Les carcinomes du nasopharynx : de la biologie à la clinique

Les carcinomes du nasopharynx : de la biologie à la clinique

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Cancer/Radiothérapie 9 (2005) 55–68 http://france.elsevier.com/direct/CANRAD/

Mise au point

Les carcinomes du nasopharynx : de la biologie à la clinique Nasopharyngeal carcinomas: from biology to clinic S. Rivera a,*, C. Keryer b, P. Busson b, P. Maingon a a

Département de radiothérapie, centre Georges-François-Leclerc, 1, rue du Professeur-Marion, 21079 Dijon cedex, France b CNRS/UMR 8126, institut Gustave-Roussy, 39, rue Camille-Desmoulins, 94805 Villejuif cedex, France Accepté le 7 décembre 2004 Disponible sur internet le 22 janvier 2005

Résumé Les carcinomes du nasopharynx constituent une entité distincte des autres tumeurs de la tête et du cou de par leur étiologie multifactorielle spécifique et leur répartition géographique caractéristique. Il existe une contribution du virus d’Epstein-Barr (EBV) à l’oncogenèse des carcinomes du nasopharynx associée à des altérations génétiques comme l’inactivation des gènes p16/Ink4, p19/ARF, RASSF1 ou Blu. Le tissu tumoral comporte un infiltrat lymphocytaire caractéristique très abondant. Des cytokines inflammatoires sont produites à la fois par les cellules malignes et les cellules infiltrantes. Il n’y a pas de réponse immunitaire anti-tumorale efficace. Au contraire, les lymphocytes infiltrants pourraient jouer un rôle dans le développement tumoral. Certaines applications de la sérologie EBV et la détection de l’ADN viral circulant devraient faciliter la détection des rechutes et à terme le dépistage primaire. Le diagnostic des carcinomes du nasopharynx est souvent tardif car ils ne génèrent longtemps que peu de symptômes. La scanographie et l’imagerie par résonance magnétique (IRM) sont complémentaires lors du bilan initial. La tomographie par émission de positons (TEP) évalue bien la réponse au traitement et les récidives. Le traitement repose essentiellement sur la radiothérapie et la chimiothérapie. Leurs modalités restent à préciser par des études de phase III mais des résultats encourageants sont obtenus avec les chimioradiothérapies concomitantes dans les tumeurs localement évoluées, particulièrement lorsqu’on réalise une radiothérapie conformationnelle par modulation d’intensité. De nombreuses recherches sont en cours sur les thérapeutiques ciblées, avec diverses stratégies fondées sur la rupture de la latence virale, l’utilisation d’adénovirus réplicatifs ou la vaccination anti-tumorale. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Nasopharyngeal carcinomas (NPC) are very different from other head and neck cancers because of their specific multifactorial etiology and their geographic distribution. Epstein-Barr Virus (EBV) is implicated in oncogenesis of NPC in association with genetic alterations such as inactivation of the p16/Ink4, p19/ARF, RASSF1 or Blu genes. Tumoral tissues include a very abundant characteristic lymphoid infiltrate. Inflammatory cytokines are produced by both malignant and infiltrating cells. There is no efficient immune response against the tumor. On the opposite, infiltrating lymphocytes might play a role in tumor development. Serological methods and detection of circulating viral DNA are expected to become useful for early detection of relapse and on a longer term for primary screening. NPC are often diagnosed at a late stage because patients may remain asymptomatic for a long time. Computed tomography (CT scan) and magnetic resonance imaging (MRI) are complementary for the initial evaluation. Positron emission tomography (PET) is efficient for the evaluation of treatment efficiency and detection of relapses. Treatment is based on radiotherapy and chemotherapy. Their optimal use needs to be evaluated by phase III trials but positive results have been obtained by concomitant association of radiotherapy and chemotherapy. Targeted therapies are beeing studied with strategies based on disruption of viral latency, use of replicative adenoviruses or anti-tumor vaccination. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (S. Rivera). 1278-3218/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.canrad.2004.12.005

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Mots clés : Carcinomes nasopharyngés ; Virus d’Epstein-Barr ; Chimioradiothérapie concomitante ; Radiothérapie par modulation d’intensité Keywords: Nasopharyngeal carcinoma; Epstein-Barr virus; Concomitant radio-chemotherapy; Intensity modulated radiotherapy

1. Généralités En 2004, les carcinomes du nasopharynx restent responsables d’un taux de mortalité élevé dans plusieurs régions du monde. La répartition géographique des carcinomes du nasopharynx est surprenante et apparemment sans ressemblance avec celle d’autres tumeurs : ils sont rares dans la plupart des pays du monde, mais ils sont fréquents dans trois régions principales : l’Asie du sud-est, l’Afrique du nord et les terres arctiques (Groenland, Alaska) [57]. Ils constituent une entité bien distincte des autres tumeurs de la tête et du cou, en premier lieu parce qu’ils résultent de facteurs étiologiques différents. L’intoxication alcoolotabagique n’intervient que pour une part modeste et inconstamment dans l’oncogenèse des carcinomes du nasopharynx. En revanche, le virus d’Epstein-Barr (EBV) joue un rôle important, de mieux en mieux expliqué par les progrès de la biologie. Toutefois, le rôle du virus n’est pas exclusif, comme le montrent les données fondamentales de l’épidémiologie : l’infection systémique par EBV est universellement répandue dans l’espèce humaine alors que la fréquence des carcinomes du nasopharynx n’est élevée que dans certains groupes de population. Ce paradoxe s’explique sans doute de deux façons : • la diffusion dans certains groupes de population de souches d’EBV plus furtives vis-à-vis du système immunitaire ; • le fait qu’EBV ne peut exercer d’effets oncogéniques qu’en conjonction avec des facteurs de prédisposition héréditaires ou des facteurs environnementaux non-viraux. En bref, l’étiologie des carcinomes du nasopharynx comporte une composante virale essentielle tout en étant remarquablement multifactorielle [10]. Les tumeurs du cavum d’origine épithéliale sont les plus fréquentes (90 %). Ces carcinomes du nasopharynx sont classés par l’OMS en trois types histologiques selon leur degré de maturation épithéliale [113]. Le type I correspond au degré maximum de maturation (carcinome épidermoïde kératinisant). Le type II est le carcinome épidermoïde non kératinisant (absence de kératine extra-cellulaire). Le type III est constitué des carcinomes indifférenciés du nasopharynx (Undifferentiated Carcinoma of Nasopharyngeal Type : UCNT). Dans les zones d’endémies, l’immense majorité des carcinomes du nasopharynx se classent parmi les types II et III ; en proportion, les cas de type I sont rarissimes. En dehors des zones d’endémies, notamment en France, les tumeurs de type I — bien que rares en valeur absolue — représentent 30 à 40 % des cas de carcinomes du nasopharynx. Ceux-ci sont souvent liés à l’intoxication alcoolotabagique. L’association à EBV est constante pour les cancers de types II et III, quelle que soit l’origine géographique des patients. En revanche, pour ceux de type I, l’association à EBV est fréquente en zone d’endémie et rare

