Toxicon, 1964, Vol. 2, pp. 123-138.
Pergamon Press, Printed in Great Britain
SUR LES NEUROTOXINES DE D E U X ESPECES DE SCORPIONS NORD-AFRICAINS III -- DETERMINATIONS PRELIMINAIRES AUX ETUDES DE STRUCTURE SUR LES N E U R O T O X I N E S ( S C O R P A M I N E S ) D ' A N D R O C T O N U S A U S T R A L I S (L.) et de BUTHUS O C C 1 T A N U S (Am.) FRAN(~OIS MIRANDA, HERVI~ ROCHAT et SERGE LISSITZKY Laboratoire de Biochimie M6dicale Facult6 de M6decine et de Pharmacie, Marseille, France A~tract--Several physico-chemical characteristics of the purified toxins of two North African species of scorpions, Androctonus australis L. and Buthus occitanus Am., were determined. Absorbancy ( E ~ ) at 280 m/~ was approximately 20. Sedimentation constants were low, 1.2. Amino acid composition was different for the three toxins studied (toxin I and II of Androctonus and toxin I of Buthus) but they had in common a high content in basic amino acids, especially lysine. Molecular weights, calculatgd according to the Archibald method, ranged between 11,000 and 18,000. It was concluded that a definite relationship existed between these several toxins as far as their physico-chemical and certain pharmacological properties were concerned. Resum&-Plusieurs d6terminations physico-chimiques pr61udant aux 6tudes de structure ont 6t6 conduites parall~lement sur les neurotoxines isol6es de deux scorpions nord-africans: Androctonus australis L. et Buthus occitanus Am. Elles ont montr6 l'existence de nettes analogies entre ces substances: t% est important (de l'ordre de 20). La Leur coefficient d'extinction sp6cifique (Elcm) constante de s6dimentation est faible (1,2). La composition en acides amin6s montre de grandes diff6rences entre les trois toxines 6tudi6es (toxines I et lI d'Androctonus, toxine I de Buthus); il y a cependant de nombreux points communs dont la forte proportion d'acides amin6s basiques avec une nette pr6dominance parmi eux de la lysine. Enfin, les poids mo16culairespour les trois toxines ci-dessus s'6chelonnent entre 11.000 et 18.000 environ. On peut conclure de cet ensemble de recherches qu'il existe une parent6 6vidente, tant sur le plan des caract6res chimiques et physico-chimiques que sur celui du mode d'aetion, entre les neurotoxines des venins de scorpions et, d'une fa¢on plus g6n6rale, entre beaucoup de.. neurotoxines d'origine animale. INTRODUCTION QUELQUES propri~t6s g~n6rales des scorpamines ont 6t6 d~crites pr~c~demment [1]. Leur caract6ristique c o m m u n e consistait dans le fait que leur 6tude p o u v a i t ~tre abord6e sur des pr6parations partiellement purifi6es, ce qui a autoris6, par ailleurs, une large c o n f r o n t a t i o n avec les donn6es de la litt6rature. Par contre, l'6tude de la structure de ces prot6ines ne peut 6tre envisag6e qu'avec des produits purs. Les crit~res de puret~ (h.omog6n6it~ 5, l'ultracentrifugation, ~ l'61ectrophor6se et en c h r o m a t o g r a p h i e d'6quilibre) des toxines obtenues par la m6thode d6crite p a r ailleurs [2] n o u s o n t permis d ' a b o r d e r ce type de recherches. Le d o m a i n e de la structure chimique des neurotoxines de scorpions et des neurotoxines animales en g6n6ral est encore p r a t i q u e m e n t inexplor6. P o u r t a n t , avec son p r o l o n g e m e n t 123
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FRANCOIS MIRANDA, HERVE ROCHAT et SERGELISSITZKY
qui est l'6tude des rapports structure-activit6, il constitue une importante voie d'acc6s ~, la connaissance de la biochimie du syst6me nerveux. L'objet de ce travail est de d6crire quelques d6terminations chimiques et physicochimiques pr61iminaires pr61udant fi la connaissance plus approfondie de ces structures hautement actives. MATERIEL
ET M E T H O D E S
I - - Matdriel toxique
Le raat6riel toxique 6tait constitu6 par les pr6parations les plus purifi6es que nous ayons obtenues [2]. Sur les quatre toxines qui ont pu ~tre ainsi isol6es: toxines I e t II d'Androctonus, toxines I e t II de Buthus, seules les trois prerai6res 6taient en quantit6 suffisante pour ~tre utilis6es dans des exp6riences consomraant des quantit6s pond6rables de produit corame la d6tevmination de la composition cent6siraale en arainoacides ou le calcul du poids raol6culaire. 2 - - Mdthodes
(a) - - d6termination de la composition cent6simale en acides amin6s: Les tr6s faibles quantit6s de toxines obtenues au terme de la purification (les pes6es directes ont donn6 les valeurs suivantes: 2,464 rag pour la toxine I de Buthus; 3,186 mg pour la toxine I d'Androctonus; 2,928 mg pour la toxine II d'Androctonus) nous ont incit6s 5, utiliser la technique de PIEZ et MORRIS [3] qui r6alise sur une seule colonne de r6sine 6changeuse d'ions l'61ution des acides amin6s au moyen d'un gradient de p H et de force ionique. Cette ra6thode a 6t6 pratiqu6e autoraatiquement en utilisant l'Autoanalyzer Technicon (Chauncey NY). Compte tenu de la nature particuli6re de la r6sine dont nous disposions (Aminex 50-X 12, 25-32 microns; n ° de contr61e 5992 - WE, B - 879 E, provenant de Bio Rad Laboratories, R I C H M O N D , Calif.), nous avons apport6 les modifications suivantes /~ la technique originale: 1°) colonne de 118 ×0,9 cra remplie avec un lit de r6sine de 106 cm de hauteur; 2 °) syst~rae d'61ution: voir tableau I. On obtient l'61ution d'un m61ange t6moin de 18 acides arain6s avec une r6solution convenable et des pics sym6triques. Les courbes d'6talonnage montrent une bonne reproductibilit6 et une precision de l'ordre de ~ 2 pour cent pour des concentrations comprises entre 0,25 et 2 raicroraoles de chaque acide amin6. On retrouve 6galement une composition en acides amin6s voisine de celle cit6e dans la litt6rature pour une prot6ine de constitution connue comme la ribonucl6ase. On a effectu~ l'hydrolyse des scorpamines pendant 24 h avec HC1 6N en tube scell~ sous vide. Le rapport acide (en volume), prot6ines (en poids) 6tait d'environ 500. L'hydrolysat a ~t6 dess6ch6 sur pastilles de N a O H pour 61irainer HC1 et, apr~s dissolution darts 2 ml d'eau distill6e, d6pos6 quantitativement au soramet de la colonne. (b) - - calcul du poids mol6culaire: Nous avons d~termin6 le poids mol6culaire des scorpamines par 6quilibre de st~dimentation approch6 selon la technique d'ARCmBALD [4] en utilisant la centrifugeuse Spinco analytique raod~le E (Beckman Instruments) & 15220 tours/min. La concentration prot6ique initiale 6tait d'environ 0,3 g pour I00 ml. Le solvant 6tait une solution d'ac~tate d'amraoniura 0,43 M de p H 7,00 et de densit6 1,058.
