LES I N D I C A T I O N S DE LA V E N T I L A T I O N M 'CANIQUE DANS LES D 'COMPENSA TIONS AIGU 'S DE L'INSUFFISANCE ESPIRA TOIRE C H R O N I Q U E DE L'ADULTE ~. C H E V R O L E T
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Introduction
Les malades atteints d'insufisance respiratoire chronique, quand l'amputation fonctionnelle respiratoire est grave (capacitfi vitale inffirieure ~ 1,5 litre chez les malades restrictifs, et volume expirfi maximum en une seconde inffirieur au litre chez les obstructifs), pr~sentent assez frfiquemment des @isodes de dficompensation aigufi respiratoire, souvent d'origine infectieuse (bronchites, pneumonies). C'est alors que la question de l'indication ~ la ventilation mficanique se pose chez ces patients. Diff~rents aspects de l'indication 5 cette technique doivent Etre discutfis. Premi~rement, ces malades, souvent en phase terminale d'une maladie dfibilitante majeure, doiventils etre trait~s par des moyens qui impliquent des souffrances pour eux-mEmes et des contraintes riconomiques pour la collectivitfi qui sont loin d'Etre nfigligeables ? Deuxi~mement, si la r@onse ~ cette question est positive, ~ quel moment et selon quels crit~res faut-il recourir ~ ces techniques ? Enfin, y at-il des alternatives ~ l'intubation chez ces patients ? La litt~rature est quasi muette sur les indications g~la ventilation assist6e chez les malades restrictifs chroniques en dficompensation aigu~, seuls les patients atteints d'insuffisance neuromusculaire ~tant fitudi~s ~ ce jour. Chez les patients atteints de BPCO (bronchopneumopathie chronique obstructive), deux groupes de malades diff~rents [1] peuvent Etre admis dans des structures de soins intensifs ou de r~animation : les patients pr~sentant un syndrome obstructif encore modfir~, c'est-~-dire avec un volume expir~ maximal en une seconde (VEMS) supfirieur ~ 1 200 ml, et les malades affectfis d'une obstruction des voies afiriennes plus s~v~re, caract~risfis par des VEMS inf~rieurs au litre, voire au demi-litre. : Dr. d.C. Chevrolet, Soins Intensifs de Medecine, H6pital cantonal universitaire, CH 1211 Gen~ve 4, Suisse. Correspondence
La plupart du temps, le premier de ces groupes de patients ne pose pas de probl~me d'indication ~ l'intubation et ~ la ventilation m~canique. En effet, ces malades ont g~n6ralement une bonne qualit~ de vie, ils sont souvent actifs et l'id~e ne viendrait ~ personne de les priver d'un traitement destin~ ~ leur permettre de survivre. Ceci est d'autant plus vrai que leur pronostic est bon, si l'on en croit les statistiques actuellement publi~es [1, 2]. I1 est toutefois juste de reconnaitre que les donn~es de la litt~rature disponines ne se rapportent que rarement ~ des malades intub~s dans des soins intensifs. I1 est donc probable, mais pas tout ~ fait certain, que ces patients pr~sentent les mEmes caract~ristiques que celles que pr~senterait une population d~nu~e d'insuffisance respiratoire chronique, intubfie et ventilSe pour une raison quelconque. En revanche, les patients appartenant au second de ces groupes posent problSme. Curieusement pourrant, les deux groupes de malades different plus par leur pronostic,tel qu'il peut etre ~valufi au moyen des rfisultats issus de grandes ~tudes @idSmiologiques [1, 2] que par leur d~cours dans les soins intensifs, c'est-fi-dire leurs mortalitfi, la difficult~ de la ventilation mficanique, si elle a ~t6 instaur~e, et la durSe de son sevrage [3-5]. En effet, si nos idles sont claires sur le pronostic de grandes cohortes de malades atteints de BPCO, ind@endamment de leur admission en r~animation ou de leur traitement par la ventilation mficanique, il existe toujours une controverse sur la valeur des outils pronostiques visant ~ pr~dire, dans la BPCO d~compens~e, la survie et mEme la dur~e de la ventilation m~canique et du sevrage de celle-ci. I1 est possible que cette incertitude sur le pronostic des malades graves atteints de BPCO hospitalis~s en soins intensifs provienne du fait que seuls des groupes trop restreints de malades ont ~t~ ~tudi~s. Les fitudes @id~miologiques citrics plus haut [1, 2] et qui ne dficrivent pas spficifiquement les sfijours en rfianimation portent en effet sur des R~an. Urg., 1995, 4 (1 bis), 79-85
