Rev M t d Interne 2003 ; 24 Suppl 2 : 247-249 © 2003 l~ditions scientifiques et mtdicales Elsevier sAs. Tous droits rtservds
Les 6toiles et le monde.., adios, je file sur mes deux pieds S.S. Mod61iar, B. Vidal, R. C e v a l l o s , V. Salle, A. Sinai1, X. L e s c u r e , Y. D o u a d i , M . N . G u i l h a u m e , R D u h a u t , J.R D u c r o i x Service de mddecine interne E, CHU Nord, place Victor-Pauchet, 80054 Amiens cedex I, France
LES FAITS CLINIQUES Monsieur G.D., n6 en 1932, est vu pour la premihre fois dans le service en 1999 pour une asthtnie chronique. I1 signale une perte de poids modtrte (passage de 80 ~ 76 kg en quelques mois pour une tail!e ~ 1,85 m). Uexamen clinique retrouve un dtdoublement de B2 sans souffle, un petit htmatome sous-ungutal au niveau du gros orteil droit, et est rigoureusement normal par ailleurs. Le patient est apyrttique et ne prtsente pas de signe ou sympt6me antres que 1' asth6nie. Sur le plan biologique en revanche, est retrouvte une VS 87 mm ~ la premiere heure, des leucocytes totaux ~t2 000/ mm 3 dont 22 % de PNN, 33 % de lymphocytes et 44 % de monocytes. L'h6moglobine est ~ 12 g/dL, le VGM ~ 85 g3, et les plaquettes ~ 184 000/mm 3. Bilan htpatique, LDH, TR TCA sont normanx, le fibrinogtne est ~ 5,4 g/L, l'61ectrophor~se des prot6ines objective un profil inflammatoire sans autre anomalie. Une biopsie mtdullaire est rdaliste, normale avec cellularit6 riche sans signe de fibrose. Le patient ne signale dans ses anttcddents qu'une tuberculose ganglionnaire trait6e en 1996 pendant une ann6e. I1 n'a pas voyag6. I1 est actuellement retrait6 et trait ouvrier agricole. I1 ne fume plus, et le tabagisme pass6 est estim6 10 paquets-ann6e. La radiographie pulmonaire montre une chancre de primo-infection tuberculeuse d' allure stquellaire au niveau du segment basal du lobe inf4rieur gauche. Le scanner thoraco-abdominal confirme les images thoraciques sans signe de tuberculose active et retrouve une image de 2 cm de diam&re au niveau de la surrtnale gauche, 6tiquette incidentalome. Le patient sera rtgulihrement suivi en consultation dans le service depuis cette date. I1 rapporte en mai 2002 une aggravation de l'asthtnie pourtant habituelle chez lui, avec apparition d'une toux shche. I1 sera hospitalis6 en juillet 2002 pour hyperthermie et vomissements. I1 existe alors une perte de poids suppltmentaire de 8 kg environ survenue en trois mois. Uexamen clinique retrouve, chez ce patient ~ l'ttat gdn6ral strieusement altdrt, quelques crtpitants fins de la base droite et reste normal par ailleurs. La tempdrature est ~ 38°C le matin, 38,5 °C le soir. La VS est ~ 120 mm ?~la premiere heure, la CRP 5 60 mg/L, le ionogramme sanguin ainsi que le bilan
h6patique restent normaux, mais les LDH sont angmenttes 921 U/L (normale < 450). La NFS objective une an6mie 8 g/alL, normochrome normocytaire, le taux de leucocytes cependant est normalis6 avec passage en ptriph6rie de 4 % de blastes, le bi!an de coagulation reste normal. La radiographie pulmonaire est donnde en Fig. 1. Le bi!an bact6riologique (h6mocultures, recherches de BK darts les crachats) est ndgatif. Une fibroscopie bronchique revient macroscopiquement normale, les biopsies syst6matiques ntgatives, le lavage ne retrouve ni BK ni germe pathog~ne. La recherche de pneumocystis est n6gative tant en PCR qu'en immunofluorescence. La recherche de toxoplasme est n6gative en May-Grfinwald-Giemsa. La cytologic du lavage bronchioloalv6olaire ne montre pas de cellu-
Fig. 1.
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S.S. Moddliar et al.
Fig. 2.