Sur les Neurotoxines de Deux Esp6ces de Scorpions Nord-Africains
125
TABLEAU I.--SYTEME D'ELUTION DE LA METHODEDE PIEZ MODIFIEE
Composition (en ml) de la solution contenue initialement dans chacun des compartiments Compartiment de l'Autograd*
tampon citrate de pH = 2,88
solution de citrate trisodique 0,8 N
75 75 75 40 25 10 5
1
2 3 4 5 6 7 8 9
Eau
35 50 45 30 60 75
20 40 15
On ferme le robinet de communication entre les compartiments 1 et 2 apr6s 6mergence du sommet du pic d'ammoniac. On verse alors, dans le compartiment 1,150 ml de solution de citrate 0,8 N pour 61uer l'arginine. L'influence de cette solution de citrate se manifeste environ 30 min apr6s la sortie de l'histidine. *Nom d6pos6 (Technicon) du syst6me g6n6rateur de gradient. RESULTATS 1 -- Propridtds spectrales L a figure 1 m o n t r e les s p e c t r e s d e s q u a t r e toxirles ( e n s o l u t i o n d a n s l ' a c 6 t a t e d ' a m m o n i u m 0,22 M , p H 7,00) o b t e n u s a v e c u n s p e c t r o p h o t o m ~ t r e e n r e g i s t r e u r B e c k . m a n D K - 2 .
(o)
(c)
(b)
(d)
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0,5
it)
g O
0~
g el O
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0 5 .~
¢n
g
tm
250
290 mF
330
250
290
330
m/~
FIG. 1. SPECTRES D'ABSORPTION EN U V DES SCORPAMINES:
A: B:
C: D:
TOXlNEI o'Androctonus (0,34 mg/ml); TOXlNEII o'Androctonus (0,30 mg/ml); TOXlNEI DE Buthus (0,26 mg/ml); TOXlNEII DE Buthus (0,25 mg/ml).
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FRANt~OIS MIRANDA, HERVI~ ROCHAT et SERGE LISSITZKY
Le tableau 2 donne la valeur de El~Xm5- 280 mix pour ces diffdrents produits. TABLEAU 2. COEFFICIENTS D'EXTINCTION SPECIFIQUE DES SCORPAMINES A 280 m~
Esp6ces
Toxine
1% Valeurs de Elc m calcul6es pour un exp6rimentales produit sec*
I
13,4
20, 8
II
14,8
22,9
I
17,2
26.7
II
16,8
26,0
Androctonus
Buthus
*en admettant un taux d'humidification de 55 pour cent. Dans le but de rendre comparables les r6sultats obtenus depuis le d6but de ce travail, les d6terminations spectrophotom6triques ont toujours 6t6 effectu6es 5- 280 m/z. L'absence de produit pur de r6f6rence nous avait incit6s initialement 5- adopter cette longueur d'onde qui, par la suite, s'est av6r6e tr6s peu diff6rente de la longueur d'onde d'absorption maximum des toxines. Ces longueurs d'onde et les valeurs de Elc 17oo m qui leur correspondent sont respectivement, pour les diverses toxines (sans correction d'hygroscopicit6): J% A n d r o c t o n u s I: A max. = 277 mix; E~c g 277 mix -- 14,0; 1% A n d r o e t o n u s II: A max. z 278 mix; Elc m 278 mix = 15,7; i%m 277 mix = 17,8; B u t h u s I: A max. -- 277 mix; Elc 1% B u t h u s II: A max. 278 mix; Elc,~ 278 mt~ = 17,6 2 - - C o n s t a n t e d e sOdimentation
La pr6paration toxique est dissoute dans l'ac6tate d'ammonium 0,44 M, p H 7,00. La concentration prot6ique d6termin6e par int6gration du gradient en tenant co.mpte de la dilution radiale selon l'6quation de SVED~ERG[5], est comprise entre 0,25 et 0,45 pour cent. La constante de s6dimentation, d6termin6e par la m6thode des logarithmes [6] et exprim6e en unit6s SVEDBERG (sec xl0 z) 5- 20 ° est voisine de 1,2 pour les trois toxines essay6es (moyenne de 5 d6terrninations pour chacune d'elles). 3 - - C o m p o s i t i o n en a c i d e s a m i n ( s
La figure 2montre, 5- titre d'exemple, l'61ution des acides amin6s de la toxine I[ d ' A n d r o c t o n u s comparde 5. celle d'un m61ange t6moin d'aminoacides.
Le tableau 3 donne, pour l'ensemble des scorpamines, les r6sultats en /~ moles et en restes d'acides amin6s (en prenant arbitrairement 1 reste pour l'acide amin6 le moins repr6sent6). En ce qui concerne la d6termination du tryptophanne et par raison d'6conomie de mat6riel, nous avons renonc6 au dosage bact6riologique et 5- l'hydrolyse alcaline qui sont consid6r6s actuellement comme les techniques les plus sfires. Nous avons employ6 deux m6thodes moins pr6cises qui ont cependant l'avantage de pouvoir ~tre appliqu6es successivement sur le mfime 6chantillon. La premi6re est celle de BEAVEN et HoLIoAY [7] qui est bas6e sur les modifications, en milieu alcalin, du spectre des prot6ines contenant de la tyrosine et du tryptophanne.
