Revue française d’allergologie et d’immunologie clinique 43 (2003) 153–158 www.elsevier.com/locate/revcli
Article original
L’éosinophile et le neutrophile alvéolaires chez l’enfant asthmatique : quelle signification clinique ? Clinical significance of bronchoalveolar eosinophils in asthmatic children J. Just a,*, L. Fournier a,b, E. Goudard a, I. Momas b, F. Sahraoui a, A. Grimfeld a a
Service de pneumologie pédiatrique, hôpital d’enfants Armand-Trousseau, 26, avenue du Dr Arnold-Netter, 75571 Paris cedex 12, France b Laboratoire d’hygiène et de santé publique, université René-Descartes, Paris, France Reçu le 12 décembre 2002 ; accepté le 14 janvier 2003
Résumé L’asthme de l’adulte est une maladie chronique inflammatoire caractérisée principalement par un infiltrat éosinophilique. Objectif. – Évaluer la relation entre différents phénotypes cliniques chez l’enfant asthmatique et les cellules retrouvées dans le lavage broncho-alvéolaire (LBA). Patients et méthodes. – Nous avons réalisé un LBA chez 79 enfants asthmatiques âgés de 5 mois à 18 ans. Quarante-huit pour cent présentaient un asthme allergique et 43 % un asthme persistant sévère. La relation phénotype clinique et profil cellulaire du LBA a été analysée par une méthode multivariée. Résultats. – Les résultats montrent que : 1) les nourrissons ont une élévation significative du nombre de cellules alvéolaires totales (particulièrement les macrophages alvéolaires) par rapport aux enfants plus âgés ; 2) l’asthme allergique est associé à la présence d’éosinophiles alvéolaires ; 3) l’asthme persistant sévère et l’ancienneté de l’asthme sont associés à une augmentation du nombre de neutrophiles alvéolaires. Conclusions. – Nous montrons pour la 1re fois que dans l’asthme du nourrisson et de l’enfant, l’éosinophile alvéolaire n’est retrouvé que dans l’asthme allergique. © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Objective. – Asthma in adults is a chronic inflammatory disease characterized principally by eosinophilic infiltration. Since there are few data on BronchoAlveolar Lavage (BAL) in children with asthma, we investigated the relationship between clinical parameters (such as age, allergic sensitization and asthma severity) and differential cell counts in BAL fluid in asthmatic children. Patients and methods. – BAL fluid was obtained from 79 asthmatic infants and children (age 5 months to 18 years; 67% males). 48% of these children had allergic asthma and 43% had severe, persistent asthma. The clinical significance of the bronchoalveolar cell profiles was analyzed by multivariate analysis. Results. – The results showed that: 1) young infants have significantly more total alveolar cells, especially macrophages, compared to older children; 2) allergic asthma was associated with the presence of alveolar eosinophils; 3) severe, persistent asthma and asthma of long duration were associated with an increased number of alveolar neutrophils. Conclusion. – Our results show for the first time that alveolar eosinophilic inflammation is present in BAL fluid obtained from asthmatic babies and infants. © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. All rights reserved. Mots clés : Asthme ; Enfant ; Lavage broncho-alvéolaire ; Éosinophile ; Neutrophile Keywords: Asthma; Children; Bronchoalveolar lavage; Eosinophils; Neutrophils
* Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (J. Just). © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. DOI: 10.1016/S0335-7457(03)00043-1
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1. Introduction L’asthme est une bronchite chronique caractérisée par une infiltration muqueuse d’éosinophiles et de cellules mastocytaires sous le contrôle de cytokines provenant des lymphocytes de type T helper de type 2 (Th2) [1]. Les études histopathologiques post mortem montrent que l’éosinophilie est présente dans la sous-muqueuse bronchique des patients qui décèdent d’asthme [2]. De plus, de nombreuses études montrent que l’inflammation est détectée à différents stades de la maladie [3]. Chez l’adulte asthmatique, l’éosinophilie est augmentée dans le sang [4], dans l’expectoration [5] et dans le LBA [6] L’éosinophilie activée peut relarguer des protéines provenant de granules intracytoplasmiques cytotoxiques pour l’épithélium bronchique [7]. Ces différentes études suggèrent une relation entre l’éosinophile et la gravité de l’asthme. Bousquet et al. [8] confirment cette hypothèse en montrant une relation étroite entre l’inflammation éosinophilique retrouvée