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collectifs tr~s considfrables, allant parfois jusqu'~ 10 000 fi 15 000 malades. En revanche, les travaux effectu6s en soins intensifs n'ont inclus, le plus souvent, que moins de 100 patients ventilfis. Ces derniers travaux manquent tr~s probablement de la puissance statistique n6cessaire pour que des conclusions d6finitives puissent etre tir6es avec certitude. C'est pourquoi nous sommes contraints aujourd'hui de raisonner avec des donn6es incompl~tes quand il s'agit de discuter le bien-fond6 de l'indication ~ la ventilation m~canique dans la BPCO. La discussion qui va suivre va envisager la question de l'indication fi la ventilation mficanique chez ces malades sous deux angles. Tout d'abord, nous envisagerons une approche physiopathologique (objectifs physiopathologiques, r6sultats en fonction de ces objectifs) ; ensuite, l'instauration de la ventilation m6canique chez ces malades sera discut~e en fonction d'imp~ratifs 6thiques. Des concepts, ou des ,~ principes ,,, comme l'autonomie des malades, voire celle de leurs proches, la bienveillance et la bienfaisance, la proportionnalit6 et la justice distributive seront utilis6s pour analyser le bien-fond6 de l'instauration de la ventilation m6canique chez des malades souvent en phase terminale d'une maladie chronique tr~s invalidante. Enfin, nous aborderons la question du moment de l'intubation, si celle-ci est d6cid6e, en tenant compte de l'6tat de la litt6rature sur la valeur des outils cliniques et paracliniques.
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Justification de la ventilation assist~e
L 'approche physiopathologique L'intubation trach~ale permet l'application de la ventilation m6canique ~ pression positive. De plus, l'intubation assure la protection des voies a~riennes chez les malades ~ l'fitat de conscience altfirfi ou chez les patients souffrant de troubles de la dfiglutition. Ces deux fonctions de l'intubation rendent compte de la quasi-totalit6 des indications g~n~rales de cette technique et elles sont admises telles quelles depuis longtemps pour 1'ensemble des malades de rfianimation [6, 7]. Pour aborder les questions et probl~mes que posent plus particuli~rement les malades atteints de BPCO dficompens~e, il convient d'envisager les difffirentes fonctions qu'assure chez eux le respirateur artificiel, en d~finissant les objectifs de sa mise en fonction. En fair, le respirateur m~canique exerce au moins trois fonctions difffirentes [7] : il s'agit d'un muscle respiratoire extfirieur, qui assume la prise en charge, totale ou partielle, du travail respiratoire ; c'est ensuite un oxyg~nateur efficace, d'une part au moyen d'un enrichissement en oxyg~ne du m~lange gazeux inspire, d'autre part via le maintien d'une ventilation alv~olaire adapt6e aux besoins des patients ; enfin, c'est un outil qui permet de r~gler le volume de foncR~an. Urg., 1995, 4 (1 bis), 79-85
tion du syst~me respiratoire, au moyen de l'ajustement du niveau de la Capacit6 R~siduelle Fonctionhelle (CRF). I1 est int~ressant de mentionner que les malades souffrant de BPCO d5compens~e sont caract4ris4s par des perturbations physiopathologiques qui correspondent ~ presque toutes les t~ches que le respirateur peut effectuer [6]. En effet, les patients en d~compensation aigu~ de BPCO, par exemple, montrent, outre des perturbations de la commande ventilatoire : des anomalies des proprifit~s m~caniques du syst~me respiratoire (l'obstruction de voies a~riennes), qui conduisent ~ la mise en oeuvre d'une charge importante sur les muscles respiratoires et ~ leur d~faillance (fatigue inspiratoire), parfois aggrav~es par la pr6sence d'une pression alv~olaire positive meme ~ la fin de l'expiration (pression t~l~expiratoire positive, ou PEP, dire <
