Les encéphalites limbiques. Un concept en pleine évolution

Les encéphalites limbiques. Un concept en pleine évolution

revue neurologique 165 (2009) 3–5 E´ditorial Les ence´phalites limbiques. Un concept en pleine e´volution New concepts in limbic encephalitis Deux c...

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revue neurologique 165 (2009) 3–5

E´ditorial

Les ence´phalites limbiques. Un concept en pleine e´volution New concepts in limbic encephalitis Deux cas originaux et rares d’ence´phalites limbiques parane´oplasiques sont rapporte´s dans ce nume´ro de la revue neurologique. L’un est associe´ a` des anticorps anti-NMDA re´cepteurs (NMDA-R-Ab) et un te´ratome de l’ovaire (Henry et al., 2008) et l’autre est survenu au cours d’une maladie de Hodgkin sans qu’aucun anticorps onconeuronal ne soit identifie´ (Serratrice et al., 2008). Ces deux observations soulignent, d’une part, les variations qui peuvent eˆtre observe´es dans la pre´sentation clinique des ence´phalites limbiques et, d’autre part, les difficulte´s diagnostiques de ces syndromes. Pourtant, une connaissance pre´cise de cette entite´ neurologique apparaıˆt de plus en plus de´terminante du fait de l’existence de formes re´versibles sous traitement approprie´ (Cartalat-Carel et al., 2008). Le concept d’ence´phalite limbique ne remonte qu’au de´but des anne´es 1960 avec la description des trois premiers cas d’ence´phalite subaigue¨ affectant e´lectivement les aires limbiques (Brierley et al., 1960). Pour ces premie`res observations, aucune relation avec un cancer n’est e´voque´e. Ce n’est qu’en 1968 que le concept d’ence´phalite limbique parane´oplasique est e´tabli sur la base de trois observations de troubles mne´siques ante´rogrades associe´s a` un cancer pulmonaire (Corsellis et al., ` la suite de ces trois premiers cas, il fallut attendre la fin 1968). A des anne´es 1980 et la description des anticorps onconeuronaux anti-Hu pour e´tablir un peu mieux la symptomatologie clinique des ence´phalites limbiques parane´oplasiques (Dalmau et al., ` la fin des anne´es 1990, l’ence´phalite limbique est 1991). A conside´re´e par les neurologues comme une pathologie rare, toujours parane´oplasique et re´fractaire au traitement (Alamowitch et al., 1997). Elles peuvent eˆtre associe´es a` d’autres anticorps onconeuronaux comme les anti-CV2 (Honnorat et al., 2008) ou les anti-amphiphysine (Cartalat-Carel et al., 2008) et dans de nombreux cas, aucun anticorps n’est identifie´. Les donne´es cliniques disponibles accre´ditent la rarete´ des ence´phalites limbiques parane´oplasiques puisque dans la banque europe´enne de syndromes neurologiques parane´oplasiques, les ence´phalites limbiques repre´sentent seulement 9,4 % des cas de syndromes neurologiques parane´oplasiques sur 600 re´pertorie´s entre 2000 et 2005. Au de´but des anne´es 2000, le diagnostic d’une ence´phalite limbique reposait, d’une part, sur une triade clinique e´vocatrice associant de fac¸on variable des troubles

psychiatriques, une e´pilepsie et des troubles mne´siques ante´rogrades et, d’autre part, sur la pre´sence d’hypersignaux IRM temporaux internes sur les se´quences FLAIR ou d’une inflammation du liquide ce´phalorachidien (Gultekin et al., 2000). Le concept d’ence´phalite limbique se modifie le´ge`rement avec la description des anticorps anti-Ma2 (Dalmau et al., 2004). En effet, chez ces patients, si les troubles neurologiques comprennent fre´quemment une amne´sie ante´rograde, ils se combinent dans 89 % des cas avec une atteinte dience´phalique ou du tronc ce´re´bral (Dalmau et al., 2004). De plus, une atteinte hypothalamique avec hypersomnie s’observe dans 32 % des cas (Rojas-Marcos et al., 2007). L’ensemble de la symptomatologie neurologique de´borde donc largement les symptoˆmes de´crits initialement par Corsellis. De plus, l’IRM est normale chez 25 % des patients avec anticorps anti-Ma2 ayant des signes cliniques d’ence´phalite limbique. En 2004, le concept d’ence´phalite limbique e´volue a` nouveau avec la description des anticorps anticanaux potassiques voltages de´pendants (VGKC-Ab) (Vincent et al., 2004). Dans ce type d’ence´phalite limbique, il peut exister une phase prodromique virale avec fie`vre et les troubles de me´moire peuvent eˆtre fluctuants. Parfois, le tableau clinique peut eˆtre plus complexe associant un syndrome ce´re´belleux, des troubles du sommeil, une hyperexcitabilite´ du nerf pe´riphe´rique, avec dans ce cas une pre´dominance des symptoˆmes psychiatriques avec hallucinations re´alisant un syndrome de Morvan. Une hyponatre´mie par un me´canisme de se´cre´tion inapproprie´e d’hormone antidiure´tique (SIADH) ou cerebral salt wasting est fre´quente (Vincent et al., 2004). L’IRM est en ge´ne´ral typique d’une ence´phalite limbique, mais peut eˆtre e´galement normale, de meˆme que la ponction lombaire. Dans les premie`res publications, les ence´phalites limbiques avec VGKC-Ab n’e´taient pas parane´oplasiques, mais depuis, certains cas ont e´te´ rapporte´s en association avec un thymome ou un cancer du poumon et environ 15 a` 20 % seraient associe´es a` un cancer (Ohshita et al., 2006). Le concept s’enrichit a` nouveau en 2007 avec la description des ence´phalites limbiques avec NMDA-R-Ab. Ces ence´phalites limbiques surviennent le plus souvent chez des femmes jeunes qui, apre`s une phase prodromique de type virale avec hyperthermie et ce´phale´es, de´veloppent un tableau assez

