Les fièvres hémorragiques virales

Les fièvres hémorragiques virales

Pathologie infectieuse Les fièvres hémorragiques virales H. Zeller, M.C. Georges-Courbot Centre National de Référence des Fièvres hémorragiques viral...

184KB Sizes 4 Downloads 129 Views

Pathologie infectieuse

Les fièvres hémorragiques virales H. Zeller, M.C. Georges-Courbot Centre National de Référence des Fièvres hémorragiques virales, Unité de Biologie des Infections Virales Emergentes, Institut Pasteur, 21 avenue Tony Garnier, 69365 Lyon cedex 07. Correspondance : H. ZELLER, voir adresse ci-dessus. e-mail : [email protected]

Résumé/Abstract ■■ ■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■ Les fièvres hémorragiques virales H. Zeller, M.C. Georges-Courbot Les fièvres hémorragiques virales (FHV) regroupent une douzaine d’infections qui associent à une fièvre généralement élevée des signes hémorragiques d’intensité variable avec un taux de létalité important. Les virus responsables appartiennent à différentes familles dont les Flaviviridae (dengue, fièvre jaune, Omsk, Kyasanur, Alkhurma), et les Bunyaviridae (Crimée-Congo, fièvre de la vallée du Rift), transmis par des moustiques ou des tiques, les Arenaviridae (Lassa, Junin, ...) et les Hantavirus transmis par les déjections de rongeurs, et les Filoviridae (Ebola, Marburg) pour lesquels le réservoir naturel reste mal connu. La contagiosité inter-humaine de certaines FHV implique des mesures appropriées d’isolement des malades. La confirmation de l’étiologie virale est guidée par le contexte épidémiologique en parallèle avec la recherche d’autres agents microbiens ou parasitaires à l’origine de syndromes fébriles hémorragiques. Les traitements par antiviraux restent très limités (ribavirine pour les Arenavirus et CriméeCongo). En cas de suspicion d’agents de classe 4, une procédure spécifique pour l’expédition des échantillons doit être appliquée ; le diagnostic rapide est initié en laboratoire P4 avec détection directe de génome viral par RT-PCR ou d’antigène viral et détection d’anticorps IgM/IgG par ELISA. Mots-clés : fièvres hémorragiques, virus, épidémiologie, diagnostic.

Viral hemorrhagic fevers H. Zeller, M.C. Georges-Courbot Viral hemorrhagic fevers (VHF) include a variety of infections which associated usually high fever with hemorrhages more or less intense with a high fatality rate. The viruses belong to different families : the Flaviviridae (dengue, Yellow fever, Omsk, Kyasanur, Alkhurma), and Bunyaviridae (Crimean-Congo, Rift Valley fever) transmitted by mosquitoes or ticks, the Arenaviridae (Lassa, Junin…) and hantaviruses transmitted by excretas from rodents, and finally the Filoviridae (Ebola, Marburg) with bats as possible natural reservoir. Human to human transmission which may occur for some viruses requires an appropriate management of the patients with isolation measures and a rapid diagnosis. Due to the large variety of infectious agents potentially responsible for hemorrhagic fever, epidemiological informations are needed for the biological investigation. Transportation of biological specimens to the reference laboratory for diagnosis must follow specific regulations. Ribavirin is the unique antiviral treatment available for Crimean-Congo and Arenavirus infections. Rapid diagnosis must be initiated in a P4 lab with direct detection of viral genome by means of RT-PCR or detection of viral antigen and IgM/IgG antibodies by ELISA. Key words: hemorrhagic fever, virus, epidemiology, diagnostic. Antibiotiques 2006 ; 8 : 215-220

© 2006. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Introduction Les fièvres hémorragiques virales (FHV) correspondent à des entités cliniques qui englobent des viroses très diverses. Souvent classées comme maladies émergentes, elles sont pour la plupart endémiques selon les régions et peuvent engendrer parfois des épidémies importantes [1]. Elles se caractérisent par une fièvre généralement élevée, des maux de tête, des arthralgies, des douleurs abdominales, et des signes hémorragiques d’intensité très variable (épistaxis, gingivorragies, vomissements sanglants, melena) suite à une augmentation de la perméabilité vasculaire et pouvant conduire au décès par choc cardio-vasculaire. Les tableaux cliniques de fièvres hémorragiques sont peu spécifiques, les signes hémorragiques peuvent être discrets et peu évocateurs et les étiologies multiples. Le paludisme doit être considéré en première ligne en régions tropicales de même que certaines infections bactériennes comme les shigelloses, la typhoïde, la leptospirose ou des hépatites.

