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JFO-2338; No. of Pages 13
Journal français d’ophtalmologie (2019) xxx, xxx—xxx
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REVUE GÉNÉRALE
Les strabismes divergents intermittents夽 Intermittent exotropia F. Audren Fondation ophtalmologique Adolphe-de-Rothschild, 25, rue Manin, 75019 Paris, France ecembre 2018 Rec ¸u le 15 novembre 2018 ; accepté le 19 d´
MOTS CLÉS Strabisme ; Strabisme divergent intermittent ; Exotropie ; Exophorie-tropie ; Occlusion monoculaire ; Test d’adaptation prismatique ; Chirurgie oculomotrice
Résumé Les strabismes divergents intermittents (SDI) sont les plus fréquents des strabismes divergents. Ils seraient dus à des mécanismes passifs, par configuration anatomique des globes et des orbites, ou à des mécanismes actifs innervationnels, entraînant une divergence des axes visuels, compensée par la convergence (principalement fusionnelle). L’insuffisance intermittente de la compensation confère au strabisme son caractère intermittent. Les symptômes les plus fréquents en cas de SDI sont la fermeture d’un œil, l’asthénopie, la diplopie, mais ils sont souvent absents. La classification clinique des SDI (d’après Burian) repose sur la différence entre l’angle de loin et de près, mesuré à l’écran alterné, et comprend 4 types : l’excès de divergence (de loin), le pseudo-excès de divergence, la forme basique (angle de loin égal à celui de près) et l’insuffisance de convergence (angle de près supérieur à celui de loin). Une des principales difficultés de l’examen des SDI est de neutraliser la convergence fusionnelle afin de classer correctement le strabisme. Pour cela, on peut utiliser le test d’occlusion monoculaire, l’addition de près ou le test d’adaptation prismatique. Les SDI sont également caractérisés par la qualité du contrôle de la déviation par le patient, élément essentiel à prendre en compte pour décider d’un traitement. Les outils de mesure de ce contrôle sont apparus récemment et ne sont pas d’utilisation courante. L’évolution spontanée des SDI est mal connue. Les traitements reposent surtout sur la correction optique, la rééducation orthoptique et la chirurgie, mais les indications en sont mal codifiées, de même que les critères d’évaluation de leurs résultats. Si une chirurgie est décidée, elle vise à traiter l’angle maximal mesuré de loin ; les résultats angulaires de la chirurgie, à moyen et long termes, sont souvent décevants, même si elle améliore probablement le plus souvent le contrôle du SDI. © 2019 Publi´ e par Elsevier Masson SAS.
夽 Retrouvez cet article, plus complet, illustré et détaillé, avec des enrichissements électroniques, dans EMC — Ophtalmologie : Audren F. Strabismes divergents intermittents. EMC — Ophtalmologie 2016;13(3):1-11 [Article 21-550-A-04]. Adresse e-mail :
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https://doi.org/10.1016/j.jfo.2018.12.031 0181-5512/© 2019 Publi´ e par Elsevier Masson SAS.
Pour citer cet article : Audren F. Les https://doi.org/10.1016/j.jfo.2018.12.031
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F. Audren
KEYWORDS Strabismus. Intermittent exotropia; Exotropia; Exophoria-tropia; Monocular occlusion; Prism adaptation test; Strabismus surgery
Summary Intermittent exotropia (IXT) is the most common type of divergent strabismus. It is the consequence of passive mechanisms due to the anatomy of the globes and orbits or due to active innervational mechanisms, resulting in divergence of the visual axes, which is compensated by fusional convergence. Intermittent insufficiency in this compensation gives this form of exotropia its intermittent nature. The most common symptoms of IXT are closure of one eye, asthenopia and diplopia, but they are often absent. The clinical classification of IXT (according to Burian) is based on the difference between the distant and the near angles of deviation. It defines 4 types: true divergence excess (at distance), pseudo-divergence excess, the basic form (distance and near angles are equal) and convergence insufficiency (near angle greater than distance angle). One of the main difficulties in examination of IXT is neutralizing the fusional convergence in order to classify the strabismus. For this purpose, the monocular occlusion test, a near addition, or a prism adaptation test can be used. IXT is also characterised by the quality of control of the deviation by the patient, which is taken in account for therapeutic decision. Tools for measurement of this control have recently been developed and are not commonly used. The natural history of IXT is not well understood. Treatment relies mainly on optical correction, binocular visual training therapy and surgery, but their indications are not well defined, nor are outcomes analysis criteria. In the case of surgery, it aims to treat the maximum measured distance angle; the medium- and long-term angular results of surgery are often disappointing, although it probably improves control of the strabismus in most cases. © 2019 Published by Elsevier Masson SAS.
Étiologie, classification Les strabismes divergents intermittents (SDI), anciennement appelés exophories-tropies, sont une entité clinique décrite précisément par Duane dès 1896 [1]. La cause de ce type de strabisme est mal comprise, même si la plupart des auteurs retiennent que le principal mécanisme responsable du SDI est anatomique, « passif », lié à la divergence des axes visuels lors du relâchement des muscles oculomoteurs [2,3]. La compensation de cette divergence passive est assurée par les mécanismes innervationnels de convergence (essentiellement fusionnels) [4], permettant d’assurer l’alignement des axes visuels, et ainsi une vision simple et stéréoscopique. On considère donc généralement que le strabisme n’est pas divergent par intermittence, mais permanent et compensé par intermittence (Fig. 1). Cependant, on ne peut pas exclure que parfois la divergence soit le résultat d’une divergence active, car dans certains SDI on constate que les yeux ne sont pas divergents sous anesthésie générale sous curare, ce qui va contre la théorie classique d’une divergence anatomique. La classification la plus utilisée est celle de Burian [2,5,6]. Elle est basée sur la mesure de la déviation maximale mesurée à l’écran alterné prismatique de loin et de près, et distingue 4 types : • le type basique (angle de loin = angle de près) ; • l’excès de divergence vrai (true divergence excess, angle de loin > angle de près) ; • l’insuffisance de convergence (angle de loin < angle de près) ;
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• le pseudo-excès de divergence (simulated divergence excess), qui se présente comme un excès de divergence mais dans lequel l’angle de près est rendu minimal par les mécanismes de compensation du strabisme et sont levés par une occlusion prolongée (30 à 45 minutes) [2].
