Annales de pathologie (2010) 30, 176—181
MISE AU POINT
Les difficultés diagnostiques liées aux Polyomavirus en cytologie urinaire Urine cytology pitfalls due to Polyomaviruses Monique Courtade-Saïdi ∗, Jacqueline Aziza , Laetitia Collin , Dominique d’Aure UF d’histologie-cytologie, service d’anatomie pathologique et d’histologie-cytologie, CHU de Toulouse Rangueil, 1, avenue Jean-Poulhes, TSA 50032, 31052 Toulouse cedex 9, France Accepté pour publication le 3 f´ evrier 2010 Disponible sur Internet le 1 avril 2010
MOTS CLÉS Cytologie urinaire ; Decoy cells ; Polyomavirus ; Carcinome urothélial
KEYWORDS Urinary cytology; Decoy cells; Polyomavirus; Urothelial carcinoma
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Résumé L’observation d’un effet cytopathogène viral est un élément important du diagnostic d’une virose. Les polyomavirus BK et JC, qui présentent un tropisme pour l’appareil urinaire, peuvent présenter des réactivations transitoires tout au long de la vie. Ces dernières, plus particulièrement favorisées par un état d’immunodépression, sont potentiellement graves chez les transplantés rénaux car elles peuvent se traduire par une néphropathie à polyomavirus conduisant dans certains cas à la perte du greffon. La réactivation virale se traduit par un effet cytopathogène caractéristique, la présence de decoy cells, ou « cellules piège » dans les urines. Facilement reconnaissables dans les urines de patients transplantés, ces cellules peuvent parfois poser un réel problème de diagnostic différentiel avec un carcinome urothélial de haut grade en dehors d’un contexte d’immunodépression. La bonne connaissance des différents aspects cytologiques des cellules infectées, la confirmation et le typage viral par l’examen virologique des urines en PCR, ainsi que la réalisation d’une immunocytochimie avec un anticorps anti-SV40 contribuent au diagnostic différentiel dans un bon nombre de cas. Cependant, la coexistence d’une réactivation virale et d’une récidive tumorale n’est pas à exclure. Un lien de causalité entre polyomavirus et cancer urothélial a été évoqué, n’est pas encore réellement prouvé, mais les études se poursuivent compte tenu du potentiel oncogène de ces virus chez l’animal. © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Summary Specific cytopathologic changes represent an important tool for the identification of a viral infection. After primary infection, generally during childhood, BK and JC polyomaviruses often remain latent within the urinary tract and can reactivate along life. These reactivations are usually encountered in immunosuppressed patients. In renal transplanted recipients, BK virus may cause a polyomavirus nephropathy inducing sometimes graft loss. A good morphologic sign of reactivation is characterized by the shedding in urine of viral-infected cells called decoy cells. The latter are easily identified in urine from renal transplanted patients
Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (M. Courtade-Saïdi).
0242-6498/$ — see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.annpat.2010.02.003
Les polyomavirus en cytologie urinaire
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but in other circumstances, they may be misdiagnosed as high-grade urothelial carcinoma cells. Correct cytological identification of decoy cells, confirmation of the diagnosis by urine PCR analysis and use of immunocytochemistry with anti-SV40 antibody are of good value for differential diagnosis in most cases. However, polyomavirus reactivation and urothelial carcinoma cells may be observed in the same urine specimen. The possible involvement of BK or JC virus in the pathogenesis of human urogenital tumors has been suggested by some studies but is not yet conclusively resolved. © 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Épidémiologie Les polyomavirus humains sont des petits virus à ADN bicaténaire circulaire, non enveloppés. Leur capside, de nature protéique, les rend très résistants dans le milieu extérieur. Leur génome est associé à des histones et forme un minichromosome, de structure comparable à celle de l’ADN humain. Deux virus de ce groupe ont été identifiés en 1971. Le BK virus (BKV) a été isolé de l’urine d’un transplanté rénal qui présentait une sténose urétérale [1]. Le JC virus (JCV) a été identifié au niveau du tissu cérébral d’un patient atteint d’une maladie de Hodgkin, ayant développé une leucoencéphalopathie multifocale progressive (LEMP) [2]. Très récemment, trois autres membres de cette famille ont été décrits. Les KI et WU polyomavirus, isolés à partir de sécrétions respiratoires de patients avec infection respiratoire aiguë [3,4] et le Merckel cell polyomavirus (MCV), isolé dans des carcinomes à cellules de Merckel par hybridation