Epidémiologie des FHV Les FHV sont des anthropozoonoses, atteignant des populations animales mais pouvant aussi parfois toucher l’homme. Certaines d’entre elles sont transmises par des arthropodes qui jouent le rôle de vecteurs, ce sont des arboviroses comme la dengue ou la fièvre jaune. D’autres FHV sont transmises par inhalation de poussières contaminées par des déjections de rongeurs ou autre réservoir ou par contact direct avec un animal infectant. L’apparition de contaminations interhumaines en chaîne parfois dramatiques nécessite un diagnostic précoce et

215

Les fièvres hémorragiques virales

H. Zeller, M.C. Georges-Courbot

une vigilance accrue des cliniciens et du personnel de soin dans les zones d’endémie majeure ou d’émergence potentielle, ainsi qu’une information de la population. Des cas d’importation peuvent aussi être observés [2, 3]. La manipulation de ces virus nécessite des laboratoires de sécurité biologique de type 3 ou 4 pour assurer la protection de l’environnement et du manipulateur [4]. Les traitements antiviraux spécifiques n’existent que pour quelques virus et doivent être entrepris rapidement. Les propriétés de certains de ces virus, parmi les plus pathogènes en font des agents potentiels d’armes biologiques.

Les arbovirus responsables de fièvres hémorragiques

216

Par ordre d’importance, la dengue (DEN) représente la première arbovirose avec une très large distribution géographique dans les régions tropicales et touchant chaque année entre 50 et 100 millions de personnes. Elle est transmise par des moustiques du genre Aedes largement répandus en zones tropicales (tableau 1) [5]. La plupart des infections sont inapparentes ou frustes. Il existe 4 virus différents de dengue qui co-circulent et qui ne présente pas d’im-

munité croisée entre eux. Plusieurs dizaines de milliers de cas de formes hémorragiques sont rapportés chaque année, avec des centaines de décès, notamment chez les jeunes enfants mais également des formes neurologiques. La fièvre jaune (YF), transmise également par des Aedes est présente en Afrique subsaharienne (Afrique australe exclue) et en Amérique du Sud. Malgré un vaccin efficace, des épidémies ont été signalées en 2005 en Afrique de l’Ouest (Guinée, Sénégal, Mali, Burkina Faso) et Afrique de l’Est (Soudan) et au Venezuela. Des cas d’importation sont régulièrement rapportés chez des touristes non immunisés (Belgique 2001, USA 2002) [6]. D’autres FH plus rares comme la FH d’Omsk présente en Russie, la FH de la forêt de Kyasanur en Inde (état de Kérala), ou bien celle liée au virus Alkhurma en Arabie Saoudite sont transmises par des tiques [7]. Les virus responsables de ces différentes infections appartiennent à la famille des Flaviviridae, genre Flavivirus. Ce sont des virus enveloppés à ARN simple brin de polarité positive. D’autres virus enveloppés à ARN simple brin tri-segmenté de polarité négative de la famille des Bunyaviridae induisent des FHV. Le virus de la fièvre de la vallée du Rift (RVF), du genre Phlebovirus, et

transmis par des moustiques est responsable d’épizooties au niveau du cheptel. Les petits ruminants sont particulièrement sensibles avec avortements et mortalité des jeunes animaux, et ce avant généralement l’apparition de cas chez l’homme. Présente en Afrique sub-saharienne et Madagascar, la RVF a été responsable d’épidémies majeures en Égypte (1977, 1993), Mauritanie (1987) et Éthiopie (1997), et a brusquement émergé hors d’Afrique en Arabie Saoudite et au Yémen en 2000 [8]. Le virus de la FH de Crimée-Congo (CCHF) transmis par des tiques présente une aire de répartition géographique très large en Afrique et en Eurasie. L’homme se contamine par piqûre de tiques infectées (tiques dures dont les Hyalomma sp. souvent présentes sur le cheptel) ou par contamination directe lors de l’abattage d’animaux en phase de virémie [9]. L’infection chez les animaux est totalement asymptomatique. Les cas humains sont sporadiques mais parfois lors d’une intense circulation virale chez les tiques, l’épisode peut prendre un caractère épidémique comme au Kosovo en 2001 ou en Turquie en 2003 [10]. Des infections nosocomiales sont rapportées dans les régions où les mesures de protection du personnel soignant sont défaillantes. En février 2003 à l’hôpital de Nouakchott

Tableau 1 Principaux virus responsables de fièvres hémorragiques. Main Viruses responsible for haemorragic fevers.