Sur les Neurotoxines de Deux Esp6ces de Scorpions Nord-Africains
127
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FRANCOIS MIRANDA, HERVI~ ROCHAT et SERGE L1SSITZKY TABLEAU 3. RESULTATS DE L'ANALYSE CHROMATOGRAPHIQUE DES HYDROLYSATS DE SCORPAMINES (TECHNIQUE DE PIEZ ET MORRIS MODIEIEE)
Buthus I
Androctonus I
Androctonus II
Acide Amin6 /x moles
restes (PHE 1) 12,08 3,08 3,41 4,91 4,33 8,25 4,41 7,91 3,50 0,25 2,91 3,58 6,16 1,00 10,75 7,00 1,00 2,25 -
Ac. Aspartique Thr6onine S~rine Ac. Glutamique Proline Glycine Alanine 1/2 Cystine Valine M6thionine Isoleucine Leucine Tyrosine Ph6nylalanine Ammoniac Lysine Histidine Arginine
1,45 0,37 0,41 0,59 0,52 0,99 0,53 0,95 0,42 0,03 0,35 0,43 0,74 0,12 1,29 0,84 0,12 0,27
/x moles
-
2,34 0,43 1,44 0,29 1,36 1,61 0,52 1,87 1,14 traces 0,50 0,91 0,71 0,23 1,57 1,74 0,41 0,51
restes (PHE = 1) 10,20 1,87 6,26 1,26 5,91 7,00 2,26 8,13 4,96 -2,17 3,96 3,04 1,00 6,83 7,56 1,78 2,22
tz moles 1,64 0,60 0,50 0.78 0,65 1,50 0,58 1,10 0,64 0 0,13 0,38 0,99 0,23 1,08 1,03 0,36 0,60
restes (ILEU --1) 12,61 4,61 3,84 6,00 5,00 11,53 4,46 8,46 4,92 0 1,00 2,92 7,61 1,77 8,30 7,92 2,76 4,61
La seconde, due 5, DICKMAN et CROCKETT [8] utilise les r6actions colordes des acides amin6s aromatiques avec le xanthydrol en milieu chlorhydrique concentr6 (cette forte concentration en HC1 permet de neutraliser ais6ment le milieu alcalin dilu6 de la technique de BEAVEN et HOLIDAY et, par cons6quent, de passer d'une mdthode & l'autre en partant d'une prise d'essai unique). Une 6tude critique des deux procddds a 6t6 rdalis6e fi partir d'une prot6ine ~ tryptophanne utilisde comme tdmoin: le lysozyme. Nous en avons conclu que la m6thodeau xanthydrol qui nous a donn6, pour le rapport Tyr/Try une augmentation de 50 pour cent de la valeur thdorique 6tait/t rejeter. La mdthode spectrophotom6trique semble beaucoup plus acceptable bien qu'elle donne elle aussi un chiffre 16g6rement sup6rieur pour la tyrosine et nettement trop faible pour le tryptophanne, le rapport Tyr/Try 6tant finalement trop fort d'environ 20 pour cent. Avec les trois toxines disponibles, la mdthode de BEAVEN et HOLIDAY fournit des valeurs tr6s voisines du rapport Tyr/Try: 2,54 (Androctonus I), 2,14 (Androetonus II), 2,06 ( Buthus I).
I N T E R P R E T A T I O N DES RESULTATS 1 - - Hygroscopicitd des to xines
Des donn6es pr6cises sur le caract6re hygroscopique des toxines ont 6t6 fournies par les mesures r6fractom&riques de la rn6thode d'int6gration du gradient d'ultracentrifugation. Les valeurs obtenues pour des produits 6quilibr6s avec l'atmosph~re pendant un temps de 15 rain avant la pes6e sont assez concordantes et conduisent/t un chiffre moyen voisin de 55 pour cent d'humidit& Diverses corrections ont pu &re effectu6es en prenant comme facteur de conversion 1,55, ixm (cf par exemple pour les valeurs du coefficient d'extinction sp6cifique des toxines Elc tableau 2).
Sur les Neurotoxines de Deux Esp6ces de Scorpions Nord-Africains
129
2 - - Equilibre de s~dimentation, composition en acides aminds etpoids molOculaire Le poids mol6culaire est donn6 par l'6quation de SVEDBERG: S
RT
D
I-vp
avec S: constante de s6dimentation, D: constante de diffusion, R: constante des gaz parfaits: 8,314.107 ergs/mole/degr6; T: temp6rature absolue ~- 293 °, v: volume sp6cifique partiel de la prot6ine, t°: densit6 du milieu Le calcul de S/D s'op~re par une m6thode graphique et comporte la r6solution d'une int6grale complexe qui est effectu6e par int6gration mdcanique.* Pour la d6termination du volume spdcifique v, il est 6vident que la m6thode picnom6trique ne pouvait ~tre utilis6e en raison de la faible quantit6 de mat6riel ~ notre disposition. Tant que la constitution en acides amin6s n'a pas 6t6 connue, on a pris arbitrairement pour v la valeur du volume sp6cifique de la ribonucldase: 0,709 (5, 9), cette prot6ine pr6sentant de grandes analogies avec les scorpamines. On a ainsi obtenu les poids mol6culaires provisoires qui figurent au tableau 4 (2 ~ colonne). TABLEAU 4.
