Les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) des entreprises du secteur agricole : une approche pluridisciplinaire

Les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) des entreprises du secteur agricole : une approche pluridisciplinaire

Article scientifique M É M O I R E Les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) des entreprises du secteur agricole : une...

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Article scientifique

M É M O I R E

Les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) des entreprises du secteur agricole : une approche pluridisciplinaire C. Bernard1 S. Nicolay-Stock2 1. Santé sécurité au travail, Caisse centrale de la mutualité sociale agricole, 40 rue Jean-Jaurès, 93547 Bagnolet Cedex et Service médical, Sénat, 15 rue de Vaugirard, 75006 Paris 2. Santé sécurité au travail, Caisse centrale de la mutualité sociale agricole, 40 rue Jean-Jaurès, 93547 Bagnolet Cedex. Correspondance : C. Bernard, à l’adresse ci-dessus. E.mail : [email protected]

Mots-clés : CHSCT, pluridisciplinarité, secteur agricole. Key-words: Workplace health and safety committees, pluridisciplinarity, agricultural sector.

Summary

Résumé

Workplace health and safety committees of the agricultural sector: a pluridisciplinary approach

Objectifs Réaliser un état des lieux des CHSCT des entreprises affiliées au régime agricole, en particulier analyser leur fonctionnement, le rôle des acteurs de prévention (conseillers en prévention et médecins du travail) de la Mutualité sociale agricole (MSA) et comparer la perception qu’ont les membres de leur instance. Au-delà de cette enquête, dégager des axes stratégiques qui permettent aux CHSCT de fonctionner de façon plus autonome et plus performante. Méthodes Les équipes santé sécurité au travail des MSA ont enquêté au cours d’entretiens auprès de soixante-huit CHSCT représentant l’ensemble des secteurs professionnels agricoles (production agricole, entreprises de transformation et organismes professionnels du tertiaire). L’étude a été réalisée au moyen d’un questionnaire de 71 items à choix multiples. Trois personnes ont été enquêtées pour chaque CHSCT : le président, le secrétaire et un des membres. Résultats L’enquête a porté sur 5 % des CHSCT du secteur agricole. 204 personnes représentant 68 CHSCT ont répondu aux interviews. D’une façon générale, le fonctionnement de l’instance est conforme à la législation. La perception des moyens à disposition est différente selon la fonction de l’interviewé. Le CHSCT est avant tout un lieu d’échange permettant de mettre en évidence les problèmes de conditions de travail. Ainsi un programme de prévention est souvent mis en place (75 %), permettant la réalisation de l’évaluation des risques professionnels et la rédaction du document unique.

Arch Mal Prof Env 2007; 68: 494-502 Aim of the study To carry out an inventory of the workplace health and safety committees (WHSC) of the companies affiliated to the agricultural sector, and to particularly analyze their running, as well as the role of Mutualité Sociale Agricole (MSA) professionals dealing with prevention (prevention advisers and occupational practitioners) and to compare the perception of their members. Beyond this survey, to draw strategic thrust making it possible for the WHSC to be more performant and auto-nomous. Methods The MSA teams in charge of health and safety at work of have carried out sixty-eight interviews of WHSC representing the whole of the agricultural professional sectors (agricultural production, processing and professional organizations of the tertiary sector, such as banks and insurance companies). Each questionnaire was composed of 71 items with multiple choices. Three persons participated to the survey in each WHSC: the president, the secretary and one of the members. Results The investigation was carried out on 5 % of all the WHSC of the agricultural sector; 204 people representing 68 WHSC answered the questionnaire. From a general point of view, the way the constitued body is run is consistent with the legislation. The perception © 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

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of the available means varies from one person to the other according to his/her position. The WHSC is first of all a place where people exchange points of view thus making it possible to highlight the problems of working conditions. A program of prevention is often set up (75 %), in order to assess occupational risks and to draft a single document for prevention. Although information within the constitued body is mainly satisfactory, it can however be improved since 30 % of the actors consider it as insufficient. If the initial training is followed by 4 members out of 5 and 1 president out of 5, it is almost never updated. The people interviewed unanimously (97 %) consider that the action of the WHSC is useful. Conclusion While the WHSC of the agricultural sector are running well, perceptions are nevertheless different according to the position of the interviewed person (president, secretary, member). Strategic thrusts are identified thanks to this study, in terms of actions aiming at the valorization of this constitued body.

