Infections liées aux cathéters (ILC) : moyens diagnostiques

Infections liées aux cathéters (ILC) : moyens diagnostiques

Nutr Clin Métabol 2002 ; 16 : 59-61  2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0985-0562(02)00106-1/FLA Journée A...

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Nutr Clin Métabol 2002 ; 16 : 59-61  2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0985-0562(02)00106-1/FLA

Journée Accès vasculaires en nutrition parentérale

Infections liées aux cathéters (ILC) : moyens diagnostiques M.C. Douard Service d’anesthésiologie, hôpital Saint-Louis, AP-HP, 1, avenue Claude Vellefaux, 75010 Paris, France

La morbidité et le coût des infections liées aux cathéters (ILC) ont suscité de nombreuses démarches préventives, diagnostiques et thérapeutiques visant à limiter et à contrôler la survenue de ces complications dans les secteurs de réanimation, d’onco-hématologie ou de nutrition parentérale. Classiquement, toute infection liée au cathéter (KT) implique le retrait et la culture du cathéter. Cependant, en raison de la morbidité potentielle associée à la mise en place d’un cathéter veineux central, il est difficile de préconiser le retrait de tout accès vasculaire dès la survenue d’un épisode infectieux sans foyer identifié. En effet, face à un épisode fébrile inexpliqué, le retrait systématique de tout matériel suspect a été critiqué par de nombreux auteurs qui observent que 75 à 80 % des cathéters sont enlevés abusivement [1, 2]. Ainsi, devant un patient fébrile, bactériémique, sans foyer évident, porteur d’un cathéter veineux central (cathéter tunnélisé ou non, cathéter d’Hickman-Broviac ou cathéter à site d’injection implantable), le clinicien doit pouvoir apporter une réponse aux questions suivantes : Peut-on faire le diagnostic de l’ILC sans enlever d’office le matériel suspect ? Si le retrait est indispensable, quel type de cultures doit-on faire pour confirmer la suspicion clinique ?

diagnostic de l’ILC, sans enlever le cathéter suspect [3 – 6]. Ces travaux sont basés soit sur la culture de zones « à risques » (prélèvements cutanés au niveau de l’émergence du KT [7] et/ou prélèvements du connecteur du KT [4, 8]), soit sur la pratique d’hémocultures quantitatives comparatives simultanément prélevées sur le KT suspect et sur une veine périphérique [5, 6, 9], soit plus récemment sur des délais différentiels de positivité d’hémocultures standard prélevées simultanément sur KT et en périphérie [10, 11]. En effet, pour un délai différentiel de 120 minutes (l’hémoculture prélevée au travers du matériel suspect poussant 2 heures plus vite que l’hémoculture périphérique prélevée à distance), la sensibilité et la spécificité de cette méthode sont supérieures à 95 % [10]. De l’ensemble des études portant sur la culture de zones « à risques », il ressort que, si la stérilité des prélèvements superficiels permet pratiquement d’exclure une colonisation significative de l’extrémité distale du KT (sensibilité et valeur prédictive négative (VPN) = 95 %), en revanche leur positivité ne permet en aucun cas de préjuger de l’existence d’une colonisation significative de l’extrémité distale du cathéter : ces prélèvements, faits de façon systématique, sont peu spécifiques et ont de très médiocres valeurs prédictives positives (VPP) [7]. Inversement, de toutes les études basées sur la réalisation d’hémocultures quantitatives comparatives, il ressort que si la sensibilité de cette méthode varie entre 77 % et 94 %, la spécificité et la VPP sont toujours égales à 100 %. Ainsi, chez un patient bactériémique, l’existence d’hémocultures quantitatives comparatives significatives (nombre de germes par mL de sang prélevé au travers du KT de 5 à 10 fois supérieur au nombre de germes comptés dans l’hémoculture périphérique) permet d’affirmer la responsabilité du cathéter (extrémité distale et/ou pavillon du cathéter) à l’origine de la bactériémie. En revanche, des hémocultures quantitatives non significatives (même nombre de germes par mL de sang prélevé au travers du KT et dans l’hémoculture périphérique ou stérilité des hémocultures quantitatives) ne doivent en aucun cas faire exclure le cathéter dans la recherche étiologique de la bactériémie. L’évaluation clinique doit rester le critère