Cette classification est purement descriptive, et ne sousentend pas de mécanisme neurologique causal : l’« excès de divergence » n’est pas une hyperexcitation d’un centre de la divergence, l’« insuffisance de convergence » n’est pas synonyme d’une paralysie de la convergence. La plupart des classifications sont dérivées de celle de Burian. Elles ont des limites : d’une part les différences utilisées pour les classifications entre l’angle de loin (à 6 m le plus souvent) et l’angle de près (à 33 cm) varient entre les auteurs, allant de 5 à 15 dioptries prismatiques ; d’autre part, et surtout, en fonction des moyens utilisés pour suspendre la compensation du strabisme, un même patient pourra être classé dans un type de SDI ou un autre [7]. En effet, les mécanismes de compensation peuvent être parfois difficiles à lever. La principale difficulté de l’évaluation des SDI est de « décompenser » le strabisme de près, en neutralisant la convergence fusionnelle afin de différencier les excès de divergence des pseudo-excès de divergence (ces derniers sont schématiquement des formes « basiques » qu’on aurait du mal à mesurer). On peut interférer avec la convergence fusionnelle avec l’occlusion monoculaire prolongée (historiquement pendant 45 minutes pour Burian), qui rompt la fusion, ou interférer avec la convergence accommodative en utilisant une addition de + 3,0, qui permet également d’augmenter l’angle de près.
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3 montrer par les mesures (quels qu’en soit les moyens), que l’angle de près est similaire à celui de loin (pseudo-excès de divergence), cette inversion de près ne survient en pratique jamais.
Épidémiologie, associations
Figure 1. Exemple d’un patient de 11 ans présentant un SDI remarqué vers 1 an et demi, mal controlé. A Patient phorique (le plus souvent de près), avec stéréoacuité normale. Quand il est en tropie (ce qui est le cas le plus souvent en vision de loin), le patient prend la fixation avec l’œil gauche le plus souvent. B. Après l’examen par écran alterné. C. L’angle est plus important qu’en B. L’angle maximal est mesuré à 50 dioptries de loin et de près.
En pratique, on classe les SDI en se basant sur la déviation maximale mesurée à l’écran alterné prismatique de loin et de près, ce qui permet de distinguer 3 formes [8] : • un SDI avec une déviation sensiblement identique de loin et de près (différence inférieure à 10 dioptries prismatiques) ; • un SDI avec un angle majoré de près ; • un SDI avec un angle minoré de près. Dans ce cas, les mesures de l’angle de près après occlusion monoculaire d’une heure, et/ou avec une addition de + 3 (ou éventuellement avec un test d’adaptation prismatique) trouvent un intérêt particulier pour distinguer les excès de divergence vrais des pseudo-excès de divergence. L’intérêt pratique de cette classification, qui peut paraître artificielle, est qu’elle pourra guider les indications de traitements. Elle a aussi une arrière-pensée chirurgicale. En effet, la chirurgie d’un SDI de type excès de divergence (mesurée en se limitant à l’examen sous écran alterné), si on opère l’angle de loin, devrait théoriquement entraîner une convergence de près. En réalité, si on a réussi à Pour citer cet article : Audren F. Les https://doi.org/10.1016/j.jfo.2018.12.031
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Les SDI représentent environ la moitié des strabismes divergents [9,10] et sont le deuxième type de strabisme rencontré après les ésotropies (partiellement ou totalement) accommodatives. Dans le Rochester Epidemiology Project, la prévalence du SDI à l’âge de 19 ans était d’environ 1 %. Le diagnostic était le plus souvent porté avant l’âge de 10 ans, et les SDI étaient environ deux fois plus fréquents chez les patients de sexe féminin [11]. Les résultats du Rochester Epidemiology Project sont cohérents avec les données d’autres études, et sont sans doute assez proches de ce qu’on rencontre en France. Il faut noter qu’en Asie orientale, les SDI sont le type de strabisme le plus fréquemment rencontré, en raison d’un ratio exotropie/ésotropie (au sens large) de 2/1, alors qu’il est de 1/2 dans le reste du monde. Il n’existe pas de données épidémiologiques disponibles pour l’adulte. Les strabismes divergents permanents précoces sont fréquemment associés à une pathologie extra-oculaire comme la prématurité, des malformations diverses du système nerveux central, une épilepsie, un retard mental. Ces associations sont possibles, mais moins fréquentes, avec les SDI [12]. Une imagerie cérébrale en cas de SDI sans autre point d’appel clinique n’est pas justifiée. Le Rochester Epidemiology Project a récemment montré que les patients atteints de SDI, et surtout les hommes, étaient plus à risque de présenter des pathologies psychiatriques lors de la troisième décennie (consommation de psychotropes, idées suicidaires, tentatives de suicides, etc.) [13]. Cette étude ne permet cependant pas de conclure la causalité du strabisme sur la pathologie psychiatrique, et ce lien statistique existe également avec les ésotropies. Il n’y a pas d’étude rapportant des familles de sujets atteints de SDI, mais il existe une grande concordance entre les types de strabismes présentés par des jumeaux et notamment ceux présentant des SDI [14].
Présentation classique Classiquement, le strabisme apparaît initialement sous la forme d’une exophorie. Pendant cette phase initiale, les patients ont une vision binoculaire et une correspondance rétinienne normale. L’exophorie peut plus tard progresser vers une exotropie intermittente, oscillant entre des périodes phoriques et tropiques, surtout en vision de loin, puis vers une exotropie constante. Si le SDI apparaît chez un patient présentant un système sensoriel mature, l’absence de suppression occasionne une diplopie pendant les périodes d’exodéviation, mais chez les jeunes enfants dont le système visuel est immature, des mécanismes de neutralisation empêchent cette diplopie (cas le plus fréquent). [3,15,16]. divergents
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Symptomatologie
fréquente inquiétude par rapport à une éventuelle aggravation et une appréhension d’un traitement chirurgical.