dans les biopsies bronchiques et le LBA et la sévérité de la maladie. Plus récemment, le rôle de l’inflammation neutrophilique a été discuté dans la physiopathologie de l’asthme. Ainsi, l’inflammation éosinophilique est liée à l’asthme chronique stable, alors que l’inflammation neutrophilique est retrouvée dans l’asthme aigu sévère [9]. Peu d’informations concernant les cellules inflammatoires dans le tissu bronchique des nourrissons et des enfants asthmatiques ont été publiées. Ceci est la conséquence des difficultés éthiques à réaliser une bronchoscopie chez les enfants dans un but de recherche. Cependant Stevenson et al. [10] ont montré chez les enfants asthmatiques que l’éosinophilie du LBA est associée à l’asthme atopique mais n’est pas retrouvée chez les enfants sains, chez les enfants présentant une maladie atopique sans asthme, ni chez les nourrissons présentant des infections virales avec une obstruction bronchique sifflante. Ceux-ci suggèrent différents mécanismes physiopathologiques pouvant expliquer les sibilances chroniques chez l’enfant. Nous avons utilisé dans ce travail une analyse multivariée pour évaluer la relation entre des paramètres cliniques (comme l’âge, l’ancienneté de la maladie, la sensibilisation allergénique, l’infection bactérienne des voies aériennes et la gravité de l’asthme) et les différentes populations cellulaires retrouvées dans le LBA d’une large population d’enfants et de nourrissons asthmatiques. 2. Méthodes 2.1. Critères d’inclusion Il s’agit d’une étude prospective (entre 1994 et 1999) et rétrospective (entre 1991 et 1993) qui a été menée chez une population de nourrissons et d’enfants asthmatiques qui présentaient un asthme atypique attesté par : • la persistance de sibilances malgré un traitement par corticoïdes inhalés à doses élevées ;
• et/ou des sibilances associées à une expectoration quotidienne ; • et/ou des anomalies radiologiques chroniques. Ce travail a été réalisé dans le service de pédiatrie orientée en pneumologie et en immuno-allergologie clinique de l’hôpital d’enfants Armand Trousseau. Durant cette période, 10 513 enfants ont été admis dans notre unité pour un asthme. Une bronchoscopie (associée à un LBA) a été réalisée chez 88 (1,3 %) d’entre eux pour écarter du fait de l’atypie de l’asthme d’autres diagnostics. Cette démarche nous a d’ailleurs permis d’exclure 9 patients qui présentaient une inhalation de corps étranger, une trachéobronchomalacie, une malformation vasculaire, une mucoviscidose et pour les 6 patients restants une infection virale diagnostiquée par une recherche virale systématiquement réalisée dans le LBA. Chez les nourrissons de moins de 30 mois, l’asthme est défini par : • la définition de Tabachnick et Levison [11] ; • mais aussi, les paramètres Martinez [12] qui attestent du risque d’asthme persistant au cours de l’enfance (un taux sérique d’IgE totales > 2 déviations standard (DS) par rapport à la normale pour l’âge, antécédents personnels ou familiaux d’allergie (dermatite atopique et/ou une rhinite saisonnière) ; • mais également asthme persistant après l’âge de 4 ans. Vingt nourrissons présentant un asthme défini par les critères de Tabachnick et Levison mais ne répondant pas aux autres critères seront exclus de l’analyse. Chez les enfants, le diagnostic d’asthme est défini par la notion de dyspnée expiratoire sifflante chronique et une obstruction bronchique réversible sous broncho-dilatateurs. Le travail prospectif a été accepté par le CCPPRB de l’hôpital Cochin. 2.2. Les informations recueillies dans l’ensemble de la population L’âge, le sexe, l’ancienneté de la maladie, les antécédents personnels et familiaux d’atopie, le taux sérique d’IgE totales, le traitement par corticoïdes inhalés (CI). L’asthme allergique (AA) est défini comme un asthme associant une sensibilisation allergénique (diagnostiquée par des prick-test et/ou des IgE spécifiques dirigés contre des aéro-allergènes communs) et des symptômes respiratoires déclenchés par ces mêmes allergènes. La gravité de l’asthme évaluée dans l’année précédente a été définie comme : • épisodique, c’est-à-dire comportant des intervalles asymptomatiques prolongés ; • persistant sévère c’est-à-dire comportant des symptômes réguliers entre les attaques d’asthme. 2.3. La réalisation du LBA La bronchoscopie sous anesthésie locale a été réalisée après sédation légère et après avoir nettoyé le nez pour limiter le risque d’infection des voies aériennes supérieures. Le LBA a été réalisé comme cela a été déjà décrit [13].