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Tableau I Mortalite en r6animation des malades atteints de BPCO et soumis ~ la ventilation m~canique Mechanically ventilated COPD patients - mortality
Auteur (r~f) Kettel (*) Sluiter (*) Burk (*) Bone (*) Gillespie (*) Kaelin (5) Menzies (6) Portier (*) Rieves (7)
Annde de publication
N d'6pisodes
Age (ans)
VEMS (litres)
Mortalit6 SI (%)
1971 1972 1973 1978 1986 1987 1989 1992 1993
15 46 65 13 54 39 55 83 39
56 62 64 58 70 66 70 66 65
NR < 1,00 NR 0,66 4- 0,24 NR 0,85 ± 0,39 0,80 ± 0,38 NR 0,76 4- 0,15
73 46 55 69 26 21 21 73 44
* citations dans la r~f6rence 7. Abr4viations : VEMS : v o l u m e m a x i m u m expir6 en une seconde ; SI : soins intensifs ; NR : non rapport&
Tableau II Analyse du d~cours de la ventilation m&canique dane/a BPCO - - Trois ~tudes r6centes Clinical course of mechanically ventilated COPD patients in three recent studies
Auteur Patients* (ref: ann4e) t (~pisodes)
VEMS (% VP)
Dur4e de la VM (jours ; m~diane)
Survie > SI
(%)
Survie ) 1 an (%)
Commentaires
Kaelin (5; 1987)
39/222 35 4- 15 (18 % de BPCO intub6s) etude prospective
8 61% < 21 jours
80
45
- non pr4dite par tests simples (VEMS, etc.) - mortalit~ associ~e & diverses comorbidit~s Dur6e du sevrage de la VM : - non pr6dite par les tests simples Survie 1 an : - pr~dite par la dur6e de la VM - pr~dite (pr4cision 80 %) par une analyse multivari4e (16 param¢tres)
Menzies (6; 1989)
55/95 35 .4- 15 (58 % de BPCO intub4s) ~tude r4trospective
20 71% < 15 jours
78
35
Survie SI :
Rives (7; 1993)
39/? 25 4- 7 (? % de BPCO intub6s) ~tude prospective
15
56
Survie SI:
- pr~dite par I'~tat physique avant I'intubation, le VEMS, I'~tat nutritionnel Dur6e du sevrage : - pr~dite par les m~mes tests que la survie SI Survie 1 an : - pr~dite par les m~mes tests que la survie SI Survie SI:
- predite par I'~tat nutritionnel, le VEMS et I'absence d'infiltrats radiologiques pulmonaires
Abr~viations : VEMS : volume maximum expir~ en une seconde, exprime en pourcentage de la valeur pr~dite (% VP) ; VM : ventilation mecanique ; Sl : soins intensifs. *nombre d'4pisodes de VM par rapport au nombre de malades atteints de BPCO admis dans les SI.
Enfin, dans la BPCO, l'~ge semble jouer un r6le sur la survie, bien que ne disposions que de peu de donn4es sp4cifiques ~ ce sujet et que tous les auteurs n'aient pas trouv4 que ce facteur jouait un rOle d4terminant [3, 4]. Quant aux malades souffrant de syndrome restrictif, les mfimes fonctionnalit6s de l'assistance ventilatoire peuvent leur fitre utiles, notamment le repos des muscles respiratoires et l'oxyg4nation. Certains de ces malades, en particulier les patients affect6s par le syndrome d'ob6sit4-hypoventilation, dans le contexte d'une ob4sit4 morbide, pr4sentent de surcroit une hypercapnie majeure, potentiellement
l'origine d'une r4tention hydrosaline. Cette dernifre accfl6re la dfcompensation respiratoire en menant •~ une hypervol4mie telle qu'elle engendre un oed~me pulmonaire hydrostatique [7]. Le m4me ph6nom6ne peut se rencontrer par ailleurs chez eertains BPCO, du type BB (<
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un autre intervenant. Mentionnons tout de meme que la ventilation par masque facial, en assistance inspiratoire, chez les malades atteints de BPCO, parait r~duire la mortalit6 de 30 ~ moins de 10 p. 100, peutetre parce qu'elle permet d'~viter les surinfections bronchopulmonaires lifies ~ l'intubation trach~ale ou les barotraumatismes. L'exp6rience dans d'autres formes de d6compensation aigu~ de l'insuffisance respiratoire chronique est quasi nulle, hormis dans la mucoviscidose, off une vingtaine de malades ont fitfi publi~s, certains d'entre eux pouvant attendre ainsi sans intubation une transplantation pulmonaire. Cette technique est d'autant plus int6ressante que, dans la fibrose kystique, l'intubation est souvent suivie, apr6s 2-3 jours, d'un syndrome septique mortel.