La symptomatologie fonctionnelle en cas de SDI, et tout particulièrement chez l’enfant présentant une suppression, peut être inexistante, sans diplopie ni asthénopie. Classiquement, un des premiers signes du SDI, notamment chez l’enfant, est la fermeture d’un œil en cas d’illumination directe ou de forte luminosité (au printemps ou en été par exemple). Ce signe peut précéder l’apparition d’une exodéviation. Cette fermeture d’un œil n’est pas spécifique des SDI [17]. Les causes de ce signe sont mal expliquées. L’éblouissement joue un rôle soit en rompant la fusion et en rendant la déviation manifeste (l’occlusion palpébrale étant alors un mécanisme anti-diplopique) [18—21], soit en raison de la sommation binoculaire de la photophobie due à l’exposition d’une lumière intense ; le seuil de photophobie binoculaire étant moins élevé que le seuil monoculaire, la fermeture d’un œil diminuerait la photophobie [17,22,23]. Chez les grands enfants et les adultes n’ayant peu ou pas développé de mécanismes de suppression, les symptômes sont variables : asthénopie, céphalées, diplopie ou confusion, difficultés à la lecture, surtout après un effort visuel prolongé de près. Une micropsie est rarement rapportée. Une vision floue l’est plus souvent, surtout de loin, quand le patient est phorique (acuité visuelle moins bonne en binoculaire quand les yeux sont droits qu’en monoculaire ou quand le strabisme est patent). Cette vision floue est due à une défocalisation par excès d’accommodation, elle-même induite par la convergence nécessaire pour compenser l’angle, en raison de la syncinésie accommodation-convergence [4].
Examen clinique Interrogatoire L’interrogatoire précise les antécédents généraux et ophtalmologiques, personnels et familiaux. Les signes fonctionnels, même s’ils manquent souvent, doivent être recherchés (asthénopie, céphalées, diplopies, etc.). Il faut essayer de quantifier les épisodes tropiques, dans leurs fréquence, durée, circonstances (vision de loin, de près, luminosité, fatigue, fin de journée, etc.). Les patients euxmêmes, en l’absence de signes fonctionnels, sont parfois difficilement capables de le faire. Quand il s’agit d’enfants, l’interrogatoire des parents doit pouvoir permettre une estimation du contrôle du strabisme. L’interrogatoire doit préciser au mieux l’évolution du SDI (âge d’apparition, durée, évolution du contrôle, de l’angle). Outre les aspects purement fonctionnels du SDI, le ressenti « subjectif » des patients par rapport au strabisme doit être évalué. En effet, même en l’absence de symptomatologie fonctionnelle, les patients présentant un SDI ont très souvent conscience de leur trouble, qui génère une inquiétude et une certaine souffrance (sensation de différence par rapport aux autres, manque de confiance, mésestime de soi, ressenti du regard des autres. . .) [24] ; les parents des enfants présentant un SDI peuvent également exprimer un mal-être et une inquiétude par rapport au strabisme, avec des points communs avec leurs enfants, mais aussi une Pour citer cet article : Audren F. Les https://doi.org/10.1016/j.jfo.2018.12.031
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Acuité visuelle, réfraction L’acuité visuelle binoculaire de loin peut être moins bonne que l’acuité monoculaire. Une amblyopie est retrouvée dans 9 à 13 % des patients ayant un SDI [25—27]. Les troubles réfractifs observés chez les patients atteints de SDI ne différent pas de ceux rencontrés chez les patients non strabiques [28].
Examen sensoriel L’examen sensoriel d’un patient présentant un SDI doit être réalisé avant de le décompenser par des manœuvres expérimentales. La vision stéréoscopique de près est le plus souvent normale, la fusion étant toujours meilleure de près. Les performances stéréoscopiques de près peuvent être mauvaises en cas de mauvais contrôle de la déviation de près, ou en cas de microtropie [29,30]. En effet, si la plupart des patients ont une sensorialité normale, certains autres, pendant les phases dites phoriques, sont en microtropie (fusion périphérique, scotome de neutralisation plus ou moins important, performances stéréoscopiques inférieures à la normale). La vision stéréoscopique de loin est plus précocement altérée dans les SDI que celle de près [31], et serait un bon marqueur du contrôle du strabisme pour certains auteurs. Elle n’est pas quantifiée en clinique courante. Les amplitudes de fusion en convergence sont généralement normales de près, et peuvent être bonnes ou mauvaises de loin. De même, les amplitudes de fusion en divergence peuvent être normales ou mauvaises. Dans tous les cas, quand le patient est tropique, le plus souvent il n’y pas de diplopie en raison d’une neutralisation efficace (avec un œil fixateur préférentiel, ou une fixation alternante), et le patient a alors d’un champ visuel binoculaire élargi (« vision panoramique »). Si le patient perc ¸oit une diplopie dès qu’il n’est pas phorique, on parle alors d’exophorie décompensée (aucun mécanisme sensoriel adaptatif, SDI tardif).
Examen moteur L’examen moteur d’un SDI peut être difficile en raison de la variabilité de l’angle, liée au contrôle du patient, aux conditions ou au moment de l’examen.
Motilité La motilité est le plus souvent normale. Des facteurs verticaux sont parfois trouvés et peuvent être d’éventuels obstacles à la fusion et au contrôle du strabisme par le patient. Les divergences verticales dissociées sont rares, témoignent de la précocité de l’apparition strabisme, s’associent alors à une stéréopsie moins bonne. Ces divergences verticales dissociées ont des angles moindres que celles rencontrées dans les ésotropies précoces [32]. divergents
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Mesure de l’angle et classification du SDI Conditions de mesure L’objectif de la mesure de l’angle d’un SDI est d’une part obtenir des mesures de loin et de près, pour définir le type du SDI, d’autre part de mesurer l’angle maximum de divergence de loin, qui sera visé par un éventuel traitement chirurgical. La mesure de l’angle peut se faire de manière approximative aux reflets lors des phases tropiques, mais surtout à l’aide de prismes et d’un écran unilatéral et alterné (ce dernier donnant ce qu’on qualifie parfois d’angle « maximal »). La mesure se fait de loin (6 mètres pour la plupart des auteurs) et de près (à 33 ou 40 cm). Il est recommandé de faire les mesures en utilisant des optotypes de petite taille (6/10) afin de diminuer au maximum la convergence accommodative. La mesure de loin peut également se faire avec les points de fixation très à distance, en regardant par une fenêtre à plusieurs dizaines ou centaines de mètres, ce qui permet souvent d’augmenter l’angle [6,20,33].