Toxine Androctonus I Androctonus II Buthus I
VALEURS D U COEFFICIENT n
PM approch6 *
PM minimum I
n
12 785 11 055 17 077
7 706 10 638 9 042
2 1 2
*donn6 par l'6quilibre de s6dimentation ~ t'ultracentrifugation t donn6 par l'analyse chromatographique des acides amin6s (Cf. Tableau 3). Le Tableau 3 indiquait, pour chaque acide amin6, le nombre de restes trouv6s dans les mol6cules de scorpamines. Nous avons vu 6galement que le tryptophanne, d6truit par l'hydrolyse acide, pouvait ~tre appr6ci6 par la m6thode spectrophotom6trique de BEAVEN et HOLIDAY qui donne une valeur voisine de 2 pour le rapport Tyr/Try. La comparaison du poids mol6culaire minimum ainsi calcul6 avec la valeur fournie par l'6quilibre de s6dimentation aboutit/t la d6termination du coefficient n (Tableau 4). Ce hombre est le facteur de multiplication qui permet de passer du poids mol6culaire minimum donn6 par la m6thode ckimique au poids mol6culaire vrai. Quant ~ la composition vraie en acides amin6s des toxines, il est bien 6vident que, sur la base d'une seule analyse, il n'a pu ~tre avanc6 qu'une formule de constitution approch6e. On peut, /~ partir des valeurs exp6rimentales (cf tableau 3) et compte tenu de donn6es auxiliaires telles que la pr6cision de la m6thode de PIEZ et MORRIS rnodifi6e et les valeurs de 17o Exc m des toxines (cf tableau 2), 6tablir des tableaux de composition en acides amin6s. Ces tableaux comportent des valeurs minimum, maximum et moyenne pour chaque constituant et pour chaque toxine (Tableaux 5, 6, 7) en supposant, darts un premier temps, que *Int6grateur type 2002, A. J. AMSLERet Co., SCHAFFHOUSE,Suisse.
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FRANqOIS MIRANDA,HERVE ROCHATet SERGELISSITZKY
la m o l a r i t 6 t r o u v 6 e p o u r l ' a c i d e a m i n 6 le m o i n s repr6sent6 ( p h e n y l a l a n i n e , isoleucine) est r i g o u r e u s e l n e n t exacte. TABLEAU 5. COMPOSITIONEN ACIDES AMINESDE LA TOXINE ][ D'Androctonus
exp6rimental
Nombre de testes suppos6 minimum
suppos6 maximum
20,40 3,74 12,52 2,52 11,82 14,00 4,52 16,26 9,92 traces 4,34 7,92 6,08 2,00 (13,66) 15,12 3,56 4,44 3,04t 142, 20
20 4 13 2 11 14 4 17 10 0 4 8 6 2 (14) 15 4 4 3 141
21 4 13 3 12 14 5 18 10 0 5 8 7 2 (17) 15 4 5 5 151
ACIDE AMINE Ac. Aspartique Thr6onine S6rine Ac. Glutamique Proline Glycine Alanine 1/2 Cystine Valine M6thionine Isoleucine Leucine Tyrosine Ph6nylalanine* Ammoniac Lysine Histidine Arginine Tryptophanne TOTAL
composition cent6simale moyenne 14,77 2,53 7,09 2,30 6,99 4,99 2,00 11,18 6,21 0 3,75 5,67 6,64 1,84 12,05 3,43 4,40 4,66 100, 50
~acide amin6 de r6f6rence. tchiffre obtenu en prenant 2,00 comme valeur corrig6e du rapport Tyr/Try donn6 par la m6thode spectrophotom6trique. TABLEAU 6. COMPOSITION EN ACIDES AMINESDE LA TOXINE II D'ANDROCTONUS ACIDE AMINE Ac. Aspartique Thr6onine S6rine Ac. Glutamique Proline Glycine Alanine 1/2 Cystine Valine M6thionine Isoleucine* Leucine Tyrosine Ph6nylalanine Ammoniac Lysine Histidine Arginine Tryptophanne TOTAL
exp6rimental
Nombre de restes suppos6 minimum
suppos6 maximum
composition cent6simale moyenne
12,61 4,61 3,84 6,00 5,00 11,53 4,46 8,46 4,92 0 1,00 2,92 7,61 1,77 (8,30) 7,92 2,76 4,61 3,81 t 93,83
13 5 4 6 5 11 4 9 5 0 1 3 8 2 (9) 8 3 5 2 94
13 5 4 6 5 12 5 I0 5 0 1 3 8 2 (12) 8 3 5 3 98
13,72 4,64 3,19 8,09 4,45 6,02 2,93 8,89 4,55 0 1,04 3,11 11,97 2,70 -9,40 3,77 7,16 4,27 99,90
~acide amin6 de r6f6rence. ?chiffre obtenu en prenant 2,00 comme valeur corrig6e du rapport Tyr/Try donn6 par la m&hode spectrophotom6trique.
Sur les Neurotoxines de Deux Esp6ces de Scorpions Nord-Africains TABLEAU 7.
COMPOSITION EN ACIDES AMINES DE LA TOXINE I DE
Buthus
exp6rimental
Nombre de restes suppos6 minimum
suppos6 maximum
composition cent6simale moyenne
24,16 6,16 6,82 9,82 8,66 16,50 8,82 15,82 7,00 traces 5,82 7,16 12,32 2,00 (21,50) 14,00 2,00 4,50 6,16 t 155,72
24 6 7 9 8 16 8 16 7 0 6 7 12 2 (22) 14 2 5 6 156
25 7 7 10 9 17 9 18 7 0 6 7 14 2 (26) 14 2 5 7 166
15,44 3,60 3,34 7,65 4,52 5,16 3,50 9,50 3,80 0 3,72 4,34 11,61 1,61 -9,81 1,50 4,27 6,62 99,99
ACIDE AMINE
Ac. Aspartique Thr6onine S6rine Ac. Glutamique Proline Glycine Alanine 1/2 Cystine Valine M6thionine lsoleucine Leucine Tyrosine Ph6nylalanine* Ammoniac Lysine Histidine Arginine Tryptophanne TOTAL
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*acide amin6 de r6f&ence. tchiffre obtenu en prenant 2,00 comme valeur corrig6e du rapport Tyr/Try donn6 par la m&hode spectrophotom&rique. Les valeurs d u p o i d s mol6culaire d6duites de ces t a b l e a u x de c o m p o s i t i o n sont indiqu6es sur le t a b l e a u 8. O n constate que les limites des variations sont en m o y e n n e de 3 p e r cent en plus ou en m o i n s ; bien que les acides amin6s pris corinne r6f6rence soient particuli6rem e n t stables/~ l'hydrolyse, il est p r u d e n t d ' a d m e t t r e darts leur d 6 t e r m i n a t i o n un 6cart d u m~me o r d r e de grandeur, car route erreur, dans ce cas, est d ' a u t a n t plus grave qu'elle p o r t e sur u n c o n s t i t u a n t pr6sent darts la mol6cule p r o t 6 i q u e / l une faible concentration. TABLEAU 8.