1. DIAGNOSTIC D’UNE ILC Les manifestations cliniques d’une ILC peuvent varier de la petite réaction inflammatoire locale sans gravité, à la cellulite locorégionale ou à la thrombophlébite suppurée imposant le retrait du matériel et un traitement antibiotique prolongé. Dans d’autres situations, un épisode fébrile (± frissons, ± hypotension, etc.) survient au décours de la manipulation du cathéter, l’examen clinique à la recherche d’un autre foyer infectieux étant négatif.

1.1. Diagnostic des ILC, cathéter en place Pour éviter le risque d’un retrait inutile, certains travaux ont évalué des moyens indirects permettant de faire le

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2. CONCLUSION

essentiel conduisant, au moindre doute, à enlever le cathéter suspect [12, 13]. Le problème diagnostique des infections liées aux cathéters à site d’injection implantable (CSI) est encore plus difficile. En effet, en l’absence de signes locaux évidents (suppuration locale en regard du septum, tunnélite ou cellulite), le diagnostic ne peut pas être étayé par les prélèvements de zones à risques. Seuls des moyens reposant sur la pratique d’hémocultures comparatives peuvent apporter une orientation diagnostique [5 – 10, 14]. Une méthode élégante de diagnostic in situ des ILC repose sur la centrifugation et la coloration à l’acridine orange de quelques microlitres de sang prélevé au travers du cathéter (ou chambre implantable) supposé septique [15]. Cette technique relativement simple permet d’obtenir très rapidement (moins de trente minutes) la confirmation de l’ILC. Une sensibilité de 96 %, une spécificité de 91 %, une VPP de 91 % et une VPN de 97 % confèrent à cette méthode une fiabilité comparable à la technique du délai différentiel de positivité des hémocultures standard.

L’infection liée aux cathéters constitue la principale complication du cathétérisme veineux de longue durée. De nombreux moyens diagnostiques et thérapeutiques ont été développés ces dernières années pour tenter d’éviter le retrait inapproprié de cathéters suspects d’ILC. Cependant, en l’absence de fiabilité absolue de ces méthodes, une analyse critique de chaque situation clinique doit permettre de choisir entre deux alternatives thérapeutiques : traitement in situ ou retrait du matériel infecté. Enfin, la prévention des ILC, lors de la mise en place et de la manipulation des cathéters, doit faire partie de protocoles de soins élaborés dans chaque unité.