L’

origine des instances de prévention en France, remonte à la loi du 8 juillet 1890, instituant des mineurs délégués, ayant pour mission de tenir des registres d’observation portant sur la sécurité. Un décret du 4 août 1941 rend obligatoire l’institution de Comités de sécurité. À la libération, le décret du 1er août 1947 transformait les Comités de sécurité en Comités d’hygiène et de sécurité qui seront désignés par leur sigle : CHS. Un décret du 20 mars 1979, pris en application de la loi du 6 décembre 1976, élargit sensiblement les compétences du CHS et les rend obligatoires pour tous les établissements agricoles d’au moins 50 salariés. Les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ont été créés par une loi et non pas un décret. Il s’agit de la loi nq 82-1097 du 23 décembre 1982, et le CHSCT devient dès lors une véritable institution représentative du personnel, obligatoire dans toutes les entreprises de 50 salariés et plus. Son rôle est élargi : il est de contribuer à protéger la santé et la sécurité des salariés ainsi que d’améliorer les conditions de travail (1). Cette instance est composée du chef d’entreprise ou de son représentant, de la délégation du personnel, désignée par les membres du comité d’entreprise (CE) et les délégués du personnel (DP). Ils constituent les membres à voix délibérative. Arch Mal Prof Env 2007

L’information au sein de l’instance, majoritairement satisfaisante, reste cependant perfectible puisque 30 % des acteurs la jugent insuffisante. Si la formation initiale est suivie par 4 membres sur 5 et 1 président sur 5, elle ne donne quasiment jamais lieu à réactualisation. Les interviewés jugent utile à l’unanimité (97 %) l’action du CHSCT. Conclusion Les CHSCT du secteur agricole sont des instances dont le fonctionnement est satisfaisant, alors que l’on observe des perceptions différentes selon le statut de l’interviewé (président, secrétaire, membre). Des axes stratégiques sont dégagés de cette étude en termes d’actions de valorisation de cette instance.

D’autres membres participent également aux réunions avec voix consultative : l’agent responsable de la sécurité et le médecin du travail. Sont également membres, l’agent des services de prévention des organismes de sécurité sociale, à savoir le conseiller en prévention de la MSA (Mutualité sociale agricole) pour le secteur agricole et l’inspecteur du travail ; toutefois, ils ne participent pas au vote (2). Engagée depuis plus de 40 ans dans la prévention au travail (1966 pour la santé au travail en agriculture, 1973 pour la prévention des risques professionnels des salariés agricoles), la MSA a fondé son action sur l’amélioration de la santé et des conditions de travail des salariés agricoles. Notons que l’emploi dans l’agriculture demeure caractérisé par une forte saisonnalité, de très nombreux contrats à durée déterminée de courte durée, une forte rotation du personnel, ainsi qu’une proportion importante de travailleurs à la tâche et/ou faiblement qualifiés. Ainsi, en 2005, on dénombre 1 723 180 salariés agricoles qui représentent 699 621 équivalents temps plein. Quant aux entreprises, ce sont essentiellement des structures de petite taille : plus de 80 % d’entre elles ont moins de 10 salariés. Au sein des équipes SST (santé sécurité au travail), les conseillers en prévention et les médecins du travail accompagnent en tant qu’experts les entreprises pour 495

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leur prévention. Les structures dédiées au sein des grandes entreprises, telles que les CHSCT, bénéficient de cet accompagnement depuis leur création. Depuis leur origine, ces instances autonomes d’entreprises que sont les CHSCT du secteur agricole n’ont pas fait l’objet d’état des lieux ni d’évaluation. Pour autant, les modalités de mise en œuvre sont différentes d’une entreprise à l’autre. De plus, le monde du travail a fortement évolué, de même que les métiers et les pratiques en santé sécurité au travail (planification pluriannuelle des programmes SST en agriculture, évolutions réglementaires…) dans les domaines hygiène, sécurité et conditions de travail. Ainsi une étude sur les CHSCT des entreprises affiliées au régime agricole a-t-elle été réalisée auprès du président, du secrétaire et d’un des membres de chaque CHSCT enquêté par les équipes santé sécurité au travail des MSA.

Objectifs Cette étude a pour objectifs d’analyser le fonctionnement et l’organisation des CHSCT du secteur agricole, en réalisant un état des lieux ; de situer le rôle de la MSA (conseillers en prévention et médecins du travail) au sein des CHSCT, afin d’aider ces instances à fonctionner de façon plus autonome en étant acteurs de leur propre prévention ; de comparer la perception des CHSCT par leurs membres eux-mêmes, et selon leur statut.

