Annales françaises d’oto-rhino-laryngologie et de pathologie cervico-faciale 132 (2015) 237–239
Disponible en ligne sur
ScienceDirect www.sciencedirect.com
Article original
Les tendances relatives aux corps étrangers nasaux dans le nord-est de la Malaisie : une expérience sur 5 ans夽 A.A. Yaroko , B. Abdullah ∗ Department of otorhinolaryngology, head and neck surgery, school of medical sciences, université de Sains Malaysia, 16150 Kubang Kerian, Kelantan, Malaisie
i n f o
a r t i c l e
Mots clés : Nez Corps étranger Pédiatrie Anesthésie générale
r é s u m é Objectifs. – L’objectif de cette étude était de décrire les présentations les plus fréquentes et les résultats de la prise en charge des corps étrangers nasaux (CEN). Matériel et méthode. – Une étude rétrospective a été menée sur une période de 5 ans, de janvier 2008 à décembre 2012. Quarante-trois patients ont été inclus, d’un âge maximal de 9 ans. Les données médicales des patients, la présentation clinique, le type de CEN et le résultat du traitement ont été recueillis et analysés à partir des dossiers médicaux de l’hôpital de l’université Sains Malaysia (Malaisie). Résultats. – Parmi les 43 patients, 60,5 % étaient des garc¸ons et 39,5 % des filles. L’âge le plus fréquent lors de la découverte du CEN était 3 ans (48,83 %) et le moins fréquent était de 7 à 9 ans (2,33 %). Une majorité des patients se présentait avec des sécrétions nasales malodorantes (34,88 %) ou bien était asymptomatique (34,88 %) ; le signe d’appel le moins fréquent était la gêne nasale (2,33 %). Les graines (23,26 %) constituaient le type de CEN le plus fréquent, suivies par le caoutchouc et les piles (16,28 %). Dans la plupart des cas (58,14 %), le CEN était inséré dans la narine droite ; dans la narine gauche dans 39,53 % des cas et était bilatéral dans 2,33 % des cas. Le CEN a été enlevé sous anesthésie générale dans 53,49 % des cas et sous anesthésie locale dans 41,86 % des cas ; 4,65 % des CEN se sont évacués spontanément. Conclusion. – Les corps étrangers nasaux se rencontrent quotidiennement dans notre pratique clinique pédiatrique. L’anesthésie générale est nécessaire pour les patients agités ou qui ne peuvent pas coopérer afin d’éviter les complications. © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
1. Introduction Les corps étrangers nasaux (CEN) sont fréquents chez l’enfant [1,2] et peuvent s’enlever assez facilement en consultation ambulatoire ; s’il s’agit d’une pile, ou si le CEN est impacté, des mesures spécifiques s’imposent. Par ailleurs, si l’enfant se montre peu coopératif, l’anesthésie générale est habituellement nécessaire afin d’éviter les complications. Les piles sont les CEN les plus fréquemment associés aux complications précoces, malgré les progrès en matière de sécurité des produits. Étant petites, les piles s’insèrent facilement dans les orifices telles que le nez, l’oreille ou la bouche [3]. Les corps étrangers s’insèrent dans le nez par divers trajets, en particulier par les narines. La chirurgie nasale ou des blessures pénétrantes peuvent aussi être à l’origine d’un CEN [4]. Les CEN
DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.anorl.2015.01.001. 夽 Ne pas utiliser pour citation la référence franc¸aise de cet article mais celle de l’article original paru dans European Annals of Otorhinolaryngology Head and Neck Diseases en utilisant le DOI ci-dessus. ∗ Auteur correspondant. Adresses e-mail :
[email protected],
[email protected] (B. Abdullah). http://dx.doi.org/10.1016/j.aforl.2014.04.009 1879-7261/© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