dans les autres pays [85]. La présence d’un infiltrat lymphocytaire très abondant est une caractéristique histologique majeure des carcinomes du nasopharynx, commune à ceux de types II/III et à la plupart de ceux de type I. Généralement, cet infiltrat lymphocytaire n’accompagne pas les lésions métastatiques et il disparaît lorsque les carcinomes du nasopharynx peuvent être greffés sur souris nude ou sur souris SCID [9]. En règle générale, les carcinomes du nasopharynx sont plus radiosensibles et chimiosensibles que les autres carcinomes de la tête et du cou. Les taux de réponse à la chimiothérapie première sont élevés dans la plupart des séries publiées [41,103]. Néanmoins, en dehors des cancers classés T1–T2 N0, le pronostic reste relativement défavorable (taux de survie de l’ordre de 50 % à 5 ans) du fait des récidives locales et des rechutes métastatiques. Ce contraste entre la radiosensibilité et la chimiosensibilité initiales et l’insuffisance des traitements actuels stimule les recherches concernant le dépistage précoce d’une part et la mise en œuvre de nouvelles modalités thérapeutiques d’autre part. La révolution entraînée par les progrès de l’imagerie moderne permet un diagnostic plus précis (extension locorégionale) et la détection plus précoce et plus fiable des récidives (Imagerie par Résonance magnétique : IRM, Tomographie par Emission de Positons : TEP). Les apports considérables de la biologie moderne ont transformé l’approche de ces tumeurs (du diagnostic au suivi). Les récents progrès de la radiothérapie ont été intégrés dans la stratégie de prise en charge de ces tumeurs (radiothérapie de conformation, Radiothérapie de Conformation par Modulation d’Intensité, RCMI, chimioradiothérapie concomitante dans les formes localement évoluées). Les résultats obtenus sont encourageants mais l’accès à certaines techniques, comme la RCMI, reste encore limité. À terme, l’élaboration de systèmes biologiques ou pharmacologiques dirigés contre des cibles spécifiques des cellules tumorales pourrait déboucher sur des applications thérapeutiques particulièrement intéressantes.

2. Épidémiologie et biologie 2.1. Épidémiologie descriptive, environnementale et génétique Les carcinomes du nasopharynx sont rares dans la plupart des pays du monde, notamment en Europe et en Amérique du nord (incidence inférieure à 1/100 000/an). Les foyers de haute incidence se situent en Extrême-Orient, principalement en Chine du sud. Ainsi, dans la région de Canton, l’incidence atteint 25 à 50/100 000/an. Il existe également des zones d’incidence intermédiaire (de l’ordre de 4 à 8/100 000/an). L’exemple le plus classique est celui de l’Afrique du nord.

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On sait maintenant que d’autres pays, souvent très peuplés, entrent dans la même catégorie, tels l’Indonésie, le Vietnam, le Soudan et le Groenland [57,86,118]. La fréquence des carcinomes du nasopharynx est plus importante chez l’homme avec un sex ratio de 2 à 3,5. En Extrême–Orient, la majorité des carcinomes du nasopharynx s’observent entre 40 et 60 ans. En Afrique du nord, la distribution selon l’âge est bimodale avec un pic d’incidence principal autour de la cinquantaine (80 % des patients) et un pic secondaire entre 10 et 20 ans (forme juvénile) [57,62,86]. Cette forme présente des caractères biologiques particuliers, comme une faible abondance de la p53 dans les cellules tumorales par comparaison avec la forme adulte [62,63]. Contrairement à ce qu’on observe pour les lymphomes B associés à EBV, le développement des carcinomes du nasopharynx n’est pas favorisé par l’existence de déficits immunitaires généralisés, en particulier les déficits résultant de l’infection par le virus d’immunodéficience humaine (VIH). La contribution des facteurs environnementaux dans l’étiopathogénie des carcinomes du nasopharynx a été principalement étudiée sur la base d’enquêtes cas–témoins. Ces enquêtes tendent à montrer le rôle déterminant de certaines habitudes culinaires traditionnelles. En Chine du sud, le poisson conservé par salaison apparaît comme le suspect numéro un, particulièrement lorsqu’il est conditionné suivant un procédé traditionnel spécifiquement cantonnais. Le risque est encore aggravé lorsque cet aliment est consommé à une période précoce de la vie — dès le sevrage — et en association avec un régime pauvre en fruits et en légumes [57,118]. En Afrique du Nord sont incriminés certains types de condiments, certaines préparations de viande salée et les graisses conservées à température ambiante (beurre rance). La ventilation insuffisante des logements serait également un facteur de risque important [57]. La part des facteurs héréditaires reste difficile à évaluer. La diminution constante de l’incidence des carcinomes du nasopharynx constatée à Hong Kong depuis 1973 coïncide avec un profond changement du mode de vie et suggère que l’impact des gènes de susceptibilité au carcinome du nasopharynx serait fortement modulé par des facteurs environnementaux [118]. Il existe en Chine du sud des cas d’agrégations familiales fortes (plus de 3 cas par famille). Ces cas représentent moins de 1 % de l’effectif total des carcinomes du nasopharynx chinois mais leur étude est susceptible d’apporter un éclairage sur les mécanismes de prédisposition génétique au carcinome du nasopharynx. Trois groupes de recherche ont réalisé des études de liaison à l’échelle du génome entier sur trois séries distinctes de familles chinoises avec agrégation. Malheureusement, aucun des trois groupes n’a reproduit les résultats de ses concurrents. Les loci suspects sont en 4p15, 3p21et 5p13 [39,50,115]. Objectivement, d’autres études sur ce thème sont nécessaires. Les études d’association génétiques réclament des moyens moins importants que celles de liaison et peuvent être réalisées en l’absence de contexte familial évident (enquêtes cas-témoin portant souvent sur des SNP, « single nucleotide polymorphisms »). Ces

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études ont abouti à des résultats encore limités mais encourageants. Il en résulte une liste de gènes de susceptibilité dits « mineurs » car liés chacun à une augmentation modeste du risque de carcinome du nasopharynx. Il s’agit par exemple de SNP dans les gènes codant pour la protéine HSP 70–2 ou le récepteur polymérique des Immunoglobulines A (IgA) [47,56]. Fait intéressant, le marqueur à risque au niveau du gène du récepteur des IgA consiste en un changement de codon susceptible d’avoir des répercussions fonctionnelles importantes [27,47]. Cette observation génétique s’accorde bien avec des données expérimentales suggérant un rôle du système de transport des IgA lors de la pénétration d’ EBV dans les cellules épithéliales [27]. À terme, on peut espérer que l’analyse conjuguée de nombreux marqueurs génétiques de susceptibilité — par exemple sur des puces à ADN spécialisées — apportera une contribution au dépistage des sujets à risque. D’autres groupes ont étudié l’influence des allèles HLA de classes I et II sur le risque relatif de carcinome du nasopharynx, là encore le plus souvent sur la base d’enquêtes cas– témoin. Curieusement, plusieurs allèles associés à une augmentation du risque relatif ne sont pas identiques en Asie et l’Afrique du Nord [24,79]. Ces discordances apparentes sont sans doute en passe d’être mieux comprises à la lumière de données récentes concernant la distribution des souches de l’EBV chez les patients atteints de carcinome du nasopharynx. La diversité génétique des souches virales est toujours plus restreinte dans le tissu tumoral que dans la salive ou le sang périphérique. Dans la plupart des cas, une seule souche est présente dans la tumeur [31,84]. Fait essentiel, cette souche tumorale unique présente fréquemment des variations génétiques qui invalident sélectivement les épitopes cibles des lymphocytes T cytotoxiques en relation avec les allèles HLA du patient [30,31]. Ces travaux suggèrent que certains isolats viraux seraient sélectionnés dans les cellules tumorales en raison de leur capacité à échapper à la surveillance immunitaire dans un contexte HLA donné. Ils suggèrent que dans certaines régions du monde, la rencontre d’un répertoire particulier de souches EBV et de certains allèles HLA pourrait favoriser une incidence élevée du carcinome du nasopharynx. 2.2. Interactions virus-cellules Les arguments en faveur d’une contribution d’EBV à l’oncogenèse des carcinomes du nasopharynx sont les suivants : • la régularité d’association qui ne souffre aucune exception pour les types II et III ; • la présence dans les cellules malignes de produits viraux dont l’activité oncogénique a été démontrée in vitro ; • la précession de modifications sérologiques vis-à-vis d’antigènes viraux plusieurs mois ou années avant le développement d’une tumeur invasive. Néanmoins, comme nous l’avons souligné en introduction, l’étiologie des carcinomes du nasopharynx est multifac-

