Les atrophies villositaires intestinales immunes et non immunes

Les atrophies villositaires intestinales immunes et non immunes

Rev Med Inrerne 1997;18:418420 0 Elsevier, Paris Lexique Les atrophies villositaires intestinales immunes et non immunes B Cutnod-Jabri I, N Pate...

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Rev Med Inrerne 1997;18:418420

0 Elsevier, Paris

Lexique

Les atrophies villositaires

intestinales immunes et non immunes

B Cutnod-Jabri I, N Patey *, 0 Goulet I, D Canioni *, D Guy-Grand 3, J Schmitz I, N Brousse *, N Cerf-Bensussan 3 I Service de gastroente!rologie et nutrition, 2 service d’anatomie et de cytologic pathologiques, 3Inserm 11429, h6pital Necker-Enfants-Malades, 149. rue de Sbres. 75674, Paris cedex 14, France

(Rey le 31 mars 1997 ;bcceptC le 3 avril 1997)

atrophie villositaire / diarrhks graves rehelles / maladie cozliaque / entiropathies villous atrophy / intractable diarrhea / coeliac disease / autoimmune enteropathy

Les mtcanismes a l’origine de lesions epitheliales responsables d’atrophie villositaire sont encore tres discutes. Le tube digestif est un organe complexe, en contact avec des antigenes multiples, notamment alimentaires et bacteriens. On distingue l’epithelium des villositts constitut de quatre types cellulaires hautement differencies provenant d’une mGme cellule-souche et l’epithelium des cryptes oti sitgent les cellules-souches. La matrice extracellulaire est indispensable a un developpement normal de l’intestin. Son role dans la differentiation et dans la proliferation et la migration des cellules Cpitheliales est actuellement bien Ctabli [l]. Ainsi, un tissu conjonctif anormal, une membrane basale deficiente peuvent &r-e potentiellement a l’origine d’une anomalie de la differenciation des cellules epitheliales intestinales. Les progres r&rlisb dans le dtmembrement clinique et histologique des atrophies villositaires et dans la comprehension de la physiologie des cellules tpithtliales et du systbme de defense intestinal permettent de mieux discuter aujourd’hui la physiopathogenie des atrophies villositaires. La defense de l’epithelium est assuree de maniere non specifique par le peristaltisme intestinal, l’elimination des cellules Cpitheliales pathologiques grace a un renouvellement Cpithtlial rapide, la presence d’un film muqueux constituant une barriere efficace entre la lumibre intestinale et le

auto-immunes

milieu interieur et enfin l’existence d’un systbme d’adhesion etroit entre d’une part les cellules Cpitheliales et, d’autre part, entry les cellules Cpitheliales et la membrane basale. A cot6 de ce systeme de defense mecanique, il existe un systeme de defense dirige plus specifiquement contre des antigenes trts divers. En effet, l’intestin est dote d’un systeme lymphdide riche dont la fonction est d’assurer a la fois sa protection et d’eviter des reactions immunitaires inappropriees et/au deleteres. Des perturbations de l’un ou l’autre de ces systemes de defense peuvent potentiellement dtclencher ou favoriser des Cvenements conduisant a des lesions Cpithtliales. L’atrophie villositaire se definit par la diminution du rapport de la hauteur des villosites sur la hauteur des cryptes qui est darts la muqueuse normale de 3 a 4. L’atrophie villositaire peut aller de l’atrophie partielle a l’atrophie complete. 11 en resulte une diminution de la surface d’absorption responsable d’un syndrome de malabsorption, se traduisant par une diarrhee. Nous citerons deux modeles animaux de lesions des cellules epitheliales illustrant la diversite des mecanismes possibles a l’origine d’une alteration de l’epithelium intestinal. Le premier modele est la reaction du greffon contre l’hote dans lequel la presence de lymphocytes T actives diriges contre l’epithelium intestinal entraine une lesion des cel-

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intestinales

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Fig 2. Enttropathie immune. Presence de nombreux lymphocytes T dans le chorion s’accompagnant d’une alteration des cryptes.

Fig 1. Maladie caeliaque. Atrophie villositaire totale avec acceleration du renouvellement Cpithelial avec allongement des cryptes et infiltration majeure de 1’6pithClium par les lymphocytes T.

lules Cpitheliales qui siege initialement dans les cryptes [2]. Le second modele a permis de mettre en evidence l’importance du mucus et plus particulierement des trefoil peptides dans la defense de l’inttgrite de la muqueuse intestinale. En effet, des souris deficientes pour ces peptides ont des lesions tpitheliales majeures, qui s’accompagnent d’une infiltration cellulaire importante du chorion [3,4]. Nous discuterons les differentes formes d’atrophie villositaire en nous basant, d’une part sur les diarrhtes graves rebelles du nourrisson, dtfinies par une diarrhee prolongte resistante au repos digestif, et, d’autre part, sur la maladie coeliaque, dans laquelle les lesions Cpitheliales sont dues a une reaction immunitaire anormale induite par le gluten chez des sujets prkdisposts genetiquement. L’Ctude des diarrhees graves rebelles incluant les donnees cliniques, histologique et immunohistochimique a permis de degager deux grands cadres d’atrophie villositaire : un premier cadre caracttrise par la presence d’une infiltration de la muqueuse intestinale par des lymphocytes T actives et un second cadre dans lequel on retrouve la notion d’un caractere hereditaire et la presence d’anomalies de la membrane basale et du systeme d’adhtsion entre les cellules Cpitheliales [5]. L’etude de la maladie cmliaque, quant a elle, permet d’affiner les diffe-