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ste´re´otype´ caracte´rise´ par des troubles mne´siques d’installation insidieuse qui peuvent passer inaperc¸us, suivis de l’apparition d’une se´miologie psychiatrique brutale et bruyante qui entraıˆne souvent l’hospitalisation en milieu spe´cialise´ (Dalmau et al., 2007). Les crises d’e´pilepsie apparaissent secondairement, associe´es a` une alte´ration progressive de la conscience, parfois a` une dysautonomie avec fluctuation de la tension arte´rielle, du rythme cardiaque et de la tempe´rature. Des mouvements anormaux de la face a` type de dyskine´sie ou de dystonie et des mouvements oculaires anarchiques et spontane´s sont fre´quents et caracte´ristiques. La gravite´ du tableau clinique ne´cessite souvent une hospitalisation en unite´ de soins intensifs avec ventilation assiste´e. L’IRM est souvent normale ou montre une atteinte plus diffuse que les ence´phalites limbiques habituelles avec des hypersignaux de petite taille frontaux ou parie´taux ou une prise de contraste me´ninge´e (Dalmau et al., 2007). Une ple´iocytose lymphocytaire est classiquement trouve´e en association avec une hyperprote´inorachie mais le liquide ce´phalorachidien peut eˆtre normal. Environ 65 % des patients ont une tumeur ; il s’agit le plus souvent d’un te´ratome ovarien mature ou non (Dalmau et al., 2007). Une immunothe´rapie (corticoı¨des en bolus, immunoglobuline intraveineuse, plasmaphe´re`se ou immunosuppresseur), associe´e au traitement du te´ratome, permet une ame´lioration clinique lente et progressive sur plusieurs mois. La fre´quence de cette ence´phalite limbique est inconnue, mais tre`s certainement sous-diagnostique´e puisqu’en quelques mois plus de 100 cas ont e´te´ re´pertorie´s. De plus, elle pourrait e´galement eˆtre observe´e chez les hommes (Novillo-Lo´pez et al., 2008) et des tableaux frustres avec confusion et e´pilepsie semblent possibles. D’autres types d’ence´phalites limbiques parane´oplasiques ou non ont e´te´ e´galement de´crits ces derniers mois, notamment avec des anticorps anti-GAD (Saiz et al., 2008) ou avec des anticorps reconnaissant des antige`nes membranaires non encore identifie´s appele´s antineuropiles (Cartalat-Carel et al., 2008 ; Dalmau et Rosenfeld, 2008). Depuis quelques mois, une nouvelle classification se de´gage donc partageant les ence´phalites limbiques non pas entre parane´oplasiques et non parane´oplasiques, mais en fonction de la nature membranaire ou intracellulaire de l’antige`ne reconnu par les auto-anticorps circulants (Cartalat-Carel et al., 2008 ; Dalmau et Rosenfeld, 2008 ; Graus et al., 2008). Cette classification semble pertinente dans la mesure ou` les ence´phalites limbiques, dont l’antige`ne est membranaire (NMDA-R-Ab, VGKC-Ab, antineuropile), re´pondent tre`s bien au traitement immunomodulateur, contrairement a` celles avec antige`ne intracellulaire (CartalatCarel et al., 2008 ; Dalmau et Rosenfeld, 2008). Cette re´ponse the´rapeutique diffe´rentielle serait due au fait que les anticorps membranaires joueraient un roˆle direct dans la physiopathologie, comme les anticorps anti-GAD dans les ataxies ce´re´belleuses (Manto et al., 2007), contrairement aux anticorps dirige´s contre des de´terminants intracellulaires qui ne seraient que des marqueurs se´riques d’une re´action inflammatoire impliquant l’immunite´ cellulaire (Dalmau et Rosenfeld, 2008). Il reste ne´anmoins un groupe important d’ence´phalites limbiques sans anticorps clairement identifie´ (Graus et al., 2008) dont les spe´cificite´s cliniques restent a` pre´ciser. D’apre`s l’ensemble de ces e´le´ments, la fre´quence des ence´phalites limbiques semble largement sous-estime´e,

notamment pour ce qui concerne les formes sporadiques. De plus, une nouvelle classification plus pertinente sur le plan clinique apparaıˆt ne´cessaire. Les diffe´rents tableaux cliniques restent a` pre´ciser et ne´cessitent que tous les cas suspects soient collige´s et re´pertorie´s. La conservation des liquides ce´phalorachidiens et leur e´tude syste´matique pourraient permettre dans les mois a` venir des de´couvertes physiopathologiques extreˆmement importantes.

r e´ f e´ r e n c e s

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J. Honnorata,b,* Centre de re´fe´rence maladie rare « syndromes neurologiques parane´oplasiques », hoˆpital neurologique, neurologie B, hospices civils de Lyon, 59, boulevard Pinel, 69394 Bron, France b Inserm U842, universite´ Lyon-1, UMR-S842, Lyon, France

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*Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected]. Disponible sur Internet le 20 novembre 2008 0035-3787/$ – see front matter # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. doi:10.1016/j.neurol.2008.10.004