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torielle. Les carcinomes du nasopharynx surviennent en général plusieurs décennies après la primo-infection, ce qui souligne l’importance des altérations génétiques acquises dont l’effet se conjugue à celui de l’infection virale, probablement dès la naissance du clone malin. À l’examen au microscope électronique, aucune particule infectieuse d’EBV n’est détectable dans les carcinomes du nasopharynx. C’est la présence de l’ADN viral dans le noyau de toutes les cellules malignes qui constitue le premier indicateur de la contribution du virus au processus tumoral [91]. Chaque noyau contient en général plusieurs copies d’ADN viral présentes sous forme de minichromosomes circulaires. En plus de ces génomes viraux libres peuvent exister des copies du génome intégrées à l’ADN chromosomique [65]. Le génome d’EBV est de grande taille pour un génome viral ; il mesure environ 170 kb et comporte une centaine de gènes. Dans les cellules de carcinome du nasopharynx, les interactions virus–cellules sont réciproques [91]. Un petit nombre de gènes viraux — de l’ordre de cinq à dix — codent pour des produits qui participent probablement à l’entretien du phénotype malin. Par ailleurs, un ensemble de facteurs cellulaires « verrouillent » le reste des gènes viraux qui contribuent normalement à la synthèse des particules virales (ces gènes, au nombre d’une centaine, sont appelés gènes du cycle viral « productif »). En d’autres termes, il existe des mécanismes cellulaires qui contribuent activement au maintien d’un état dit de latence virale. Ceci revêt une grande importance car le déroulement du cycle viral productif entraîne ipso facto la mort de la cellule hôte. Idéalement, si l’on pouvait provoquer une rupture de la latence virale dans toutes les cellules malignes, on aboutirait à une destruction des lésions tumorales. Cette considération est à la base d’une stratégie thérapeutique innovante qui sera évoquée ci-dessous. Deux questions dominent la recherche sur l’oncogenèse virale dans les carcinomes du nasopharynx : quels sont les produits viraux qui contribuent au phénotype malin et comment agissent-ils sur la cellule ? Les gènes viraux les plus abondamment transcrits dans les carcinomes du nasopharynx codent pour de petits ARN non-messagers appelés EBER 1 et 2 (Epstein-Barr encoded RNAs). Ces EBERs sont détectés dans 100 % des carcinomes du nasopharynx. Ils sont inclus dans des particules ribonucléoprotéiques et peuvent se lier à la PKR (protéine kinase ARN-dépendante) dont ils inhibent la phosphorylation. Cette inhibition aboutit à bloquer la réponse cellulaire aux interférons [81]. Du point de vue diagnostic, les EBERs ont l’avantage d’être très stables en raison de leur association à des protéines nucléaires ; ils représentent donc une bonne cible pour l’hybridation in situ. Deux protéines virales sont facilement mises en évidence dans les carcinomes du nasopharynx, par des techniques réalisables dans la majorité des laboratoires d’anatomie pathologique. Il s’agit des protéines EBNA1 (Epstein-Barr nuclear antigen 1) exprimée dans 100 % des UCNT et LMP1 (latent membrane protein 1) exprimée environ dans 50 % des cas [91]. Comme son nom l’indique, EBNA1 est une protéine nucléaire. Son activité oncogénique dans les cellules épithéliales reste

encore à étudier de façon approfondie. La LMP1 est une protéine membranaire dont les effets in vitro sont extrêmement pléiomorphes et variables en fonction de la nature de l’hôte cellulaire. Elle peut activer de nombreuses voies de signalisation, dont les voies NF-kB, JNK/AP1 et PI3-kinase ; elle peut stimuler l’expression du VEGF et de métalloprotéases comme la MMP9 [106]. Au niveau clinique, il n’y a pas de démonstration solide d’une plus grande agressivité des carcinomes du nasopharynx LMP1–positifs par rapport aux NPC LMP1–négatifs [58]. D’autres protéines virales seraient exprimées dans les cellules de carcinome du nasopharynx, mais leur détection requiert des moyens spécialisés et fait encore l’objet de controverses. Il s’agit d’une seconde protéine de membrane dite LMP2 [46] et d’une protéine secrétée, appelée BARF1 [25]. L’une et l’autre présentent une activité transformante dans certains systèmes expérimentaux in vitro. Il reste à préciser dans quelle proportion de tumeurs elles sont exprimées et pour une tumeur donnée dans quelle proportion de cellules malignes. 2.3. Facteurs cellulaires de l’oncogenèse De nombreuses altérations génétiques cellulaires ont été rapportées dans les carcinomes du nasopharynx. Pour l’instant, aucune d’elles n’apparaît comme constante et spécifique de cette affection [74]. Le gène de la p16/Ink 4 localisé en 9p 21 est celui dont l’implication est la mieux étudiée. On constate que la protéine p16/Ink4 est absente dans les cellules malignes dans 60 % des cas de carcinome du nasopharynx [45]. Le mécanisme d’inactivation le plus fréquent consiste en une délétion d’un allèle conjuguée à une hyperméthylation de l’allèle restant. Le gène p19/ARF situé sur le même locus est également fréquemment inactivé [74]. De nombreuses autres régions chromosomiques sont la cible d’anomalies récurrentes à type de pertes ou de gains de matériel génétique. Dans les études asiatiques, les anomalies les plus fréquentes et probablement les plus précoces sont des pertes en 3p et 9p et des gains au niveau du 12p [74]. En outre, dans le cas des carcinomes du nasopharynx du bassin méditerranéen, on note une fréquence particulièrement élevée de gains au niveau du 1q [92]. RASSF1 et Blu sont deux gènes fréquemment inactivés au niveau de la zone altérée du 3p (bande 3p21). RASSF1 code pour un partenaire de Ras impliqué dans la régulation de l’apoptose ; Blu pourrait coder pour un facteur de transcription [19,73]. TSLC1 localisé au niveau de 11q est également fréquemment inactivé dans les carcinomes du nasopharynx [53]. Fait remarquable, la protéine p53 est très rarement mutée dans les carcinomes du nasopharynx. Néanmoins, elle est souvent abondante dans le tissu tumoral à l’exception des formes juvéniles de carcinomes du nasopharynx nord-africains [63]. Plusieurs mécanismes épigénétiques d’inactivation et/ou de stabilisation ont été envisagés mais sans démonstration formelle. Un déficit de p19/ARF pourrait expliquer l’inactivation mais non la stabilisation anormale de la p53. Crook et

