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Sondes de fusion Il est possible d’utiliser un système de deux sondes marquées par des fluorochromes différents et correspondant aux deux partenaires impliqués dans la fusion génique. En cas de fusion, on observe la présence de signaux fluorescents superposés (par exemple signaux jaune-orangés si les fluorochromes utilisés pour chacune des sondes sont vert et rouge) correspondant respectivement aux deux gènes d’intérêt dans une proportion significative de cellules. Ce système est particulièrement utile pour détecter des gènes de fusion dans un contexte de remaniements chromosomiques plus complexes qu’une simple translocation équilibrée. Nous utilisons par exemple ce système dans le cas du dermatofibrosarcoma protuberans ou le gène de fusion COL1A1-PDGFB est généralement présent à plusieurs copies en plus des allèles normaux.
DÉTECTION D’UNE AMPLIFICATION GÉNIQUE : AMPLIFICATION DE MDM2 ET CDK4 DANS LES LIPOSARCOMES BIEN DIFFÉRENCIÉS ET DÉDIFFÉRENCIÉS
La détection de l’amplification des gènes MDM2 et CDK4 est un critère distinctif entre lipome et liposarcome bien différencié dans le contexte d’une tumeur adipocytaire (figure 2). Il s’agit également d’un élément permettant de distinguer un liposarcome dédifférencié d’une autre tumeur maligne peu différenciée. L’amplification de MDM2 et CDK4 peut être détectée indirectement par l’observation d’une expression positive par immunohistochimie. En cas de résultats douteux ou dans le cas de tumeurs de diagnostic difficile, le résultat d’immunohistochimie peut être vérifié ou complété par la détection de l’amplification par FISH ou PCR quantitative (Q-PCR). Les deux méthodes donnent des résultats globalement équivalents. La FISH est cependant plus performante lorsque l’amplification n’est présente que dans une proportion minoritaire de cellules puisqu’elle permet une visualisation individuelle du statut d’amplification de chaque cellule, alors que l’amplification peut être masquée par la dilution de l’ADN des cellules portant l’amplification dans l’ADN des cellules sans amplification avec une détection par Q-PCR.
FIG. 2. – Détection par FISH de l’amplification des gènes MDM2 (signal rouge) et CDK4 (signal vert) dans un cas de liposarcome bien différencié. On observe plus de 10 signaux par cellule correspondant à chacun des deux gènes. Dans le contexte d’une tumeur adipeuse bien différenciée cette anomalie permet de caractériser un liposarcome bien différencié car elle n’est pas observée dans les tumeurs adipocytaires bénignes.
DÉTECTION D’ANOMALIES
NON SPÉCIFIQUES
L’analyse par FISH peut parfois apporter des éléments complémentaires qui permettront d’orienter indirectement le diagnostic en l’absence d’anomalies spécifiques. Par exemple l’utilisation de sondes centromériques des chromosomes 8 et 20 pourra détecter une trisomie 8 et 20 qui pourra dans certains cas être un argument d’appoint en faveur d’une tumeur desmoïde. Un mélange muticolore de plusieurs sondes centromériques pourra indiquer des gains multiples de chromosomes, pouvant aider à compléter d’autres éléments en faveur d’un rhabomyosarcome embryonnaire.
Conclusion La détection des remaniements géniques est un élément précieux dans le diagnostic différentiel des TM. Le choix de la méthode de détection, FISH ou PCR dépendra du type de prélèvement et du type d’anomalie recherché. Dans certains cas difficiles, il est utile de coupler les deux méthodes.
Les techniques FISH/CISH : applications en histopathologie SABOURIN JC (1, 2), LE PESSOT F (1, 2), FREBOURG T (2, 3) (1) Service de Pathologie, (2) U 614 INSERM Institut Hospitalo-Universitaire de Recherche Biomédicale, (3) Service de Génétique, Hôpital Charles Nicolle, Rouen.