peuvent être de type biologique ou non biologique, et concernent surtout les enfants, notamment entre les âges de 2 et 3 ans [5]. Les matériaux non biologiques sont typiquement des objets en plastique [6] (billes ou boutons) ou des cailloux, du papier, ainsi que de petites pièces provenant de jouets. Les CEN sont souvent asymptomatiques et leur découverte est souvent fortuite. Les CEN biologiques, par contre, peuvent induire des symptômes plus précoces, étant plus irritants au niveau de la muqueuse nasale [7]. Les CEN peuvent être localisés partout dans la cavité nasale, mais leur localisation préférentielle se situe dans la partie antérieure du cornet moyen ou en aval du cornet inférieur [8]. L’ablation est tributaire de la localisation et de la taille du CEN, ainsi que de la coopération de l’enfant. Diverses techniques d’ablation ont été décrites [9], selon les préférences du centre. Cette étude cherche à rendre compte des présentations habituelles, des répartitions et des résultats du traitement des CEN dans un centre de soins tertiaires du nord-est de la Malaisie. 2. Matériel et méthode Une étude rétrospective sur 5 ans a été montée. Tous les cas de CEN vus dans le service d’ORL et chirurgie cervico-faciale de
238
A.A. Yaroko, B. Abdullah / Annales françaises d’oto-rhino-laryngologie et de pathologie cervico-faciale 132 (2015) 237–239
Tableau 1 Mode de présentation. Mode de présentation
% 2,33 13,95 34,88 4,65 2,33 34,88 6,98 100,00
Gêne Sécrétion nasale Sécrétion malodorante Saignement Obstruction nasale Asymptomatique Autre Total
l’hôpital de l’université Sains Malaysia, au nord-est de la Malaisie, ont été recensés. Les données médicales des patients, la présentation clinique, la modalité de la prise en charge et les complications ont été recueillies et analysées à partir des dossiers médicaux de l’hôpital. Au total, 43 dossiers ont été traités. La plupart des patients s’étaient directement présentés aux urgences, d’autres étaient venus directement dans notre service, et quelques-uns avaient été envoyés par leur médecin traitant. 3. Résultats
Tableau 2 Type de corps étranger. Type de corps étranger
%
Graine Bande en caoutchouc Pile Éponge Coton ouaté Non identifié Autre Total
23,26 16,28 16,28 13,95 4,65 16,28 9,30 100,00
Tableau 3 Durée de la présence du CEN.
≤ 1 jour ≤ 1 semaine ≤ 1 mois > 1 mois Total
pas eu de complication (93 %) ; néanmoins, il y a eu quelques cas de perforation septale (4,70 %) et de saignement (2,30 %). 4. Discussion
Dans la présente série, le groupe d’âge le plus concerné était celui des 3 ans (48,83 %), suivi des 2 ans (18,6 %), avec en dernière place les 7 à 9 ans (2,33 %). Il y avait une prédominance masculine (60,5 %). Les signes d’appel les plus fréquents étaient les sécrétions malodorantes (34,88 %), une fréquence identique était observée pour les patients asymptomatiques (34,88 %), alors que l’obstruction nasale (2,33 %) et la gêne nasale (2,33 %) étaient les moins fréquents (Tableau 1). Le Tableau 2 montre que le type de CEN le plus fréquent était des graines (23,26 %), suivies du caoutchouc et des piles (16,28 %), le moins fréquent étant le coton ouaté (4,65 %) ; les CEN non identifiés (CEN enlevés sans que le type soit renseigné dans le dossier, ou bien CEN anciens transformés en rhinolithes) représentaient 16,28 %. Dans la plupart des cas (58,14 %), le CEN était situé dans la narine droite, comparé à 39,53 % dans la narine gauche ; 2,33 % des cas étaient bilatéraux (Fig. 1). La plupart des patients (39,53 %) s’étaient présentés dans un délai d’une semaine, 27,91 % dans les 24 heures suivant l’insertion, avec quelques patients qui ne s’étaient présentés que quelques mois plus tard (Tableau 3). Les CEN ont été enlevés dans la plupart des cas sous anesthésie générale (53,49 %), et 41,86 % sous anesthésie locale ; 4,65 % des CEN s’étaient délogés spontanément. Dans la plupart des cas, il n’y a
Ablation
Fig. 1. Radiographie crânienne d’un enfant avec un CEN bilatéral.
