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Presse Med. 2009; 38: 392–396 ß 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mise au point
Urologie
Prescrire des autosondages intermittents propres Véronique Bonniaud1, Joël Leroy2, François Kleinclauss3, Pierre-Yves Look3, Julien Bévalot1, Bernard Parratte1
1. Service de médecine physique et de réadaptation, CHU-Besançon ; F-25000 Besançon, France 2. Service de maladies infectieuses, CHU-Besançon ; F-25000 Besançon, France 3. Service d’urologie, CHU-Besançon ; F-25000 Besançon, France
Correspondance : Disponible sur internet le : 17 janvier 2009
Véronique Bonniaud, Service de médecine physique et de réadaptation, Hôpital Jean Minjoz, Boulevard Fleming, F-25000 Besançon, France.
[email protected]
Key points Prescribe clean intermittent self-catheterization
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Clean intermittent self-catheterization is the recommended mode of voiding in patients with urinary retention. CISC is a nonsterile catheterization, done by the patient himself to insure complete emptying of the bladder several times per day. Its prescription rests on well-established recommendations with a sufficient frequency of self-catheterization (minimum 4), collected volumes less than 400 mL and a diuresis higher than 1.5 L. Clean intermittent self-catheterization allows a reduction in complications of infection, protects the upper urinary tract and provides urinary continence for the patient. Asymptomatic bacteriuria is very frequent in patients treated with intermittent catheterization and does not justify antibiotic therapy. Only symptomatic urinary tract infections have to be treated by a short course of antibiotics. Patient education and personalized medical follow-up must ensure adapted management dependant on this voiding mode and its risk factors. A guideline is provided to prescribe clean intermittent selfcatheterization with its indications, its advantages and complications, its medical surveillance and treatment of
Points essentiels L’autosondage intermittent propre est actuellement le mode de drainage de référence en cas de rétention urinaire. C’est un sondage non stérile réalisé par le patient lui-même, visant à assurer une vidange vésicale complète, pluriquotidienne. Sa prescription médicale repose sur des recommandations bien établies avec une fréquence de sondage quotidienne suffisante (4 minimum), des volumes recueillis inférieurs à 400 mL et une diurèse supérieure à 1,5 L. L’autosondage intermittent propre permet de diminuer les complications infectieuses, préserver le haut appareil urinaire et maintenir une continence aux patients. La bactériurie asymptomatique est très fréquente chez les patients traités par cathétérisme intermittent. Elle ne doit pas conduire à un traitement antibiotique. Seules les infections urinaires symptomatiques doivent être traitées par courte antibiothérapie. L’éducation des patients et un suivi médical personnalisé doivent permettre une prise en charge adaptée suivant les facteurs de risque. Une synthèse pratique sur les autosondages est proposée avec ses indications, ses règles de prescription, ses intérêts et ses complications, sa surveillance, ainsi qu’une conduite à tenir
tome 38 > n83 > mars 2009 doi: 10.1016/j.lpm.2008.12.011
Prescrire des autosondages intermittents propres
urinary tract infection. This procedure should be well-known to general practitioners who are responsible for the follow up of these patients.
devant une infection urinaire. Ce mode mictionnel doit être connu des médecins généralistes qui assurent le suivi à domicile de ces patients.
L’
de la rétention chronique en elle-même. Le choix du matériel de sondage se porte sur des sondes hydrophiles qui diminuent l’importance des frictions avec la muqueuse urétrale et donc le risque de traumatismes urétraux notamment chez l’homme, et qui augmentent le confort du sondage dans les deux sexes [2]. Le choix de la sonde, s’il doit revenir au patient, n’est pas toujours aisé et justifie un apprentissage des autosondages intermittents propres au sein d’une équipe multidisciplinaires afin de trouver la sonde la plus adaptée au handicap du patient [3]. L’apprentissage est facile et doit être associé à une éducation du patient par une équipe spécialisée [4]. Outre l’acquisition du geste, le patient doit être en effet informé sur sa pathologie, l’indication et les bénéfices et les effets indésirables du sondage afin d’obtenir une bonne observance. Il doit également bien connaître la différence entre colonisation (bactériurie asymptomatique) et infection urinaire symptomatique.
autosondage intermittent propre est le mode drainage vésical de référence chez les patients en rétention urinaire chronique, quelle qu’en soit la cause et quel que soit l’âge [1]. La pratique de l’autosondage intermittent propre en ville reste encore confidentielle. Elle demeure actuellement une spécificité de certains médecins spécialistes en urologie, neurologie ou médecine physique et de réadaptation. Néanmoins, les patients concernés par cette prise en charge vivent généralement à domicile et sont donc amenés à être suivis par un médecin traitant référent. Ce dernier doit avoir connaissance de cette technique de drainage, de ses indications, de ses limites et ses risques pour assurer un suivi et une prise en charge optimaux de ces patients.