Méthode Population d’étude La population cible est constituée de l’ensemble des CHSCT du secteur agricole. Parmi les 190 630 entreprises du régime agricole, on dénombrait en 2002 1 388 entreprises de plus de 50 salariés équivalents temps plein (tableau I). Elles se répartissent dans les secteurs d’activité suivants : culture et élevage (269 entreprises), travaux forestiers (41), travaux agricoles et jardins-espaces verts (74), coopératives agricoles (480), organismes professionnels, MSA, Groupama, Crédit agricole (514), activités diverses, enseignement agricole privé, organismes de remplacement et entreprises de travail temporaire (10). Ces grandes entreprises sont toutes concernées par la réglementation et la mise en place de CHSCT. 496

Tableau I : Répartition des entreprises agricoles de 50 salariés et plus et du nombre de leurs salariés équivalents temps plein (ETP) par secteur d’activité. (Source : CCMSA).

Secteur d’activité professionnelle

Culture et élevage

Nombre Nombre d’entrede prises salariés ETP 269 25 386

dont : • Cultures spécialisées • Champignonnières • Élevages spécialisés de gros animaux •Élevages spécialisés de petits animaux • Entraînement, dressage, haras • Conchyliculture • Marais salants • Cultures et élevages non spécialisés • Viticulture Travaux forestiers

150 9 8 40 3 0 3 25 31 41

13 881 1 600 473 4 145 251 0 456 1 885 2 696 3 762

dont : • Sylviculture • Gemmage • Exploitation du bois • Scieries fixes

20 0 8 13

1 710 0 638 1 414

Travaux agricoles

74

5 741

dont : • Entreprises de travaux agricoles • Entreprises paysagistes - reboisement

2 72

321 5 420

0 480

0 70 006

Artisanat rural Coopération

dont : • Stockage et conditionnement de pro79 duits autres que fleurs, fruits, légumes • Approvisionnement en produits 100 divers : semences, plants, pesticides • Approvisionnement en produits laitiers 101 • Traitement de la viande (sauf volaille) 36 • Conserves de produits 24 autres que la viande • Vinification 23 • Insémination artificielle 15 • Distillation 12 • Meunerie, panification 5 • Stockage et conditionnement 54 de fleurs, fruits et légumes • Traitement de la viande de volaille 15 • Coopératives diverses 16 Organismes professionnels agricoles 514

9 757 16 098 14 637 9 275 3 966 1 845 1 146 2 006 400 6 115 3 038 1 722 122 359

dont : • Mutualité agricole (Groupama, MSA) • Crédit agricole • Autres organismes (chambre d’agriculture…)

149 114 251

29 092 68 615 24 652

Activités Diverses dont : • Gardes-chasses, gardes-pêche • Jardiniers- gardes de propriété, gardes forestiers • Organismes de remplacement, entreprises de travail temporaire • Personnel enseignant des établissements d’enseignt agricole privé

10 0 1

744 0 69

2

120

7

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Recueil des données Le recueil des données a été réalisé par les équipes SST (conseillers en prévention et médecins du travail) des caisses de MSA auprès de membres de CHSCT d’entreprises affiliées au régime agricole entre novembre 2004 et janvier 2005. Il s’agissait de compléter un questionnaire auprès de trois membres de chaque CHSCT : le président, le secrétaire et un des membres. Ce questionnaire a été élaboré par un groupe de travail constitué d’équipes SST du réseau MSA. Il a été préalablement testé auprès de trois CHSCT. Il comporte une partie commune d’identification de l’entreprise et du CHSCT (10 items) remplie par le préventeur, puis une seconde partie distincte selon la qualité de l’interviewé, portant sur le fonctionnement et l’organisation du CHSCT (50 items), la formation à l’hygiène, sécurité et conditions de travail (10 items), le positionnement du CHSCT dans l’entreprise et les attentes et besoins des interviewés (1 item).

Analyse statistique Il s’agit d’abord d’une analyse descriptive. Les analyses statistiques ont été réalisées sur le logiciel XLSTATPRO en utilisant le test du chi-2 avec un degré de signification p < 0,05 pour la comparaison des proportions. Pour la durée de formation, la comparaison des différents statuts a été réalisée en utilisant le test de MannWhithney.

Résultats Cette enquête a été réalisée auprès de 68 entreprises agricoles qui se répartissent de la façon suivante : 15 entreprises dans le secteur culture/élevage, 5 dans le secteur travaux forestiers, 5 du secteur travaux agricoles et jardins espaces-verts, 26 dans le secteur de la coopération, 16 dans le secteur des organismes professionnels et 1 en divers. Dans les secteurs où le nombre de CHSCT est suffisant (> 10) (tableau I), la structure de l’échantillon par secteur est comparable (p = 0,11). Arch Mal Prof Env 2007

Au total, ce sont 204 personnes (président, secrétaire, membre) qui ont été interviewées.