Introduction Malgré une certaine méfiance de la part des pathologistes, la FISH (fluorescence in situ hybridization) ou hybridation in situ en fluorescence s’est progressive-
ment introduite dans les laboratoires d’Anatomie et de Cytologie Pathologiques. Cette technique est basée sur les propriétés d’appariements spécifiques de l’ADN : des sondes monobrins marquées par un fluorochrome viennent se fixer sur les régions complémentaires de
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l’ADN qui a été préalablement ouvert [1]. La lecture des résultats nécessite l’utilisation d’un microscope en fluorescence. Celui-ci est souvent associé à une caméra et un micro-ordinateur comportant des logiciels d’analyse d’images pour permettre la capture d’images et l’observation d’une fluorescence multi couleurs. Cet équipement important était sans doute à la base de la réticence qu’avait eu dans un premier temps la communauté des anatomo-pathologistes. Cependant, du fait de la montée en puissance des nouvelles thérapies ciblées où le pathologiste joue un rôle majeur et aussi en raison de la nécessité de mieux caractériser les tumeurs sur le plan diagnostic (translocations spécifiques de certains sarcomes) ou pronostic (comme par exemple le rôle pronostic de l’amplification de MYCN dans les neuroblastomes) [2] ces réticentes se sont peu à peu estompées et cette technique s’est peu à peu répandue [3, 4]. Par ailleurs, l’introduction d’automates permettant de réaliser cette technique de façon assez simple mais surtout de manière plus standardisée et reproductible (mais encore coûteuse) a certainement également beaucoup aidé à sa diffusion dans nos laboratoires. Les techniques de CISH (Chromogenic In Situ Hybridization) sont actuellement en plein essor : elles permettent de proposer une alternative à l’utilisation de la fluorescence [5]. Ces techniques chromogéniques se rapprochent beaucoup de l’immunohistochimie et paraissent donc beaucoup plus familières aux anatomopathologistes qui n’ont pas encore franchi le cap de la fluorescence. Au cours du symposium sur les techniques CISH/ FISH, limité à l’intérêt de ces nouvelles techniques à la pathologie tumorale non lymphomateuse et proposé par la Société Française de Pathologie, Frédérique Penault-Llorca présentera leurs applications aux pathologies tumorales mammaires. Florence Pedeutour soulignera l’intérêt de ces méthodes pour le diagnostic des tumeurs mésenchymateuses.
La technique FISH en recherche anatomo-clinique : l’exemple d’EGFR-HER1 L’introduction récente de thérapies ciblées dirigées contre le récepteur tyrosine kinase de l’Epithelial Growth Factor Receptor EGF (également appelé Human Epithelial Growth Factor Receptor 1, HER1) a encore plus impliqué les pathologistes dans la recherche translationnelle. Le gène ERGF/HER1 est localisé sur le bras court du chromosome 7 (7p12.3-p12.1) et correspond à un locus de 110-kb ; il code pour une protéine transmembranaire de 170 kD possédant un domaine à fonction tyrosine kinase localisé dans sa portion intra cytoplasmique. Ces nouvelles thérapies sont cependant efficaces que chez une fraction (plus ou moins importante) des patients et de plus, elles sont très onéreuses : il devenait donc urgent de trouver des facteurs biologiques ou histologiques permettant de prédire la réponse thérapeutique chez les patients qui allaient être traités.