Technique de l’autosondage intermittent propre L’autosondage intermittent propre est un sondage « propre », sans gant stérile, ni toilette antiseptique, précédé d’un lavage des mains à l’eau et au savon. Il vise à assurer une vidange vésicale complète, régulière et pluriquotidienne (encadré 1). Cette technique est fiable, bien acceptée par les patients et ses effets secondaires sont nettement moins importants que ceux
Encadre´ 1 Technique des autosondages intermittents propres
Lavage du périnée à l’eau et au savon une fois par jour
Lavage des mains avant chaque sondage à l’eau et au savon
La prescription médicale repose sur des recommandations bien établies avec une fréquence de sondage quotidienne suffisante (4 minimum), des volumes recueillis inférieurs à 400 mL et une diurèse quotidienne supérieure à 1,5 L [1].
Intérêts
les toilettes avec repérage du méat au doigt
Outre le fait de permettre une vidange vésicale régulière, l’autosondage intermittent propre permet de prévenir les complications sur le haut appareil urinaire (hydronéphrose et insuffisance rénale) et de réduire le taux d’infections urinaires symptomatiques. Du point de vue bactériologique, l’autosondage intermittent propre repose sur deux concepts fondamentaux [6] : la résistance de l’hôte à la colonisation bactérienne (toute bactérie introduite est neutralisée par un tissu vésical sain) et le concept que la fréquence des sondages est plus importante que leur stérilité. Les infections urinaires sont en
Apprentissage chez l’homme sur les toilettes, debout ou assis Introduction d’une sonde à usage unique de préférence Vidange vésicale complète Retrait lent de la sonde pour une vidange du bas fond vésical et de l’urètre
Prescription
Apprentissage chez la femme d’abord en décubitus dorsal avec
autolubrifiée, hydrophile, CH12 ou 14
La facilité de réalisation de l’autosondage intermittent propre ainsi que son efficacité pour la maîtrise des risques infectieux des vessies rétentionnistes ont élargi ses indications non seulement aux patients en rétention chronique d’origine neurologique, mais à tout patient en rétention chronique [5] (encadré 2). Ses limites sont également à bien connaître (encadré 3).
repérage du méat urinaire au miroir, puis (ou directement) sur
(ou au fauteuil roulant chez les patients paraplégiques)
Indications et limites
Éviter le port d’un étui pénien
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Urologie
V Bonniaud, J Leroy, F Kleinclauss, P-Y Look, J Bévalot, B Parratte
Encadre´ 2 Principales indications des autosondages : la re´tention urinaire chronique
Dénervation vésicale après chirurgie - Pelvienne élargie - Cure d’endométriose pelvienne, hystérectomie - Amputation rectale
Cure d’incontinence
Maladie neurologique - Syndrome de la queue de cheval (hernie discale) - Neuropathie diabétique - Blessés médullaires - Sclérose en plaques - Spina bifida - Tumeur sacrée
Encadre´ 3 Contre-indications relatives des autosondages Les autosondages intermittents ne sont pas conseille´s dans les situations suivantes
Difficulté/impossibilité de manipulation de la sonde
Suspicion de lésions/tumeurs urétrale ou prostatique
Lésions, tumeurs et infections du pénis
Adénome de prostate et sténose de l’urèthre
Prostatite aiguë
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effet favorisées par des hautes pressions intravésicales et par la distension vésicale liée à la rétention urinaire. Ces dernières sont à l’origine d’une ischémie pariétale, source d’infections bien plus que le facteur bactérien en lui-même [6]. De plus, les hautes pressions intravésicales peuvent être responsables d’une dilation des cavités pyélocalicielles voire de reflux vésico-urétéral. La prévention des complications infectieuses et vésicorénales repose donc sur la fréquence des sondages [7]. Il n’y a pas de différence, en termes d’infection urinaire, entre le sondage intermittent stérile et le sondage intermittent propre [8]. Associé au parfait contrôle neurologique de l’activité du détrusor dans les affections neurologiques centrales (par des médicaments de type anticholinergique), ce mode mictionnel permet de réduire nettement le nombre d’infections urinaires chez les patients neurologiques [9]. Enfin, l’autosondage intermittent propre peut apporter aux patients une continence
avec disparition des fuites liées à la mauvaise vidange vésicale et donc une amélioration de la qualité de vie.
Surveillance La surveillance a pour objectif de diminuer le taux de non observance de la prescription médicale. Elle permet aussi de vérifier la persistance de son adéquation avec l’état fonctionnel du patient et l’absence de fuites urinaires, deux facteurs d’abandon de la technique. La surveillance des sondages intermittents est réalisée, sous forme de consultations, un mois après l’éducation initiale puis une annuellement (ou à adapter en fonction du patient et de sa capacité de suivi). Le patient remplit un calendrier mictionnel sur deux jours, avant chaque consultation pour permettre d’évaluer les volumes recueillis, la fréquence des sondages et l’existence de fuites éventuelles entre les sondages. Cette surveillance des autosondages intermittents propres est complétée d’un suivi spécialisé, notamment dans le contexte des vessies neurologiques, afin de maintenir des pressions intravésicales basses et de préserver la continence. Cette surveillance comprend au moins une échographie de l’appareil urinaire et une estimation de la fonction rénale par dosage de la créatinine sérique.