La partie signalétique des membres des CHSCT Parmi les présidents, deux-tiers sont les directeurs euxmêmes (employeurs), un tiers sont présidents par délégation de pouvoir (DRH, directeurs adjoints), dont la moitié l’est devenue par incitation de la hiérarchie. Les secrétaires et membres le sont principalement par désignation syndicale (tableau II).

Le fonctionnement et l’organisation du CHSCT Les réunions du CHSCT Le nombre de réunions annuelles annoncé est conforme à la législation. La programmation des réunions est annuelle dans près de 40 % des entreprises. Elle se fait d’une réunion à l’autre dans la moitié des cas. Cette planification est respectée dans le temps (peu de report de dates). L’ordre du jour est fixé soit par le président lui-même, soit en concertation (CHSCT et président). Dans ces situations-là, 79 % des secrétaires participent à son élaboration, mais 45 % des membres et 21 % des secrétaires s’en estiment exclus. Le procès-verbal est rédigé principalement par le secrétaire (63 %). L’affichage est le principal mode de consultation du procès-verbal (PV) des réunions du CHSCT (53 %), vient ensuite la diffusion manuelle et nominative (15 %). Il faut noter le peu de bulletins spécifiques d’information CHSCT, avec toutefois la réalisation de notes internes dans près de 8 % des cas. Les moyens à disposition du CHSCT Il n’a pas été retrouvé de différence significative en ce qui concerne chacun des moyens mis à disposition (secrétariat, documentation, locaux, moyens techniques…) entre les différents acteurs. Tableau II : Fonction et mode de désignation des secrétaires et des membres.

Fonction dans l’entreprise Désignation syndicale Motivation personnelle

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Secrétaire du CHSCT

Membre du CHSCT

30 % = cadre 33 % 10 %

30 % = cadre 46 % 30 %

MÉMOIRE

Le choix a été fait d’inclure 5 % de ces instances dans l’enquête en respectant leur répartition par filière. Conseillers et médecins préemptaient les CHSCT en fonction de ces caractéristiques. Aucun CHSCT préempté n’a refusé les interviews.

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Les visites réalisées par le CHSCT Les visites des membres du CHSCT dans l’entreprise sont très majoritairement réalisées (70 % des cas). Elles le sont en premier lieu le jour même de la réunion du CSHCT (40 %) et cela permet à l’ensemble des acteurs du CHSCT d’y participer ; elles ont lieu aussi à distance de la réunion ordinaire dans 17 % des cas. L’objet des visites est généralement ciblé sur un problème précis (poste de travail, aménagement suite à incident…). Lorsqu’il s’agit de visites ciblées, ce sont les suites d’accident (21 %) qui sont prioritairement énoncées par tous les acteurs, puis les projets d’aménagement et les travaux en cours (20 %). Dans 12 % des cas, les visites sont consécutives à la demande des salariés. Il arrive que les visites soient planifiées (7 %), par site, par atelier, par production. Si l’utilité des visites est reconnue par tous les acteurs, elle est perçue différemment. Pour les secrétaires et membres, elle sont plus perçues comme un moment permettant de mettre en évidence des problèmes de conditions de travail. Les présidents, quant à eux, perçoivent plus des moments privilégiés d’échanges, voire de pilotage de la politique en matière d’hygiène et sécurité. Les autres membres du CHSCT et les personnes invitées Concernant la participation de personnes extérieures aux visites : les personnes interviewées citent de façon homogène les médecins du travail, les conseillers en prévention et les inspecteurs du travail. Cependant, les présidents ont une vision plus large du type des intervenants : ressources internes, technicien régional de prévention des services régionaux d’inspection du travail et de la politique sociale agricole (SRITEPSA)… Le programme de prévention et l’évaluation des risques L’existence d’un programme de prévention est présente dans 77 % des cas. L’évaluation des risques professionnels (ERP) est prioritairement indiquée (26 %) parmi les actions menées, de même que la mise en conformité (14 %). Les formations de terrain de type secourisme (15 %), formation des membres de CHSCT (14 %), sont davantage mentionnées par les membres. L’accueil des nouveaux est ensuite cité (6 %), au même niveau que les études ergonomiques. L’association du CHSCT à l’évaluation des risques a été mise en œuvre dans toutes les étapes de la démarche : participation et validation du document unique (DU) sont les deux étapes les plus énoncées (31 %, 27 %). D’autre part, il semble que le conseiller en prévention 498

