serait en fait proche des Powassan virus, a été récemment isolé de I. scapularis aux États Unis [45-49]. TRAITEMENT Il n’y a pas de traitement curatif de l’infection à virus TBE. Seul un traitement symptomatique est proposé. PRÉVENTION Prévention des morsures de tiques La prévention des morsures de tique consiste à protéger les parties exposées, notamment les membres et la tête, par des vêtements couvrants et des chaussures fermées. L’utilisation de répulsifs actifs sur les arthropodes, et plus particulièrement les tiques, est aussi conseillée. Le diéthylméthylbenzamide (DEET) est le répulsif le plus étudié et qui présente un rapport bénéfice/risque favorable. Sa concentration est de 35 % ou de 50 % (Insect-Ecrant, Moskizolt, Mousticolognet, Ultrathont, réservé à l’adulte) permettant une protection d’environ quatre heures. Il résiste à l’eau, la chaleur et à la sudation. Du fait d’un risque d’encéphalopathie, en cas de doses élevées, il ne doit pas être utilisé chez l’enfant [50]. L’imprégnation des tissus et des vêtements par des répulsifs, sous forme d’aérosols, tels que la perméthrine (Insect-écrant, Moustifluidt, Moustidoset, Moskizolt), constitue un autre moyen de prévention efficace vis-à-vis des morsures de tiques [50]. L’examen systématique de tout le revêtement cutané est recommandé après quelques heures passées en zone d’exposition. La morsure de tique, sou
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vent indolore, peut passer inaperçue. La transmission du virus se fait par la salive. L’ablation de la tique au cours des 24 premières heures réduit le risque de contamination. Une controverse existe quant à l’utilité d’anesthésier ou d’asphyxier (avec de l’éther, de l’huile ou de la vaseline…) la tique avant de procéder à son ablation. L’extraction délicate s’effectue au mieux avec une pince spécifique (« tiretiques ») en évitant d’éclater ou d’arracher la tique. Prévention vaccinale La vaccination reste le moyen le plus efficace de se prémunir de l’encéphalite à tiques. C’est un vaccin à virus inactivé (souche Neudoerfl) qui protège contre les deux sous-types de virus TBE [51]. Il est maintenant disponible en pharmacie de ville sous forme de suspension injectable à 0,5 mL (Ticovact, Laboratoire Baxtert). La prescription n’est plus réservée aux centres de vaccination antiamarile depuis l’obtention d’autorisation de mise sur le marché du 19 août 1999. Un schéma vaccinal à trois injections est recommandé (la deuxième injection 14 jours à trois mois après la primovaccination et la troisième injection neuf à 12 mois plus tard) . Un rappel est effectué à trois ans en raison d’une diminution rapide des titres d’anticorps protecteurs après la primovaccination [7]. Entre l’âge de trois et 16 ans, le schéma de primovaccination comprend une demi-dose (soit 0,25 mL) lors de l’administration de la première dose alors que le vaccin est administré à dose pleine (0,5 mL) lors des deuxième et troisième injections. L’injection se fait par voie intramusculaire dans le deltoïde. Il est habituellement recommandé de débuter la vaccination en période hivernale du fait du caractère saisonnier de l’infection, ce qui permet d’obtenir une immunité au printemps, quand les tiques sont actives [52]. L’immunogénicité conférée par ce vaccin est de 93 % des sujets vaccinés deux semaines après la deuxième injection et de 97 % des sujets après la troisième injection [53]. Certains attirent l’attention sur la nécessité de réaliser les trois injections vaccinales afin de pouvoir obtenir un titre d’anticorps neutralisant détectable en cas d’antécédent d’infection à flavivirus (dengue, fièvre jaune, encéphalite japonaise) ou de vaccination (antiamarile, encéphalite japonaise) [54, 55]. La tolérance du vaccin est bonne. Les effets indésirables sont rares [56, 57], essentiellement locaux (érythème, œdème, douleurs au point d’injection, hypertrophie
ganglionnaire de voisinage). D’autres symptômes bénins, à type de céphalées, de myalgies et d’arthralgies, sont décrits. Des réactions fébriles, pouvant atteindre 40 °C, sont décrites après l’administration de la première dose de vaccin chez l’enfant, l’adolescent ou l’adulte. Ces réactions fébriles, observées notamment en Allemagne et en Autriche, sont à l’origine d’une restriction d’indication chez les enfants de moins de trois ans. Des complications neurologiques seraient peut-être imputables au vaccin. Des accidents de névrite [56] et un cas d’encéphalomyélite séquellaire [57] étaient ainsi notifiés. Ces complications neurologiques sévères représenteraient 1/1 000 sujets vaccinés [58]. L’allergie vraie aux protéines de l’œuf est une contre-indication. Le vaccin peut être effectué en même temps que d’autres vaccins sous réserve de sites d’injections différents. Des précautions d’emploi concernent les sujets atteints d’une maladie auto-immune où le risque d’aggraver la maladie existante doit être confronté au risque de développer une encéphalite à tiques. Du fait de l’utilisation lors de la production de néomycine et de gentamycine, parfois retrouvées à l’état de traces dans le vaccin, il convient d’utiliser ce vaccin avec précaution chez les sujets allergiques à ces antibiotiques. L’indication du vaccin est l’immunisation des populations, exposées au risque en zone d’endémie, c’est-à-dire les sujets devant résider en plein air (campeurs ou randonneurs) et les professionnels en zones rurales (agriculteurs, bûcherons, forestiers, gardeschasses…). Pour les candidats devant séjourner en zone d’endémie, la deuxième administration du vaccin doit pouvoir être effectuée avant le départ. Cette vaccination n’est recommandée qu’après l’âge de trois ans, du fait de l’absence de données suffisantes sur l’administration de ce vaccin chez l’enfant et du risque de réaction fébrile sévère. Pour les mêmes raisons, cette vaccination n’est pas recommandée chez la femme enceinte et pendant l’allaitement. En conséquence, l’indication, en situation d’exposition à un haut risque d’infection dans cette situation, se fera au cas par cas en mettant en balance les bénéfices escomptés et les risques éventuels. Depuis le début de la campagne de vaccination de masse en Autriche dans les années 1980, le nombre de cas d’infections à virus TBE est passé de 677 en 1979 à 89 en 1990 [59].