Colonisation chez les patients utilisant l’autosondage intermittent propre Il n’est pas recommandé de pratiquer des examens cytobactériologiques des urines (ECBU) de surveillance chez ces patients, du fait d’une colonisation quasi obligatoire chez plus de 75 % des patients sous sondage urinaire [10], de l’absence de retentissement clinique de la bactériurie et des changements spontanés de flore microbienne des vessies en rétention [1]. La réalisation d’ECBU systématique de surveillance expose au risque de sur traitement d’une colonisation bactérienne asymptomatique et donc au risque de développement de résistance aux antibiotiques.
Complications L’autosondage intermittent propre a permis de diminuer considérablement les complications liées au drainage continu des urines (sonde à demeure ou cathétérisme sus pubien) qui a un risque élevé de lithiase urinaire, de reflux vésico-urétéral ou urétroprostatique, sources d’infection parenchymateuse (rein, prostate, épididyme). Le risque de carcinome épidermoïde de vessie, favorisé par l’irritation vésicale chronique est également moins important sous autosondage intermittent propre qu’en cas de cathéter à demeure [1]. Si l’autosondage intermittent propre est beaucoup moins délétère que les autres techniques de vidange (manoeuvre de Crédé, percussions sus-pubiennes, cathéters à demeure),
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Prescrire des autosondages intermittents propres
il peut cependant être responsable de complications traumatiques et infectieuses [5]. Concernant les complications traumatiques, les urétrorragies sont fréquentes (un tiers des patients). Elles surviennent paradoxalement quand le patient est plus à l’aise avec la technique. Les traumatismes plus importants de l’urètre, les fausses-routes,
demeurent assez rares depuis l’usage des sondes hydrophiles. Le risque de sténose n’est pas négligeable, mais là encore, considérablement diminué avec les sondes hydrophiles à faible friction [1]. Le diagnostic d’infections génito-urinaires n’est pas facile à faire chez un patient faisant des autosondages intermittents
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Figure 1 Algorithme de prévention et de traitement des infections urinaires chez les patients faisant des autosondages intermittents propres
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(ASIP : autosondages intermittents propres ; CRP : protéine C réactive ; NFS : numération formule sanguine ; PSA : antigène prostatique spécifique ; VS : vitesse de sédimentation).
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propres, d’autant qu’il existe un contexte de vessie neurologique avec des troubles de la sensibilité pelvienne associés. Les infections génitoprostatiques (urétrite, orchi-épididymite, prostatite) surviennent avec une fréquence de 5 à 18 % [1]. Les infections urinaires quant à elles sont corrélées aux importants volumes évacués par sondage (volume supérieur à 400 mL) et donc à la faible fréquence de cathétérisation (nombre de sondages inférieur à 4 par jour) [1]. Elles ont vu leur incidence diminuée sous autosondage intermittent propre à condition que les prescriptions soient bien respectées [5]. Leur diagnostic repose sur une association de symptômes et de critères bactériologiques [9]. Seules les infections urinaires symptomatiques doivent être traitées pour ne pas risquer de développer de résistance aux antibiotiques [9]. La durée du traitement et le choix de l’antibiotique dépendent de la présence d’une hyperthermie, en adéquation avec l’antibiogramme. Une antibiothérapie prophylactique quotidienne n’est pas recommandée au long cours par les conférences de consensus en raison du risque d’émergence de bactéries multirésistantes aux antibiotiques [11]. En cas d’infections urinaires récurrentes, il est conseillé de passer à une technique plus stérile (technique ‘‘no-touch’’) et de demander un avis
spécialisé. Une synthèse de la prévention et du traitement des infections urinaires chez ces patients est présenté sous forme d’un algorithme (figure 1).
Conclusion L’autosondage intermittent propre est le mode drainage de référence chez les patients en rétention urinaire chronique. L’éducation des patients et un suivi médical personnalisé attentif permettent de prendre en charge de façon optimale les facteurs de risque et le mode mictionnel. Une information s’avère nécessaire pour les médecins généralistes qui assurent le suivi à domicile de ces patients afin de les aider à être plus pragmatiques dans la reconnaissance et le traitement des infections urinaires potentielles lors des autosondages intermittents propres. Cette démarche devient un besoin de santé publique du fait de l’augmentation de l’incidence des infections urinaires à bactéries multirésistantes, de fréquence non négligeable, et qui risque que de s’accroître chez ces patients faisant des autosondages intermittents propres. Conflits d’intérêts : aucun
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