% 27,91 39,53 20,93 11,63 100,00
Les corps étrangers nasaux sont une source de problèmes fréquents en pédiatrie [1,2], que nous rencontrons dans notre pratique de tous les jours, surtout chez l’enfant de 2 ou 3 ans [3]. La plupart du temps, l’ablation est facile ; en cas d’échec, par contre, des saignements, des douleurs ou des blessures locales peuvent être occasionnés, rendant difficile les tentatives ultérieures [9]. Plusieurs facteurs de réussite de l’ablation ont été identifiés, dont la durée de la présence du CEN, ses caractéristiques (taille, forme, texture), la coopération du patient pendant la procédure d’ablation, les traumatismes subis par la fosse nasale, la possibilité de bien visualiser le CEN, les structures avoisinantes, les équipements disponibles, et l’habileté de l’opérateur [1]. Dans notre série, le signe d’appel le plus fréquent correspondait aux sécrétions malodorantes (34,88 %) ; un pourcentage identique de patients (34,88 %) était asymptomatique, mais l’insertion d’un CEN a été affirmée par les proches ; enfin, dans 13,95 % des cas, le signe d’appel était des sécrétions. Dans une étude semblable à la notre, dans 75 % des cas l’insertion d’un CEN était affirmée par les proches du patient, et cette affirmation a pu être confirmée par l’examen dans la plupart des cas [10]. Ainsi, ces affirmations sont toujours à prendre au sérieux. Parmi les autres signes d’appel, des saignements (4,65 %) et l’obstruction nasale (2,33 %) étaient représentés. Dans notre série, la tranche d’âge la plus représentée était celle des 3 ans (48,83 %), suivie de celle des 2 ans (18,6 %), et la moins représentée était celle des 7–9 ans (2,33 %) ; ces chiffres sont en accord avec d’autres études, où la plupart des patients avait moins de 5 ans [5,11,12]. La prédominance de ces tranches d’âge n’est pas surprenante, car les enfants de cet âge sont par nature curieux et aimant bien explorer les orifices de leur corps, et plus particulièrement le nez et les oreilles. La prédominance masculine, de 60,5 % dans notre série, est en accord avec d’autres études [5,11]. Dans notre série, moins de patients consultaient dans les 24 premières heures (27,91 %) et plus consultaient dans un délai d’une semaine (39,53 %). Ceci est en accord avec une autre étude, où un peu moins de la moitié des patients consultait dans les 24 premières heures [13]. A contrario, dans une troisième étude, la majorité des patients consultait dans les 24 premières heures [5]. La prédominance de consultations tardives s’expliquant par le fait que les CEN, surtout lorsqu’ils sont inertes, ne présentent pas d’impact fonctionnel dans la plupart des cas ; mais avec le temps, l’écoulement normal des narines est gêné et une surinfection peut
A.A. Yaroko, B. Abdullah / Annales françaises d’oto-rhino-laryngologie et de pathologie cervico-faciale 132 (2015) 237–239
survenir. Plus de 10 % des patients dans notre série se sont présentés quelques mois après l’insertion du CEN en se plaignant de sécrétions malodorantes. Dans une autre étude, seulement 3 % des patients consultaient quelques mois après l’insertion [13]. Le type de CEN le plus fréquent dans notre étude était des graines (23,26 %), suivies par des objets en caoutchouc et des piles (16,28 %), et le moins fréquent était le coton ouaté (4,65 %) ; ces résultats sont semblables à ceux d’Ogunleye et Sogebi [12], où les graines étaient les CEN les plus fréquents, mais diffèrent de ceux des études menées en Europe [14] et ailleurs [15]. Plus de 10 % des CEN dans notre étude étaient non identifiés (CEN enlevés sans que le type soit renseigné dans le dossier, ou bien CEN anciens recouverts de calcium, de magnésium, de phosphate ou de carbonate, créant un rhinolithe). Comme dans d’autres études [5,12], la narine droite était le site d’insertion le plus fréquent dans notre série (58,14 %), ce qui n’est pas surprenant puisque la plupart des enfants sont droitiers. Le taux de 2 % d’insertion bilatérale dans notre série est semblable aux résultats d’autres études [13,14,16]. La plupart (53,49 %) des CEN rencontrés dans notre centre de soins tertiaires ont finalement été enlevés sous anesthésie générale, car de nombreux patients ont été envoyés suite à plusieurs tentatives d’ablation infructueuses de la part soit du médecin traitant, soit des urgentistes de notre hôpital. De ce fait, les cas traités dans notre service étaient pour la plupart difficiles et compliqués, la majorité des CEN ayant été traités ailleurs. Seulement quelques 40 % des patients qui se présentaient dans notre service ont été pris en charge en conformité avec les recommandations relatives à l’ablation des CEN [5,17]. Dans un petit nombre de cas (environ 5 %), le CEN s’est évacué spontanément et sans complication avant toute intervention. Les complications post-opératoires étaient