RÉFÉRENCES 1 Maki DG. Infections due to infusion therapy. In : Bennett JV, Brachman PS, editors. Hospital infections. Toronto : Little Brown and Company ; 1992, p. 849-98. 2 Widmer AF. IV-related infections. In : Wenzel RP, editor. Prevention and control of nosocomial infections. Baltimore : Williams and Wilkins ; 1993, p. 556-79. 3 Cercenado E, Ena J, Rodriguez-Créixems M, Romero I, Bouza E. A conservative procedure for the diagnosis of catheter-related infections. Arch Intern Med 1990 ; 150 : 1417-20. 4 Bozzetti F, Bonfanti G, Regalia E, Cozzaglio L, Callegari L. A new approach to the diagnosis of central venous catheter sepsis. JPEN J Parenter Enteral Nutr 1991 ; 15 : 412-6. 5 Capdevila JA, Planes AM, Palomar M, Gasser I, Almirante B, Pahissa A, et al. Value of differential quantitative blood cultures in the diagnosis of catheter-related sepsis. Eur J Clin Microbiol Infect Dis 1992 ; 11 : 403-7. 6 Douard MC, Clementi E, Arlet G, Marie O, Jacob L, Schremmer B, et al. Negative catheter-tip culture and diagnosis of catheter-related bacteremia. Nutrition 1994 ; 10 : 397-404. 7 Raad II, Bodey GP. Diagnosis of catheter-related infections: the role of surveillance and targeted quantitative skin cultures. Clin Infect Dis 1995 ; 20 : 593-7. 8 Fortun J, Perez-Moloina JA, Asensio A, Calderon C, Casado JL, Mir N, et al. Semiquantitative culture of subcutaneous segment for conservative diagnosis of intravascular catheter-related infection. JPEN J Parenter Enteral Nutr 2000 ; 24 : 210-4. 9 Quilici N, Audibert G, Conroy M, Bollaert P, Guillemein F, Welfringer P, et al. Differential quantitative blood cultures in the diagnosis of catheter-related sepsis in intensive care units. Clin Infect Dis 1997 ; 25 : 1066-70. 10 Blot F, Nitenberg G, Chachaty E, Raynard B, Germann N, Antoun S, et al. Diagnosis of catheter-related bacteremia: a prospective comparison of the time to positivity of hub-blood versus peripheralblood cultures. Lancet 1999 ; 354 : 1071-7. 11 Malgrange Bussy V, Escande MC, Théobald S. Validity of earlier positivity of central venous blood cultures in comparison with peripheral blood cultures for diagnosing catheter-related bacteremia in cancer patients. J Clin Microbiol 2001 ; 39 : 274-8. 12 Douard MC, Arlet G, Longuet P, Troje C, Rouveau M, Ponscarme D, et al. Diagnosis of venous access port-related infections. Clin Infect Dis 1999 ; 29 : 1197-202. 13 Mermel LA. Defining intravascular catheter-related infections: a plea for uniformity. Nutrition 1997 ; 13(Suppl) : 2S-4S. 14 Siegman-Igra Y, Anglim AM, Shapiro DE, Adal KA, Strain BA, Farr BM. Diagnosis of vascular-related bloodstream infection: a meta-analysis. J Clin Microbiol 1997 ; 35 : 928-36.

1.2. Diagnostic de l’ILC après le retrait du cathéter Sans revenir sur les différentes méthodes de cultures de fragments de cathéters enlevés, rappelons cependant qu’aux méthodes qualitatives (bouillon) ou semiquantitatives [16] seront préférées les méthodes quantitatives [17] qui offrent une bien meilleure fiabilité [14 – 18]. Enfin, bien que la seule culture de l’extrémité distale du cathéter soit réalisée dans la grande majorité des études, elle semble très notablement insuffisante pour affirmer ou infirmer le diagnostic d’une ILC avec certitude. En effet, d’authentiques septicémies liées aux cathéters étaient associées à une infection du connecteur (ou de l’intérieur du boîtier de chambres implantables) alors que la culture de l’extrémité distale (tip) était stérile [6, 12]. Dans une étude portant sur des chambres implantables responsables de septicémies authentifiées cliniquement et bactériologiquement (hémocultures périphériques), l’origine du foyer infectieux était situé sous le septum, dans la lumière interne du boîtier de la chambre, alors que l’extrémité distale du cathéter demeurait stérile. Ainsi, pour le diagnostic des septicémies sur chambre implantable, la sensibilité de la culture de l’extrémité distale (tip) du KT était de 46 % vs 93 % pour la culture du septum de la chambre implantable [12]. Ce fait explique probablement le nombre élevé de cathéters faussement qualifiés de « stériles » sur la seule culture de l’extrémité distale, en dépit de sérieux arguments cliniques en faveur d’une ILC, comme la disparition du tableau septique clinique et bactériologique dès le retrait du dispositif.

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15 Kite P, Dobbin BM, Mc Mahon MJ. Rapid diagnosis of centralvenous-catheter-related bloodstream infection without catheter removal. Lancet 1999 ; 354 : 1504-7. 16 Maki DG, Weise CE, Sarafin HW. A semiquantitative culture method for identifying intravenous-catheter-related infection. N Engl J Med 1977 ; 296 : 1305-9.

17 Brun-Buisson C, Abrouk F, Legrand P, Huet Y, Larabi S, Rapin M. Diagnosis of central venous catheter-related sepsis. Critical level of quantitative tip cultures. Arch Intern Med 1987 ; 147 : 873-7. 18 Mermel LA, Farr BM, Sherertz RJ, Raad II, O’Grady N, Harris JS, et al. Guidelines for the management of intravascular catheterrelated infections. Clin Infect Dis 2001 ; 32 : 1249-72.

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