Vecteur/ Réservoir

Maladie/Virus

Localisation

Flavivirus

moustique " tique " "

Fièvre jaune (YF) = virus amaril Dengue (DEN) 1 2 3 4 Maladie de la forêt de Kyasanur (KFD) Fièvre hémorragique d’Omsk (OMSK) Alkhurma (ALK)

Afrique, Am. Sud Tropiques Inde (Mysore) Russie Arabie Saoudite

3 3 3 3 3

Phlebovirus

moustique

Fièvre de la vallée du Rift (RVF)

Afrique, Arabie

3

Nairovirus

tique

Fièvre hémorragique de Crimée Congo (CCHF)

Afrique, Moyen-Orient Eurasie

4

Arenavirus

rongeur rongeur rongeur ? rongeur

F.H. d’Argentine (Junin : JUN) F.H. de Bolivie (Machupo : MAC) F.H. du Venezuela (Guanarito : GTO) FH du Brésil (Sabia : SAB) Fièvre de Lassa (LAS)

Argentine Bolivie Venezuela Brésil zone Guinée-Nigeria

4 4 4 4 4

Filovirus

chauve-souris? ?

Ebola (EBO Zaire, Soudan) Ebola Côte d’Ivoire Marburg (MBG)

Afrique centrale Côte d’Ivoire Afrique Est, centrale

4 4 4

Hantavirus

rongeur

Fièvre hémorragique à syndrome rénal (FHSR) : (Hantan (HTN), Seoul (SEO), Puumala (PUU), Dobrava (DOB), Saarema (SAA)

Eurasie

"

Syndrome Pulmonaire à Hantavirus (HPS) : Sin Nombre (SN), Andes (AND), …

Amériques

Genre

Classe

2 et 3

3

ANTIBIOTIQUES, 2006 ; 8 : 215-220 © 2006. ELSEVIER MASSON SAS. TOUS DROITS RÉSERVÉS

Pathologie infectieuse

en Mauritanie, l’admission d’un patient au service des urgences a engendré 15 cas d’infections nosocomiales dont 5 cas (2 décès) parmi le personnel soignant [11]. Un cas d’importation en France a été identifié fin 2004 en provenance du Sénégal [12].

macrophages et cellules dendritiques sont des cibles précoces et privilégiées, les cellules endothéliales étant infectées plus tardivement [22, 23]. Une réponse immune inadéquate ou retardée peut aboutir au développement d’une forte virémie non contrôlée [24]. Des atteintes et nécrose de certains organes cibles sont aussi rapportées. L’atteinte hépatique est surtout observée pour la fièvre jaune, les filovirus, la fièvre de la vallée du Rift et Crimée Congo. Les atteintes rénales sont spécifiques des hantavirus mais peuvent aussi survenir pour d’autres viroses. Les hémorragies peuvent être majeures pour les virus CCHF, YF, DEN, Ebola ou Marburg.

Les viroses transmises par des rongeurs et autres mammifères Plusieurs virus sont transmis par inhalation de poussières contaminées par des déjections de rongeurs excréteurs de virus comme les arénavirus. Ce sont des virus à ARN monobrin bi-segmenté de polarité ambisens. Le virus de la fièvre de Lassa (LAS) est rencontré en Afrique de l’Ouest de la Guinée au Nigeria. Le principal réservoir du virus est un rongeur péri-domestique (Mastomys natalensis) qui excrète le virus, l’homme s’infectant par inhalation de poussières contaminées. Des infections nosocomiales sont décrites en milieu hospitalier dans des conditions d’hygiène aléatoires. La découverte du virus en 1969 s’est soldée par la contamination des deux chercheurs qui l’ont isolé et le décès de l’un d’entre eux. Cet accident a été à l’origine de la mise en place de laboratoires de haute sécurité. Les principaux foyers sont localisés au Sierra Leone et Liberia et au Nigeria. Certaines estimations avancent plus de 30 000 cas cliniques de fièvre de Lassa chaque année mais l’instabilité politique dans les régions concernées ne permet pas d’évaluer la situation réelle de cette virose. En 2000, 4 cas de fièvre de Lassa d’importation en Europe, tous mortels, ont été diagnostiqués [13]. D’autres arénavirus circulent en Amérique du Sud : Junin en Argentine, Machupo en Bolivie, Sabia au Brésil et Guanarito au Venezuela [14]. Les Filoviridae incluant les virus Ebola (EBO) et le virus Marburg (MBG) sont des virus à ARN monobrin, non segmenté de polarité négative. Les infections par ces filovirus en Afrique Centrale sont localisées : environ 2 500 cas suspects au total ont été signalés dans le monde depuis l’identification de ces virus en 1967 pour Marburg et en 1976 pour Ebola, mais le taux de mortalité peut atteindre 90 %. Une douzaine d’épidémies identifiées : 4 au Gabon, 3 en République Démocratique du Congo, 3 au Soudan,