MSA ait joué un rôle important dans sa réalisation, sollicité dans 40 % des cas. Il faut noter ici l’aide extérieure (type FRAC dans le secteur des coopératives, la SOCOTEC et l’INRS), fréquente également (25 %). Nous relevons aussi la participation des cabinets conseils (10 %). L’évaluation des risques professionnels (ERP) est perçue par les présidents tout d’abord comme un outil de gestion de la prévention (43 %) elle n’en reste pas moins une contrainte réglementaire importante (14 %), voire un élément qui sert peu (12 %). Pour autant, on constate de façon plus marquée chez les secrétaires et membres une perception de l’ERP comme élément important (52 %) pour des actions de prévention, vision moins partagée par les présidents (30 %). Cette différence de points de vue sur l’intérêt de l’ERP est statistiquement significative (p = 0,005).

Les accidents du travail La connaissance des accidents du travail (AT) est plus marquée chez les présidents (98 %), souvent chefs d’entreprises et de ce fait mieux renseignés, que chez les secrétaires et membres toutefois bien informés (78 %). L’information se fait par la hiérarchie, le secrétariat administratif ou le service des ressources humaines pour le président et le secrétaire. En revanche, les membres sont aussi avisés par les collègues dans 13 % des AT. Les données à propos des AT sont délivrées verbalement (50 %), à l’occasion de la réunion trimestrielle (18 %), par la copie de déclaration AT dont ils ont connaissance (18 %). Enfin, à noter que ce sont également des comptes rendus d’enquêtes qui permettent d’avoir connaissance d’AT (8 %), ceci étant plus marqué pour les membres (test non significatif). Pour l’analyse détaillée et systématique de tous les AT (sans tenir compte de la simple lecture des accidents lors des réunions du CHSCT), des divergences importantes sont constatées sur cette réponse : en effet, le président et le secrétaire disent réaliser systématiquement ces analyses d’AT dans près de la moitié des CHSCT (49 %) alors que les membres disent analyser systématiquement les AT dans un tiers des CHSCT (différence non significative). Sont analysés en premier lieu les AT graves non mortels (25 %). Les AT mortels ne seraient analysés qu’une fois sur 8, pour le président, voire une fois sur 14 pour les membres. La perception est là encore, différente selon le statut des membres. L’analyse des accidents se fait principalement par étude du poste de travail (59 %), l’arbre des causes n’étant utilisé que dans un cas sur 5. Des intervenants extérieurs sont sollicités dans 7 % des analyses. Arch Mal Prof Env 2007

Des changements suite à ces études de poste sont plus souvent énoncés par les présidents (54 %) que par les autres acteurs (40 %) (p = 0,046).

L’information au sein du CHSCT La circulation de l’information au sein du CHSCT est jugée comme insuffisante ou inexistante par plus de 28 % des acteurs, la disparité des réponses est nette (p = 0,002) : - information « inexistante, insuffisante » : présidents (20 %), secrétaires (42 %), membres (35 %) ; - information « enrichissante, bonne, permettant de déboucher sur des actions » : présidents (80 %), secrétaires (58 %), membres (65 %). Cette information, quoique perfectible, permet dans une majorité de situations de déboucher sur des actions de prévention. Le moyen de diffusion de l’information au sein de l’entreprise est en priorité l’affichage (45 %), loin devant la note interne (21 %). En définitive, peu de CHSCT disposent d’un bulletin d’informations ou d’un journal d’entreprise (5 %). Les personnes ressources à l’extérieur de l’entreprise : les présidents déclarent y avoir plus souvent recours (79 %) que les secrétaires (60 %) et membres (53 %). Il s’agit en premier lieu des équipes SST des MSA (conseillers en prévention 34 %, médecins du travail 32 %), puis d’autres structures de type INRS, SOCOTEC… (15 %), des cabinets conseils (10 %) et enfin des syndicats (7 %).

La formation spécifique pour cette instance Une formation initiale a été suivie par 4 membres sur 5. En revanche, 1 président sur 5 a suivi une formation. Ces actions de formation sont jugées positivement puisque répondant aux attentes (95 %). La moitié des membres est formée dans les six mois suivant la désignation, l’autre moitié au-delà d’un an. Mais, cette formation n’est quasiment jamais actualisée (88 %). La MSA assure environ la moitié de ces formations, près d’un tiers est assuré par d’autres organismes agréés, et, dans une moindre mesure par des organismes syndicaux (14 %). La durée de ces formations (médiane à 3 jours pour les membres et secrétaires, à 2 jours pour les présidents) était significativement différente selon le statut (p = 0,037). Pour assurer sa responsabilité au sein du CHSCT, le besoin de formation spécifique sur l’hygiène et la sécurité est très fortement exprimé par 81 % des acteurs. Arch Mal Prof Env 2007