L 'approche dthique Un investissement th~rapeutique ne se justifie que s'il est consenti par le malade, c'est le principe d'autonomie. Ce principe veut que l'etre humain soit maitre de ses actes, ou des actes que l'on pourrait etre amen~ ~ lui faire subir. Dans l'insuffisance respiratoire chronique ddcompens~e, plusieurs cas de figure peuvent se presenter. Le plus simple est celui off la volontfi ~clair~e du patient est connue, de sorte qu'en salle d'urgence, la d~cision d'intuber ou non peut etre prise en conformit~ avec les volontfis du malade. Cette situation ne pose pas de dilemne ~thique quand la d~cision du malade est coh6rente avec les r~sultats que les thfirapeutes peuvent raisonnablement lui offrir. C'est par exemple la situation du malade atteint de BPCO moddr6e ~ sdv~re (VEMS supfrieur au litre, ~tat nutritionnel conserve, pas de syndrome septique ou de comorbidit~ importante associ~e). Deux autres situations sont plus difficiles. La premiere est celle du malade dont on ne conna~t rien des intentions (coma, intubation ~ la vol6e pour assurer la survie, souvent pratiqu~e par des tiers, dans l'ambulance par exemple), ou dont les d6clarations semblent inad~quates, parce qu'elles paraissent etre sous l'influence de facteurs confondants (hypercapnie, hypox~mie, angoisse extreme, etc.). Le principe d'autonomie risque de souffrir dans cette dventualit~. La seconde est celle qui veut que le patient, voire ses proches, demande, ou meme exige l'emploi de techniques de r~animation dans une situation qui appara~t aux th~rapeutes comme d6sesp6r~e. Ici, ce sont les principes de proportionnalit~ et la justice dans la distribution des ressources qui fisquent d'etre viol6s. Dans le pass6, le principe d'autonomie ~tait souvent mis ~ mal par les mfidecins, notamment les r6animateurs, qui en faisaient trop, et ce que les m6dias ont appel6 , acharnement thfirapeutique, a 6t6 consid6r6 ~ juste titre comme un exc~s traduisant la suffisance, voire l'arrogance des m6decins. I1 semble que le balancier se soit dfplac~ aujourd'hui vers R~an. Urg., 1995, 4 (1 bis), 79-85
l'autre extr~mit~ de sa course : en effet, plusieurs travaux montrent que d6sormais, peut-etre toujours sous l'influence des memes m~dias, c'est plut6t les patients ou leurs proches qui attendent trop de la m~decine et des m~decins. Dans certains pays, comme les l~tats-Unis d'Am~rique, la loi donne aux malades et ~ leurs proches une tr~s grande latitude dans la prise des d~cisions vitales, comme le retrait ou la non-mise en route des moyens de rfanimation, et les soignants paraissent devoir se confiner au r61e de conseillers. Toutefois, sur le plan de l'~thique, et l'~thique ne doit jamais etre r~duite au l~gal, la responsabilit6 des soignants demeure enti~re : si les intfirets du malade doivent etre sauvegard6s, ces int6rets n'impliquent pas que la survie soit le but gt atteindre n'importe quel prix. Les principes de bienveillance et de bienfaisance (non-mal~ficience, l'hippocratique primum nil nocere) veulent que les th6rapeutes appr6cient en conscience une situation donnfie et qu'ils d6cident en groupe si le traitement, en l'occurrence la ventilation m6canique, doit etre entrepris ou maintenu. I1 est ~ cet 6gard important qu'une collectivit6 m6dicale (un h6pital, un ensemble d'h6pitaux affili6s, voire une rfigion ou meme tout un pays) diffusent largement les directives qu'ils consid~rent comme repr~sentant leur consensus actuel. Ce consensus, appel6 gt etre actualis6 p6riodiquement, va d6pendre de la mentalit6 du moment de la population desservie par le r~seau hospitalier et de l'6tat des ressources disponibles : nous rejoign0ns ici la justice dans l'attribution des ressources et la proportionnalit~ dans l'engagement des moyens th6rapeutiques. La m6decine intensive represente une charge importante pour les budgets hospitaliers. Diff~rentes estimations montrent que la r6animation, meme si elle ne s'applique qu'~ 3 ~ 5 p. 100 des lits aigus, consomme environ 10-20 p. 100 des budgets hospitaliers et qu'elle peut occasionner des d6penses, dans des cas extremes, avoisinant un pour cent du produit national brut d'un Etat moderne [8]. Si l'on veut respecter la justice dans l'attribution des ressources, et donc une proportionnalit6 ad6quate entre les moyens mis en oeuvre pour traiter les malades et les r6sultats finaux obtenus (survie non seulement apr~s la p6riode de rfanimation, mais encore apr~s la sortie de l'h6pital, et survie dire de qualit6), il est donc essentiel, compte tenu de l'importance de ces cofits, de fixer des crit~res d'admission dans les soins intensifs et des crit~res d'intubation basfs sur les courbes de survie que nous avons dfitaill6es plus haut. Des donn6es d6crivant la qualit6 de cette survie doivent 6galement etre consid6rfes attentivement dans la prise de d6cision. La qualitfi de la vie des patients atteints d'insuffisance respiratoire chronique en phase avancfie de leur maladie est mal connue. I1 existe toutefois quelques 6tudes 6parses qui montrent que, par rapport des sujets contr61e, il existe chez ces malades atteints de BPCO des anomalies fr6quentes de
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l'humeur, du comportement et un repli sur soi, associes 5 une degradation de la sociabilite, lies sans doute au handicap respiratoire.