Fig 3. Enteropathie non immune. Presence d’un nombre normal voire diminue de lymphocytes T.

rentes formes d’atrophies villositaires secondaires a une reponse immunitaire anormale [6].

LES ATROPHIES VILLOSITAIRES IMMUNES Deux types d’atrophie villositaire, s’accompagnant d’une infiltration de la muqueuse intestinale par des lymphocytes T actives, peuvent &tre d&rites chez l’homme : - les atrophies villositaires s’accompagnant d’une augmentation majeure des lymphocytes intraepitheliaux et d’une acceleration du renouvellement Cpithelial qui se detmit par une augmentation du nombre de mitoses dans les cryptes qui est alors superieure a 1. Le modele est la maladie cceliaque [6] ;

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les atrophies villositaires avec infiltration du chorion par les lymphocytes T. Deux sous-groupes peuvent &tre distingues : avec destruction des cryptes (les modkles sont la reaction du greffon contre l’h6te, le rejet de greffe intestinale [7] et les enteropathies dysimmunes [5]) et sans destruction des cryptes avec une acceleration tvidente du renouvellement Cpithelial (les modeles sont les enteropathies auto-immunes) IS]. L’existence de divers types d’atrophie villositaire suggere que des mkmismes physiopathogtniques differents soient a l’origine des lesions epitheliales observtes. La reaction immunitaire dtlttere peut &tre soit secondairea une dysregulation immunitaire intrinsbque contre des autoantigenes, soit une reaction immunitaire inadaptte contre des antigenes exogenes. Darts la maladie coeliaque, les lymphocytes intraepitheliaux pourraient &tre diriges contre un antigene exogene ou un autoantigene modifit qualitativement ou quantitativement present&spar les cellules CpithClialesdes villositks. 11est tentant de proposer que les lymphocytes intraepitheliaux lrnpliqut% s’apparentent aux lymphocytes intraepithtliaux T-NK de la souris. A l’inverse, les atrophies villositaires avec augmentation des lymphocytes du chorion impliqueraient des lymphocytes T s’apparentant aux lymphocytes T de la p&iph&ie, diriges contre des antigbnes present& par les cellules dendritiques et macrophagiques, siegeant au niveau du chorion ou par les cellules Cpithtliales des cryptes. Ces antigenes pourraient &tre soit des autoantigbnes, soit des antigknes exogenes anormalement presentsclansla muqueuse intestinale du fait d’une barriere insuffisante. Ainsi, certaines ente’ropathies dysimnmnes caract&isCespar une activation lymphocytaire T majeure saris signes d’auto-immunit6 pourraient r&her dune anomalie primitive de la barriere intestinale avec une t&s forte activation secondairedes lymphocytes T.

LES ATROPHIES VILLOSITAIRES NONIMMtJNES:EXEMPLE DE LA DYSPLASIE BPITHBLIALE La dysplasie epitlkliale est une forme de diarrhee grave rebelle du nourrisson dont le mode de transmission est probablement autosomique recessif. Elle se caracterise histologiquement par des anomalies de l’architecture tpithtliale. Des anomalies de la laminine et du proteoglycane a heparane sulfate ont CtC mises en evidence au niveau de la

et al

membrane basale de 1’CpithClium intestinal. I1 existe par ailleurs des anomalies des jonctions intercellulaires [8, 91. Ces modifications de la membrane basale et/au du systeme d’adhesion des cellules epitheliales pourraient Ctre a l’origine ou, h l’inverse, secondairesau dtsequilibre entre proliferation et differentiation enterocytaire responsable de l’atrophie villositaire persistante. Le dtmembrement des atrophies villositaires constitue une premiere &ape dans la comprehension des mecanismesa l’origine des lesions CpithCliales. Les etudes histologiques et immunohistochimiques sont essentielles pour la definition du type d’atrophie villositaire. Elles permettent de decrire le type d’atrophie villositaire, avec et sans ahtration des cryptes, avec et sans acceleration du renouvellement tpithtlial, de differencier les atrophies villositaires avec et sans infiltration anormale par des lymphocytes T actives et, le cas Cchtant, de localiser l’infiltrat. Elles constituent chez l’homme des modeles pathologiques interessants de la differentiation de l’epithelium intestinal et des mCcanismes immuns a l’origine d’une alteration de la muqueuse intestinale.

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