Les besoins de formations complémentaires sont exprimés par l’ensemble des acteurs, bien au-delà de la formation initiale. Ce besoin est qualifié d’indispensable pour 46 % des secrétaires, 27 % des membres et 8 % des présidents (p < 10-4). Pour le président, il ressort un besoin de connaissance sur les rôles et missions (28 %), mais aussi d’approfondissement des aspects juridiques (16 %), ainsi qu’un besoin d’apport d’outils et de méthodes (16 %). Pour le secrétaire et le membre interviewés, on note : un besoin de connaissances sur les rôles et missions du CHSCT, dans les mêmes proportions que le président. Ils sont aussi à la recherche d’outils et de méthodes d’analyse, notamment des accidents ou des situations de travail (13 %).

Le positionnement, la perception du CHSCT dans l’entreprise Le rôle du CHSCT est insuffisamment connu du personnel de l’entreprise, d’après l’avis d’un tiers des secrétaires et de presque la moitié des membres. Cependant, l’utilité du CHSCT est vraiment partagée par tous les acteurs (97 %). À noter des points de vue divergents au niveau de 5 instances. Soixante-dix-sept pour cent des présidents sont satisfaits du fonctionnement des CHSCT. Les secrétaires et les membres ont un taux de satisfaction plus faible (54 %) en raison de leur manque d’investissement (p = 0,001). Le président estime avoir peu de difficultés à remplir sa mission (19 %), tandis que le secrétaire (49 %) et le membre (39 %) expriment de façon plus marquée leurs difficultés (p = 0,001). Les difficultés rencontrées sont principalement, dans l’ordre décroissant : le manque de temps, de moyens et de connaissances. À noter aussi le manque de reconnaissance davantage ressenti par les présidents et membres (fig. 1).

Président

Secrétaire/Membre

9,1

16,4

13,6

13,75 40,9 35,54

36,4

34,3 manque de temps manque de connaissances

manque de moyens autres

Figure 1. Les difficultés rencontrées pour le fonctionnement du CHSCT.

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Les besoins et les attentes des acteurs Il ressort des résultats de l’enquête des attentes communes aux différents acteurs du CHSCT. Il s’agit (fig. 2) : - de la formation (générale, technique, spécifique, juridique) ; - d’aide, d’accompagnement ; - de moyens, d’outils ; - de temps, de disponibilité ; - d’information, de communication, d’échanges.

Discussion Les enquêtes traitant la question du fonctionnement des CHSCT au niveau national sont peu nombreuses et plusieurs enquêtes ont été réalisées localement, en région Centre, Languedoc-Roussillon, Lorraine, notamment en collaboration avec les directions régionales du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (3-6). Pourtant, les CHSCT sont en première ligne depuis plus de 20 ans, quant aux nouveaux enjeux de Santé sécurité au travail, et ils ont une véritable carte à jouer en matière de prévention (7). Les enquêtes sont généralement conduites sous forme de questionnaires adressés par voie postale. En revanche, dans notre enquête, ces interviews ont été réalisées directement auprès de chacun des 3 acteurs de chaque CHSCT étudié : le président, le secrétaire et un des membres, et ce au cours d’entretiens individuels. À notre connaissance, c’est la première fois que cette méthode est retenue, permettant une vision plurielle de l’instance. Son intérêt est double : réaliser un état des lieux pour les préventeurs et permettre une analyse, une réflexion à propos du CHSCT par les acteurs de l’instance eux-mêmes. En cela, les interviews modélisées de l’enquête constituent un outil pour les équipes SST de la MSA et ont vocation à être réutilisées lors d’interventions en entreprises. En effet, les résultats, quoique homogènes, montrent des différences selon le statut de l’interviewé.

Reconnaissance Visites Information, communication Temps Aide Moyens,outils Formation 0

5

10 Président

15

20

Secrétaire

25

30

35

40

Membre

Figure 2. Les besoins et attentes des acteurs des CHSCT.

500

45

Les questionnaires utilisés visaient à : - appréhender l’organisation, le fonctionnement et la composition du CHSCT ; - analyser les modalités de mise en œuvre de ses missions ; - noter les modes opératoires de diffusion et collecte de l’information ; - analyser la politique de prévention, la politique de gestion des accidents ; - situer le niveau de formation des membres de CHSCT, le positionnement du CHSCT perçu au sein de l’entreprise ; - mettre à jour les attentes et besoins des membres interrogés en vue d’améliorer le fonctionnement, l’image et l’efficacité du CHSCT. À partir des informations recueillies, il est possible de formuler des axes d’actions présentés ci-après.