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Succinctement, un volume correspondant à 1/10e de la capacité fonctionnelle résiduelle théorique calculée par rapport à la taille de liquide isotonique salé chauffé à 37 °C a été instillé puis réaspiré manuellement pour un total de 6 aliquotes. Le 1er aliquote permet de réaliser des cultures bactériennes quantitatives. Une infection bactérienne des voies aériennes est définie par la présence d’une bactérie dans le LBA en concentration supérieure à 105 cfu ml–1 en association avec une polynucléose neutrophile supérieure à 104 neutrophiles par ml [13]. Les 5 autres aliquotes sont ensuite mélangés et servent à la préparation d’une lame colorée en May Grünwald Giemsa et hématoxyline-éosine qui permet le comptage des différentes populations cellulaires. Un LBA contenant au moins 60 000 cellules viables par ml (testé par la méthode du bleu de Trypan) avec une prédominance de macrophage alvéolaire et peu de cellules épithéliales est considéré comme représentatif de l’aire alvéolaire. Les valeurs normales de la cellularité totale et des pourcentages des différentes populations cellulaires ont été définis par des études précédentes réalisées chez l’enfant [14–17]. 3. Analyses statistiques Les résultats sont exprimés en moyenne ou valeur médiane ± DS. En analyse bivariée, les différences statistiques ont été mises en évidence pour les variables qualitatives par la méthode du chi-square et pour les variables quantitatives par la méthode de Anova ou le test de Mann et Whitney. Pour l’analyse multivariée, un modèle de régression linéaire multiple a utilisé comme variables dépendantes : l’âge, l’ancienneté, la gravité de l’asthme, la sensibilisation allergénique, l’infection bactérienne et le traitement par CI et pour les variables indépendantes : les cellules du LBA. De plus, une analyse de régression pas à pas a été réalisée (BMDP Software package, LA, USA). Une valeur de p à – 0,05 est considérée comme significative.
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Tableau 1 Caractéristiques cliniques des nourrissons et des enfants asthmatiques Ancienneté de l’asthme (mois : moyenne ± SD) Histoire familiale d’allergie % Dermatite atopique % IgE totale sérique: UI/l (moyenne ± SD) AA % Infection bactérienne des voies aériennes % Haemophilus influenzae Streptococcus pneumoniae Moraxella catarrhalis Staphylococcus aureus Mycoplasma pneumoniae Asthme persistant sévère % Traitement par CI %
Nourrissons n = 21 5,2 ± 7,6
Enfants n = 58 32,8 ± 38,2*
62 62 252 ± 981
69 41 696 ± 1456†
14 19
61‡ 16
2 1 1 0 0 33 67
1 0 4 1 3 47§ 79
* p < 10–5, † p < 10–3, ‡ p = 2,10–4, § p = 2,10–3, AA = asthme allergique, CI = corticoïdes inhalés.
ce qui concerne les antécédents personnels et familiaux d’allergie mais également l’infection bactérienne. Quoique l’asthme persistant sévère paraît plus important chez les enfants par comparaison avec les nourrissons, le pourcentage de nourrissons et d’enfants ayant une CI (qui atteste la sévérité de la maladie) est identique. 4.2. La réalisation du LBA et les cultures bactériennes quantitatives Le volume total instillé a été de 14 ± 8 ml (moyenne ± DS) pour le 1er aliquote et 56 ± 37 ml pour les 5 autres aliquotes. Soixante-trois pour cent (en moyenne) du liquide injecté a pu être récupéré. Une infection bactérienne était présente chez 19 % des nourrissons et chez 16 % des enfants. Parmi les 13 LBA infectés, 4 avaient des bactéries résistantes (Hemophilus influenzae producteur de b-lactamase, Moraxella catarrhalis producteur de b-lactamase ainsi qu’un Streptococcus pneumoniae ayant une résistance intermédiaire à l’ampicilline).