1 en Ouganda, en Angola, 3 en République du Congo [1, 15]. La gravité des épidémies est liée à la contagiosité de ces virus à l’origine de chaînes de transmission intra-familiales et intra-hospitalières. Le personnel soignant directement exposé a payé un lourd tribu lors de ces épisodes [15]. Il existe plusieurs virus Ebola différents en Afrique : Soudan, Zaïre et Côte d’Ivoire. La manipulation de grands singes morts en forêt a été à l’origine de plusieurs épidémies d’Ebola pour lequel les chauves-souris sont un réservoir potentiel [16]. Un autre virus Ebola Reston identifié à Reston en Virginie (Etats-Unis) chez des singes en quarantaine en provenance des Philippines n’est pas considéré comme pathogène pour l’homme [17]. Les Hantavirus, autres virus de la famille des Bunyaviridae sont responsables de Fièvres hémorragiques à syndrome rénal (FHSR) dans lesquelles l’atteinte rénale et la diurèse après la phase fébrile sont des marqueurs pathognomoniques [18]. Ils sont présents en Asie (Hantaan, Seoul), en Europe (Puumala, Dobrava, Saarema). Comme pour les Arenaviridae, chaque virus est inféodé à une espèce de rongeur comme le virus Puumala en France chez le campagnol roussâtre, Clethrionomys glareolus [19]. Sur le continent américain, d’autres hantavirus circulent comme Sin Nombre ou Andes ; ils sont responsables de syndrome de détresse respiratoire (HPS) avec un fort taux de mortalité [20].

Pathophysiologie La plupart des virus responsables de FHV ont une affinité pour le système vasculaire se traduisant par une augmentation de la perméabilité vasculaire et l’apparition de signes comme des injections conjonctivales ou des pétéchies associées avec de la fièvre et des myalgies (tableau 2). Des hémorragies multiples massives peuvent survenir s’accompagnant d’état de choc et de défaillance circulatoire. La relative sévérité des manifestations cliniques est très variable et dépend de multiples facteurs dont le virus en cause, la charge virale et le mode d’exposition [21]. Des études in vitro suggèrent le rôle de certaines cytokines dans l’induction de la perméabilité vasculaire. Chez les singes infectés expérimentalement par Ebola, les monocytes,

Clinique Les périodes d’incubation sont variables en moyenne de 2 à 7 jours pour la plupart des arbovirus, de 3 à 15 jours pour les filovirus et les arénavirus, de 2 à 5 semaines pour les hantavirus. Les formes cliniques bénignes se caractérisent par un syndrome fébrile pseudo-grippal avec forte fièvre, des myalgies, des lombalgies, des frissons, des nausées et vomissements, et une prostration. La durée de la maladie est le plus souvent de 3-5 j suivie d’une complète récupération dans les 2 semaines. Les formes plus sévères comprennent une seconde phase s’accompagnant d’atteinte hépatique avec ictère pour la fièvre jaune et CCHF, de douleurs abdominales, épistaxis, gingivorragies, hémorragies conjonctivales, albuminurie et anurie. Des formes fulminantes en 2-5 jours sont rapportées. L’apparition vers le 4e jour d’une éruption maculo-papuleuse sur la face, le tronc, les membres pour les infections EBO et MBG est habituellement d’un mauvais pronostic et annonce l’apparition des signes hémorragiques. Il n’y a pas d’ictère mais une oligurie marquée. Pour CCHF, les manifestations hémorragiques apparaissent entre le 4e et 5e jour avec hématémèse et méléna [9]. Des atteintes neurologiques peuvent aussi survenir pour CCHF, RVF ou LAS sous formes de tremblements, convulsions, coma. Des manifestations oculaires sont rapportées pour la RVF avec perte de vision centrale dans les 7 à 20 jours suivant le début des symptômes. Pour LAS, le début de la maladie est insidieux avec fièvre, faiblesse générale et

217

Les fièvres hémorragiques virales

H. Zeller, M.C. Georges-Courbot

Tableau 2 Signes cliniques des fièvres hémorragiques virales selon l’agent étiologique, vaccins et traitement. Clinical pictures of haemorragic fevers as a function of aetiological agent, vaccines and treatment.