Fonctionnement et organisation La réglementation des CHSCT est très encadrée et logiquement le fonctionnement des CHSCT, tel que décrit par les résultats de notre enquête, est homogène : il va globalement dans le sens de la législation (2, 8, 9). Les CHSCT sont informés et sont acteurs du programme de prévention et de la gestion des AT au sein de leurs entreprises (10). Cependant, on peut noter une implication disparate des CHSCT dans la politique générale de prévention : - un manque de clarté dans les moyens mis à disposition. Ainsi, la vision du président est opposée à la vision négative des autres acteurs : ceci peut s’expliquer par le fait que les moyens généraux sont quotidiennement utilisés par le président dans le cadre de ses attributions. De même, les membres ont une vision négative sur le fonds documentaire : peut-être le président et les secrétaires ont-ils recours plus systématiquement à ce fonds dans le cadre de la mise en œuvre de la politique hygiène, sécurité et conditions de travail (HSCT) ? - un manque de cohésion entre les avis des différents acteurs sur leur propre perception des modalités de fonctionnement et d’action. C’est notamment le cas des changements de postes suite aux études du CHSCT et le cas de la circulation de l’information. De façon générale, la vision du président est plutôt optimiste et idéale, celles du secrétaire et du membre interviewé étant plus négatives, voire confuses. Ceci peut être dû à la logique réglementaire qui est décalée par rapport aux véritables enjeux de santé des salariés. D’ailleurs, un certain nombre d’actions réalisées par le CHSCT sont davantage réalisées a posteriori, dans une action Arch Mal Prof Env 2007

de correction (logique de constat) plutôt que dans une logique de prévention en amont des risques.

Formation De manière globale, la formation est en relation avec les attentes des acteurs, les besoins exprimés en termes de formation le sont sur la définition des missions et de mise en place de méthodologies. La formation complémentaire HSCT apparaît comme un besoin prépondérant des acteurs afin de mener à bien leurs missions. Néanmoins, les acteurs disent être insuffisamment formés et la réactualisation de la formation initiale est quasi inexistante. Ces notions sont régulièrement mises en avant dans les différentes études (3-6). Pour autant, il existe de nombreux organismes de formation agréés, et en particulier, pour le régime agricole, la formation dispensée par l’Institut national de médecine agricole (INMA) (11, 12). L’objectif de ces formations est de préparer les membres élus du CHSCT à leur mission, de leur donner les connaissances pour analyser les conditions de travail, les risques professionnels et la prévention qui en découle.

Positionnement, perception du CHSCT dans l’entreprise L’utilité du CHSCT est reconnue par tous les acteurs et son fonctionnement est globalement satisfaisant. Cependant, les secrétaires et membres du CHSCT disent percevoir un manque d’implication des membres du CHSCT, et les acteurs du CHSCT souffrent d’un déficit de reconnaissance et de valorisation de leur rôle. Enfin, on peut noter un manque de temps, de moyens et de connaissances, sentiment partagé par les interviewés.

Les attentes et besoins Les attentes et besoins des acteurs du CHSCT s’articulent en trois tendances qui sont régulièrement évoquées depuis quelques années (4-6) : - compétence : besoins en formations complémentaires HSCT, besoin d’informations, de veille, de concertation ; - organisation : besoins en méthodologies organisationnelles, besoin de temps ; - reconnaissance : besoins de moyens, de trouver sa place dans l’organisation de l’entreprise, besoins d’échanges entre les différents acteurs du CHSCT et au sein de l’entreprise. Arch Mal Prof Env 2007

Le besoin de réseaux de ressources mis en avant dans les autres enquêtes (site internet et personnes ressources) est moins marqué dans nos résultats, probablement en raison de la proximité et de l’organisation de la MSA en guichet unique et en pluridisciplinarité (conseillers en prévention et médecins du travail), favorisant les compétences en santé sécurité au travail au bénéfice des entreprises agricoles et de leurs salariés. En définitive, répondre aux attentes et besoins des acteurs des CHSCT, en termes de compétence, d’organisation et de reconnaissance, permettrait d’améliorer l’autonomie de fonctionnement, la pertinence et l’efficacité des CHSCT. Cet objectif est par ailleurs mentionné dans le Plan santé au travail 2005-2009 : encourager les entreprises à être acteur de la santé au travail, promouvoir le rôle du CHSCT dans tous les établissements (13).