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Crit~res d'instauration de la ventilation m~canique
Critdres cliniques Differents signes et sympt6mes ont et6 discutes dans la litterature pour guider les therapeutes dans le choix du moment de l'instauration d'une respiration assistee. Parmi differents sympt6mes, seule la dyspnee a 6t6 reellement etudiee. La presence ou l'absence, de meme que la quantification de ce sympt6me se sont reveMes decevantes. En effet, la dyspnee est un sympteme eminemment variable selon les individus, &meme degr6 d'insuffisance respiratoire : elle varie selon le type d'affection (aigu~ ou chronique, bronchique ou parenchymateuse, restrictive ou obstructive), elle recouvre peut-~tre des sensations differentes selon les malades et les pathologies, et surtout elle est conditionnee par l'etat psychique actuel du malade ainsi que par ses experiences anterieures. En effet, la dyspnee est une sensation consciente : elle doit donc notamment 6tre traitee au niveau encephalique de sorte que sa relation avec la severit6 du handicap respiratoire n'est pas univoque. Parmi les signes cliniques, seule l'apnee fait l'unanimite pour l'indication ~ la ventilation assistee, et c'est 1~ une evidence qui ne merite pas une discussion. Les autres signes, comme la cyanose, les oed~rues, etc. manquent totalement de specificit& La tachypnee (respiration rapide et superficielle) a 6t6 etudiee avec attention, mais essentiellement dans la situation particuli~re du sevrage de la ventilation mecanique (echec ou succ~s du sevrage), une situation probablement proche de celle qui precede l'intubation de novo, mais ce point reste fi demontrer. Ainsi, differents auteurs [9] ont montre que la presence d'une tachypnee superficielle, sans etre specifique, presentait une bonne sensibilit6 pour predire l'echec du sevrage, donc le recours au respirateur. Le quotient frequence respiratoire/volume courant (ff/VT) parait augmenter la sensibilite de ce sympt6me : audessous de 80, sevrage possible, entre 80 et 100, zone grise et au-dessus de 100, echec du sevrage garanti. Des sympt6mes comme la respiration paradoxale abdominothoracique, le recrutement des muscles accessoires de la respiration ont ete 6tudies, mais toujours dans le contexte du sevrage, et toujours dans des groupes restreints de malades. Comme la tachypnfie superficielle, leur presence comme valeur de prediction du besoin de recourir ~ la ventilation assistee n'est pas validee, d'autant plus que leur variation au cours du temps n'a pas ere decrite ~ ce jour.