4. Résultats 4.1. Caractéristiques des patients
4.3. La cellularité globale et le compte des différentes populations cellulaires
Chez les 88 patients ayant eu une bronchoscopie (un bronchospasme transitoire est survenu dans 12 % des cas). Soixante-dix-neuf patients (21 nourrissons et 58 enfants, 67 % de sexe masculin) sont inclus dans cette étude. Quarante-huit pour cent d’entre eux présentent un AA, 43 % souffrent d’un asthme persistant sévère, 78 % ont un traitement par CI. Les caractéristiques cliniques des nourrissons et des enfants asthmatiques sont reportées sur le Tableau 1. Comme attendu les paramètres associés à l’âge, comme l’ancienneté de l’asthme, l’élévation des IgE totales, la fréquence de l’AA sont significativement plus élevés chez les enfants par comparaison avec les nourrissons. À l’inverse, les populations d’enfants et de nourrissons sont homogènes en
Les résultats de l’analyse bivariée sont retrouvés dans le Tableau 2. Chez les nourrissons asthmatiques (par opposition aux enfants) il existe une hypercellularité essentiellement représentée par les macrophages alvéolaires. L’éosinophilie alvéolaire est significativement plus élevée dans le LBA des enfants asthmatiques comparé à ceux des nourrissons (p = 10–5). L’éosinophilie alvéolaire est élevée chez les enfants présentant un AA en comparaison aux enfants présentant un asthme non allergique (p = 10–3) (Fig. 1). Une neutrophilie alvéolaire est retrouvée chez les enfants présentant un asthme persistant sévère en comparaison avec ceux présentant un asthme épisodique (p = 5.10–2). Une diminution significative de la cellularité globale et surtout des macrophages et des
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Tableau 2 Relation entre des paramètres cliniques (l’âge, la sensibilisation allergénique, l’infection des voies aériennes, la gravité de l’asthme et le traitement par corticoïdes inhalés) et les différentes populations cellulaires retrouvées dans le LBA (analyse bivariée)* Cellules alvéolaires
Population totale (n= 79) Nourrissons (n= 21) Enfants (n= 58) ANA (n= 41) AA (n= 38) Pas infection bactérienne (n= 66) Infection bactérienne (n= 13) Asthme épisodique (n= 45) Asthme persistant sévère (n= 34) Pas de traitement par CI (n= 19) Traitement par CI (n= 60)
Total x 103 ml–1 257,7 ± 147,7 292,9 ± 142,4* 244,7 ± 148,7 251,3 ± 130,3 273,4 ± 170,7 261,2 ± 154,6 240,0 ± 109,8 267,7 ± 154,6 246,1 ± 141,3 313,9 ± 167,3* 239,7 ± 137,5
Macrophages x 103 ml–1 196,0 ± 120,3 235,3 ± 123,4* 178,4 ± 118,3 191,8 ± 107,3 199,6 ± 140,9 193,3 ± 128,2 195,0 ± 83,9 212,5 ± 120,4 171,0 ± 122,0 239,8 ± 123,5* 178,9 ± 118,2
Lymphocytes x 103 ml–1 41,6 ± 38,5 38,7 ± 38,9 41,9 ± 38,7 41,7 ± 36,9 43,9 ± 41,9 43,6 ± 41,0 28,3 ± 17,3 44,6 ± 42,8 35,6 ± 32,2 61,0 ± 51,4† 34,7 ± 31,4
Neutrophiles x 103 ml–1 17,2 ± 47,4 18,8 ± 51,4 13,3 ± 39,9 17,5 ± 56,9 13,0 ± 25,6 15,8 ± 46,8 9,8 ± 9,3 6,1 ± 6,5* 26,4 ± 63,7 5,2 ± 6,4 17,8 ± 48,8
Eosinophiles x 103 ml–1 4,8 ± 10,6 0,0 ± 0,2‡ 6,4 ± 11,9 0,4 ± 1,5§ 8,4 ± 13,5 4,4 ± 9,4 6,5 ± 15,6 4,4 ± 10,1 5,3 ± 11,4 7,7 ± 13,8 3,8 ± 9,2
* Les résultats sont exprimés en moyenne ± DS* p ≤ 5,10–2, † p ≤ 10–2, ‡ p ≤ 10–5, § p ≤ 10–3. ANA et AA = Asthme non-allergique et asthme allergique, CI = Corticoïdes inhalés.
lymphocytes alvéolaires est observée chez les patients traités par CI. L’analyse multivariée, en prenant en compte l’ensemble des paramètres cliniques, permet d’éliminer les facteurs confondants. Cette analyse multivariée montre une association significative entre l’existence d’un AA et la présence d’éosinophiles (p= 10–3). Les enfants présentant un asthme ancien et/ou un asthme persistant sévère présentent une neutrophilie alvéolaire (p = 5.10–2) (Tableau 3).