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Immunisation passive Une préparation d’immunoglobulines spécifiques d’origine plasmatique, injectable par voie intramusculaire à la dose de 0,1 mL/kg, puis 0,2 mL/kg 48 heures plus tard [52], pourrait prévenir l’infection dans 60 % des cas à condition d’être utilisée dans les 96 premières heures suivant l’exposition [60]. Passé ce délai, le recours aux immunoglobulines est déconseillé : des observations d’aggravation de l’infection ayant été mentionné dans la littérature [61]. Le recours à ces immunoglobulines spécifiques est en fait controversé et la preuve de leur efficacité n’a pas été apportée [62]. Ces immunoglobulines sont contre-indiquées avant l’âge de 15 ans. Un délai d’au moins quatre semaines est conseillé avant de débuter une vaccination par Ticovact chez un sujet ayant reçu des immunoglobulines spécifiques de façon à ne pas diminuer la réponse immune. Ces immunoglobulines spécifiques ne sont pas disponibles en France. RE´ FE´ RENCES 1 Schneider H. Über epidemische akute “meningitis serosa”. Wiener Klin Wschr 1931 ; 44 : 350-2. 2 Zilber LA. Spring-summer tick-borne encephalitis. Arkhiv Biol Nauk 1939 ; 56 : 255-61. 3 Pavlovsky EN. Ticks and tick-borne encephalitis. Parazitologia Dalnego Vostoka Leningrad 1947 ; 5 : 212-64. 4 Mandl CW, Heinz FX, Stöckl E, Kunz C. Genome sequence of tick-borne encephalitis virus (western subtype) and comparative analysis of nonstructural proteins with other Flaviviruses. Virology 1989 ; 173 : 291-301. 5 Pletnv AG, Yamshikov VF, Blinov VM. Nucleotide sequence of the genome and complete amino acid sequence of the polyprotein of tick-borne encephalitis virus. Virology 1990 ; 174 : 25063. 6 Gresikova M, Kaluzova M. Biology of tick-borne encephalitis virus. Acta Virol 1997 ; 41 : 115-24. 7 Dumpis U, Crook D, Oksi J. Tick-borne encephalitis. Clin Infect Dis 1999 ; 28 : 882-90. 8 Ecker M, Allison SL, Meixner T, Heinz FX. Sequence analysis and genetic classification of tick-borne encephalitis viruses from Europe and Asia. J Gen Virol 1999 ; 80 : 179-85. 9 Hannoun C. Les encéphalites à tiques en Europe. Med Trop 1980 ; 40 : 509-19. 10 Christmann D, Staub-Schmidt T. Encéphalite à tiques d’Europe Centrale et de l’Est. Presse Méd 1996 ; 25 : 420-3. 11 Anonymous. Outbreak of tick-borne encephalitis, presumably milk-borne. Wkly Epidemiol Rec 1994 ; 69 : 140-1. 12 Kohl I, Kozuch O, Eleckova E, Labuda M, Zaludko J. Family outbreak of alimentary tick-borne encephalitis in Slovakia associated with a natural focus of infection. Eur J Epidemiol 1996 ; 12 : 373-5. 13 Wahlberg P, Saikku P, Brummer-Korvenkontio M. Tick-borne encephalitis in Finland. The clinical features of Kumlinge disease during 1959-1987. J Intern Med 1989 ; 225 : 173-7. 14 Kaiser R. La méningo-encéphalite verno-estivale. Observations cliniques et fréquence en Forêt-Noire en 1994. Akt Neurologie 1996 ; 23 : 21-5.
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