Fig. 3.
les malignes, mais le comptage des sous-cattgories cellulaires n'a pas pu atre rtalis6 par manque de matdriel. Un traitement par Oflocet ® et Rulid ® n'apporte aucune am41ioration et est arr~t6 au 14e jour. Le mytlogramme objective un envahissement blastique de l'ordre de 50 %. Le patient est transfust, une chimiothtrapie per os par Purintthol ® 1 cp par jour et Hydrea ® 2 cps par jour est instaurde et l'6volution clinique en dehors des signes pulmonaires est favorable. Le 8 septembre, nouvelle hospitalisation pour dtgradation de l'ttat gtndral : l'asthtnie est extreme, le patient est grabataire sans ddficit moteur, mais la fonte musculaire est impressionnante, le patient est cachectique, le poids est 55 kg. La bradypsychie et l'adynamie, dtj?~ nottes en 1998, se sont nettement accentutes. L'examen neurologique est normal. La toux shche persiste, il existe une anorexie majeure, L'auscultation pulmonaire retrouve toujours quelques crtpitants darts le champ pulmonaire moyen droit, et il existe un placard inflammatoire axillaire droit ovalaire, de 4 x 2 cm, fluctuant en son centre. Le patient est subftbrile ~t 38,5 ° en permanence, sans frissons. Sur le plan htmatologique, leucocytes ~ 900/ram 3, antmie ~ 7 g/dL, discrtte thrombopdnie ~ 132 000. Htmocultures et nouvelles recherches de BK dans les crachats restent ntgatives. La radiographie pulmonaire est donnde en Fig. 2, le scanner ctrtbral rtalis6 en raison de la bradypsychie, en Fig. 3. Le patient sera transfus6 sans nette amtlioration de l'asthtnie. Une biopsie chirurgicale est discutte, mais on s'en passera ! Monsieur G.D. quitte le service de mddecine interne le 5 octobre, apyrttique, aprhs avoir repris la marche (avec le
soutien actif du kintsithtrapeute) dans le couloir. La toux a disparu.
DI~MARCHE DIAGNOSTIQUE Diagnostic: infection ~ Nocardia astdro~'des chez un patient immunodtprimt. Nous avons rtalis6 une ponction de l'abc6s axillaire droit, et la raise en culture sur milieu banal a mis en 6vidence de nombreuses bacttries Gram positif et acido-alcoolortsistantes au terme de 8 jours de culture, identifites comme Nocardia astdro'z'des. Le patient a 6t6 trait6 par Bactrim ® 3 g/j intraveineuse avec disparition de la tempdrature en une semaine, disparition progressive de la toux en deux semaines et reprise parallhle de l'alimentation. Uabc~s a disparu en un mois et l'opacit6 pulmonaire de la base droite objectivait une trhs nette diminution an dtbut du mois de novembre 2002.
DISCUSSION Nocardia astdro~'des est une bacttrie atrobie stricte de pousse lente (les colonies peuvent mettre quatre semaines apparaitre). Elle tient son nora d'Edmond Nocard, vtttrinaire frangais (1850-1905). C'est une bacttrie tellurique tr~s largement rtpandue, qui devient pathog~ne chez des sujets tr~s immunodtprimts : notre patient prtsentait une antmie rtfractaire, en transformation blastique ~t partir de mai 2002. L'atteinte est d'abord pulmonaire dans 75 % des cas, et peut se compliquer d'une disstmination htmatog~ne. Les images radiographiques pulmonaires peuvent se prtsenter
Poster
de faqon tr~s variable, de l'infiltrat r6ticulonodulaire l'image pseudommorale ou pneumonique avec caveme ou abc~s, 6panchement pleural.., la diss6mination peut conduire ~tune atteinte neurom6ning6e (pr6sente chez 50 % des patients) elle aussi d'6volution chronique, avec ralenfissemerit psychomoteur, c6phal6es, d6ficits localis6s. On retrouve ~t la ponction lombaire une hyperprot6inorachie et une hypoglycorachie, associ6e h une pl6iocytose, mais le germe n'est jamais retrouv6 dans le LCR, ni ~ l'examen direct, ni en culture. Dix pour cent des patients enfin peuvent pr6senter des m6tastases cutan6es ou visc6rales multipies. Le diagnostic doit atre 6voqu6 devant un tableau f6brile ou une alt6ration de l'6tat gdn6ral chronique chez un patient immunod6prim6, et l'6volution clinique spontan6e en fait un diagnostic diff6rentiel de la tuberculose. Les h6mocultures sont habituellement n6gatives, mais les prdl~vements tissulaires sont souvent riches. Chez notre patient, le LBA et
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1' analyse des crachats n'avaient pas permis de retrouver le germe, ce qui est remarquable compte tenu de l'importance de la 16sion pulmonaire. L' association ldsion pulmonaire, 16sion c6r6brale et 16sion cutan6e est tj:bs 6vocatrice du diagnostic 6tiologique dans le contexte de l'immunod6pression. Le traitement repose avant tout sur le Bactrim ®et doit ~tre poursuivi pendant 4 ~ 6 mois. Une administration par voie parent6rale est recommand6e pendant les premieres semaines. Les c6phalosporines de troisi~me g6n6ration, les cyclines ou les macrolides peuvent 6galement atre employ6s. Le drainage chirurgical des 16sions excavdes peut ~tre utile : notre patient s'est am61ior6 sous traitement m6dical seul. Le pronostic d6pend bien stir de l'affection sous-jacente, mais la nocardiose dans sa forme visc6rale dissdmin6e peut entra~ner la mort darts 50 % des cas. Les formes pulmonaires isol6es gu6rissent, quant ~telles, chez 90 % des patients.