POIDS MOLECULAIRES DES TOXINES CALCULES D';APRES LA COMPOSITION EN ACIDE; AMINE;
TOXINES
Poids mol6culaire
Limites des variations exprim6es en
Androctonus I Androctonus II Buthus I
15 970 + 667 ~ 10 904 4- 207* 18 263 ~ 615"
4,17~ 1,90~ 3,36~
*calcul6 d'apr6s les valeurs maximum et minimum du nombre de restes d'acides amin6s (Tableaux 5, 6 et 7). D ' a u t r e part, gr~tce aux t a b l e a u x de c o m p o s i t i o n en acides amin6s ,on p e u t calculer une valeur de v utilisable dans l ' 6 q u a t i o n de SVEDBERG. I1 est, en effet, pr6f6rable, lorsque l ' o n ne p e u t saisir exp6rimentalement v, de prendre, au lieu d ' u n e valeur a r b i t r a i r e c o m m e celle empruntde ~ la ribonucl6ase*, une valeur qui tienne c o m p t e de la c o m p o s i t i o n de la p r o t6ine en acides amin6s: selon COHN et EDSALL [10], si l ' o n d6signe p a r Vile v o l u m e sp6cifique de c h a q u e r & i d u d ' a c i d e amin6 et p a r W i l e p o u r c e n t a g e de ce r6sidu dans la prot6ine, Vp, ~On eonsid6re que la plupart des prot6ines ont un volume sp&ifique partiel compris entre 0,70 et 0,75 ml/g [9l.
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volume sp6cifique partiel de la prot6ine, identique au v de l'6quation de SVEDBERG, est donn6 par la relation: Vp = E Vi.Wi E Wi
Mc MEEKIN et MARSHALLont confirm6 la validitd de cette expression pour de nombreuses prot6ines [11 ]. En r6introduisant les valeurs trouv6es pour Vpt (cf tableau 9) darts l'6quation de SVEDBERG, o n obtient les valeurs des poids mol6culaires pr6sent~es dans le tableau 10 qui sont plus vraisemblables que celles du tableau 4. TABLEAU 9. VOLUME SPECIFIQUE PARTIEL DES SCORPAMINES CALCULE A PARTIR DE LEUR COMPOSITION CENTESIMALE EN ACIDES AMINES. EXEMPLE: TOXINE I D'Androctonus
ACIDE AMINE
Wi
Vi
Wi Vi
Ac. Aspartique ThrOonine S6rine Ac. Glutamique Proline Glycine Alanine 1/2 Cystine Valine M6thionine Isoleucine Leucine Tyrosine Ph6nylalanine Lysine Histidine Arginine Tryptophanne Ammoniac
14,77 0,59 8,714 2,53 0,70 1,771 7,09 0,63 4,466 2,30 0,66 1,578 6,99 0,76 5,312 4,99 0,64 3,193 2,00 0,74 1,580 11,18 0,63 7,043 6,21 0,86 5,340 0 0 3,75 0,90 3,375 5,67 0,90 5,103 6,64 0,71 4,714 1,84 0,77 1,416 12,05 0,82 9,881 3,43 0,67 2,298 4,40 0,70 3,080 4,66 0,74 3,448 correction pour amidation 0,155 E W i : 100,50 Z W i Vi = 72,467 Y~ Wi Vi 72,467 Vp --- 0,721 ~, Wi 100,50
TABLEAU 10.
VALEURS CORRIGI'S DES POIDS MOLECULAIRES DES TOXINES OBTENUS PAR EQUILIBRE DE SEDIMENTATION A L~ULTRACENTRIFUGATION TOXINES
Poids mol6culaires corrig6s
Vp ~
13 455 14 040 Androctonus I
0,721 13 13 11 10
Androctonus II
0,705
+
516
M moyen = 13 524 331 270 101 852
- - 254
+ 224 M moyen = 10 914
11 13C -340 10 574 18 003 17 962 + 747 Buthus I 0,722 18 890 M moyen = 18 143 18 498 - - 780 *Cf. Tableau 9. 17 363 t O n a calcul6 uniquement le volume sp6cifique partiel correspondant g la composition cent6simale moyenne des diff6rentes toxines.
Sur les Neurotoxines de Deux Esp6ces de Scorpions Nord-Africains
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Beaucoup d'autres renseignements peuvent ~tre tir6s des tableaux de composition en acides amin6s: ceux que nous avons retenus ont 6t6 4tablis, pour simplifier les calculs, uniquement/t partir de la composition moyenne des toxines. On a tout d'abord obtenu ainsi des valeurs th6oriques approch6es de Elc 1v.m ~t 280 m/~ en supposant que le coefficient d'extinction sp6cifique d'une prot6ine est tr~s voisin de la somme des coefficients correspondant aux restes de tyrosine et de tryptophanne qui entrent dans sa constitution. Le calcul donne les r6sultats suivants: 17.9 (toxine I d'Androetonus); 20,7 (toxine II d'Androctonus); 27,1 (toxine I de Buthus). Par ailleurs, si l'on fair abstraction des pertes ~t l'hydrolyse, on peut avancer des taux d'humidification et des facteurs de conversion en consid6rant les poids de toxine soumis l'hydrolyse et le poids total des acides amin6s r6cup6r6s apr6s hydrolyse. Les pes6es r6alis6es dans ce cas apr6s un 6quilibre de 24 h avec l'atmosph6re, donnent des taux d'humidit6 beaucoup plus grands que ceux obtenus aprbs 15 rain environ d'exposition l'air (taux d'humidit6 moyen: 100 pour cent au lieu de 55 pour cent). En ce qui concerne la m6thode de BEAVENet HOLIDAY- - Oh les pes6es des toxines ont 6t6 r6alis6es aprbs 24 hr d'6quilibration avec l'atmosphbre - - les valeurs des poids mol6culaires et des nouveaux facteurs de conversion en poids sec h partir des poids bruts, introduites dans les formules qui donnent le nombre de restes de tyrosine et de tryptophanne, aboutissent aux r6sultats group6s dans le tableau II. TABLEAU 11.