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al. ont rapporté la présence dans les carcinomes du nasopharynx d’un transcrit codant pour une isoforme courte de la p63 capable d’inactiver la p53 ; là encore, il reste à expliquer la stabilisation anormale [22]. À noter enfin l’expression fréquente et intense dans les NPC de protéines potentiellement oncogéniques : EGF-R, Met (récepteur de l’HGF, Hepatocyte Growth Factor), Bcl2 et Bcl-X [20,62,89]. On ignore si l’expression intense de ces protéines s’accompagne de mutations ou d’anomalies structurales dans les gènes correspondants. 2.4. Événements prétumoraux, interactions hôte-tumeur, dépistage On sait encore peu de choses sur les altérations prétumorales de la muqueuse nasopharyngée. Des études chinoises ont montré des taux élevés de délétions du 3p et du 9p dans les cellules épithéliales de la muqueuse nasopharyngée non tumorale chez des sujets avec ou sans dysplasie, vivant en zone d’endémie (en Chine du sud par comparaison avec la Chine du Nord) [74]. L’observation des carcinomes du nasopharynx au stade de carcinomes in situ est difficile et les publications sur ce sujet sont restées longtemps exceptionnelles. Les travaux les plus récents confirment que le génome d’EBV est présent dans les cellules tumorales dès le stade de carcinome in situ [14]. Les carcinomes du nasopharynx prennent naissance au contact des structures amygdaliennes de la partie supérieure de l’anneau de Waldeyer, dans la fossette de Rosen-Muller. Comme nous l’avons mentionné ci-dessus, le tissu tumoral est le siège d’un important infiltrat leucocytaire, comportant en majorité des lymphocytes T CD4 et CD8, mais aussi des macrophages et des cellules dendritiques. Notre connaissance des cytokines produites dans le microenvironnement tumoral reste encore très insuffisante [6]. On sait cependant que les cellules épithéliales malignes et les cellules infiltrantes produisent des cytokines inflammatoires : interleukine-1, interféron gamma et MIP-1 (Macrophage inhibitory protein-1) [52,102]. En dépit de ce contexte inflammatoire, la croissance tumorale témoigne de l’absence de réaction immunitaire locale adaptée. L’échappement immunitaire local ne résulte pas d’un défaut d’accommodation des protéines antigéniques par les cellules épithéliales malignes de carcinome du nasopharynx [64]. À l’heure actuelle, deux mécanismes d’échappement peuvent être évoqués : • la sélection dans le tissu tumoral de souches non immunogéniques dans le contexte HLA du patient [31] ; • la production locale de facteurs immunosuppresseurs. Ce deuxième point mériterait des études plus approfondies. Deux de ces facteurs pourraient être le TGF-beta et le ligand de Fas. Leur production a été mise en évidence dans certains cas de carcinome du nasopharynx [27]. Non seulement les lymphocytes infiltrants ne sont pas les effecteurs d’une réponse immunitaire naturelle efficace mais ils pourraient jouer un rôle favorisant le développement tumoral. Les difficultés très grandes rencontrées pour obtenir une

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prolifération in vitro ou même sur souris nude des cellules de carcinome du nasopharynx suggèrent une dépendance par rapport au microenvironnement tumoral. Il existe une complémentarité entre plusieurs ligands portés par la membrane plasmique des lymphocytes infiltrants (CD154, CD27) et certains récepteurs présents à la surface des cellules épithéliales malignes (respectivement CD40, CD70) [27]. Précisément, nous avons montré que la stimulation in vitro du récepteur CD40 à la surface des cellules épithéliales malignes de carcinome du nasopharynx produisait un effet anti-apoptotique [94]. Ces résultats plaident en faveur d’un effet protecteur des lymphocytes infiltrants vis-à-vis des cellules épithéliales malignes de carcinome du nasopharynx. En dépit de l’absence de réponse immunitaire anti-tumorale efficace, le développement des carcinomes du nasopharynx s’accompagne de changements quantitatifs et qualitatifs importants concernant les anticorps circulants dirigés contre des protéines d’EBV. Paradoxalement, ces anticorps sont dirigés principalement contre des protéines virales difficilement détectables au niveau du tissu tumoral : les protéines dites « précoces » impliquées dans les étapes précoces de la production virale (complexe early antigen ou EA) et les protéines de structure du virus comme celles du complexe VCA (« viral capsid antigen »). Ce paradoxe pourrait s’expliquer par le fait que les cellules tumorales exprimant les complexes EA ou VCA sont des cellules qui matures, meurent rapidement [119]. Les modifications sérologiques les plus classiques chez les sujets atteints de carcinome du nasopharynx sont une augmentation importante du titre des IgG anti-EA et VCA et l’apparition des IgA circulantes anti-EA et VCA. Ces modifications sérologiques revêtent un grand intérêt en termes de dépistage, car elles peuvent s’opérer avant la mise en place d’une tumeur cliniquement décelable. L’utilisation généralisée de la sérologie pour le dépistage se heurte cependant à un problème de spécificité. Dans les foyers d’endémie en Chine du sud, environ 4 % des individus âgés de plus de 30 ans ont des IgA, mais dans cette catégorie moins de 10 % d’entre eux développent un carcinome du nasopharynx [57]. Beaucoup d’efforts visent à perfectionner les analyses sérologiques et à identifier les combinaisons susceptibles de présenter la meilleure valeur prédictive. Par ailleurs, plusieurs études suggèrent que la mesure de la charge en ADN d’EBV dans le plasma pourrait permettre un dépistage plus précoce des rechutes chez les malades traités [27,49]. En revanche, l’intérêt de ce test pour le dépistage primaire dans les populations à risque reste controversé. D’autres investigateurs s’efforcent de tirer parti de la détection de l’ADN et de l’ARN viral dans des frottis nasopharyngés.

3. Clinique 3.1. Diagnostic clinique Les premiers signes sont volontiers tardifs (du fait de la topographie profonde du nasopharynx) et liés à l’envahisse-

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ment des structures voisines. Ils peuvent être uniques ou multiples, le plus souvent unilatéraux : hypoacousie de transmission progressive, acouphènes, obstruction nasale, rhinorrhée. À un stade plus avancé, le carcinome du nasopharynx peut également être révélé par un trismus, des troubles de la déglutition (par atteinte du XII), une dysphonie (X), une diplopie (VI), des céphalées, des douleurs faciales (V). Mais le premier signe est souvent une ou plusieurs adénopathies cervicales haut situées (niveau II) uni- mais volontiers bilatérales [44]. Au moment du diagnostic, 70 à 80 % des patients ont des adénopathies, parmi lesquelles près de 50 % mesurent plus de 6 cm de diamètre [2]. 3.2. Bilan Un examen clinique au nasofibroscope avec biopsies permet de préciser la taille de la tumeur, son extension locale, son type histologique et de la schématiser. Le bilan clinique régional explore les aires ganglionnaires cervicales. Un examen ORL complet, neurologique et général, reste indispensable. Outre l’examen clinique, les examens à réaliser comprennent de manière systématique une scanographie ORL et cervicale avec injection de produit de contraste iodé pour préciser le siège de la tumeur et son extension aux structures voisines endocrâniennes, orbitaires, para-pharyngées et de la base du crâne [17]. L’IRM, de plus en plus utilisée dans le bilan diagnostic, est complémentaire. Elle apprécie moins bien l’extension au niveau de la corticale osseuse que la scanographie mais elle est plus performante pour évaluer l’envahissement médullaire, musculaire, périnerveux et intracrânien [32]. Une radiographie pulmonaire de face et de profil ainsi qu’une échographie abdominale seront également systématiquement réalisées. La scintigraphie osseuse n’est réalisée que devant des signes cliniques évocateurs. L’IRM semble plus performante que la scanographie pour évaluer la réponse au traitement et les récidives en permettant de différencier tissu tumoral et réactions inflammatoires, voire fibrose post-radique. Des études récentes ont démontré que la TEP au FDG (FluoroDesoxy-Glucose) a une meilleure sensibilité et une meilleure spécificité pour détecter les récidives tumorales que la scano-

graphie ou l’IRM dans les carcinomes du nasopharynx [61,83]. Un cas de faux positif dû à une ostéoradionécrose a cependant été décrit dans la littérature [72]. Il a également été prouvé que la TEP est performante pour l’évaluation de la réponse tumorale et des récidives des carcinomes du nasopharynx irradiés après un délai optimum minimal de six mois [117]. La TEP au FDG semble donc avoir une place particulièrement intéressante dans les bilans de surveillance des carcinomes du nasopharynx mais le facteur limitant de son utilisation reste à ce jour sa faible disponibilité. Dans certains cas (diagnostic histologique douteux, métastase sans primitif connu), il peut-être utile d’établir la relation avec EBV. Ceci est réalisé par la détection des EBERs sur coupes histologiques. Le dosage des anticorps antiEBV : immunoglobulines de type IgG et IgA anti-VCA (viral capside antigen) et anti-EA (early antigen) est généralement effectué avant de commencer le traitement. Une élévation des titres de ces anticorps après rémission clinique complète est évocatrice de rechute [26]. 3.3. Facteurs pronostiques De nombreuses classifications ont été utilisées en clinique. Actuellement, il n’existe pas de consensus international. Ceci rend l’analyse de la littérature et les comparaisons entre études difficiles. La classification la plus utilisée en Asie du sud-est est celle de Ho, dont dérive le système de Changsha utilisé en Chine [48]. À Taïwan, le système de classification de Huang et al. est le plus utilisé [51]. En Europe et en Amérique du Nord, la classification TNM de l’UICC, récemment modifiée, sert le plus souvent de référence [Tableaux 1 et 2] [105]. Le stade TNM de la classification de l’OMS est un élément pronostique capital au sein duquel on distingue trois facteurs pronostiques indépendants : la taille initiale de la tumeur (T), l’atteinte ganglionnaire (N), l’existence de métastases à distance (M). L’atteinte des nerfs crâniens et l’extension intracrânienne ont un impact majeur sur le contrôle local et la survie globale. Le contrôle local est un facteur pronostique majeur lié à la survie globale [59]. Dans les séries occidentales, le type I de l’OMS semble être associé à un pronos-