Particularité des mesures du SDI Des mesures avec écran unilatéral et alterné ne sont souvent pas suffisantes pour typer le SDI [34]. En effet, les mécanismes de contrôles du strabisme sont très actifs : si l’on estime qu’il s’agit d’un strabisme divergent permanent compensé par intermittence, il serait plus juste de dire que le strabisme est complètement compensé par intermittence, et que quand cette compensation n’est pas suffisamment efficace elle n’est généralement pas nulle. Pendant l’examen, la convergence accommodative est en théorie contrôlée par le port d’une correction optique adaptée, et par la taille des optotypes de loin. La convergence fusionnelle, quant à elle, est très puissante de près et elle peut être difficile à suspendre par la simple mesure à l’écran alterné : c’est ce que Kushner qualifie de fusion proximale tenace (tenacious proximal fusion) [7]. En théorie, cette convergence fusionnelle peut être supprimée en rompant la fusion par une occlusion monoculaire prolongée (une heure en est la durée optimale), généralement sur l’œil qui est non fixateur lors des épisodes tropiques (test de Burian, souvent improprement appelé test de Marlow) [7,35]. Cette occlusion doit être réalisée sur peau, et la mesure de l’angle doit être faite à l’écran alterné à la levée de l’occlusion, sans que le patient ait eu la possibilité de fusionner. Une des principales difficultés de l’examen est de décompenser l’angle de près afin de typer correctement le SDI, c’est-à-dire de ne pas conclure trop hâtivement à un excès de divergence vrai. À cette fin, les deux principales méthodes décrites sont l’occlusion monoculaire prolongée (déjà citée) et l’utilisation d’une addition de + 3,00 dioptries sphériques de près (qui interfère avec la convergence accommodative) [8]. Les angles de certains SDI (pseudoexcès de divergence) sont décompensés de près par l’une et/ou l’autre méthode. À titre indicatif, citons les proportions des différents types de SDI trouvées par Kushner sur 202 patients (les angles de loin et de près sont considérés comme égaux dans la limite de 10 dioptries prismatiques) [7] : • angle de loin supérieur à celui de près (mesure au prisme et écran alterné) : 98 cas (48,5 %), dont 80 (39,5 %) Pour citer cet article : Audren F. Les https://doi.org/10.1016/j.jfo.2018.12.031
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Figure 2. Test d’adaptation prismatique. Des prismes de Fresnel sont collés sur une grande monture portée pendant un temps prolongé, en augmentant la puissance des prismes jusqu’au maximum possible. Le test d’adaptation relâche les mécanismes de convergence fusionnelles sans neutraliser la fusion, offrant une aide à différentier les excès de divergence vrais des pseudo-excès de divergence, en augmentant la valeur mesurée de l’angle de près ; il permet aussi souvent d’augmenter la valeur de l’angle mesure de loin (visé par la chirurgie).
pseudo-excès de divergence et 18 cas d’excès de divergence vrai (9 %) ; • forme basique : 78 cas (38,5 %) ; • angle de près supérieur à celui de loin : 26 cas (13 %). Un autre test souvent utilisé pour classer les SDI (rechercher l’angle maximum) est le test d’adaptation prismatique, qui consiste dans le port d’une monture de grande taille ® avec prismes de Fresnel (type Press-On ) pendant un temps prolongé en consultation (Fig. 2), en augmentant la valeur du prisme jusqu’au maximum toléré [36]. Ce test, dont le protocole varie d’un auteur à l’autre [33,36,37], et pour lequel il n’existe aucune recommandation pratique, permet en théorie de contrôler la convergence fusionnelle, sans rompre la fusion. Même si la place de ce test n’est pas précisément définie dans l’évaluation du SDI, il permet souvent d’augmenter les valeurs angulaires mesurées de près (diagnostic des pseudo-excès de divergence [37]) et aussi d’augmenter la valeur de l’angle mesuré de loin (en moyenne de 5 dioptries [38]). En pratique courante, on réalise la mesure de la déviation à l’écran alterné prismatique de loin et de près, suivie si besoin d’un test d’occlusion d’une heure afin de déterminer l’angle maximal en supprimant la convergence fusionnelle. La mesure de l’angle de près avec une addition de + 3,00 sur les deux yeux, de réalisation facile et rapide, devrait être systématique. Le test d’adaptation prismatique est utile, mais sa réalisation n’est pas codifiée (Fig. 3).
Incomitance latérale, syndromes alphabétiques, facteurs verticaux L’incomitance latérale est définie par une diminution de l’angle dans les regards latéraux (de 20 %, ou de 5 à 10 dioptries prismatiques selon les auteurs). La fréquence rapportée est très variable, allant de 5 % à 24 %, voire 60 % des cas. Les syndromes alphabétiques ne sont pas rares, notamment les syndromes V. Des déviations verticales, souvent de petit angle, associées ou non à un syndrome alphabétique, peuvent être retrouvées [39]. divergents
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Figure 3. Différentes formes de strabisme divergent intermittent, d’après MA. Espinasse—Berrod [8]. SDI : strabisme divergent intermittent ; L : loin ; P : près ; TAP : test d’adaptation prismatique.
la recherche clinique, mais reste à définir dans la prise en charge courante.