Arenavirus Am du sud

Hantavirus Syndrome rénal

Hantavirus Syndrome pulmonaire

4

4

2 et 3

3

3-10 j

5-15 j

7-14 j

2-5 semaines

2-5 semaines

10-70

1

10-15

5-50

0-5

30-40

++ +

+ ++ ++ +

+

++ + ++

+ ++ ++

+++

+++

VIRUS

Ebola Marburg

Fièvre de la vallée du Rift

Fièvre de CriméeCongo

Classe de biosécurité

4

3

4

3

3

Incubation

3-15 j

2-7 j

1-12 j

3-8 j

Létalité (%)

50-90

0-10

5-30

Hémorragies Rash Pétéchies Ecchymoses Méléna

++ ++ ++ ++ +++

++

+++

+ +

+++ ++ ++

Choc

+++

++

+++

+++

Atteinte hépatique

+

+++

+++

+++

Atteinte rénale

+

+

+

++

Atteinte nerveuse

+

++

+

+

Atteinte oculaire

Fièvre Fièvre Dengue de Lassa jaune

+

+++

+

++

+

+++

+

+

++

++

+

Oedème

+ +++

++

++

Atteinte pulmonaire Traitement ribavirine Vaccin humain

218

+ non

non

+

+

non

++ +/-

+++

Oui (HTN)°

non

+ Oui

non

non

Oui (JUN)*

* Vaccin Candid-1 pour le virus Junin (Argentine). ° Vaccin pour le virus Hantaan (Corée, Chine).

malaise, puis apparition de douleurs pharyngées, toux, conjonctivite, ainsi qu’un œdème facial et parfois des hémorragies sous-conjonctivales et saignements discrets (gengivorragies, epistaxis). Le taux de mortalité varie de 1 à 30 % pour la plupart des arbovirus et des arénavirus, et à plus de 70 % pour les filovirus. La grossesse est un facteur de risque important pour LAS : la mortalité maternelle est particulièrement élevée pendant le 3e trimestre, et le taux de mortalité fœtale proche de 100 % [25]. Le taux de mortalité est de 0 à 5 % pour les hantavirus responsables de syndrome rénaux (aucune mortalité associée au virus Puumala présent en France) et de 30 à 50 % pour les hantavirus à syndrome pulmonaire) [20].

Diagnostic

sanglants et diarrhées sanglantes. La recherche d’étiologies microbiennes comme la typhoïde ou des septicémies hémorragiques à méningocoques, rickettsiose, leptospirose, ou bien d’hépatites virales, et éventuellement de toxicoses doit être entreprise. Un diagnostic différentiel doit être fait en fonction de la zone géographique de contamination potentielle notamment pour le paludisme, (gouttes épaisses répétées, recherche d’antigène). Le diagnostic virologique est réalisé principalement sur sang total (sérum) et EDTA, mais aussi en fonction du contexte clinique sur LCR, ou prélèvements biopsiques (foie, peau…) [26, 27]. La recherche du virus LAS sur les urines est aussi possible. La fixation au formaldéhyde à 10 % pour les prélèvements biopsiques est requise pour l’immunohistochimie.

DIAGNOSTIC CLINIQUE

DIAGNOSTIC VIROLOGIQUE

Le diagnostic clinique de FHV n’est pas spécifique, les hémorragies qui ne sont pas toujours présentes peuvent se manifester sous forme de troubles de la coagulation, gingivorragies, vomissements

Il est basé sur l’identification directe de l’agent causal en association avec une investigation sérologique, la présence concomitante de génome viral et d’IgM correspondantes pouvant être observée.

La recherche directe du virus est faite par RT-PCR (en temps réel ou classique), capture d’antigène et secondairement l’isolement viral [28-31]. La RT-PCR est indiquée dans les 5-6 jours suivant le début des signes cliniques pour les virus DEN, YF, RVF et jusqu’à 10-12 jours pour les arenavirus, filovirus et mais aussi pour CCHF (figure 1). Les techniques ELISA (type immuno-capture) et immunofluorescence sont habituellement utilisées pour le diagnostic sérologique [32, 33]. Dans les formes graves à issue fatale, la réponse immunitaire IgM peut être totalement absente, avec une charge virale importante [34]. Le diagnostic des hantaviroses se fait habituellement par sérologie, les anticorps IgM étant présents lors de la phase clinique. L’utilisation de tests rapides type bandelettes permet une différenciation rapide avec d’autres infections comme la leptopsirose et d’éviter des prescriptions inappropriées. Des techniques d’identification par RT-PCR ont été développées [35]. Tout résultat de FHSR (test positif ou douteux) doit être confirmé au CNR des FHV qui recueille également des informations épidémio-cliniques correspondantes.

ANTIBIOTIQUES, 2006 ; 8 : 215-220 © 2006. ELSEVIER MASSON SAS. TOUS DROITS RÉSERVÉS

Pathologie infectieuse juguler rapidement les épidémies, notamment celles liées aux filovirus. Des efforts de recherche sont entrepris pour pouvoir disposer de thérapeutiques antivirales spécifiques ainsi que de vaccins adaptés.