Tableau 1 Classification des tumeurs (T) dans les carcinomes du nasopharynx. Comparaison entre les classifications de Ho et TNM 2003 T1 T2

T3

T4

Classification de Ho Tumeur limitée au nasopharynx Tumeur étendue à la fosse nasale, à l’oropharynx, aux muscles adjacents ou aux nerfs sous la base du crâne

Tumeur étendue au-delà de T2 : -T3a : atteinte osseuse sous la base de crâne -T3b : atteinte de la base du crâne -T 3c : atteinte des nerfs crâniens -T 3d : atteinte des orbites, du laryngopharynx ou de la fosse sous temporale

Classification TNM UICC Tumeur limitée au nasopharynx Extension tumorale aux tissus mous de l’oropharynx et/ou à la fosse nasale : T2a : sans extension parapharyngée T2b : avec extension parapharyngée Invasion tumorale des structures osseuses et/ou des sinus maxillaires

Tumeur avec extension intracrânienne et/ou atteinte des nerfs crâniens, de la fosse sous temporale, de l’hypopharynx, de l’orbite ou de l’espace masticateur

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Tableau 2 Classification des atteintes ganglionnaires dans les carcinomes du nasopharynx. Comparaison entre les classifications de Ho et TNM UICC 2003 Classification de Ho

NX N0 N1 N2 N3

Classification TNM Renseignements insuffisants pour classer l’atteinte ganglionnaire Pas de ganglion palpable Pas de signe d’atteinte des ganglions régionaux Ganglion(s) dans la partie cervicale haute uniquement s’étendant latéra- Atteinte unilatérale d’un ou de plusieurs ganglions lymphatiques, lement et en arrière du cartilage thyroïde ≤ 6 cm au dessus du creux sus-claviculaire Ganglions palpables au dessus du creux sus-claviculaire Atteinte bilatérale d’un ou plusieurs ganglions lymphatiques, ≤ 6 cm au dessus du creux sus-claviculaire Ganglions palpables dans le creux sus-claviculaire et/ou atteignant la Atteinte d’un ou plusieurs ganglions lymphatiques peau N3a > 6 cm N3b dans le creux sus-claviculaire

tic plus défavorable [96]. Le titre initial d’anticorps antiEBV n’apparaît pas comme étant lié au pronostic. L’état général (index de Karnofski) et la perte de poids lors du diagnostic seraient plutôt liés à la tolérance au traitement et au risque de complications au cours de celui-ci.

4. Traitements Le cancer du nasopharynx a la particularité d’être radiosensible. Ces tumeurs sont également chimiosensibles et ceci constitue la base logique de travaux visant à conjuguer ces deux modalités thérapeutiques [107]. 4.1. Méthodes 4.1.1. Chirurgie La place de la chirurgie dans le traitement des carcinomes du nasopharynx est très réduite. La topographie profonde du nasopharynx et sa proximité avec la base de crâne sont responsables de difficultés techniques (voie d’abord, accessibilité de la tumeur, exposition limitée du champ opératoire) et d’incertitudes carcinologiques (qualité de la résection, marges de sécurité). Les indications de la chirurgie se limitent donc à un complément thérapeutique par curage ganglionnaire cervical en cas de persistance d’adénopathies trois à quatre mois après la fin de la radiothérapie et aux rares cas de récidives ganglionnaires isolées. Certaines équipes l’utilisent également pour des récidives limitées peu infiltrantes au niveau du cavum. 4.1.2. Radiothérapie La radiothérapie externe reste le traitement de choix des carcinomes du nasopharynx. Les nombreux progrès techniques de ces dernières années et les connaissances des mécanismes de radiobiologie ont permis de faire évoluer la prise en charge des carcinomes du nasopharynx en autorisant une augmentation de la dose sur le volume tumoral et les aires ganglionnaires de drainage sans augmentation du taux de complications. Radiothérapie en deux dimensions : Cette technique, qui a longtemps servi de référence, utilise deux faisceaux latéraux opposés également pondérés par des photons X d’accélérateurs linéaires de 4 à 6 MV. Les fais-

ceaux latéraux doivent englober la tumeur visible sur la scanographie et/ou l’IRM, avec généralement des marges de sécurité de 1,5 à 2 cm. Un faisceau antérieur nasal complémentaire peut être utilisé en cas d’extension antérieure. Les faisceaux latéraux couvrent également les aires ganglionnaires cervicales avec une attention particulière sur le traitement des ganglions des niveaux II et V en raison de la fréquence de leur envahissement. La dose délivrée sur la tumeur est le plus souvent comprise entre 65 et 70 Gy à raison de 2 Gy par fraction et de cinq fractions par semaine pour une durée de 6,5 à sept semaines. Les aires ganglionnaires cervicales non envahies reçoivent 50 Gy en 25 fractions et celles envahies entre 65 et 70 Gy selon les équipes et la taille des adénopathies ( < ou > à 2 cm). Des doses inférieures à 65 Gy ne doivent pas être délivrées pour des tumeurs évoluées du fait du risque d’échec local [34]. La radiothérapie classique tend à être remplacée progressivement par la radiothérapie de conformation, permettant d’augmenter la précision du traitement. Radiothérapie de conformation en trois dimensions : Elle est fondée sur l’utilisation d’une scanographie dosimétrique et d’un logiciel de reconstruction tridimensionnelle des images scanographiques. Les patients sont traités en décubitus dorsal. Il est indispensable de disposer d’une technique d’immobilisation stricte et reproductible. Un masque thermoformé est réalisé sur le patient en position de traitement, englobant la tête, le cou et si possible les épaules. Des faisceaux laser orthogonaux permettent de repérer sur le masque le système de référence. La scanographie dosimétrique est ensuite réalisée en position de traitement, masque de contention en place, depuis la base du crâne jusqu’aux clavicules. L’épaisseur des coupes est au maximum de 5 mm (3 mm est préférable). La prise en compte des volumes ganglionnaires doit se faire en référence au consensus international publié par Grégoire et al. [44]. Une marge de sécurité de 1 cm doit généralement être utilisée autour des structures envahies pour la définition du volume cible anatomoclinique (CTV) sur la scanographie dosimétrique. Un contrôle du positionnement du patient est réalisé par imagerie portale en début de traitement, puis régulièrement au cours de celui-ci. L’utilisation de la radiothérapie de conformation en trois dimensions pour réaliser un complément d’irradiation après radiothérapie classique a été évaluée par Leibel et al. au cours d’une étude non randomisée, comparant un boost de type conformationnel de 20 Gy à la même irradiation par une technique convention-