5. Discussion Cette étude a été réalisée dans une population très sélectionnée de nourrissons à haut risque d’asthme persistant au cours de l’enfance en comparaison avec des enfants plus âgés ayant majoritairement un asthme d’origine allergique. Elle montre que l’inflammation des voies aériennes à éosinophiles et à neutrophiles peut être mise en relation avec différents phénotypes d’asthme au cours de l’enfance. Comme dans les études précédentes [18,19], nous avons trouvé que la cellularité alvéolaire totale (essentiellement représentée par les macrophages) était plus élevée chez les nourrissons asthmatiques en comparaison aux enfants. D’autres auteurs ont exploré des nourrissons présentant des sifflements transitoires dans le but d’identifier les cellules alvéolaires associées aux infections virales responsables de sibilances. Ils n’ont trouvé aucune inflammation des voies aériennes chez ces nourrissons présentant des infections virales entraînant une obstruction bronchique sifflante et chez des nourrissons présentant des sibilances chroniques d’étiologie non déterminée [10,19,20]. Dans notre population de nourrissons à haut risque d’asthme persistant au cours de l’enfance et contrairement aux enfants asthmatiques plus âgés, aucune inflammation éosinophilique n’a été retrouvée. Cela suggère que dans notre population de nourrisson asthmatique, l’inflammation est transitoire et pourrait être en relation avec des cellules non spécifiques comme les macro-
Fig. 1. Relation entre les éosinophiles alvéolaires et la sensibilisation allergénique ANA : Asthme non allergique, AA : Asthme allergique. Les barres représentent la moyenne.
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Tableau 3 Relation entre des paramètres cliniques (l’âge, l’ancienneté de l’asthme, la sensibilisation allergénique, l’infection des voies aériennes, la gravité de l’asthme et le traitement par corticoïdes inhalés) et les différentes populations cellulaires retrouvées dans le LBA (analyse par régression multiple* *) Différentes populations cellulaires du LBA Coefficient de régression partiel (b) ± SE * * Déterminants (n = 73) ˆ ge A Ancienneté de l’asthme AA Infections bactériennes des voies aériennes Asthme persistant sévère Traitement CI Coefficient de détermination
Neutrophiles – 0,23 ± 0,12 (NS) 0,59 ± 0,20 (p = 0,001) – 8,21 ±11,71 (p = NS) – 4,37 ±15,08 (NS) 21,86 ± 10,77 (p = 0,05) 8,21 ± 12,55 (NS) 0,20
Eosinophiles – 0,02 ± 0,03 (NS) – 0,03± 0,05 (NS) 8,92 ± 2,65 (p = 0,001) – 0,40 ± 3,42 (NS) 0,91 ± 2,44 (NS) – 3,41 ± 2,84 (NS) 0,22
AA = Asthme allergique, CI = Corticoïdes inhalés.