Vir émie Dengue, fièvre jaune, Rift Vir émie Arenavirus , Filovirus , Crimée-Congo Début des signes cliniques IgM

IgG

Pour toute information complémentaire, contacter : 0

4

8

12

16

Centre National de Référence des Fièvres hémorragiques virales

RT-PCR

21 avenue Tony Garnier, 69365 Lyon cedex 07

Antigène capture

Tél. : 04 37 28 24 21/57, Fax 04 37 28 24 51

Isolement

[email protected], [email protected]

Sérologie :ELISA IgM IgG, IF…

site : http://www.pasteur.fr/sante/clre/ cadrecnr/arboFHV-index.html

FIG. 1. — Cinétique de la virémie et de l’apparition des anticorps IgM et IgG des principaux virus responsables de fièvres hémorragiques, et stratégie en terme de diagnostic.

fiche de renseignement à joindre à tout envoi :

FIG. 1. — Kinetics of viremia and of IgM and IgG antibodies of the main viruses responsible for haemorragic fevers, and strategies for the diagnosis.

PROCÉDURES D’EXPÉDITION

Les prélèvements doivent être envoyés au CNR des FHV accompagnés de la fiche de renseignements indispensable pour la mise en œuvre des diagnostics et l’interprétation des résultats. Les échantillons à tester (sang sur tube sec, sang sur EDTA) seront acheminés à 4 °C par un transporteur agréé en triple emballage selon la procédure pour tout échantillon biologique potentiellement infectieux à visée diagnostique, UN 3373 [26]. Pour toute expédition d’un échantillon infectieux avec suspicion d’agent de classe 4, un contact préalable avec le CNR est indispensable pour assurer la traçabilité de l’envoi et l’initiation du diagnostic d’urgence en P4.

Traitement et prévention La ribavirine s’est montrée efficace pour le traitement de la fièvre de Lassa, ainsi que dans celui des FHV d’Amérique du sud et pour la CCHF si le traitement est entrepris dans les 6 jours suivant le début des signes cliniques [36-38]. Elle est utilisée par voie intraveineuse ou par voie orale en parallèle avec un suivi biologique régulier des effets secondaires réversibles éventuels liés à la molécule (hémolyse modérée et suppression de l’érythropoïèse). Il n’y a pas de vaccins à usage humain en dehors du vaccin amaril 17 D (vaccin

vivant atténué fabriqué sur fibroblastes de poulet comprenant une seule injection, à renouveler tous les 10 ans selon les règlements de vaccination internationale), et le vaccin Candid 1 pour Junin destiné uniquement à la population exposée en Argentine dans la région concernée (agriculteurs…) [39]. Un vaccin contre le virus Hanta est utilisé en Corée et Chine mais son efficacité demande d’être réévaluée [40]. Le développement de vaccins tétravalents pour la dengue fait l’objet de nombreuses recherches [41, 42]. De même, différents vaccins expérimentaux ont été mis au point pour les filovirus ainsi que pour la fièvre de Lassa mais les applications pour l’homme restent encore lointaines [43-47].

http://www.pasteur.fr/sante/clre/cadrecnr/ arboFHV/arboFHV-fiche01.pdf

Références 1

2.

HAAS WH, BREUER T, PFAFF G, et al. Imported Lassa fever in Germany : surveillance and management of contact persons. Clin Infect Dis 2003 ; 36 : 1254-8.

3.

Anonyme. Imported Lassa fever--New Jersey, 2004. MMWR 2004 ; 53 : 894-7.

4.

Anonyme. Management and control of viral haemorrhagic fevers and other highly contagious viral pathogens. European Network for Imported Viral Diseases, 2001 (http://www.enivd.org).

5.

GUBLER DJ. The global emergence/resurgence of arboviral diseases as public health problems. Arch Med Res 2002 ; 33 : 330-42.

6.

BAE HG, DROSTEN C, EMMERICH P, et al. Analysis of two imported cases of yellow fever infection from Ivory Coast and The Gambia to Germany and Belgium. J Clin Virol 2005 ; 33 : 274-80.

7.

CHARREL RN, DE LAMBALLERIE X. Le virus Alkhurma (famille Flaviviridae, genre Flavivirus) : un pathogène émergent responsable de fièvres hémorragiques au Moyen-Orient. Méd trop 2003 ; 63 : 296-9.

8.