peu nombreuses : perforation septale (4,7 %) ou saignement (2,3 %). La perforation septale était due aux piles, suite à une fuite de la solution électrolytique basique de la pile, une nécrose liquéfiante étendue des tissus avoisinants a pu être observée. Cette complication étant due aux effets toxiques de la pile en elle-même, plutôt qu’à un effet de la procédure d’ablation. D’autres facteurs impliqués dans les complications des CEN sont la taille et la forme du corps étranger, des tentatives malhabiles d’ablation et la durée de la présence du CEN dans le nez [14,17]. La consultation spécialisée est recommandée en cas de sécrétion nasale prolongée unilatérale (ou bilatérale en cas de CEN bilatéral), de patient agité et peu coopératif, de CEN postérieur, de manque d’expérience et/ou de confiance de la part de l’opérateur, ou de manque d’équipements de base adaptés. L’inhalation de corps étranger est un phénomène courant en pédiatrie, mais dans notre série, il n’y avait pas de cas d’inhalation vers le larynx ou les bronches. Selon Gandhi et al. [18], l’incidence d’inhalation de corps étranger est maximale chez les enfants âgés de 1 à 3 ans. Dans notre série, les suites opératoires étaient simples dans environ 90 % des cas. Il n’y avait pas de cas d’abcès septal ou d’inhalation de corps étranger. 5. Conclusion Les corps étrangers nasaux constituent une des urgences les plus fréquentes en oto-rhino-laryngologie. Le nombre de cas vus dans
239
notre centre de soins tertiaires est en diminution, et comprend surtout les cas difficiles. Ce constat n’est pas surprenant : l’éducation continue des médecins traitants, qui leur permet de gérer leurs patients en toute sécurité, ainsi que de la disponibilité des équipements de base dans les divers centres de cette région de la Malaisie permettent cette amélioration de la prise en charge des CEN en pratique libérale. Des améliorations n’en restent pas moins possibles, surtout afin de réduire le taux de recours à l’anesthésie générale qui était tout de même de 53,49 % dans notre série. En règle générale, pour éviter les complications graves, les tentatives itératives d’ablation doivent être évitées, faire rapidement appel aux spécialistes et se maintenir au courant des progrès dans la prise en charge. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] Botma M, Bader R, Kubba H. ‘A parent’s kiss’: evaluating an unusual method for removing nasal foreign body in children. J Laryngol Otol 2000;114: 598–600. [2] Kadish HA, Corneli HM. Removal of nasal foreign bodies in paediatric population. Am J Emerg Med 1997;15:54–6. [3] Loh WS, Leong JL, Tan HKK. Hazardous foreign bodies: complications and management of button batteries in nose. Ann Otol Rhinol Laryngol 2003;112: 379–83. [4] Walby AP. Foreign bodies in the ear or nose. In: Adam DA, Ginnamond MJ, editors. Scottbrown’s Paediatric Otolaryngology. 6th Ed. Oxford: ButterworthHeinemann; 1997, 6/14/1-6/14/6. [5] Roland NJ, McRae RDR, McCombe AW. Key Topics in Otolaryngology and Head and Neck Surgery. 3rd Ed. Oxford: BIOS Scientific Publishers; 2005. p. 104. [6] NGO A, Ng Kc, Sim TP. Otolaryngeal foreign bodies in children presenting to emergency department. Singapore Med J 2005:172–8. [7] Backlin SA. Positive pressure technique for nasal foreign body removal in children. Ann Emerg Med 1995;25(4):554–5. [8] Baluyot ST. Foreign bodies in the nasal cavity. In: Paparella MM, Shumrick DA, editors. Otolarygngology, 3, 2nd Ed. Philadelphia, PA: W.B. Saunders; 1980. p. 2009–16. [9] Kiger JR, Brenkert TE, Losek JD. Nasal foreign body removal in children. Pediatr Emerg Care 2008;24(11):785–92. [10] Chiun Kian Chai, Ing Ping Tang, Tee Yong Tan, et al. A review of ear, nose and throat foreign bodies in sarawak general hospital: a five year experience. Med J Malays 2012;67:17–20. [11] Cohen HA, Goldberg E, Horev Z. Removal of nasal foreign bodies in children. Clin Pediatr (Phila) 1993;32:192. [12] Ogunleye AOA, Sogebi OA. Nasal foreign body in African children. Afr J Med Sci 2004;33:225–8. [13] Afolabi OA, et al. An audit of paediatric nasal foreign bodies in Ilorin, Nigeria. Sajch 2009;3:64–7. [14] Franc¸ois M, Hamrioui R, Narcy P. Nasal foreign bodies in children. Eur Arch Otorhinolaryngol 1998;255:132–4. [15] Wada I, Miskima H, Hida T, et al. Nasal foreign bodies in 299 cases. Nippon Jibiinkoka Gakkai Kaiho 2000;103:1212–7. [16] Muhammad H, Zakirullah, Inayatullah. Foreign body nose in children: a common problem with social roots. Abasyn Uni J Soc Sciences 2009;2:22–5. [17] Kalan A, Tariq M. Foreign bodies in the nasal cavities: a comprehensive review of the aetiology, diagnostic pointers, and therapeutic measures. Postgrad Med J 2000;76:484–7. [18] Gandhi R, Jain A, Agarwal R, et al. Tacheobronchial foreign bodies – a seven years review. J Anesth Clin Pharmacol 2007;23:69–74.