NOMBR~S DERESTES DE TYROSINE ET DE TRYPTOPHANNE DES SCORPAMINES CALCULES PAR LA METHODE SPECTROPHOTOMETRIQUE
ACIDE AMINE
M6thode de calcul du PM
I"OXINES
I
II
I
A*
9,63
7,75
12,95
B*
11,56
7,74
13,04
A*
3,90
3,62
6,25
B*
4,61
3,62
6,29
Androctonus
Buthus
TYROSINE
TRYPTOPHANNE
* A = 6quilibre de s6dimentation par ultracentrifugation. * B = comoosition en acides anain6s. Ceux-ci sont en accord plus ou moins bon avec les chiffres des tableaux de composition (Tableaux 5, 6, 7) suivant les toxines, la m6thode choisie pour la d6termination du poids mol6culaire et l'acide amin6 consid6r6. Enfin, la composition en acides amin6s permet d'6valuer approximativement les propri6t6s ioniques des toxines. Les r4sultats sont rassembl6s sur le tableau 12. Sur le plan qualitatif, on y trouve une confirmation du caract6re basique de ces prot4ines. Sur le plan quantitatif, l'exc6dent relatif des groupements cationiques crolt darts l'ordre suivant: Buthus I, Androctonus II, Androetonus I. Pour Buthus, ce r6sultat corrobore parfaitement le comportement de la toxine en 61ectrophor6se sur papier et en chromatograpkie sur Amberlite. Par contre, pour les toxines d'Androctonus, on obtient des r6sultats oppos6s ~t ceux auxquels on pouvait s'attendre ~t priori sur le vu de leur comportement 41ectrophor4tique et chromatographique. Mais la basicit6 d'une prot6ine n'est pas simplemerit fonction de l'exc6dent des groupements cationiques par rapport aux groupements anioniques: ainsi le tableau 12 montre que le lysozyme, bien que nettement plus basique que la
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I:;RAN~OIS MIRANDA, HERVI~ ROCHAT et SERGE LISSITZKY
TABLEAU 12. PROPRIETES IONIQUES DES SCORPAMINES TOXINE I
TOXINE II
TOXINE I
d'Androctonus
d'Androctonus
de Buthus
Ribonu-
cl6ase*
Lyso-
zyme*
105 105 105 10a 105 la mol6cule grammes la mol6cule grammes la mol6cule grammes grammes grammes Calculs gramme de prot6ine gramme de prot6ine gramme de prot6ine de prot6ine de prot6ine rapport6s b.: Groupements 8,5 53,2 9,5 87,1 11,0 60,2 49,5 44,2 anioniques libres (a) Groupements 24,5 153,4 17,0 155,9 22,0 120,4 128,0 118,8 cationiques libres (b) 33,0 206,6 26,5 243,0 33,0 180,6 177,5 163,0 a+b 15,5 97,1 10,5 96,3 24,0 131,4 146,5 122,2 Amides 16,0 100,2 7,5 68,8 11,0 60,2 78,5 74,6 b--a *d'apr6s G.R. TRISTRAM,The Proteins ,Vol, I, part A, Academic Press, New-York, 1953, p. 181. ribonucl6ase (pHi -- ll,0 contre 9,5), accuse un exc6dent de groupements basiques 16gbrement moins grand (74,6 contre 78, 5 lorsqu'on rapporte les chiffres/t 10~g de prot6ine). Les arguments suivants peuvent 6galement ~tre invoqu6s: parmi tousles groupements pr6sents dans la mol6cule prot6ique, ceux d'ammoniac sont les plus difficiles 5. doser par la technique utilis6e - - except6 6videmment ceux de tryptophanne - - : on peut donc admettre de larges fluctuations darts leur appr6ciation. D'autre part, en 61ectrophor6se sur papier (off, dans la technique classique horizontale, la toxine I[ se retrouve ldgbrement plus pr6s du point de d6part que la toxine I), la migration des protdines ne d6pend pas uniquement de la charge nette des moldcules: d'autres caractdristiques structurales comme la taille, la forme, les propridt6s d'adsorption sont aussi trbs importantes. Enfin, en chromatographie sur Amberlite, les toxine lI s'dluent nettement aprbs les toxines I. g a premibre hypothbse explicative est que ce retard est dfi au caractbre basique plus accentu6 des toxines [[. A la lumibre des rdsultats sur la composition des toxines en acides aminds, on pourrait penser que le facteur de retardement est plut6t l'adsorption, car la toxine I[ d'Androctonus possbde relativement plus d'acides aminds ayant tendance/1 s'adsorber assez fortement sur les r6sines (tyrosine, tryptophanne, arginine) que la toxine I (environ 1,5 lois plus). 3--Analogies et difJ~rences entre les toxines
Les coefficients d'extinction sp6cifique sont assez voisins et toujours trbs 61ev6s, ce qui est expliqu6 par la composition en acides amin6s. La valeur de la constante de s6dimentation est d'environ 1,2 pour les trois toxines 6tudi6es, ce qui, compte tenu des poids mol6culaires, serait en faveur d'une grande asym6trie de la mol6cule. Les poids mol6culaires, bien que variant presque du simple au double (entre toxine II d'Androctonus et toxine I de Buthus, par exemple), permettent de placer ces mol6cules /t la limite des polypeptides et des prot6ines. La comparaison des compositions en restes d'aminoacides ne peut pas, /t priori, ~tre tr6s significative, puisque les poids mol6culaires sont nettement diff~rents. L'6tude des compositions cent6sirnales devrait permettre des rapprochements plus valables. On observe des analogies importantes: l°/absence de m6thionine; 2°/ faible pourcentage de