SHOEMAKER T, BOULIANNE C, VINCENT MJ, et al. Genetic analysis of viruses associated with emergence of Rift valley fever in Saudi Arabia and Yemen. Emerg Infect Dis 2002 ; 8 : 1415-20.

9.

SWANEPOEL R, GILL DE, SHEPHERD AJ, et al. The clinical pathology of Crimean-Congo hemorrhagic fever. Rev Infect Dis 1989 ; 11 : S794-800.

CONCLUSION

La prévention des FHV allie, à une connaissance des modes de transmission de ces viroses, un respect des mesures strictes d’hygiène pour les soins des patients suspects. L’identification rapide de l’étiologie passe par un dialogue entre cliniciens, virologistes, épidémiologistes et logisticiens. Elle permet d’adapter les mesures en matière d’isolement de traitement antiviral éventuel ainsi que la recherche éventuelle des cas contacts. Sur le terrain, l’information de la population et une forte mobilisation sociale doivent être la priorité première pour arriver à

GEORGES AJ, GEORGES-COURBOT MC. Fièvres hémorragiques virales : historique et enseignements des quarante dernières années. Med trop 2000 ; 60 : 5-18.

219

Les fièvres hémorragiques virales

10. KARTI SS, ODABASI Z, KORTEN V, et al. Crimean-Congo hemorrhagic fever in Turkey. Emerg Infect Dis 2004 ; 10 : 1379-84. 11. NABETH P, CHEIKH DO, LO B, et al. Crimean-Congo hemorrhagic fever, Mauritania. Emerg Inf Dis 2004 ; 10 : 2143-9. 12. JAURÉGUIBERRY S, TATTEVIN P, TARANTOLA A, et al. Imported Crimean-Congo Hemorrhagic fever J Clin Mircrobiol, 2005 ; 43 : 4905-7. 13. MANTKE OD, SCHMITZ H, ZELLER H, et al. External quality assurance programmes for the diagnostic of imported viral diseases and potential viral agents of bioterrorism to enhance the emergency preparedness in Europe. Eurosurveillance 2005 ; 10 : 6. 14. TESH RB, JAHRLING PB, SALAS R, et al. Description of Guanarito virus (Arenaviridae : Arenavirus), the etiologic agent of Venezuelan GTO. Am J Trop Med Hyg 1994 ; 50 : 452-9.

220

H. Zeller, M.C. Georges-Courbot

23. GEISBERT TW, HENSLEY LE. Ebola virus : new insights into disease aetiopathology and possible therapeutic interventions. Expert Rev Mol Med 2004 ; 6 : 1-24.

by reverse transcription-PCR in an outbreak setting and assessment of patient viral load as a predictor of outcome. J Virol 2004 ; 78 : 4330-41.

24. BAIZE S, LEROY EM, GEORGES-COURBOT MC, et al. Defective humoral responses and extensive intravascular apoptosis are associated with fatal outcome in Ebola virusinfected patients. Nat Med 1999 ; 5 : 423-6.

35. AITICHOU M, SALEH SS, MCELROY AK, et al. Identification of Dobrava, Hantaan, Seoul, and Puumala viruses by one-step real-time RT-PCR J Virol Methods 2005 ; 124 : 21-6.

25. BAUSCH DG, DEMBY AH, COULIBALY M, et al. Lassa fever in Guinea : I. Epidemiology of human disease and clinical observations. Vector Borne Zoonotic Dis 2001 ; 1 : 269-81. 26. ZELLER H. Les Fièvres hémorragiques virales : précautions et diagnostic de laboratoire. Rev Fr Lab 2000 ; 321 : 47-50. 27. GUNTHER S, WEISNER B, ROTH A, et al. Lassa fever encephalopathy : Lassa virus in cerebrospinal fluid but not in serum. J Inf Dis 2001 ; 184 : 345-9.

15. NKOGHE D, FORMENTY P, NNEGUE S, et al. Recommandations pratiques pour la prise en charge sur le terrain des patients infectés par le virus Ebola. Méd trop 2004 ; 64 : 199204.

28. BURT FJ, LEMAN PA, SMITH JF, et al. The use of a reverse transcription-polymerase chain reaction for the detection of viral nucleic acid in the diagnosis of Crimean-Congo haemorrhagic fever. J Virol Methods 1998 ; 70 : 129-37.

16. LEROY EM, KUMULUNGUI B, POURRUT X, et al. Fruit bats as reservoirs of Ebola virus. Nature 2005 ; 438 : 575-6.

29. DROSTEN C, KUMMERER BM, SCHMITZ H, et al. Molecular diagnostics of viral hemorrhagic fevers. Antiviral Res 2003 ; 57 : 61-87.