Évaluation du contrôle Les seules mesures d’angle ne sont pas suffisantes pour quantifier un SDI, notamment pour juger de sa sévérité, d’une indication thérapeutique ou de l’efficacité d’un traitement. Le SDI est également caractérisé par un contrôle (généralement involontaire) de l’angle par le patient. L’évaluation de ce contrôle pendant l’examen clinique est nécessaire, mais il ne représente pas toujours bien ce qui peut se passer dans la vie quotidienne des patients. S’il est classique de dire que le contrôle est moins bon en cas de fatigue, le soir, ou de forte luminosité, il est en réalité extrêmement variable au cours d’une journée et même d’une minute à l’autre [40]. Cette variabilité rend sa quantification difficile.
Scores de contrôle Ils évaluent de fac ¸on semi-quantitative la fréquence et la durée des phases tropiques lors de l’examen clinique ou dans la vie quotidienne (par les parents). Plusieurs scores ont été proposés, les deux principaux sont : • le score de contrôle de Newcastle, qui comprend une évaluation en consultation et dans la vie courante [41,42]. (Tableau 1) ; • le score proposé par Mohney et al. [43] qui ne repose que sur une évaluation clinique en consultation, et qui est le plus reproductible [40] (Tableau 2). Ces différents scores sont relativement simples à appliquer, le dernier semblant a priori le plus intéressant vu sa reproductibilité. La place de ces scores, qui ont été proposés récemment, est certainement très importante pour Pour citer cet article : Audren F. Les https://doi.org/10.1016/j.jfo.2018.12.031
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Évaluation indirecte par la vision stéréoscopique La mesure de la vision stéréoscopique est systématique en vision de près. Elle est généralement bonne ou excellente, le SDI étant le plus souvent bien contrôlé de près. Elle peut être mauvaise en cas de mauvais contrôle de l’angle de près et/ou en cas de correspondance rétinienne est anormale (microtropie pendant les phases dites phoriques). La mesure de la vision stéréoscopique de loin a été proposée pour quantifier le contrôle, mais elle n’est pas utilisée en pratique [31].
Évolution Il est classique de lire que le SDI, au cours du temps, se « décompense », l’angle augmente et son contrôle devenant de moins en moins efficace, avec des épisodes de tropie de plus en plus fréquents [3]. Il existe très peu d’études sur l’évolution naturelle du SDI en l’absence de traitement. Les principaux travaux publiés s’intéressent à des séries rétrospectives de patients non opérés, mais ayant le plus souvent bénéficié de traitements non chirurgicaux (rééducation orthoptique, occlusion, etc.). Les études historiques de Von Noorden, Hiles et al. et Romanchuk et al. suggèrent que l’angle du strabisme n’augmente pas systématiquement avec le temps [3,44,45]. L’étude la moins biaisée est celle du Rochester divergents
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Les strabismes divergents intermittents Tableau 1
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Score de Newcastle révisé en 2008 [41].
Contrôle à domicile. Êxotropie ou fermeture monoculaire visible (entourer le score approprié) Jamais <50 % du temps en vision de loin >50 % du temps en vision de loin >50 % du temps en vision de loin + et parfois de près
0 1 2 3
Contrôle en consultation (entourer le score approprié) De près Réalignement immédiat après dissociation Réalignement avec un clignement ou effort de refixation Déviation manifeste après dissociation/fixation prolongée Manifeste spontanément À distance Réalignement immédiat après dissociation Réalignement avec un clignement ou effort de refixation Déviation manifeste après dissociation/fixation prolongée Manifeste spontanément
0 1 2 3 0 1 2 3
Score total : score à domicile + en consultation (de près + à distance).
Tableau 2
Échelle de contrôle de l’exotropie [43].
5 = Exotropie constante 4 = Exotropie > 50 % du temps de l’examen avant dissociation 3 = Exotropie < 50 % du temps de l’examen avant dissociation 2 = Pas d’exotropie sauf après dissociation, réalignement en plus de 5 secondes 1 = Pas d’exotropie après dissociation, réalignement en 1—5 secondes 0 = Pas d’exotropie après dissociation, réalignement en moins de 1 seconde (phorie) Cette échelle est appliquée à chaque patient pour la fixation de loin et de près, dont les scores additionnés donnent un score de contrôle global de 0 à 10. Les niveaux 5 à 3 sont évalués durant une période initiale d’observation de 30 secondes. Les niveaux 2 à 0 sont gradés comme le plus mauvais de 3 essais se succédant rapidement. Un écran est placé devant l’œil droit pendant 10 secondes puis enlevé, et alors on mesure le temps nécessaire pour que la fusion soit rétablie. L’œil gauche est alors occlus pendant 10 secondes et le temps de rétablissement de la fusion est mesuré de la même fac ¸on. Une troisième occlusion de 10 secondes est réalisée, en couvrant l’œil pour lequel le temps de rétablissement de la fusion était le plus long. Le plus mauvais niveau observé au cours de ces trois occlusions successives de 10 secondes est enregistré pour cette visite. Si le patient a une micro-ésotropie lors de la mesure de l’angle minimal mais une exotropie à l’écran alterné, l’échelle s’applique à l’exodéviation.
Epidemiology Project, qui sur 184 patients a trouvé une résolution du SDI dans 4 % des cas (suivi moyen 9,2 ans) et une probabilité d’augmentation de l’angle de 10 dioptries prismatique ou plus de 23,1 % à 5 ans, et de 52, 8 % à 20 ans, sans qu’il existe un lien entre l’évolution du SDI et un quelconque traitement non chirurgical [46]. Le PEDIG mène actuellement la seule étude prospective jamais réalisée sur l’évolution spontanée des SDI, incluant les mesures d’angles et les scores de contrôle. Il est probable que dans quelques années, les résultats de cette étude seront une référence. Ses premiers résultats, sur des patients âgés de 12 à 35 mois, montrent que l’augmentation de l’angle d’un SDI est rare au bout de 6 mois de suivi (moins de 5 % des cas) [47]. Pour conclure sur l’évolution spontanée des SDI, on devra surtout retenir qu’elle est n’est pas prévisible pour Pour citer cet article : Audren F. Les https://doi.org/10.1016/j.jfo.2018.12.031
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un patient isolé, le strabisme pouvant s’améliorer, rester stable, ou se dégrader au cours du temps.