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nelle bidimensionnelle. Il existait une augmentation du taux de contrôle local de 15 % sans complication surajoutée avec la technique tridimensionnelle [67]. Radiothérapie par modulation d’intensité (RCMI) : La radiothérapie par modulation d’intensité représente une avancée récente dans la radiothérapie de conformation. Elle permet d’établir un plan de traitement générant des distributions de doses adaptées à la conformation spatiale de la tumeur, prenant en compte les contraintes imposées aux organes à risque de voisinage. Cette technique peut permettre une escalade de dose dans le volume cible sans augmenter la toxicité aiguë [67,114]. Les avantages dosimétriques et la faisabilité de la RCMI sont aujourd’hui bien démontrés dans le traitement des cancers du nasopharynx, tant dans la prise en charge initiale [54,60,66] que lors d’une récidive locorégionale [76]. L’expérience du Memorial Sloan Kettering Cancer Center (MSKCC) a permis de montrer que cette technique devait être utilisée dès les premières fractions pour que l’avantage dosimétrique sur les parotides soit significatif [111]. La préservation des parotides par la RCMI est en effet insuffisante lorsqu’elle est programmée uniquement pour le complément de dose après l’irradiation prophylactique des aires ganglionnaires. Il a déjà été montré que l’hétérogénéité de la distribution de la dose observée au cours de ces traitements permettait de délivrer une dose supérieure à 70 Gy (79 Gy) dans un volume réduit en diminuant l’irradiation des organes à risque [66]. Une confirmation de ces résultats pourrait conduire à considérer la RCMI comme le traitement de référence de cette affection. Techniques spéciales : Le nombre non négligeable de récidives et la notion d’un temps de doublement potentiel court ont conduit à proposer des schémas accélérés. Wang a montré dans une étude de phase II ayant inclus 145 patients une amélioration des taux de contrôle local et de survie globale avec une radiothérapie bifractionnée (1,6 Gy par fraction, deux fractions par jour à 6 heures d’intervalle, 5 jours par semaine) [110]. Mais Teo et al. ont rapporté les résultats préliminaires d’une étude randomisée comparant une radiothérapie hyperfractionnée à la radiothérapie classique où les taux de récidive locale et de survie globale n’étaient pas significativement différents. Une balistique utilisant un faisceau de protons a également été proposée [8,71]. Elle pourrait permettre, grâce à une meilleure distribution de dose, d’augmenter la dose tumorale avec une protection optimisée des organes critiques. Des études randomisées sont nécessaires pour valider une possible amélioration du contrôle local, une réduction de la morbidité et mesurer l’impact sur la survie globale. La curiethérapie endocavitaire peut faire appel à un applicateur adapté connecté à un projecteur de source de haut débit d’iridium 192. Elle peut être utilisée comme technique de boost pour les tumeurs de petite taille, après radiothérapie externe, en particulier pour certaines lésions superficielles [99,104]. Le taux de contrôle local des carcinomes du nasopharynx est meilleur quand la dose délivré au volume tumoral est de plus de 65 Gy, et ceci dès les stades précoces [66,116]. Une étude de Chang et al. a

montré dans une série de 179 patients avec des carcinomes du nasopharynx de stades I et II la nécessité de délivrer une dose comprise entre 72,5 et 75 Gy [13]. Des doses supérieures à 75 Gy n’apportent cependant aucun bénéfice en termes de contrôle local ou de survie globale. L’utilisation de la curiethérapie en complément de la radiothérapie externe classique pour augmenter localement la dose dans le volume tumoral a permis, dans cette étude, un meilleur taux de contrôle local et de survie au prix d’une toxicité non négligeable chez 12 patients sur 133 (perforation du palais ou du sinus sphénoïdal, nécrose du nasopharynx). Elle a été proposée en situation de rattrapage après radiothérapie externe. Ses indications sont limitées aux récidives superficielles sans infiltration vers les espaces para- et rétropharyngés ni vers la base du crâne [33]. Une étude récente ayant inclus 33 patients atteints d’un carcinome du nasopharynx classé T1 ou T2 a confirmé l’intérêt d’une curiethérapie après radiothérapie externe pour optimiser le taux de contrôle local (93,6 %) sans accroissement de la toxicité [75]. Cette technique mériterait d’être testée dans une étude prospective randomisée. 4.1.3. Chimiothérapie Utilisés seuls, le méthotrexate, la doxorubicine, la bléomycine, le 5-fluoro-uracile, la mitoxantrone, l’épirubicine, les taxanes, le cisplatine ont montré une activité anti-tumorale dans cette indication. Des taux de réponse supérieurs ont été obtenus avec des schémas combinés comme : cisplatine-5fluoro-uracile, cisplatine–épirubicine, épirubicine–bléomycine [5,106]. Les mauvais résultats en termes de taux de survie à cinq ans dans les cancers de stades III (46 %) et IV (environ 30 %) [90] de la radiothérapie exclusive et la chimiosensibilité de ces tumeurs ont conduit à associer les deux procédés. Trois stratégies thérapeutiques ont été étudiées : chimiothérapies néoadjuvantes, adjuvantes et concomitantes. 4.2. Indications 4.2.1. Traitement initial Le taux de contrôle local par radiothérapie exclusive est excellent (80 à 90 %) pour les tumeurs classées T1-2 N0 selon la classification TNM [7]. Une étude a montré que les patients atteints de carcinome du nasopharynx de stade II traités par irradiation exclusive avaient des taux de survie sans métastase de 64 % et de survie spécifique de 60 % alors que dans les cancers de stade I on retrouvait des taux de 98 % pour ces deux types de survie. Chez ces patients atteints de cancer de stade T1 ou T2, le taux de récidive est beaucoup plus important quand il y une adénopathie classée N1. Cette différence en fonction du statut ganglionnaire au sein des stades précoces fait discuter une adaptation de la prise en charge thérapeutique. L’envahissement ganglionnaire est étroitement lié au risque métastatique. Il convient donc de discuter l’association d’une chimiothérapie au traitement locorégional lorsqu’il existe une atteinte ganglionnaire. 4.2.1.1. La chimiothérapie néoadjuvante. Les taux de réponses objectives et complètes à la chimiothérapie néoadjuvante

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varient respectivement entre 75–98 % et 10–66 % selon les études [41] de par la sélection des patients, la variété des protocoles et les différentes méthodes d’évaluation de la réponse. Mais aucune étude de phase III n’a montré de bénéfice de survie globale. Une étude de phase III multicentrique randomisée réalisée de 1989 à 1993 par l’International Nasopharynx Cancer Study Group (INCSG, étude VUMCA I) incluant 339 patients atteints d’un carcinome du nasopharynx de type histologique II ou III et de stade N2-3 M0, comparant radiothérapie seule de 70 Gy en 7 semaines et chimiothérapie par bléomycine, épirubicine et cisplatine délivrée à j1, j22 et j45) plus radiothérapie de 70 Gy en sept semaines à partir de j64, a montré un bénéfice significatif en termes de survie sans maladie en faveur du bras avec chimiothérapie. Cependant, l’analyse finale n’a pas montré de différence significative de survie globale entre ces deux bras [55]. Une autre étude de phase III a été réalisée durant la même période par l’Asian Oceanian Clinical Oncology Association et a inclus 334 patients atteints d’UCNT classé T3, N2–3 (classification de Ho) randomisés entre radiothérapie classique exclusive de 66 à 74 Gy en 6,5 à 7,5 semaines et deux à trois cycles de chimiothérapie à base de cisplatine (60 mg/m2, j1) et épirubicine (110 mg/m2, j1) avant irradiation. Avec un recul médian de 44 mois, il n’a pas été noté de différence significative de survie sans récidive ni de survie globale entre les deux bras [21]. Il en va de même dans l’étude prospective randomisée de Ma et al. [78]. 4.2.1.2. La chimiothérapie adjuvante. Une chimiothérapie adjuvante à base de vincristine, cyclophosphamide et adriamycine a été testée dans une étude de phase III [93]. Elle n’a montré aucun bénéfice en faveur du bras avec chimiothérapie. Mais cette étude a été très critiquée car la chimiothérapie ne comprenait pas de cisplatine, elle a été instaurée plusieurs semaines après la fin de la radiothérapie et il n’a pas été réalisé de bilan systématique à la recherche de métastase. Une autre étude réalisée entre 1988 et 1991 à Hong Kong [11] a comparé une radiothérapie classique à une association de chimiothérapie première (cisplatine 100 mg/m2, j1, et 5-fluorouracile, 1000 mg/m2 j2 à j4), de radiothérapie et de chimiothérapie adjuvante (4 cycles du même protocole). Les taux de survie globale et sans récidive à cinq ans n’étaient pas significativement différents. Ces résultats ont également été confirmés par des études plus récentes [16]. 4.2.1.3. La chimiothérapie concomitante. Le South West Oncology Group (SWOG) a coordonné une étude intergroupe multicentrique randomisée à laquelle participaient le Radiation Therapy Oncology Group (RTOG) et le Eastern Cooperative Oncology Group (ECOG). Cet essai de phase III, réalisé entre mai 1989 et décembre 1995, incluant 193 patients atteints d’un carcinome du nasopharynx de stade III ou IV, avec une large proportion de cas de type histologique I comparait une radiothérapie externe classique de 70 Gy en sept semaines seule à une association de chimiothérapie (cisplatine, 100 mg/m2, délivrés à j1, j22 et j43) et de radio-