soustractive [5]. Dans le cadre de cet article, nous nous intéresserons plus particulièrement aux BK et JCV qui possèdent un tropisme pour l’arbre urinaire et dont la réactivation se traduit par un effet cytopathogène pouvant être à l’origine de difficultés diagnostiques en cytologie urinaire. Leur mode de contamination n’est pas encore totalement élucidé mais la transmission respiratoire semble la plus probable. La séroconversion vis-à-vis de ces deux virus est très répandue et s’effectue essentiellement dans l’enfance puisque 90 % des enfants de cinq à neuf ans sont séropositifs vis-à-vis du BKV et 50 à 60 % des enfants de plus de dix ans vis-à-vis du JCV [6]. Chez l’adulte, la séroprévalence est de 80 à 90 % pour le BKV [7,8] et de 50 à 80 % pour le JCV [6,8,9]. Si cette séroprévalence diminue avec l’âge pour le BKV (de 90 % à 20 ans à 71 % à 60 ans), elle augmente au contraire avec l’âge pour le JCV (de 50 à 70 % pour les mêmes tranches d’âge) [8]. Une association négative entre BKV et JCV a été observée, suggérant une immunité croisée entre ces deux virus [7]. La primo-infection, qui passe typiquement inaperc ¸ue, est suivie par une dissémination du virus au niveau de sites d’infection latente pendant toute la durée de vie de l’individu. Les sites majeurs de persistance de ces deux virus sont représentés par les épithéliums du rein et des voies urinaires (uretère, vessie), comme en témoigne l’excrétion périodique de ces virus dans les urines. Environ 5 % des individus non immunodéprimés excrètent (détection par PCR) du BKV dans les urines et 20 à 30 % d’entre eux du JCV [7,8,10]. Le mode de contrôle immunologique de ces infections latentes par l’hôte reste encore mal élucidé. Comme pour d’autres virus, les réactivations sont favorisées par un état d’immunosuppression. Le stade d’infection infraclinique est remplacé par une infection lytique qui se traduit par une virurie et une virémie, pouvant conduire à
des pathologies graves, voire mortelles. Par exemple, la cystite hémorragique à BKV ou JCV représente une complication grave chez le greffé de moelle osseuse. La néphropathie à BKV demeure une complication majeure du transplanté rénal [11]. Le tropisme et le pouvoir pathogène de ces deux types de virus sont toutefois différents. La réactivation du JCV a également été décrite au niveau cérébral, chez les patients atteints de sida ou chez d’autres immunodéprimés [12]. Elle peut provoquer une infection lytique des oligodendrocytes cérébraux et induire une LEMP. Contrairement au BKV, le JCV n’a été que très rarement mis en cause dans la néphropathie à polyomavirus [13]. En effet, au niveau de l’arbre urinaire, la virurie à JCV semble indépendante du degré d’immunosuppression [10], alors que celle du BKV est retrouvée par ordre de fréquence chez le transplanté rénal, chez le transplanté d’un autre organe puis chez le non transplanté [14]. À l’heure actuelle, il n’existe pas de traitement antiviral spécifique pour ces polyomavirus.
Aspect cytologique urinaire de l’infection à polyomavirus La réplication virale se traduit par un effet cytopathogène caractéristique dans les urines. Cet aspect est identique pour le BKV et le JCV et il n’est donc pas possible de les individualiser en cytologie. Les cellules infectées apparaissent classiquement sous la forme de decoy cells, ou cellules piège. Ce terme provient de leur confusion possible avec des cellules tumorales. Typiquement, il s’agit de cellules au noyau arrondi, excentré et à la chromatine d’aspect variable selon le stade de la réplication virale. Elle prend un aspect laqué pendant la phase réplicative, beaucoup plus clair lorsque la cellule est lysée et libère des virions (Fig. 4). Le noyau semble « sortir » de la cellule, conférant au cytoplasme un aspect en forme de queue de comète (Fig. 1). Koss et Melamed [15] et Singh et al. [16] décrivent quatre grands types d’inclusions nucléaires : • le type 1 avec le noyau arrondi et la chromatine laquée (Fig. 1) ; • le type 2 avec une inclusion intranucléaire granulaire et un halo clair périphérique (Fig. 2) ; • le type 3 avec des cellules bi- ou multinucléées et une chromatine granuleuse (Fig. 3) ; • le type 4 avec un noyau vésiculeux, une chromatine en mottes et parfois un nucléole (Fig. 4). Les types 3 et 4 peuvent être facilement confondus avec des cellules urothéliales tumorales, surtout si le noyau perd son aspect arrondi caractéristique. Effectivement, dans notre expérience, le noyau apparaît parfois hyperchroma-
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Figure 1. Decoy cells typiques (type 1) avec un noyau arrondi, excentré, et une chromatine laquée. Papanicolaou (PAP) × 1000. Typical decoy cells (type 1) with round eccentric nuclei and glassy chromatin pattern. Papanicolaou (PAP) × 1000.
