20 000 SUBSTANCESSOUS LES MERS I diminue les concentrations plasmatiques de calcium et de phosphore (7). La sequence de ses vingt premiers acides amin& a permis de l'identifier comme une cathepsine, enzyme qui appartient 'a la famille des cystbines prot~ases. Elle est 'a 60 % homoIogue de la cathepsine L humaine, enzyme impliqu~e dans la d6gradation du collag~ne de l'os et dans certaines maladies osseuses comme l'arthrite rhumatoide (8). [!tant donnd cette homologie, comment expliquer l'action biologique de la cathepsine de crustac& ? En fait, les effets de type calcitonine de la cathepsine sont, au moins en partie, le resultat d'un effet indirect, r~troactif, sur les taux de calcium plasmatique : l'enzyme ddgraderait le collaggene de l'os, provoquant la lih&
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ration du calcium associ~ f cette prot4ine. Cette hypercalc~mie provoquerait en retour une s&r&ion de calcitonine responsable de l'hypocalcdmie observbe. • Facilit~ d'extraction
Cependant, la rapidit~ de la r~ponse moins de deux heures - sugg~re que la cathepsine poss~de ~galement un mode d'action plus direct. Autrement dit, l'originalit6 de la cathepsine de crustac6s r6side peut-~tre dans sa structure tridimensionnelle : une conformation semblable {i celle de la catcitonine hfi permettrait de se fixer aux r&epteurs de cette hormone et d'induire les m~mes effets. D'ofi de nouveaux traitements tht~rapeutiques possibles : si l'effet observ6 s'av~re dfi
Les neurotoxines
uniquement fi la structure de la mol& cule, il sera possible de concevoir, partir de la cathepsine ou de la caMtonine, des composds de m~me structure mais non peptidiques, c'est-fi-dire capables de r~sister fi l'action des enzymes digestives et ainsi administrables par vole orale. ['int&& de la cathepsine, par rapport fi la calcitonine, est sa facilitd d'extraction, tant sa concentration dans les organes de s&r~tion des crustac~s est importante : vingt fois celle de la calcitonine dans les corps ultimobranchiaux. Les recherches s'orientent actuellement vers la mise en 8vidence des portions de la tool& cule induisant les effets biologiques observ~'s et vers la caract~risation de ia structure de des fragments comparativement ,~ la calcitonine, i
marines .............
De nombreux microorganismes produisent des neurotoxines qui peuvent se r#vbler dangereuses pour l'homme. Ces propri#t& les rendent aussi tr&s int&essantes pour la recherche en neurophysiologie et en pharmacologie. PAR PATRICK
LAssus Ifremer, Departement microbiologie et phycotoxines, BP 21105, 44311 Nantes cedex. E-mail:
[email protected]
[1}T Matsui etal (1989) Nippon Suisan Gakkaishi55. 2199-2203.
e tnut temps, les populations des bords de mer ont consomm~ dies fruits de ram, malgr~ les risques d'empoisonnement connus bien avant l'~re industrielle. [.'une des plus fameuses intoxications, et aussi l'une des plus violentes, est due ~ la t~trodotoxine (TTX), prdsente dans la chair des fugt, s, ou poissons-coffres (Tetraodontiformes), particuli~rement appr&ids au .lapon. On a tongtemps cru que des poissons en &aient eux-m~mes les producteurs. Mais la t~trodotoxine est plus probablement synth&isee par plusieurs bacteries marines (Alteromonas
D
sp, Vibrio sp, Sheu,anella putrefaciens) {2)HK Do etal (1990) App/Env Microbio156, 1162-1163.
{3) DF Hwang et al (1989) Mar Biol lO0, 327-332
associ('es fi la chair des fugus (1.2, a). La toxine est concentrt~e dans [e foie, les gonades et la peau des poissonscoffres, qui y sont insensibles, et peut diffuser dans leur chair. Chez l'homme ou la souris, die bloque les canaux sodium des membranes cellulaires et interrompt ainsi le flux transmembranaire de des ions et la propagation de l'influx nerveux (voir le tableau pour
les symptbmes cliniques). Les toxines les plus dangereuses pour l'homme agissent effectivement sur le systbme nerveux. Elles sont produites 48 BIOFUTUR 179 • JuJn 1998
par des bact6ries marines, par detrains invertdbrds mais aussi par des microalgues (dinoflagellds et diatom6es) qui contaminent ensuite des bivalves filtreurs (moules, palourdes, etc) ou des poissons herbivores. Plusieurs d'entre dies peuvent &re synth~tis~es mais elles sont g6n6ralement extraites de microorganismes en culture. Ces toxines sont largement utilis~,es en recherche m6dicale et pharmaceutique du fait de leur mode d'action cellulaire (voir l'enca-
n a n t aux genres Alexandrium (anciennement GonyauIax ou Protogonyaulax), Pyrodinium et Gymnodinium. Elles peuvent s'accumulet chez les organismes filtreurs,
dr#. et le tableau). • Syndrome paralyUque
Un syndrome de m~me type que l'intnxication par la tdtrodotoxine a dt~ observd pour la premi/~re fois sur les c6tes canadiennes, en 1798, lors de l'expddition de George Vancouver le long des c6tes de l'actuelle Colombie britannique. Effectivement, cet e m p o i s o n n e m e n t (PSP, paralytic shellfish poisoning) est dfi lui aussi l'arr& du flux d'ions sodium & travers les membranes excitables. Les toxines en cause sont produites par des dinoflagell6s marins apparte-
Un tdtraodon du Pacifique.