phages alvéolaires. Cette hypothèse est bien corrélée à l’augmentation des médiateurs pro-inflammatoires de type eïcosanoïdes relargués par les macrophages alvéolaires chez les nourrissons présentant des sifflements chroniques [21]. Nos résultats montrent de plus que l’inflammation éosinophilique est en relation avec l’AA. Ceci est concordant avec l’étude initiale de Stevenson et al. [10]qui avaient comparé des asthmes atopiques à des enfants atopiques sans asthme et à des nourrissons présentant des infections virales responsables de sibilances. Ces auteurs avaient trouvé que l’inflammation éosinophilique était présente uniquement chez les enfants présentant un asthme atopique. Bien que cette étude ait été conduite pendant des périodes non symptomatiques, les auteurs suggéraient que l’inflammation éosinophilique soit présente, en permanence, chez les enfants présentant un asthme atopique. Dans notre étude l’AA est plus souvent retrouvé chez les enfants que chez les nourrissons asthmatiques. Cependant l’analyse par régression multiple indique que, en prenant en compte à la fois l’âge et l’allergie, l’inflammation éosinophilique est en relation avec AA indépendamment de l’âge et de la sévérité de la maladie. Ce résultat pourrait être expliqué comme étant la conséquence d’une expression évolutive de l’allergie au cours de l’enfance qui va s’exprimer chez les enfants les plus âgés [22]. Une autre explication serait que le LBA est moins sensible que les biopsies bronchiques. Celles-ci pourraient identifier une inflammation éosinophilique plus précocement chez les nourrissons asthmatiques. Le résultat principal de notre étude est que l’inflammation éosinophilique n’est pas en relation avec la sévérité de la maladie. Chez l’adulte en effet, le pourcentage des éosinophiles dans le sang périphérique et dans les voies aériennes est en relation avec la gravité de la maladie [8] attestée par le VEMS et/ou les tests à la métacholine plus qu’avec les mécanismes allergiques [23,24]. Ainsi, la présence des éosinophiles dans la muqueuse bronchique a été mise en relation avec le délabrement de l’épithélium des voies aériennes incluant la perte des jonctions épithéliales [23]. Cependant, Leckie et al. [25] ont montré que chez des asthmatiques adultes, le traitement par anticorps monoclonaux dirigé contre l’IL-5, s’il réduisait significativement l’éosinophilie dans l’expectoration ne modifiait pas la réponse retardée ni l’hyperréactivité bronchique à l’histamine. Ce résultat met
donc un doute sur la relation éventuelle entre l’éosinophilie des voies aériennes et l’hyperréactivité bronchique. De plus, la majorité de notre population avait reçu des CI dont on sait qu’ils régulent, de façon négative, l’inflammation éosinophilique. Dans notre étude une infection des voies aériennes bactériennes a été trouvée dans 16 % de notre population. Ce pourcentage élevé d’infection bactérienne peut être en rapport avec une population d’enfants et de nourrissons asthmatiques très sélectionnés présentant un asthme difficile à traiter ou atypique. Nous n’avons pas montré de relation statistiquement significative entre le pourcentage de neutrophiles alvéolaires et l’existence d’une infection des voies aériennes. Cependant lorsque l’on prend en compte par l’analyse multivariée, l’ensemble des caractères cliniques on retrouve une relation statistiquement significative entre la présence d’une inflammation neutrophilique et l’asthme persistant sévère. Ce résultat est en accord avec les précédents travaux publiés dans l’asthme qui montrent un niveau élevé de neutrophiles dans les voies aériennes de patients atteints d’asthme aigu grave nécessitant de fortes doses de corticoïdes intraveineux et/ou une ventilation assistée [26,27]. Il est également intéressant de noter la relation qu’il existe entre la présence de neutrophiles alvéolaires dans les voies aériennes et l’ancienneté de l’asthme. À notre connaissance, cette relation n’a jamais été décrite et elle pourrait avoir plusieurs explications. L’ancienneté de l’asthme pourrait être associée à un remodelage des voies aériennes et plus particulièrement une fibrose bronchiolaire. De plus, il est admis que les asthmes qui persistent au cours de l’enfance sont surtout les formes les plus sévères. Enfin, la relation qui existe entre la présence de neutrophiles dans les voies aériennes et l’asthme sévère corticodépendant de l’adulte a déjà été rapportée. Ainsi, Jatakanon et al. [27] montrent qu’il existe une élévation du nombre de neutrophiles dans l’expectoration induite de patients adultes atteints d’asthme sévère corticodépendant et présentant une fonction respiratoire très altérée.
6. Conclusion Dans ce travail qui a exploré des enfants et des nourrissons asthmatiques, l’inflammation éosinophilique est étroitement
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liée à l’allergie respiratoire plus qu’à la sévérité de la maladie asthmatique. L’inflammation neutrophilique n’est pas seulement à mettre en relation avec la gravité de la maladie (comme cela a déjà été démontré) mais aussi avec l’ancienneté de la maladie. Des études à venir sont nécessaires pour montrer l’importance de nos résultats pour le développement de nouvelles thérapeutiques visant à inhiber le chémotaxtisme des éosinophiles et des neutrophiles dans les voies aériennes. Références [1]
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