Figure 2. Decoy cell (type 2) avec une chromatine condensée et un halo clair nucléaire. (PAP) × 1000. Decoy cell (type 2) with condensed chromatin and intranuclear halo. Papanicolaou (PAP) × 1000.
Figure 3. Decoy cell binucléée avec une chromatine granuleuse (type 3). Papanicolaou (PAP) × 1000. Binucleated decoy cell with granular chromatin (type 3). Papanicolaou (PAP) × 1000.
M. Courtade-Saïdi et al.
Figure 4. Decoy cells à stade tardif de l’infection virale (têtes de flèche) montrant un noyau avec une chromatine très claire et un renforcement de la membrane nucléaire (type 4). Late (arrow head) appearance of decoy cells, showing clear chromatin pattern with thick nucleus membrane (type 4). Papanicolaou (PAP) × 1000.
tique, de forme plutôt triangulaire, et il est impossible d’en distinguer les détails chromatiniens (Fig. 5). Ce dernier aspect rend parfois très difficile le diagnostic différentiel avec des cellules provenant d’un carcinome urothélial de haut grade (Fig. 6) [17]. Il n’est pas rare d’observer sur le fond des cellules tubulaires rénales renfermant des inclusions cytoplasmiques éosinophiles (Fig. 7). Cet effet cytopathogène peut se manifester aussi bien au niveau de cellules tubulaires rénales que de cellules urothéliales. Cependant, cytologiquement, la distinction de cellules infectées provenant du rein ou de l’urothélium est impossible. Les lésions virales sont rarement retrouvées sur les biopsies vésicales, soit parce que la lésion est située au niveau du rein, soit parce qu’elle est focale et non discernable à l’endoscopie [18]. Il est possible de confirmer le diagnostic par une étude immunocytochimique grâce à des anticorps dirigés contre l’antigène T du SV40. En effet, cet antigène, commun aux virus SV40, BKV et JCV, permet l’identification des virus du groupe des polyomes. La positivité observée est nucléaire
Figure 5. Decoy cells atypiques avec un noyau de forme irrégulière, triangulaire (flèches). Papanicolaou (PAP) × 1000. Atypical decoy cells with irregular shaped nuclei (arrows). Papanicolaou (PAP) × 1000.
Les polyomavirus en cytologie urinaire
Figure 6. Decoy cell (flèche) et carcinome urothélial de haut grade (têtes de flèche). Remarquer l’aspect du noyau des cellules tumorales et celui de decoy cells atypiques de la Fig. 5. Papanicolaou (PAP) × 1000. Decoy cell (arrow) and high-grade urothelial carcinoma (arrow heads). Note the feature of the carcinoma cell nuclei and compare with irregular shaped nuclei in Fig. 5. Papanicolaou (PAP) × 1000.
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Figure 8. Immunocytochimie avec un anticorps anti-SV40 (JCV chez un patient suivi pour tumeur urothéliale) montrant un marquage nucléaire au niveau de très nombreuses cellules. Immunocytochemistry with anti-SV40 antibody (JCV in a patient with urothelial carcinoma) showing intense nucleus staining in most cells.
transplanté rénal, leur présence est associée à une valeur prédictive positive de l’existence d’une néphropathie à polyomavirus de l’ordre de 25—30 % et la valeur prédictive négative est supérieure à 99 % [11]. Cela signifie que la présence de decoy cells ne signe pas obligatoirement l’existence d’une néphropathie à polyomavirus mais leur absence permet de l’exclure. Il en est de même pour la cystite hématurique. La confirmation du diagnostic et le typage viral sont établis par l’analyse virologique en PCR qui identifie le génome du BKV ou du JCV. La virémie (détection d’ADN viral plasmatique) associée lors de néphropathie à polyomavirus ou de cystite hémorragique témoigne de l’importance de la réactivation virale.