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thérapie externe concomitante de 70 Gy en sept semaines suivie par trois cures de chimiothérapie adjuvante par cisplatine (80 mg/m2 à j1) et 5-fluoro-uracile (1000 mg/m2, délivrés de j1 à j4) toutes les quatre semaines. L’étude a conclu à une large supériorité du bras avec chimiothérapie dans lequel on retrouvait une augmentation de 30 % de taux de survie globale à trois ans (p < 0,001) chez les 150 patients éligibles pour l’étude [3]. Les taux de survie globale et sans rechute du bras de référence (radiothérapie seule) étaient cependant inhabituellement bas par rapport aux données de la littérature. Par ailleurs, l’étude a inclus peu de malades atteints de carcinome indifférencié [23]. D’autres études randomisées plus récentes réalisées en zone endémique allaient dans le même sens [12,70]. De décembre 1993 à avril 1999, 284 patients atteints de carcinome du nasopharynx de stade III ou IV, ont été inclus dans une comparaison entre radiothérapie externe seule de 70 à 74 Gy en sept à huit semaines et chimioradiothérapie concomitante par cisplatine (20 mg/m2/j) et 5-fluorouracile (400 mg/m2/j) en perfusion de 96 heures la première et la cinquième semaines de radiothérapie. Le taux de survie globale à cinq ans était de 72,3 % dans le bras avec chimiothérapie contre 54,2 % dans le bras avec radiothérapie seule (p = 0,002). Les auteurs ont conclu donc que la chimioradiothérapie concomitante était supérieure à la radiothérapie seule dans le traitement des carcinomes du nasopharynx évolués en zone d’endémie. 4.2.1.4. Nouvelles approches. D’autres molécules plus récentes ont également été testées. Les taxanes sont particulièrement intéressantes puisqu’elles ont un mode d’action spécifique sur les microtubules permettant de contourner certaines résistances à des agents comme le cisplatine et l’épirubicine. Un essai récent de l’Institut Gustave Roussy rapporté par Faivre et al. [35], réalisé prospectivement, a évalué la toxicité d’une chimiothérapie d’induction par une association de docetaxel (70mg/m2 à j1), cisplatine (70mg/m2 à j1), épirubicine (70mg/m2 à j1) et 5-fluoro-uracile (700mg/m2 en perfusion continue à j1) suivie d’une radiothérapie externe de 70 Gy. L’analyse des résultats préliminaires de cette étude comprenant 14 patients atteints de carcinome du nasopharynx (dont 13 de type III et 8 de stades T 3-4 et/ou N3) a montré une toxicité acceptable, en particulier sur le plan hématologique (2 épisodes transitoires de neutropénie fébrile de 24 à 48 heures chez des malades systématiquement traités par facteurs de croissance hématopoïétique et sous antibioprophylaxie). Les thérapies ciblées pourraient également avoir un intérêt pour contourner les résistances à la chimiothérapie. 4.2.2. Traitement des formes métastatiques Les forme d’emblées métastatiques sont plus fréquentes que dans les cancers épidermoïdes de la tête et du cou mais restent assez rares : 3 à 9 % selon les séries publiées [36]. Des taux de réponses élevés (70 à 80 %) ont été observés avec des associations de chimiothérapie à base de cisplatine [15,18]. Ces chimiothérapies constituent un bon traitement palliatif avec une proportion faible mais constante de survi-

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vants à long terme sans progression (10 %) [37]. La radiothérapie peut encore avoir un rôle important pour les lésions douloureuses osseuses, les volumineuses adénopathies et les compressions médullaires. Une irradiation palliative contribue à améliorer la qualité de vie des patients. 4.2.3. Traitement des récidives 4.2.3.1. Récidive locorégionales. Malgré la radiosensibilité et la chimiosensibilité des carcinomes du nasopharynx, il existe un nombre non négligeable de récidives locales ou locorégionales (13 à 30 %), le plus souvent dans les deux ans qui suivent le traitement initial. Un traitement peut être considéré à visée curative en l’absence de métastases à distance, d’invasion endocrânienne ou de destruction importante de la base du crâne, car le traitement de ces rechutes permet d’obtenir des taux de survie à trois à cinq ans de 10 à 50 % selon la sélection des patients [43,88,100,109,116]. Même lorsqu’il s’agit d’un traitement palliatif, le bénéfice en termes de qualité de vie n’est pas négligeable. Un bilan préthérapeutique précis est indispensable et la TEP est certainement à discuter dans cette indication. Il permet d’apprécier l’extension de la rechute et d’évaluer secondairement la réponse et d’adapter la stratégie thérapeutique. Plusieurs approches thérapeutiques ont été proposées : chirurgie, réirradiation externe, curiethérapie, chimioradiothérapie [82]. La chirurgie est rarement réalisable du fait de la localisation et de la taille de la récidive [38,108]. Ces indications chirurgicales doivent être discutées en réunion pluridisciplinaire, elles se limitent le plus souvent aux récidives ganglionnaires isolées. Quand l’indication chirurgicale n’est pas retenue, une réirradiation est le traitement le plus utilisé, souvent en association avec la chimiothérapie. La faisabilité d’une deuxième irradiation externe de 60 Gy est bien démontrée [42,43]. Cette dernière doit être particulièrement prudente et réalisée selon une technique de radiothérapie de conformation en 3 dimensions ou de RCMI en excluant d’emblée la moelle épinière, le tronc cérébral, les nerfs optiques et le cerveau [76,98,109]. Des résultats significatifs plaident en faveur de la chimioradiothérapie concomitante à base de cisplatine, de 5-fluoro-uracile, d’hydroxyurée, de gemcitabine [77,95,112]. Des études randomisées avec un nombre plus large de patients et un recul plus important devraient permettre de préciser les indications et les modalités de la chimioradiothérapie concomitante en situation d’échec et de traitement de rattrapage. Les caractéristiques dosimétriques de la curiethérapie permettent de délivrer des doses importantes dans le nasopharynx tout en limitant la toxicité au niveau des organes de voisinage. 4.2.3.2. Récidives à distance. Le taux de dissémination métastatique à distance est compris entre 20 et 30 % à cinq ans. Il est lié au stade T et surtout au stade N de la tumeur initiale [87]. La majeure partie des récidives survient dans les trois ans après le traitement. Les sites métastatiques les plus fréquents sont les os, les poumons et plus rarement le foie [2,97]. Comme pour le traitement des formes d’emblée métastati-

ques, la chimiothérapie est la thérapeutique de référence. Les modalités d’association et d’administration des différents médicaments doivent encore être précisées. Plusieurs protocoles à base de cisplatine ont donné des taux de réponse et de survie à long terme significatifs [18,37,100,101]. Des résultats encourageants ont également été rapportés avec des chimiothérapies comportant des taxanes [4].