Traitement Il n’existe aucun consensus concernant le traitement des SDI. Le caractère variable de ce type de strabisme, les difficultés de classification du SDI, les doutes quant à son évolution naturelle et l’absence d’outil de quantification du contrôle (l’introduction des scores de contrôle est récente) rendent généralement les études publiées sur les traitements difficiles à interpréter, et elles ne sont pas comparables entre elles. Il n’existe pas d’étude déterminant la place des différents traitements médicaux et chirurgicaux les uns par rapport aux autres [48]. La plupart des auteurs divergents
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recommandent un traitement en cas de SDI mal contrôlé, même si la qualité du contrôle n’est généralement pas quantifiée.
optique à domicile. À part, dans les cas où il existe une petite déviation verticale obstacle à la fusion, un prisme vertical peut être proposé.
Traitement non chirurgical
Occlusion monoculaire
Les traitements médicaux sont généralement destinés aux SDI où l’angle mesuré est inférieur à 15 ou 20 dioptries.
Le traitement d’une éventuelle amblyopie est la première étape de la prise en charge de tout strabisme. En cas d’isoacuité, la place de l’occlusion dans le traitement des SDI est discutée ; placée sur l’œil préférentiel s’il y en a un, elle est alors utilisée comme traitement anti-suppression, notamment chez le petit enfant en attendant l’âge de la chirurgie. Ce traitement est très répandu dans les pays anglo-saxons [47,53]. L’occlusion alternée a également été proposée pour améliorer le contrôle et diminuer la suppression [3]. Quand une occlusion est proposée en l’absence d’amblyopie, elle ne devrait pas dépasser pas trois heures par jour.
Correction optique Correction des amétropies Les amétropies significatives doivent être corrigées. La meilleure acuité visuelle possible doit être obtenue, facilitant alors la fusion sensorielle, motrice, et le contrôle du strabisme. On n’hésitera pas à mesurer la réfraction objective sous cyclopégique, ce qui doit être systématique chez l’enfant, et réalisé au moindre doute chez l’adulte. La correction optique totale est la règle. En cas de forte hypermétropie, elle peut permettre un meilleur contrôle du strabisme par amélioration de la convergence fusionnelle, même si elle va à l’encontre de la convergence accommodative [49]. En cas d’hypermétropie significative, la correction optique totale est généralement parfaitement supportée chez le petit enfant ; chez le grand enfant ou l’adulte, la correction maximale tolérée sera prescrite. Si une chirurgie est nécessaire, le port d’une éventuelle correction optique adaptée est impératif, même si elle augmente l’angle de divergence.
Surcorrections myopiques Les sous-corrections d’hypermétropie systématiques ou les surcorrections myopiques, préconisées par certains auteurs, sont bannies par d’autres depuis des années, car elles seraient anti-physiologiques en demandant un effort accommodatif inapproprié, source d’asthénopie. Les expériences fondamentales d’Horwood et Riddel ont démontré récemment que le contrôle de la déviation par le patient était essentiellement dû à la convergence fusionnelle, avec une accommodation excessive induite par cette convergence (syncinésie convergence-accommodation) [4]. Dans ce cas, on pourrait estimer qu’une surcorrection myopique, au lieu de solliciter anormalement l’accommodation, corrigerait une myopisation (due à un excès d’accommodation qui existerait de toute fac ¸on), et en améliorant la netteté, pourrait faciliter le contrôle du strabisme [50]. Il existe une seule étude contrôlée montrant l’effet de la surcorrection myopique sur le contrôle de l’angle de loin du SDI au bout de 8 mois, mais aucune étude sur le long terme [51].
Prismation Les prismes horizontaux (de base nasale, généralement répartis sur les deux yeux) ont été proposés pour les petites déviations concomitantes (moins de 20 dioptries) pour aider le contrôle du strabisme et soulager l’asthénopie [52]. Les patients deviennent souvent dépendants des prismes ; les prismes diminuent les efforts en convergence, et ont tendance à augmenter la déviation. Les prismes intégrés sont lourds, et les prismes collés (Press-OnTM ) entraînent une baisse d’acuité visuelle. La prismation a une place réduite dans le traitement des SDI, ou alors éventuellement pour décompenser l’angle du strabisme en vue d’une chirurgie, par le port intermittent d’un Press-OnTM sur la correction Pour citer cet article : Audren F. Les https://doi.org/10.1016/j.jfo.2018.12.031
strabismes
Rééducation orthoptique La rééducation orthoptique est surtout efficace en cas de SDI symptomatique de type insuffisance de convergence. Elle s’adresse aux petits angles (20 dioptries ou moins), chez des sujets suffisamment âgés pour comprendre les exercices (rarement avant 8 ans). Le port d’une correction optique adaptée, si elle est nécessaire, est un prérequis à la rééducation ; celle-ci consiste à augmenter les capacités de fusion en convergence et en divergence (pendant les séances d’orthoptie, et avec des stéréogrammes et des exercices de convergence à domicile). La rééducation doit se limiter à une série de 10 ou 12 séances par an. Si elle n’est pas suffisamment efficace à ce rythme, une indication chirurgicale doit être discutée. Afin de faciliter la mesure de l’angle maximum avant une chirurgie, il est généralement recommandé de ne pas réaliser de rééducation dans les 6 mois précédant l’intervention.
Traitement chirurgical Il existe de nombreuses publications sur les traitements chirurgicaux des SDI. L’absence d’étude contrôlée ne permet pas de définir quand une chirurgie est indiquée, quel est l’âge optimal pour la chirurgie et quelle est la technique opératoire la meilleure en fonction du type de SDI. Nous exposons les conceptions les plus classiques ainsi que notre opinion personnelle sur certains points.