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certains acides amin6s: thr6onine, phenylalanine, histidine; 3°/ forte proportion de certains autres: acide aspartique, cystine, lysine; 4°/taux moyen de proline, glycocolle, tryptophanne; 5°/rapports remarquables: Asp/Glu, Lys/Arg et Tyr/Try tr6s nettement sup6rieurs ~1. En ce qui concerne l'activit6 sp6cifique des scorpamines, on constate que, tout en gardant des valeurs du m~me ordre, surtout ~t l'int&ieur d'une m~me esp~ce, elle diminue assez sensiblement lorsqu'on passe du genre Androctonus au genre Buthus: ainsi la toxine I[ d'Androctonus est pratiquement trois fois plus active, h poids 6gal, que la toxine I de Buthus [2]. Cependant, ce rapport peut subir des corrections. En particulier, il faudrait tenir cornpte du poids mol6culaire dans l'hypoth~se oia la toxicit6 serait li6e tt l'existence d'un centre actif commun et o~, par cons6quent, l'activit6 serait proportionnelle au hombre de mol6cules et non pas au poids de toxine. Ainsi, le rapport des activit6s sp6cifiques ne serait plus que de 1,7 en faveur d'Androctonus. Une autre correction/t apporter est celle qui a trait ~t la d6naturation cons6cutive aux op6rations de purification [1]. La purification, darts la cas de Buthus, a 6t6 op6r6e ~t partir des telsons et non pas du venin manuel; aussi comporte-t-elle deux stades suppl6mentaires: pr6cipitation ac6tonique et chromatographie pr6parative sur Amberlite ~t pH 5,6 suivie d'une double lyophilisation. En ne retenant que la d6naturation apport6e par cette derni6re, on aboutit/t un rapport des activit6s sp6cifiques qui n'est plus que de 1,2 en faveur d'Androctonus. DISCUSSION I - - Propri~t~s des seorpamines I%m ~ 280 mt~ nettement plus faibles que celles MOHAMMED [12] donne des valeurs de E:c que nous avons obtenues (cf. tableau 2). Plusieurs raisons peuvent expliquer ces diff6rences: 1°/les pr6parations de MOHAMMED ne repr6sentent que des stades initiaux de purification; 2°/l'esp6ce de scorpion en cause n'est pas la m~me; 3°/le taux d'humidification des extraits pr6par6s par cet auteur est peut-~tre sup6rieur ~ celui de nos toxines. Tr~s peu d'616ments de comparaison existent dans le domaine de la constitution chimique: KAKU et KAKU ont publi6 les r6sultats de l'analyse 616mentaire de la toxine du scorpion de Mandchourie pr6par6e par la m6thode des picrates [13, 14]: le pourcentage d'azote (15,21 pour cent) est compatible avec la nature prot6ique du principe actif; par contre, le taux de soufre (29,2 pour cent) est assez surprenant bien que le nombre de restes de 1/2 cystine que nous ayons trouv6s dans les mol6cules de toxines soit effectivement assez 61ev6 (9 ~t 11 pour cent de 1/2 cystine soit 3 ~t 4 pour cent de soufre). D'autres travaux de ce type ont 6t6 conduits sur les venins bruts: h part les analyses imm6diates anciennes (CHARNOTet FAURE [15], RAMIREZ [16]) qui n'ont plus beaucoup d'int6r~t, nous avons relev6 un tableau de composition en acides amin6s du venin total d'un scorpion brdsilien (venin obtenu par la m6thode d'excitation 61ectrique) publi6 par FISCHER et al. [17]. Mais comme les principes actifs du venin de scorpion ne paraissent repr6senter que 10 pour cent environ de la s6cr6tion obtenue par cette mdthode brutale d'excitation, il est bien difficile de donner une signification a la composition en acides aminds de l'hydrolysat total.
II - - Propri~tOs compar~es des scorpamines et des autres neurotoxines connues d ce jour Les neurotoxines v6g6tales 6tant pratiquement inexistantes, les comparaisons ne concerneront que les neurotoxines animales et les neurotoxines bact6riennes et porteront sur
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les deux aspects de la biochimie de ces composds: les propri6t6s physico-chimiques et les propri6t6s pharmacodynarniques. Bien que l'on ne connaisse actuellernent qu'un trop petit nombre de neurotoxines animales (abeilles, certains serpents) pour 6tablir des r6gles gdn6rales, il sernble que les substances de ce groupe pr6sentent un certain nornbre de caract6res physicochimiques co1Tlmuns :
(1 °) I1 existe, en g6n6ral, non pas un, mais plusieurs principes neurotoxiques dans une s6cr6tion venirneuse: deux chez les esp~ces de scorpions que nous avons 6tudi6es, deux chez Naja haje [18], deux chez l'abeille [19], trois chez Najaflava [20], trois chez Crotalus terrificus crotaminicus [21 ], deux chez le serpent australien Notechis scutatus scutatus [22]. (2 °) Le poids rnol6culaire est faible (inf6rieur h 20,000): certaines neurotoxines sernblent ~tre constitu6es d'un si petit nornbre d'arnino acides qu'on doit les ranger dans la classe des polypeptides: c'est le cas des principes actifs du venin d'abeille [23]; d'autres seraient situ6es h la lirnite des polypeptides et des prot6ines, cornme les neurotoxines de certains Naja [20]; les autres compos6s connus: crotactine [24], crotarnine [25], scorpamines ont des poids rnol6culaires voisins de 15.000. (3 °) Le pH iso61ectrique est souvent franchement basique (sup6rieur h 8): entre 8 et 9 pour les scorpamines, 9,4 pour la neurotoxine de Naja maja [26], 10,3 pour la crotamine [25], 12,2 pour le principe actif du venin d'abeille [23]. (4 °) Ces prot6ines semblent particuli~rement riches en soufre (de 2,5 ~ 5 pour cent environ), fait d6jh signal6 [27]. Du point de vue pharmacodynarnique, on constate qu'avec les neurotoxines animales, le temps de latence pr6c6dant l'apparition des premiers syrnpt6rnes de l'envenirnernent est toujours bref, quelques heures au maximum; avec de fortes doses, quelques minutes s6parent l'inoculation des premieres manifestations nerveuses. Quant au tableau clinique de l'intoxication, il peut rev~tir deux formes netternent diff6rentes suivant la neurotoxine en cause: il sera essentiellement convulsivant ou bien paralysant, la mort dans les deux cas paraissant toutefois survenir par arr~t respiratoire. Certains venins ne contiennent que des neurotoxines de type convulsivant, par exernple les venins de scorpions; d'autres renferrnent uniquernent des principes paralysants, par exernple les venins de