Critdres fonctionnels respiratoires La mesure des volumes pulmonaires par spirometrie, particuli~rement la capacite vitale, qui teste globalement la force des muscles respiratoires (inspiratoires et expiratoires), ainsi que la mesure des pressions motrices maximales (PIm,, et PE,o, : pression inspiratoire et expiratoire maximales, recueillies contre une piece buccale occluse) requi~rent une bonne cooperation du malade. C'est pourquoi ces mesures sont peu utiles, particuli~rement chez les patients atteints de BPCO, souvent peu enclins ~ collaborer en raison de la severite de l'hypoxemie/hypercapnie dont ils souffrent. Ce n'est que dans d'autres situations, comme l'insuffisance neuromusculaire aigue, dont le prototype est le syndrome de Guillain-Barre, que des mesures seriees de la capacite vitale se sont montrees utiles [9]. Quoi qu'il en soit, ce type de test semble essenfiellement predictif de l'absence du besoin de recoufir &la ventilation assistee quand des index comme la PI,ox d@asse - 40 cmH20, ou la capacite vitale excede 1 000 ~ 1 200 ml. Enfin, des tests comme la pression d'occlusion (Po.1, c'est-~-dire la pression inspiratoire developpee awes une occlusion breve des voies aeriennes, non ressentie par le malade, et qui traduit l'intensit6 de la commande respiratoire, donc le stress auquel sont soumis les centres de la regulation ventilatoire) n'ont montre leur utilite que pour predire le succes ou l'echec du sevrage [9]. Ce test est pratiquement toujours impossible ~ realiser chez des malades non intubes, en detresse respiratoire, de meme que des mesures comme celles de la PEPi, du travail respiratoire ou de la consommation d'oxygene.
Crit~res gazomdtriques La valeur predictive de la gazometrie arterielle pour determiner le besoin d'utiliser la ventilation assistee n'a 6re etudiee que chez les malades atteints de BPCO et chez les patients affectes d'insuffisance neuromusculaire aigu& Dans les deux situations, la valeur de la PaO2 s'est montree peu fiable pour determiner le besoin de recourir ~ la ventilation mecanique, sauf quand l ' h y p o x e m i e est m a j e u r e (< 50 mmHg ou environ 6,7 kPa), en raison du risque qu'elle fait courir aux malades. De meme, l'augmentation de la PaCO2 est assez peu utile pour predire le recours ~t la ventilation mecanique : en effet, dans la BPCO, c'est plutet le pH qui a fair la preuve de sa valeur predictive (valeur seuil de 7,26 [10]), alors qu'il a ete demontre que la PaCO2 ne s'61evait qu'in extremis dans l'insuffisance neuromusculaire aigufi, lorsque les patients souffraient d'une atteinte des muscles respiratoires majeure (capacite vitale effondree, de moins d'un litre). Aucune information n'est disponible chez les autres patients affectes de syndrome restrictif. ROan. Urg., 1995, 4 (1 bis), 79-85
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Contre-indications m~canique
b. la ventilation
Des contre-indications ~ la ventilation assistfe pourraient etre de deux ordres. Premihrement, d'ordre 4thique, comme nous l'avons vu plus haut, essentiellement quand les cofits entrain4s par Finstauration de ces techniques sont disproportionn6s par rapport aux rfsultats attendus. Ainsi, on a pu montrer, dans diff4rentes s4ries, que les malades venti16s plus de 48 heures, repr4sentaient environ 15 p. 100 des cofits hospitaliers. Toutefois, les insuffisants respiratoires chroniques en d6compensation aiguG par rapport ~ d'autres populations de malades ventil6s durant des p4riodes similaires, ont un pronostic meilleur : la mortalit4 hospitalihre des BPCO, par exemple, est situ4e entre 10 et 20 p. 100, alors que celle des SDRA (syndrome de d4tresse respiratoire aigu) oscille autour de 50 p. 100, celle des pneumonies est d'environ 30 p. 100, etc. Ces contre-indications pourraient aussi etre d'ordre mfdical, si l'on considhre les diff4rentes complications lifes ~ la ventilation m4canique (barotraumatismes, pneumonies nosocomiales, r4tention hydrosaline, augmentation de la pression intracr~nienne, diminution du d4bit cardiaque issu du ventricule droit, ...). Actuellement, m~me en pr6sence de pathologies ou dysfonctions cfr4brales (hypertension intracr~nienne notamment), ou encore ventriculaire droite (embolie, pulmonaire massive), la ventilation m6canique ~ pression positive n'est pas jug4e comme contre-indiqu6e. En effet, des alternatives faciles d'emploi et peu dangereuses ne sont pas disponibles aujourd'hui. L'oxyg4nation extracorporelle n'est possible que dans quelques rares centres sp4cialis4s et sa sup6riorit6 sur la ventilation assist4e est loin d'etre d4montrfe, alors que le temps durant lequel elle peut etre administr4e est limit4 en raison de ses effets ind6sirables.