5. Recherches sur les thérapeutiques ciblées Il s’agit dans la plupart des cas de tirer parti de la présence du génome viral pour être efficace contre les cellules malignes tout en épargnant les tissus sains. L’ADN d’EBV, qui est un facteur de malignité, peut devenir dans certaines conditions un facteur de vulnérabilité spécifique des cellules de carcinome du nasopharynx. Trois stratégies entrant dans ce cadre conceptuel sont actuellement proposées : • une stratégie fondée sur la rupture de la latence virale ; • une stratégie fondée sur l’utilisation de vecteurs adénoviraux conditionnels ; • enfin une approche de vaccination antitumorale. Les stratégies de rupture de la latence virale ont peu de chances d’aboutir à un cycle viral productif complet, ce qui pourrait d’ailleurs avoir des effets délétères (inondation de l’organisme par des particules virales). Leur objectif est plus limité ; il s’agit de faire démarrer et avancer le cycle viral productif jusqu’au point où les cellules malignes exprimeront des enzymes viraux susceptibles de métaboliser des promédicaments. Ces promédicaments administrés par voie générale pourraient alors être convertis en molécules cytotoxiques spécifiquement dans les cellules malignes. Des observations particulièrement intéressantes ont été faites sur certaines lignées tumorales de carcinome du nasopharynx où les médicaments couramment utilisés en chimiothérapie — 5-fluorouracile, cisplatine — ont pour effet accessoire de provoquer une rupture de la latence virale avec expression d’enzymes d’EBV capables de métaboliser le ganciclovir (thymidine kinase et produit du gène BGLF4). Cet effet est médié entre autres par l’activation de la MAP-kinase p38. Comme on pouvait l’espérer, l’adjonction de ganciclovir — un promédicament métabolisé par la thymidine kinase (TK) — potentialise l’effet cytotoxique du 5-fluoro-uracile dans ces lignées [40]. Le degré de « verrouillage » du cycle productif est variable d’une lignée à l’autre. Même dans les lignées les plus sensibles, seulement 40 % des cellules environ entrent en cycle productif sous l’effet du 5-fluoro-uracile ; cependant, ce pourcentage peut être augmenté grâce à un traitement simultané par l’acide valproïque (agent modifiant la structure de la chromatine). La possibilité de transposer cette approche en clinique dépendra de la facilité avec laquelle on pourra obtenir une rupture de la latence dans les tumeurs chez les malades, ce qui reste à explorer. D’autres groupes élaborent des approches de thérapie génique fondée sur l’utilisation d’adénovirus recombinants avec réplication conditionnelle. Ces adénovirus ont été redessinés

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locales. La scanographie et l’IRM sont reconnues comme étant des techniques d’imagerie complémentaires pour le bilan initial (extension locorégionale). La TEP confirme son intérêt dans l’évaluation de la réponse au traitement et la détection des récidives. Le couplage de la TEP à la scanographie et à l’IRM semble donc prometteur dans ce domaine. En ce qui concerne le traitement, la place de la chirurgie reste très réduite. Pour les petites tumeurs (T1-2) sans atteinte ganglionnaire ni métastatique, la radiothérapie externe seule donne d’excellents taux de contrôle local (80-90 %). Pour les tumeurs localement évoluées et/ou avec atteinte ganglionnaire sans métastase viscérale, la meilleure stratégie thérapeutique est actuellement l’association d’une radiothérapie et d’une chimiothérapie concomitante. Il reste à définir quel est le meilleur schéma de chimiothérapie. Pour ce qui est de la radiothérapie, les avantages dosimétriques majeurs de la RCMI, tant dans le traitement initial que lors des récidives locorégionales, en feront probablement la technique de référence pour la prise en charge de cette pathologie. Si l’intérêt du dosage plasmatique de l’ADN d’EBV se confirme pour la surveillance post-thérapeutique, il faudra définir sa place par rapport aux procédés de surveillance par imagerie. L’apport des thérapeutiques ciblées est encore difficile à prévoir. Comme pour d’autres tumeurs humaines, toute extrapolation à partir de modèles animaux est risquée. C’est dans le domaine de l’immunothérapie que les investissements les plus forts sont en cours. Un effet même modeste obtenu en vaccination thérapeutique avec des outils tels que les vaccins polytopiques serait un encouragement à utiliser le même type d’instrument pour la vaccination préventive. Encore faudrait-il savoir identifier de façon sensible et spécifique les sujets à risque.

de façon à se répliquer exclusivement dans les cellules exprimant la protéine EBNA1. En outre, ces vecteurs sont « armés » de gènes codant pour des protéines proapoptotiques comme le ligand de Fas ou la protéine BIM. L’injection intratumorale de ces vecteurs dans des carcinomes du nasopharynx xénogreffés, associée à l’irradiation externe, permet d’obtenir une régression macroscopiquement complète mais provisoire de ces tumeurs [68]. Fait encourageant, chez l’animal, la diffusion systémique de ces adénovirus réplicatifs, notamment dans le foie, reste très limitée. Les approches de vaccination anti-tumorale ciblée sur des protéines d’EBV donnent lieu à la fois à des recherches expérimentales et à des essais de phase I et de phase II. Les protéines cibles sont le plus souvent la LMP1 et la LMP2. Les premiers essais publiés étaient fondés sur l’utilisation de cellules dendritiques autologues pulsées avec des peptides représentatifs de la LMP2. Quelques réponses tumorales partielles ont été notées lors des essais de phase I [69]. Pour gagner en efficacité, certains auteurs s’orientent vers l’utilisation d’adénovirus recombinant codant pour des protéines artificielles capables de générer des dizaines d’épitopes cibles représentatifs des LMP1 et 2 [28,29]. D’autres méthodes thérapeutiques innovantes vont consister à explorer l’intérêt potentiel de cibles non virales, comme dans d’autres cancers plus courants. On pense aux inhibiteurs de récepteurs à activité tyrosine–kinase, comme les inhibiteurs de l’EGF-R à activité extra- ou intracellulaire. À terme, des inhibiteurs pharmacologiques de Met pourraient avoir un intérêt. Pour terminer, il faut mentionner une approche un peu atypique, fondée sur l’utilisation de nucléosides phosphorés, des molécules conçues pour inhiber des ADN polymérases virales. Certains de ces agents, comme le cidofovir, ont une activité anti-tumorale sur des lignées de carcinomes du nasopharynx xénogreffées, malgré l’absence d’expression de la polymérase d’EBV [80]. Dans certains cas, le cidofovir peut exercer un effet synergique de celui de l’irradiation [1].

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6. Conclusion

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Les carcinomes du nasopharynx demeurent un sérieux problème de santé publique dans de nombreux pays. La compréhension des mécanismes pathologiques et l’amélioration de la prise en charge thérapeutique requièrent la contribution de multiples disciplines médicales et biologiques. En épidémiologie, l’un des enjeux importants sera d’évaluer l’impact de la croissance économique et des changements de mode de vie sur l’incidence de la maladie. En termes d’oncologie virale, il est important de compléter les travaux réalisés sur des modèles de laboratoire par l’étude d’échantillons cliniques ; dans ce but, il est urgent de disposer d’anticorps plus sensibles pour la détection des protéines virales par immunohistologie (LMP2, produit de BARF1). À eux seuls, les progrès de l’imagerie et de la balistique devraient permettre de diminuer la fréquence des récidives

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