T~lmd~t~xtl~ (TT~
Poiswns-coftms
18 l~ngue,
{~usi puis du
~ l ~ ~ 1 ~ (.~t~t~lnu.)
A/0XI'Kk~m spp ~ u m bahamen~
Antagoniste de= ~
sodium res~mtolm
Bmvetoxin~
50O
G,,~
ActiVation des canaux sodium
Ar~mlM.un~lw, moyennu & I ~ ' ~ , , resl~mmlres
(=,~ndrom=NSP)
diard~ms kTitatton des voies
Aetivtlion ,des ~msmuxsodium
Ciguatox~ne, m~tot~ine (~/ndmme CFP}
3,800
A~tl~ation ,des f~cepteum ka~tnatm
0,15
~ i ~ o n des ~llules ~ a u ~ t i ~ t l o n du
(~,.dmme ASP)
Pat~oxirle
Pa/~a
tubemu/ola
~
particuli6rement chez les bivalves, qui y restent insensibles malgr~ tes fortes concentrations rencontr~es dans leur glande digestive.
En 1975, Yuzuru Shimizu et ses collaborateurs de l'Universit6 de Rhode Island (f~tats-Unis) ont isol4 un premier groupe de toxines PSP ~ partir de bivalves, des myes communes (Mya arenaria) expos~es ~ une prolif4ration de Gonyaulax tamarensis. Aujourd'hui, dix-huit ,~ gonyautoxines ,, de toxicit6 variable ont 4t4 identifi4es, dont la plus connue est la saxitoxine. Contrairement fi d'autres neurotoxines, la synth6se chimique de ces poisons paralytiques n'a pas encore abouti. Comme les g~nes impliqu4s dans leur synth~se n'ont pas 4t4 caract6ris4s, leur production par des microorganismes g4n4tiquement modifi6s n'est pas non plus ~ l'ordre du jour On peut n4anmoins les obtenir par extraction ~ partir de cultures algales ou de coquillages contamin4s {tels que des Saxidomus). Aussi la saxitoxine a-t-elle 6t4 class~e en 1997 parmi [es substances ~ surveiller par l'Organisation pour la prohibition des armes chimiques (Opac). Compar6es au syndrome paralytique, l'empoisonnement NSP (neurotoxic
Te~mue ~ ~IMM~
conNct ('mltaUon des ~ e l ~ , nau~es, maux de
shellfish poisoning) est g4n6ralement de moindre gravit4 pour l'homme. I1 est caus4 par des toxines synth~tis~es par le dinoflagell4 Gymnodinium breve, et appel4es de ce fait brevetoxines. R6cemment, lYquipe de Kyriakos Nicolaou, au Scripps Research Institute (La Jolla, Califomie), a r4ussi la performance de synth&iser totalement la brevetoxine B (1995) puis la brevetoxine A (1998), des mol6cules de structure tr~s complexe (4. 5). Ces synthhses permettront sans doute d'am61iorer, dans un avenir proche, le d6veloppement d'outils sp6cifiques de d4tection des brevetoxines dans les fruits de mer et faciliteront la recherche des m~canismes biochimiques d'action de ces substances ainsi que la raise au point d'antidotes. Plus grave est la ciguatera (CFP, ciguatera fish poisoning), ou 4
{4) KC Nicolaou et al (1995) JAm Chem Soc 117,
10252-10263. (5) KCNicolaouet al (1998) Nature392, 264-269
i
ooo su,s .c s sous
] f multiseries. Proche de l'acide kainique, puissant neuroexcitateur couramment utilis~ en neurophysiologie, l'acide domoique agit dans le cerveau par fixation sur les r&epteurs neuronaux sp~cifiques du glutamate (un neurom~diateur excitateur structuralement analogue h l'acide kainique et/~ l'acide domoique), et par d~polarisation continue de ces neurones jusqu'/~ la rupture des cellules. • I.Jaqua~Bltum m e n m c t e
m t n u t u m prolif~re sur les
cttes franc,aises depuis 1988. II produit des gonyautoxines (syndrome PSP).