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SynthCse et recommandations
En combinant les approches clinique, physiopathologique et dthique, plusieurs conclusions et recommandations peuvent ~tre proposdes sur I'indication ~ la ventilation mdcanique dans I'insuffisance respiratoire chronique ddcompensde Puisque : -- dans la BPCO s6v6re (VEMS en p4riode de stabilit6 clinique de moins d'un litre), la mortalit6 en r6animation oscille probablement entre 10 et 30 p. 100, et que la survie apr~s une ann6e se situe au mieux aux environs de 50 p. 100 ; elle est mal connue dans les autres formes d'insuffisance respiratoire chronique ; R~an. Urg., 1995, 4 (1 bis), 79-85
-- dans ces situations, la survie parait en relation avec l'6tat fonctionnel somatique et respiratoire, dans plusieurs 4tudes, mais pas dans routes, et le pronostic ~ moyen t e r m e semble parfois li4 ~ la dur6e du sevrage de la ventilation m6canique ; -- la pr6cision des outils d'4valuation de la survie, au mieux, et ce dans les conditions rigoureuses qui sont celles d'4tudes protocol6es, n'exc6de pas 70 80 p. 100 ; -- le peu d'informations 6tablies sur la qualit4 de la vie des malades atteints d'insuffisance respiratoire chronique en phase terminale, qui est celle dans laquelle se trouvent la majorit6 de patients dont nous discutons, tend ~ montrer que ces malades ressentent tr6s douloureusement leur handicap respiratoire et limitent leur activit4 sociale ; -- les ressources attribu4es aux soins intensifs ne vont probablement pas s'accroitre de fa¢on importante dans les ann4es ~ venir, quoique, dans ce domaine, aucune pr6vision ne soit raisonnable sur un plan local ou g6n4ral [10], il parait prudent de r6server l'intubation et la ventilation m4canique ~ un groupe bien choisi de malades.
Les caractdristiques de ces patients pourraient #tre les suivantes, en sachant que certaines de ces considdrations ne sont pas basdes sur des donndes fermement dtablies -- un malade autonome, d4sirant l'intubation et en acceptant les risques, ou la certitude raisonnable donn6e par l'entourage (proches, m4decin traitant,...) que le patient, inconscient, d6sirerait ~tre intub4 ; -- un age n'exc6dant pas 80 ans (fige , biologique )) ? ; -- une atteinte fonctionnelle basale n o n , s4v6rissime ), (VEMS >~ 0,5 litre ? pour les BPCO ; Capacit6 Vitale ~> 1,0 litre pour les restrictifs ?) ; -- un 4tat fonctionnel somatique et un status nutritionnel relativement conserv4s et, en particulier, une absence d e comorbidit6s importantes ; -- un 4tat psychique d4montrant un go~t ~ la vie certain et, peut-etre, un entourage psycho-affectif motiv4 ; -- une ind6pendance raisonnable vis-a-vis du milieu hospitalier. La question de l'interruption du traitement en cas de sevrage tres difficile et donc de ventilation m4canique prolong4e se pose. Elle est fond6e actuellement sur des donn4es isol4es, recueillies chez des malades atteints de BPCO, montrant que le pronostic moyen terme est mauvais apr6s une longue p6riode de ventilation m4canique [3, 4]. Malgr4 tout, en 1994, il est important de r4aliser que, darts la meilleure des situations, le pronostic individuel des malades atteints d'insuffisance respiratoire chronique d4compens6e est impr6cis et que les res-
XIII ° C o n f e r e n c e d e C o n s e n s u s en R # a n i m a t i o n e t M 6 d e c i n e d ' U r g e n c e
sources qui pourraient ~tre attribufies ~ ces patients d @ e n d e n t avant tout d'un consensus local ; ce dernier repose plus sur l'importance et la mise f~ disposition des rfianimateurs de ces m~mes ressources que d'une doctrine scientifiquement fitablie. Dans cette situation, il convient d'~viter aussi bien les exc~s d'une surindication ~ l'intubation que de p6naliser ces malades par rapport ~ d'autres patients qui pr4sentent un pronostic soit encore plus sombre, soit tout aussi mal d4fini.
Ref6rences [1] ANTHONISENN.R. - - Prognosis in chronic obstructive pulmonary disease : results from multicenter clinical trials. Am. Rev. Respir. Dis., 1989, 140 (suppl.), $95-$99. [2] BURROWS B., BLOOMJ.W., TRAVER G.A. et coll. - - The course and prognosis of different forms of chronic airways obstruction in a sample from the general population. N. Engl. J. Med., 1987, 317, 1309-1314.
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