17. PETERSON AT, BAUER JT, MILLS JN. Ecologic and geographic distribution of filovirus disease. Emerg Infect Dis 2004 ; 10 : 40-7.

30. JOHNSON BW, RUSSELL BJ, LANCIOTTI RS. Serotype-specific detection of dengue viruses in a fourplex real-time reverse transcriptase PCR assay. J Clin Microbiol 2005 ; 43 : 4977-83.

18. STRADY C, JAUSSAUD R, REMY G, et al. Les infections à Hantavirus. Presse Med 2005 ; 34 : 391-9. 19. MAILLES A, ABU SIN M, DUCOFFRE G, et al. Larger than usual increase in cases of hantavirus infections in Belgium, France and Germany, June 2005. Eurosurveillance Weekly 2005 ; 10 : 050721 (http://www. eurosurveillance.org/ew/2005/ 050721.asp#4). 20. YOUNG JC, MILLS JN, ENRIA DA, et al. New World hantaviruses. Br Med Bull, 1998 ; 54 : 659-73. 21. MAHANTY S, BRAY M. Pathogenesis of filoviral haemorrhagic fevers. Lancet Inf Dis 2004 ; 4 : 487-98. 22. BRAY M, GEISBERT TW. Ebola virus : The role of macrophages and dendritic cells in the pathogenesis of Ebola hemorrhagic fever. Int J Biochem Cell Biol 2005 ; 37 : 1560-6.

31. ZAKI A, COUDRIER D, YOUSEF AI, et al. Production of monoclonal antibodies against Rift Valley fever virus. Application for rapid diagnosis tests (virus detection and ELISA) in human sera. J Virol Methods 2006 ; 131 : 34-40. 32. KSIAZEK TG, ROLLIN PE, WILLIAMS AJ, et al. Clinical virology of Ebola hemorrhagic fever (EHF) : virus, virus antigen, and IgG and IgM antibody findings among EHF patients in Kikwit, Democratic Republic of the Congo, 1995. J Inf Dis 1999 ; 179 : S177-87. 33. PAWESKA JT, BURT FJ, SWANEPOEL R. Validation of IgG-sandwich and IgM-capture ELISA for the detection of Rift Valley fever antibodies in humans. J Virol Methods 2005 ; 124 : 173-81. 34. TOWNER JS, ROLLIN PE, BAUSCH DG, et al. Rapid diagnosis of Ebola hemorrhagic fever

36. FISHER-HOCH SP, KHAN JA, REHMAN S, et al. Crimean Congo-haemorrhagic fever treated with oral ribavirin. Lancet 1995 ; 346 : 472-5. 37. MCCORMICK JB, KING IJ, WEBB PA, et al. Lassa fever. Effective therapy with ribavirin. N Engl J Med 1986 ; 314 : 20-6. 38. KILGORE PE, KSIAZEK TG, ROLLIN PE, et al. Treatment of Bolivian hemorrhagic fever with intravenous ribavirin. Clin Inf Dis, 1997 ; 24 : 718-22. 39. MONATH TP. Yellow fever vaccine. Expert Rev Vaccines 2005 ; 4 : 553-74. 40. PARK K, KIM CS, MOON KT. Protective effectiveness of hantavirus vaccine. Emerg Infect Dis 2004 ; 10 : 2218-20. 41. BLANEY JE JR, DURBIN AP, MURPHY BR, et al. Development of a live attenuated dengue virus vaccine using reverse genetics. Viral Immunol 2006 ; 19 : 10-32. 42. KITCHENER S, NISSEN M, NASVELD P, et al. Immunogenicity and safety of two live-attenuated tetravalent dengue vaccine formulations in healthy Australian adults. Vaccine 2006 ; 24 : 1238-41. 43. ALAZARD-DANY N, OTTMANN TERRANGLE M, VOLCHKOV V. Ebola et Marburg : les hommes contre-attaquent. Medecine/Sciences 2006 ; 22 : 405-10. 44. Anonyme OMS. Fièvre hémorragique de Marburg. Rel Epid Hebd 2005 ; 80 : 134-138. 45. GEISBERT TW, JONES S, FRITZ EA, et al. Development of a new vaccine for the prevention of Lassa fever. PLoS Med 2005 ; 2 : e183. 46. JONES SM, FELDMANN H, STROHER U, et al. Live attenuated recombinant vaccine protects nonhuman primates against Ebola and Marburg viruses. Nat Med 2005 ; 11 : 78690. 47. LUKASHEVICH IS, PATTERSON J, CARRION R, et al. A live attenuated vaccine for Lassa Fever made by reassortment of Lassa and Mopeia viruses. J Virol 2005 ; 79 : 13934-42.