Gynécologie Obstétrique & Fertilité 33 (2005) 791–792 http://france.elsevier.com/direct/GYOBFE/
Avant-propos
Les nouvelles biotechnologies de la reproduction en 2005 : faisabilité et acceptabilité The new reproductive biotechnologies in 2005: feasibility and acceptability Depuis la naissance du premier bébé conçu par fécondation in vitro en 1978 en Angleterre, les progrès de la biologie de la reproduction ont été incessants et ses applications thérapeutiques nombreuses. Vingt-cinq ans après cette première, les différents pays européens se sont dotés, plus ou moins rapidement, de lois encadrant cette pratique. La France a promulgué les premières lois de Bioéthique, en août 1994. Dix ans plus tard, celles-ci ont été révisées, en août 2004, afin de s’ajuster à l’évolution des idées et des pratiques. La conservation de tissus germinaux d’origine testiculaire ou ovarienne visant à préserver la fertilité de patients atteints de maladie dont le traitement sera stérilisant, est désormais possible. Ces situations, qui concernent souvent des enfants, génèrent un cortège d’interrogations psychologiques et éthiques. La maturation in vitro de gamètes, ovocytes ou spermatozoïdes, est susceptible d’élargir les techniques d’Assistance médicale à la procréation (AMP) mais reste actuellement en cours d’évaluation. À propos de l’embryon et de sa potentialité d’être humain, plusieurs enjeux sont apparus : le diagnostic préimplantatoire (DPI) permet de sélectionner un embryon sain, parmi une cohorte obtenue par fécondation in vitro, dans un contexte de transmission familiale d’une maladie d’une particulière gravité. Ce diagnostic préimplantatoire, qui permet la sélection embryonnaire, est la pierre d’angle de ce qui est improprement appelé le « bébé médicament » utilisable comme recours thérapeutique pour un frère ou une sœur atteint d’une maladie grave. Ce même embryon peut également, à partir d’une de ses cellules dites totipotentes, générer un tapis de cellules magiques dotées de l’étonnant pouvoir de se transformer en toutes les cellules de l’organisme, constituant ainsi un stock inépuisable de « pièces de rechange ». L’étude des potentialités de ces cellules souches, ouvre des champs d’investigations scientifiques et médicaux, immenses et insoupçonnés. On le voit, cette biologie de la reproduction, initialement tournée vers la réalisation de la rencontre in vitro de gamètes d’un couple en demande d’enfant, acte parfaitement défini 1297-9589/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.gyobfe.2005.08.013
quant à ses buts thérapeutiques, ses conditions éthiques et ses conséquences pour la société, a ouvert au fur et à mesure de sa propre pratique et des découvertes de disciplines voisines des possibilités tout autre. La Société française d’étude de la fertilité (SFEF) a souhaité réunir, pour sa journée thématique 2005, les spécialistes référents de ces questions afin d’explorer le champ du faisable, de réfléchir au champ de l’acceptable, parmi ces foisonnements de possibles. Explorer le champ du faisable s’appuie, avant d’aborder ses applications humaines, sur les résultats et les points de vue des chercheurs travaillant sur différentes espèces animales. Cela exige la confrontation avec les concepts les plus récents en matière de biologie cellulaire allant de la reprogrammation du noyau par son environnement direct, le cytoplasme, et son environnement extracellulaire. Après des années de domination du concept de programmation cellulaire, celui de transdifférenciation, qui permet à une cellule déjà spécialisée de changer encore de destin, est certainement un des plus difficiles à intégrer. Seule une confrontation multidisciplinaire large permettra d’éviter le piège d’une vision trop obtuse sur cette question. Délimiter le champ de l’acceptable va au-delà de l’évaluation bénéfices–risques pour ces nouvelles techniques. Celles-ci peuvent-elles créer des perturbations majeures dans l’élaboration de la personnalité du patient, dans ses rapports à la famille et à la société et inversement ces techniques ne vont-elles pas modifier le regard porté sur lui par la famille et la société ? Nous assurer que nous rendons acceptable et tolérable ce que nous avons déterminé comme biologiquement et thérapeutiquement faisable doit désormais, en tout cas plus que par le passé, faire partie de nos préoccupations majeures. La réflexion est d’autant plus complexe que dans bien des cas la décision de mise en œuvre n’appartiendra pas, pour des raisons chronologiques, au bénéficiaire potentiel : c’est le cas dans l’autoconservation de tissu gonadique décidée par des parents pour un jeune prépubère, ce le sera également si quelques cellules souches embryonnaires devaient être prélevées
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et conservées à partir d’un jeune embryon obtenu in vitro dans des perspectives de médecine régénérative ultérieure. S’attacher à rendre faisable ce qui d’abord était reconnu comme acceptable devrait être proposé comme ligne de conduite prioritaire dans le domaine de ces nouvelles biotechnologies. Devant toutes ces potentialités, il est donc légitime que le législateur mette en place, par la loi, un encadrement de ces pratiques et il est souhaitable qu’il s’ajuste à l’évolution technologique. Passée une phase d’étonnement, devant la diversité des lois des différents pays européens, Etats américains ou pays des autres continents, on ne peut que comprendre le rôle déterminant de l’imprégnation socioculturelle et religieuse dans l’élaboration de ces lois qui aboutit à des réglementations et des législations très différentes. Le « tourisme procréatif » qui en résulte, un couple donné finissant par choi-
sir le pays dont la loi est le plus à sa convenance, en est la conséquence immédiate et paraît incontournable. H. Gérard * Laboratoire de biologie de la reproduction et de développement, maternité Adolphe-Pinard, BP 4213, 54042 Nancy, France Adresse e-mail :
[email protected] (H. Gérard). E. Sedbon Cabinet médical, 17, rue Pétrarque, 75016 Paris, France Disponible sur internet le 08 septembre 2005 * Auteur correspondant.