Conclusion Cette étude réalisée en 2005 constitue le premier bilan pour les CHSCT des entreprises du régime agricole, étude réalisée selon une méthodologie originale (interviews au moyen de questionnaires de trois membres de chaque CHSCT enquêté : président, secrétaire, membre) auprès d’un échantillon représentant 5 % des CHSCT des entreprises agricoles au niveau national. Les résultats permettent de dresser un état des lieux en termes de fonctionnement et d’organisation, de formation des membres, de perception et de positionnement des CHSCT dans les entreprises, mais aussi en termes d’attentes et de besoins des acteurs des CHSCT en vue d’améliorer le fonctionnement de cette instance et dans l’objectif d’être partie prenante de la santé sécurité au travail. De plus, la démarche de l’enquête par questionnement constitue un outil de réflexion et d’analyse pour ces instances que peuvent utiliser les préventeurs qui souhaitent accompagner les CHSCT. En termes de perspective, les résultats de cette étude conduisent les préventeurs des MSA à formuler cinq axes d’orientations prescriptives en termes d’action de valorisation des CHSCT : réalisation d’une campagne de sensibilisation à la formation, déploiement des compétences transversales de nature managériale, accompagnement méthodologique dans la démarche d’évaluation des risques professionnels, valorisation du positionnement des CHSCT dans l’entreprise, aide et harmonisation en termes d’outils techniques et méthodologiques. 501

MÉMOIRE

Les CHSCT des entreprises du secteur agricole : une approche pluridisciplinaire

C. Bernard, S. Nicolay-Stock

Remerciements Remerciements au groupe national « stratégie d’accompagnement des CHSCT » de la Caisse centrale de MSA, animé par S. Nicolay-Stock : V. Barrière, Fédération MSA Alpes-Vaucluse, M. Laude, MSA , J. Arnaud, MSA 24, D. Ploteau, MSA 27-76, C. Cosme, MSA 28, B. Ladépêche, MSA 33, D. Bertrand, MSA 37, D. MagnaudetTrimaille, MSA 41, E. Cadeau et I. Absalon, MSA 44, M. Roussillon, MSA 46, J. Froissart, MSA 80, C. Bernard et E. Rigaud, CCMSA.

Références 1. Boisselier J., Larger D. : Historique du CHSCT in Le droit de l’hygiène, de la sécurité et des conditions de travail. BoulogneBillancourt : OPPBTP, 1998 : 108-12. 2. Le CHSCT. Numéro spécial. Liaisons Sociales, 2000, 98p. 3. Enquête CGT sur les CHSCT : un constat de carence. Santé et Travail, 2005 ; 53 : 9-10.

http://www.sdtefp-languedocroussillon.travail.gouv.fr/upload/ étude2005-impact-erp.332pdf 6. DRTEFP de Lorraine. Enquête comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), délégués du personnel (DP). 2001, 33p. w.w.w.lorraine.travail.gouv.fr/medias/fichiers/chsct.pdf 7. Berthet M., Grandjacques B., Feminier C., Sagory P., GoguetChapuis P., Vigne-Lepage V. : 20 ans de CHSCT : Les conditions de travail revisitées ? Travail et Changement, 2002 ; 11 : 7-18. 8. Ministère de l’emploi de la cohésion sociale et du logement : le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ; www.travail.gouv.fr/informations-pratiques/fiches-pratiques/ santé-conditions-travail/comité-hygiène-securité-conditions-travail-chsct-1048.html 9. INRS. Se documenter : dossiers web. Démarche et instrument de prévention. Instance de sécurité. Le CHSCT : données réglementaires. www.hst.fr/dossiers/index.html 10. Soudry C. : Information et consultation du CHSCT. Travail et sécurité, 2002 ; 614 : 12-3. 11. Soudry C. : Un droit à la formation pour les représentants du personnel au CHSCT. Travail et sécurité, 2002 ; 616 : 16-7.

4. Direction régionale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle du centre. Enquête sur la démarche d’évaluation des risques en entreprise et le fonctionnement des CHSCT, 2001, 4p. www.centre.travail.gouv.fr/gallery/file/2338.pdf

12. INMA. Les formations : CHSCT. Formation à l’hygiène et à la sécurité dans l’entreprise. www.inma.fr/autre_form.htm

5. Réseau ANACT, ARACT-LR. Étude/Action : démarche d’évaluation et de prévention des risques professionnels. Quels impacts sur les pratiques des acteurs ? ARACT-LR 2005 : 33-51

13. Plan santé au travail 2005-2009. Objectif 4 : Encourager les entreprises à être acteur de la santé au travail. Fiche 4.7 : Promouvoir le rôle des CHSCT dans tous les établissements : 64.

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