Indication La chirurgie est classiquement recommandée en cas de mauvais contrôle du strabisme et en général pour un angle supérieur ou égal à 15 dioptries. Outre le mauvais contrôle, la chirurgie est généralement conseillée en cas de détérioration du contrôle du SDI, de détérioration de la vision stéréoscopique (de près notamment), de développement d’une suppression, de signes fonctionnels (asthénopie, diplopie), d’une augmentation de l’angle de déviation, ou de l’échec des autres traitements [3]. Pour les jeunes enfants (avant 4 ans), le risque principal du SDI est le développement d’une suppression, qui peut inciter alors à réaliser une chirurgie précoce. L’âge optimal de la chirurgie est débattu : les tenants de la chirurgie divergents
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précoce (avant 4 ans) avancent que les résultats sont meilleurs si la chirurgie est réalisée très précocement, mais ceci n’est pas retrouvé dans toutes les études. La chirurgie précoce expose probablement à plus de réinterventions chirurgicales, et les surcorrections sont plus fréquentes, exposant alors à une rupture de la fusion, une suppression voire une amblyopie. La difficulté des cas de SDI de l’enfant réside donc dans un compromis entre les séquelles sensorielles du SDI non opéré précocement (suppression, surtout de loin, qui peut être un obstacle à la stabilité du résultat postopératoire), des conditions d’évaluation préopératoires satisfaisantes (acuité visuelle, sensorialité, précision des mesures angulaires), et les risques liés à une moins bonne prédictibilité du résultat angulaire chez le jeune enfant. Les méthodes non chirurgicales (comme l’occlusion pour lutter contre la suppression) ont sans doute une place en attendant la chirurgie.
Technique chirurgicale Le protocole chirurgical est orienté par la position des yeux sous anesthésie et le test d’élongation musculaire. Les techniques chirurgicales les plus fréquemment rapportées sont le recul bilatéral des droits latéraux et le recul-renforcement unilatéral (recul du droit latéral associé au renforcement du droit médial). Il n’existe que deux études contrôlées randomisées de qualités concernant les traitements chirurgicaux, comparant toutes deux l’efficacité du recul bilatéral des droits latéraux au recul du doit latéral associé à la résection du droit médial unilatéral en cas de SDI de forme basique [54,55]. Ces deux études ne mettent pas en évidence de différence entre les deux techniques. Le classique recul des deux droits latéraux a souvent été proposé comme traitement des SDI de type « pseudo-excès de divergence », avec l’idée que ce type d’intervention a un effet plus important sur la déviation de loin que sur celle de près. Cet effet plus important sur l’angle de loin n’a cependant jamais été démontré, et le recul-renforcement unilatéral a une efficacité équivalente dans ces cas [54]. Pour notre part, nous privilégions les procédures de reculrenforcement unilatéral, car elles permettent de meilleurs rendements angulaires et car surtout elles laissent un œil vierge de chirurgie. Les réinterventions n’étant en effet pas rares, il est ainsi possible d’opérer le deuxième œil avec une meilleure prédictibilité du résultat qu’après recul des deux droits latéraux. Ce type de protocole opératoire peut aussi être appliqué à des strabismes à très grand angle (égal ou supérieur à 40 à 50 dioptries), où l’on sait qu’une chirurgie monoculaire ne sera pas suffisante pour traiter tout l’angle mesuré, l’imprécision de la mesure des grands angles pouvant justifier une correction en deux temps opératoires (Fig. 2). Dans les SDI de forme « excès de divergence » vrai, l’attitude logique serait de traiter l’angle de loin par une chirurgie classique (type recul-renforcement unilatéral) et l’incomitance loin-près par une fadénopération (sur un ou les deux muscles droits médiaux) [56]. Cette indication de chirurgie combinée est exceptionnelle : en pratique, on se contente d’une chirurgie classique dans un premier temps, et s’il existe une ésotropie postopératoire persistante de près, on peut avoir recours à des verres doubles foyers ou Pour citer cet article : Audren F. Les https://doi.org/10.1016/j.jfo.2018.12.031
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progressifs avec une addition suffisante si elle permet une orthophorie de près ; en cas d’échec, la fadénopération peut être réalisée secondairement. Le SDI de forme « excès de divergence » doit absolument être diagnostiqué car la chirurgie visant la correction de l’angle de loin seul entraînerait une ésotropie de près, risque dont il faut prévenir le patient [57]. Dans les cas des SDI de forme insuffisance de convergence avec un grand angle de loin, le traitement repose sur le traitement de l’angle de loin, qui suffit souvent à permettre une fusion spontanée sur l’angle résiduel de près. En cas d’angle nul ou minime de loin, le renforcement des droits médiaux a été proposé par plusieurs auteurs. Les indications dans ce cas devront être posées avec beaucoup de prudence, et on tiendra compte des tests d’élongation musculaire peropératoires (restriction sur les muscles droits latéraux ?) en raison des risques important de survenue d’une ésotropie consécutive de loin [34]. En cas de déviation verticale ou de syndrome alphabétique, ces facteurs pourront être corrigés dans le même temps que l’angle horizontal (chirurgie de décalage des horizontaux, chirurgie sur les obliques) ou lors d’une autre intervention en fonction des cas et des habitudes de l’opérateur.
Quel angle traiter ? C’est l’angle maximal de loin qui doit être visé par la chirurgie [33]. En effet, vu le potentiel évolutif du SDI (augmentation de l’angle par diminution du tonus en convergence avec l’âge), il est nécessaire de traiter le plus grand angle possible, ce qui améliore le résultat postopératoire. Dans cette optique, tous les moyens sont bons pour décompenser l’angle du strabisme avant la chirurgie : occlusion monoculaire prolongée, mesure de loin avec fixation à distance (plusieurs dizaines de mètres), test d’adaptation prismatique. Ohtsuki et al. ont rapporté un résultat post-chirurgical un peu meilleur chez les patients dont l’angle mesuré augmentait par rapport à ceux dont l’angle restait stable lors du test d’adaptation prismatique ; le mécanisme dans ce cas n’est pas connu (meilleures capacités fusionnelles permettant une meilleure fusion motrice postopératoire ?) [36].