Polyomavirus dans le cadre du dépistage et du suivi des tumeurs urothéliales Figure 7. Nombreuses decoy cells et inclusions éosinophiles cytoplasmiques (flèche). Papanicolaou (PAP) × 1000. Numerous decoy cells and eosinophilic cytoplasmic inclusions (arrow). Papanicolaou (PAP) × 1000.
(Fig. 8). Cependant, contrairement à l’anticorps anti-CMV qui met en évidence tous les stades de l’infection virale, l’immunocytochimie avec l’anti-SV40 peut se révéler négative dans les stades tardifs de l’infection [16]. L’interprétation cytologique doit bien entendu tenir compte du contexte clinique. L’examen cytologique des urines peut être pratiqué chez un patient immunodéprimé (transplantation, sida. . .) ou bien dans le cadre du dépistage ou du suivi d’une tumeur urothéliale.
Polyomavirus et immunodépression En pratique cytologique quotidienne, les réactivations virales à polyomavirus sont recherchées dans le cadre d’immunodépression et notamment chez les transplantés rénaux ou les greffés de moelle osseuse. Dans ce contexte, le diagnostic est facile sur le seul examen des urines en raison de la présence de très nombreuses decoy cells. Chez le
La réactivation virale dans ce cadre pose le problème de l’identification des anomalies cytologiques observées mais également celui du lien possible entre polyomavirus et cancer, comme cela a été suggéré plus récemment. Chez les patients suivis pour un antécédent de carcinome urothélial, il est possible, au même titre que chez d’autres patients, d’être confronté à la présence de decoy cells dans les urines. Bien entendu, la réactivation d’un BKV ou d’un JCV chez un sujet immunocompétent ne présente théoriquement aucun caractère de gravité. Cependant, nous l’avons vu, ces decoy cells peuvent poser parfois un réel problème de diagnostic différentiel avec un carcinome urothélial de haut grade. En pratique, le cytologiste peut être confronté à deux situations : la présence intercurrente de decoy cells lors du dépistage ou du suivi cytologique d’une tumeur urothéliale ou la coexistence d’une récidive tumorale et d’une réactivation virale. Nous allons détailler ces deux situations de fac ¸on à proposer une conduite à tenir permettant le diagnostic différentiel dans la majorité des cas. La réactivation virale (à BKV ou JCV) est caractérisée par la présence de decoy cells. Elles doivent être évoquées devant des cellules au noyau arrondi, excentré, à la chromatine laquée, aux limites cytoplasmiques souvent mal définies, parfois en aspect de queue de comète (Fig. 1). Des
180 cellules en voie de dégénérescence sont assez souvent associées, entre autre caractérisées par la présence d’inclusions cytoplasmiques éosinophiles (Fig. 6). Chez les patients immunocompétents, la présence de quelques decoy cells isolées, ne formant pas d’amas, est assez caractéristique de cette virose. Elles peuvent être accompagnées de cellules plus atypiques, au noyau irrégulier et à la chromatine parfois très condensée, telles que nous les avons décrites précédemment (Fig. 5). Ces dernières seront interprétées avec prudence lorsqu’elles coexistent avec d’authentiques decoy cells. Les cellules urothéliales normales possèdent un noyau généralement de taille inférieure à celui des decoy cells, à la chromatine plus fine et régulièrement répartie. Le diagnostic peut être confirmé en cas de doute par une recherche et un typage viral par PCR sur l’urine restante. La négativité de la recherche virale par PCR élimine à 99,9 % le diagnostic de virose et nécessite alors la poursuite des investigations. Une étude immunocytochimique avec un anticorps anti-SV40 permet d’identifier morphologiquement les cellules infectées dans la mesure où le nombre de cellules d’intérêt est suffisant sur la lame. Ces réactivations virales totalement asymptomatiques cliniquement, de découverte fortuite sur l’examen des urines, sont très souvent transitoires, c’est-à-dire spontanément résolutives en quelques semaines. Aussi, un contrôle cytologique effectué deux à trois mois plus tard permet de vérifier la disparition des signes de réactivation virale. Les facteurs favorisant ces réactivations sont à l’heure actuelle encore mal objectivés [19]. Dans notre expérience, chez certains patients, ces réactivations sont itératives et compliquent le suivi cytologique. La réactivation virale peut coexister avec une récidive tumorale. Dans ce