Naja; d'autres enfin poss~dent ~ la fois des toxines convulsivantes et paralysantes: c'est le cas du venin de Crotalus terrificus crotaminicus off coexistent la erotairfine convulsivante et la crotactine paralysante; on trouverait la m~me situation dans le venin d'abeille [28]. II est d'ailleurs possible qu'une diff6rence aussi spectaculaire dans la syrnptomatologie de l'intoxication corresponde ~t un mode d'action peu diff6rent ~t l'6chelle cellulaire. Les neurotoxines bact6riennes les rnieux connues h l'heure actuelle [29, 30, 31, 32] sont les exotoxines botulique et t6tanique qui pr6sentent des diff6rences assez notables avec les neurotoxines animales en ce qui concerne: (a) - - les caract6res physico-chimiques: ces toxines ont des poids rnol6culaires 61ev6s: 1 × 106 pour la toxine botulique et 7 x 104 pour la toxine t6tanique; ce sont des prot6ines acides de pHi inf6rieur ~ 6 (5,6 pour la toxine botulique; 5,1 pour la toxine t6tanique) ; (b) - - les propri6t6s pharrnacodynarniques: le temps de latence est long; toujours sup6rieur /t 24 heures, il peut m~me atteindre une semaine. Cependant, on peut faire certains rapprochements entre ces deux groupes de neurotoxines: - - d ' u n e part, il est curieux de constater que, dans les toxines botulique et t6tanique, les rapports Asp/Glu et Arg/Lys sont supdrieurs/t 1 ;
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-d'autre part, sur la plan de la symptomatologie, on retrouve les deux types de tableaux cliniques rencontr6s avec les neurotoxines animales: le type convulsivant avec la toxine t6tanique et le type paralysant avec la toxine botulique. On peut conclure que la toxicit6 des diff6rents composds naturels neurotoxiques varie dans le m~me sens que leur poids mol6culaire; c'est ainsi que, d'une fa~on g6n6rale, elle croit des alcaloides (PM: quelques centaines) aux toxines bact6riennes (PM: quelques dizaines ~t quelques centaines de mille) en passant par les toxines animales (PM: quelques milliers). Ceci tendrait/t montrer qu'il ne faut pas raisonner, en ce qui concerne le mode d'action de ces substances, uniquement en termes de nombre de mol6cules. Les grosses mol6cules poss~dent, ~t priori, sur les petites, l'avantage de subir, dans l'organisme, une 61imination beaucoup plus lente, en particulier au niveau du filtre r6nal. Mais le facteur essentiel de leur haute activit6 r6side vraisemblablement dans les caract6res 61ectroniques et st6riques tr6s sp6cifiques que seule peut pr6senter une macromol6cule. RESUME
ET CONCLUSIONS
GENERALES
Plusieurs d6terminations physico-chimiques ont 6t6 effectu6es sur les scorpamines: elles ont confirm6 l'existence de fortes ressemblances entre ces substances qui pr6sentent cependant des caract6ristiques analytiques nettement distinctes. Leur coefficient d'extinction sp6cifique (E]~m) est important (de l'ordre de 20). La constante de s6dimentation est faible (1, 2). La composition en acides amin6s montre de grandes diff6rences entre les trois toxines 6tudi6es (toxines I e t II d'Androctonus, toxine I de Buthus); il y a cependant de nombreux points communs dont la forte proportion d'acides amin6s basiques avec une nette pr6dominance parmi eux de la lysine. Eafin, les poids mol6culaires pour les trois toxines ci-dessus s'6chelonrtent entre 11.000 et 18.000 environ. On peut conclure de cet ensemble de rectterches qu'il ouvre un champ d'exp6rimentation dans le cadre de l'6tude des neurotoxines d'origine animale. II semble, en effet, exister une parent6 6vidente, tant sur le plan des caract~res chimiques et pttysico-chimiques que sur celui du mode d'action, entre plusieurs d'entre elles, conune le sugg~rent les comparaisons possibles, h partir des quelques r6sultats exp6rimentaux connus actuellement (a) /i l'int6rieur du groupe des neurotoxines de scorpions (b) entre les neurotoxines de scorpions, d'une part, et des neurotoxines d'origine zoologique tr~s 61oign6e (ex.: crotamine), d'autre oart. Remerciements--Nous remercions le Dr J. REYNAUD et Mlle J. SAVARYpour leur aide pr6cieuse dans la d6termination des constes de s6dimentation et des poids mol6culaires par ultracentrifugation et le D r M. ROLLAND et Mme S. LASRY pour leur collaboration d6sint6ress6e dans la d6termination de la composition en aminoacides. Ce travail a pu 6tre r6alis6 partiellement grftce b. une aide de la Direction des Recherches et Moyens d'Essais, 7, rue de la Chaise, Paris. BIBLIOGRAPHIE MIRANDA, F., ROCSAT, H. et LtSSITZKV, S., Sur les neurotoxines de deux esp~ces de scorpions NordAfricains. II--Propri6t6s des neurotoxines (scorpamines) d' Androctonu~ australis (L.) et de Buthus occitanus (Am.), Toxic'on (in Press). [2] MIRANDA, F., ROCrIAT, H. et L~SSITZKV,S., Sur les neurotoxines de deux esp6ces de scorpions NordAfricains. I Purification des neurotoxines (scorpamines) d'Androctonus austral& (L.) et de Buthus occitanus (Am.), Toxicon (in Press). [3] PIEZ, K. A. et MORRIS, L., A modified procedure for the automatic analysis of amino acids, Analyt. Biochem., 1, 187, 1960. [4] ARCHIBALD,W. J., A demonstration of some new methods for determining molecular weights from the data of the ultracentrifuge, J. phys. Chem., 51, 1204, 1947. [5] SVEDnEgG, T. et PEDrRSEN, K. O., The Ultracentrifuge, Oxford Press, New-York, 1940, 480 pp. [1]
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FRAN(~OISMIRANDA, HERVI~ROCHATet SERGEL1SS1TZKY
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