Résultats Succès Il n’existe pas de critères consensuels de succès de la chirurgie. L’angle n’est qu’un aspect du strabisme et son contrôle n’est en général pas pris en compte de manière méthodique dans les travaux publiés jusqu’à une période récente mais il sera sans doute à l’avenir un des critères de jugement de l’efficacité de la chirurgie. Les résultats publiés dans la littérature sont extrêmement variables en fonction de la durée du suivi et des critères étudiés : angle, degré de stéréopsie de près, de loin. . . Retenons qu’ils ne dépassent pas 80 % de résultats satisfaisants (en prenant comme critère un angle inférieur à 8 ou 10 dioptries) après une seule intervention chirurgicale (Tableau 3) [39,55,58—71]. Il est donc prudent qu’avant même une première intervention pour SDI, le patient soit prévenu de la possibilité d’une deuxième procédure, et, à notre sens, une stratégie opératoire divergents
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Tableau 3 Résultats publiés de succès moteurs après chirurgie chez des patients présentant un strabisme divergent intermittent (liste non exhaustive). Étude
Succès (%)
Définition du succès
Suivi moyen (ans)
Année de publication
Burian et Spivey [58] Hardesty et al. [59]
50
< 10 de déviation
2,5
1964
51
6,1
1978
PrattJohnson et al. [39] Richard et Parks [60] Stoller et al. [61] Maruo et al. [62] Jeoung et al. [63] Chia et al. [64] Wu et al. [65] Ekdawi et al. [66] Pineles et al. [67] Lee et al. [68] Kim et al. [69] Cho et al. [70] Kim. [71] PEDIG [55]
68
Pas de tropie, pas de traitement supplémentaire ; certain degré de stéréospie < 10 de déviation
1—8
1977
56
< 10 de déviation
2—8
1983
58
< 10 de déviation
1
1994
50
4
2001
67
Orthotropie, microtropie < 10 de déviation
1,3
2006
56
< 10 de déviation
1
2006
79
< 8 de déviation
1
2006
56
< 10 de déviation
10,2
2009
38
> 10
2010
50
< 10 de déviation, stéréopsie < 10 de déviation
5
2014
58
< 10 de déviation
2
2014
76
< 10 de déviation
1
2015
76 61
< 10 de déviation < 10 de déviation, stéréopsie, score de contrôle
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initiale raisonnable devra pouvoir préparer le terrain de cette éventuelle deuxième intervention (chirurgie monoculaire).
• erreur de mesure préopératoire (non prise en considération ou mauvaise évaluation de l’angle maximum de loin) ; • trouble réfractif non ou mal corrigé (hypermétropie).
Sous-corrections
L’importance de l’angle de déviation lui-même, l’âge au moment de la chirurgie ne semblent pas être des facteurs favorisant la sous-correction ou la réapparition de l’angle [60,61].
Il faut distinguer plusieurs situations : la réapparition d’un angle de déviation des années après la chirurgie n’est pas forcément une sous-correction mais peut être le témoin du caractère évolutif du strabisme lui-même ; une souscorrection vraie est plutôt diagnostiquée en postopératoire immédiat ou dans les mois suivant la chirurgie. Le seul cas où la sous-correction est prévue devrait être en cas de SDI à très grand angle où l’on a prévu d’emblée un traitement chirurgical en deux temps. Une sous-correction non désirée est plus fréquemment rencontrée dans certaines situations : • suppression permanente en vision de loin, correspondance rétinienne anormale ; • facteurs verticaux associés [39] ; Pour citer cet article : Audren F. Les https://doi.org/10.1016/j.jfo.2018.12.031
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Surcorrections Les surcorrections sont rares, et ne sont pas plus fréquentes si l’on opère l’angle maximum [54,72]. Les surcorrections seraient rencontrées dans 6 % des cas plusieurs mois après la chirurgie [59,60]. En fait, la plupart des séries publiées, comprennent des procédures de reculs des deux droits latéraux et des chirurgies précoces, circonstances où l’on observe sans doute plus de surcorrections en postopératoire immédiat qu’avec des procédures de recul-renforcement unilatéral chez le grand enfant ou l’adulte. divergents
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La surcorrection entraîne une diplopie chez l’adulte en correspondance rétinienne normale ; en postopératoire immédiat elle sera au mieux traitée par prismation, mais si elle persiste au bout de quelques mois, une réintervention s’impose. Chez le jeune enfant, une ésotropie consécutive expose au risque de rupture de fusion, de suppression, d’amblyopie ; toute persistance d’une ésotropie dans les semaines suivant la chirurgie impose une prise en charge appropriée (surveillance, prismation ou occlusion, voire réintervention en cas de persistance de l’ésotropie).
Pourquoi opérer les SDI ? Comme nous l’avons signalé, le traitement des SDI est mal codifié et il existe des réserves sur les résultats de la chirurgie (une seule intervention n’est souvent pas suffisante). Cependant, les patients sont souvent très satisfaits de leur intervention et une amélioration du contrôle du SDI est le plus souvent observée après intervention. Cette satisfaction est en partie liée à un meilleur confort chez les patients ayant une symptomatologie fonctionnelle, mais également au retentissement psychosocial lié à l’amélioration de l’aspect cosmétique du strabisme. Il existe peu d’études de qualité de vie chez les patients strabiques, mais des questionnaires ont récemment été développés et leurs résultats dans ce contexte sera sûrement un élément supplémentaire pour inciter à traiter ce type de strabisme [73,74]. Malgré l’absence de consensus sur certains aspects du traitement du SDI, il ne faudra donc pas hésiter à proposer une intervention, qui en général est très gratifiante pour le patient et le chirurgien.
Conclusion Les SDI sont une entité clinique décrite depuis plus de 100 ans et sont parmi les strabismes les plus fréquents. L’examen clinique doit être rigoureux afin de correctement classer le SDI, et d’évaluer au mieux son contrôle. Les indications thérapeutiques sont mal codifiées, mais un traitement doit être proposé en cas de symptomatologie fonctionnelle et/ou de mauvais contrôle de l’angle. Les places respectives des traitements médicaux et chirurgicaux ne sont pas clairement établies, mais il est probable que le développement des outils d’évaluation du contrôle du SDI et de la qualité de vie des patients permettent à l’avenir de rationaliser les stratégies thérapeutiques [75].
Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
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