cas, il est souvent difficile de différencier certaines cellules virales d’une authentique récidive tumorale, en particulier si la tumeur urothéliale est de haut grade. Dans notre expérience, l’infection à polyomavirus ne s’accompagne pas de noyaux apoptotiques, de mitoses anormales ou de nécrose, à la différence d’un carcinome urothélial de haut grade. Dans ces situations, les études immunocytochimiques avec les anticorps anti-p53 ou MIB-1 ne sont pas discriminantes puisque, comme certaines cellules tumorales, les cellules infectées par le virus sont MIB-1 et p53 positives. En effet, la réplication virale se traduit par une surexpression de p53 [20,21] liée à une augmentation de sa demi-vie. De la même fac ¸on, puisque le virus nécessite pour sa réplication l’entrée en phase S de la cellule hôte [20], l’expression de Ki-67 (anticorps clone MIB1) par les cellules infectées est la règle [21]. La réalisation d’une immunocytochimie avec un anticorps anti-SV40 peut permettre d’identifier les cellules infectées par le virus, tout en sachant qu’elle peut être négative dans les stades tardifs de l’infection [16]. Il faut s’assurer de l’absence de cellule atypique ou suspecte qui ne serait pas marquée avec l’anticorps anti-SV40. Bien entendu, les résultats de l’analyse endoscopique doivent être pris en compte et la discussion avec les urologues reste primordiale. En présence d’une lésion vésicale, la biopsie sera la règle. En l’absence de lésion intravésicale, un contrôle cytologique à trois mois est recommandé avant d’envisager la poursuite des investigations (exploration du haut appareil). La coexistence d’une réactivation virale à BKV ou à JCV et d’un carcinome urothélial a soulevé l’hypothèse d’une relation de cause à effet entre ces deux pathologies. Effectivement, des cancers de vessie [22] et du rein [23,24] ont été rapportés chez des transplantés rénaux avec la présence de BKV. La genèse de cancers de prostate [25] a été
M. Courtade-Saïdi et al. suggérée comme liée au BKV ou au JCV. Le potentiel oncogénique de ces virus provient de leur capacité à générer des tumeurs chez le rongeur. Leur génome renferme des séquences codant pour les antigènes T et t (Tag et tAg) du SV40 qui montrent une similitude de séquence pour les protéines oncogènes E6 et E7 des Human papillomavirus. Ces antigènes sont responsables entre autre de l’inactivation des protéines codées par les gènes suppresseurs de tumeurs p53 et pRb [20], autorisant ainsi l’entrée de la cellule en phase S et permettant la réplication virale. Cependant, la mise en cause du BKV dans la genèse de tumeurs urothéliales est controversée. Dans une série américaine portant sur 76 patients avec tumeur urothéliale, l’ADN du BKV n’était que très rarement retrouvé (5,5 % des cas) [26], alors que deux équipes italiennes ont rapporté des prévalences bien plus importantes (de l’ordre de 50 %) au niveau de tumeurs urothéliales [27,28]. De plus, dans les quelques cas de cancers potentiellement liés à un polyomavirus, l’ADN du BKV est généralement retrouvé en grande quantité au niveau du tissu sain avoisinant, mais absent ou très faiblement au niveau tumoral, contrairement à l’AgT qui semble persister au niveau du tissu tumoral [29]. La transformation néoplasique liée au polyomavirus, si elle est réelle, représente un phénomène complexe dans lequel la réplication virale disparaît au niveau des cellules tumorales ou bien s’accompagne de réarrangements du génome viral, comme cela a pu être montré récemment pour le MCV [30]. Des recherches approfondies dans ce domaine sont nécessaires avant de confirmer le rôle de ces virus dans la genèse de cancers de la sphère urologique.
Conclusion La reconnaissance de l’aspect cytologique de l’effet cytopathogène des polyomavirus est nécessaire afin d’éviter un diagnostic par excès de tumeur urothéliale de haut grade. En dehors d’un contexte d’immunosuppression particulier (patients transplantés), ces réactivations sont en général spontanément résolutives en quelques semaines. L’immunocytochimie avec un anticorps anti-SV40 représente une aide au diagnostic. Cependant, chez certains patients, la réactivation virale peut être itérative, compliquant l’interprétation cytologique et ne doit pas masquer la coexistence d’une tumeur urothéliale de haut grade.
Conflit d’intérêt Aucun.
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