temps &~ artribu~e ~t des toxines produites par plusieurs vari&ts de poissons tropicaux. Ce n'est qu'en 1978 que le responsable a &~ dtcouvert par Takeshi Yasumoto et ses collaborateurs de l'universit~ de Tohoku (Japon) : Gambierdiscus toxicus, un dinoflagell~ des rtcifs coralliens vivant en 6piphyte de grandes algues ou de coraux./k partir de cultures de G toxicus provenant de Polyntsie franqaise et d'extraits de routines, la m~me ~quipe a mis en 6vidence deux principes actifs : une toxine liposoluble, la ciguatoxine, et un compost hydrosoluble, la maitotoxine, que l'on avait auparavant dtcouvert (1976) dans les visc~res de poissonschirurgiens. Contrairement aux toxines paralysantes et/t la t&rodotoxine, la ciguatoxine augmente les flux d'ions sodium travers les membranes excitables. Chez l'homme, die induit des effets cardiovasculaires (ralentissement cardiaque, hypotension), augment~s de consequences neuroiogiques. Toutes les neurotoxines marines d~crites jusqu'ici sont des ~, classiques ,, du genre, dont les effets 6talent connus des populations exploitant les mers depuis des lustres. On croyait donc les avoir routes r~pertori~es. En 1987, apparaissait cependant une nouvelle forme d'intoxication caracttriste, entre autres, par des troubles de la mtmoire rtsultant, dans les cas graves, de 16sions irr~versibles de l'hippocampe c~r~bral..~ cette ~poque, une centaine de cas de ce syndrome, I'ASP (amnesic shellfish poisoning), dont trois mortels, ont ~t~ enregistrds sur la c6te atlantique du Canada (Iles du Prince Edward) parmi des personnes ayant consomm~ des moules. L'agent toxique a 6t6 identifi6 comme 6tant l'acide domoique, un acide amin~ neuroexcitateur produit par une diatorote marine : Pseudonitzschia pungens 50 BIOFUTUR 179 * Juin 1998
A la suite de cet ~pisode, il s'av~ra que d'autres espbces de diatomtes
(Pseudonitzschia pseudodelicatissima, P seriata, P australis) produisaient le m~me poison et que ce compost pouvait 8tre concentr~ par divers coquillages, tels que les clams et les pectinidts. Depuis, fort heureusement, le renforcement des rtseaux de surveillance - dont le REPHY g~r~ par l'lfremer en France -, et l'inclusion de cette nouvelle phycotoxine parmi les substances recherchtes dans les fruits de mer, ont 6vit6 de nouvelles 6pidtmies. Cependant, les biotoxines marines ne
menacent pas que les consommateurs humains. Les phycotoxines produites par une bonne quarantaine de dinoflagell~s, du fait de leur distribution mondiale et de leurs manifestations soudaines et impr~visibles, ont des consequences financi~res dtsastreuses pour la p~che et les cultures marines. Ainsi, en France, l'ann~e 1995 a ~t~ particuli~rement marquee par la pro-
Ill,radon de Gymnodinium mikimotoi sur la ctte sud de la Bretagne et sur la ctte vend~enne : les toxines h~molytiques s~cr&~es par ce dinoflagell~ ont provoqu~ la mort de milliers de poissons et 60 fi 100 % de perte dans les centres conchylicoles. A l'&helle mondiale, depuis quelques d~cennies, Gymnodinium breve provoque des mortalit~s massives de poissons dans certaines zones end~miques comme le Golfe du Mexique, le sod de la Floride et, plus r&emment, les cttes de Nouvelle-Z~lande. La lurte contre les dommages causes par les phycotoxines fi l'industrie aquacole passe par l'am~lioration des outils permettant leur d&ection rapide et par des &udes pouss~es sur la biologie et l'~cologie des microalgues nuisibles. III
• B Bedand, P Lassus(eds) (t997) Effiorescences toxiques des eaux cttk)res francaises. ~-cologie, ~cophysiologie, toxicologie, lfremer, Brest, 202 p. • P Lassus et al (eds) (1995) Harmful marine
algal blooms. Lavoisier, Paris.
Siles laWmet • National Marine Fisheries Serwce:
http ://kingfishssp nmfsgov/ • Northwest Fisheries Sdence Center:
www nwfscnoaagov/ • Red T/des: www redtidewhoiedu/haW • Catbiochem (San Die#o, ~tats-Unis) :
wwwcalbiochemcorn/ • Sigma-Aldrich (Vienne, Autriche~ :
www.sigma.siaI.Gom/safinechem.htrnl