Pour les traitements de types « nib » (petites molécules inhibitrices du domaine tyrosine kinase comme l’erlotinib), une solution est assez rapidement apparue pour les patients traités pour un adénocarcinome pulmonaire : l’efficacité de la molécule est liée à la présence de mutations activatrices de la région codanr pour le domaine tyrosine kinase [6]. Par contre pour les « mab » (anticorps chimériques dirigés contre le domaine extra membranaire de l’EGFR, dont le chef de fil est le cetuximab) la recherche de facteurs prédictifs de la réponse thérapeutique s’est révélée plus difficile. L’hypothèse d’une corrélation entre expression immunohistochimique d’EGFR et réponse thérapeutique s’averra rapidement erronée [7] : des patients n’exprimant pas EGFR au niveau de leur tumeur selon les recommandations en vigueur (au moins 1 % de cellules marquées) pouvaient néanmoins répondre au traitement [8]. Contrairement à ce qui avait été démontré pour les adénocarcinomes pulmonaires, les très rares mutations de la région codant pour le domaine tyrosine kinase de l’EGFR décrites dans les cancers colorectaux ne sont pas prédictrices de la réponse au cetuximab [9]. La piste de l’amplification d’EGFR fut alors envisagée ; cependant malgré une phase de recherche active ayant aboutie à des données contradictoires montrant une possible relation entre l’augmentation du nombre de copies (ne répondant pas systématiquement aux critères d’amplification) du gène EGFR et une réponse au cetuximab, peu de certitudes existent concernant cette possible amplification du gène EGFR et la réponse à cette thérapie ciblée [10]. En effet, les données par FISH ou CISH à la recherche d’une amplification du gène EGFR ne permettaient pas de prédire efficacement la réponse thérapeutique à ce traitement [9, 11]. Il faut cependant rappeler ici que les techniques de FISH ou de CISH sont des techniques morphologiques : elles ont les mêmes contraintes que l’immunohistochimie si l’on veut qu’elles deviennent quantitatives ; de plus, il n’existe aucun consensus sur les méthodes de lecture (pour EGFR) : nombre de cellules ou de noyaux devant être comptés ?, rapport du nombre de copies du gène étudié sur le nombre de copies du centromère 7 à partir duquel une augmentation du nombre de copies d’EGFR est affirmée ? etc (et ceci est encore plus difficile à standardiser pour la CISH où le centrosome du 7 est difficilement mis en évidence). Pour essayer de comparer ces méthodes de quantification du nombre de copie(s) d’un gène avec des techniques de biologie moléculaire moins sujettes (peut-être ?) aux aléas de l’interprétation morphologique, nous avons développé une méthode alternative pour détecter une augmentation du nombre de copies de l’EGFR : la PCR multiplexe quantitative de courts fragments fluorescents (QMPSF) somatique [12]. Cette nouvelle méthode d’exploration du génome est basée sur l’amplification simultanée de courts fragments exoniques du gène dont on veut détecter les remaniements et d’un ou plusieurs gènes de référence en utilisant des amorces fluorescentes, dans des conditions quantitatives. Les amplifications de l’ADN génomique extrait à partir d’échantillons congelés de tissu tumoral
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et du tissu normal (ou de sang) sont réalisées et les amplicons obtenus sont comparés suite à leur migration sur un séquenceur automatique d’ADN. Sur la base d’un nombre important d’analyses de QMPSF faites sur des ADN constitutionnels (correspondant à plus de mille tests sur une cinquantaine de gènes), nous avons estimé la variabilité de mesure du rapport du nombre de copies à 0,1. Par conséquent, dans les analyses constitutionnelles, un rapport de 1 +/– 0,1 indique deux copies du gène, un rapport de 1,5 +/– 0,1 indique trois copies du gène, et un rapport de 0,5 +/– 0,1 indique une copie du gène. Dans la QMPSF somatique, nous devons tenir compte de la présence de cellules normales dans les échantillons tumoraux même s’ils ont été macrodisséqués ; nous avons donc considéré qu’un rapport supérieur à 1,2 indiquait une augmentation du nombre de copies du gène dans la tumeur, et un rapport inférieur à 0,8 indiquait une perte de copies du gène. Ces limites sont proches des valeurs publiées utilisées en CGH ou en FISH [13]. Cette méthode sensible nous a permis de mettre en évidence un faible niveau d’amplifications (28 %) dans les cancers colorectaux [12] mais qui semble supérieur aux données obtenues par la technique de référence FISH (2 % dans notre série). En conclusion, la technique FISH est aujourd’hui de plus en plus utilisée dans les services de Pathologie. Son alter ego chromogénique, la CISH, semble chaque jour gagner du terrain sur la FISH grâce à l’utilisation de kits et d’automates, permettant une bonne et nécessaire reproductibilité des techniques. L’identification de facteurs prédictifs des thérapies ciblées est aujourd’hui un défi que le pathologiste devra relever grâce à l’apport de ces techniques morphologiques innovantes.
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