G Model
AMEPSY-2794; No. of Pages 6 Annales Me´dico-Psychologiques xxx (2019) xxx–xxx
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Communication
Les tribunaux de sante´ mentale ame´ricains, un exemple de programme de de´judiciarisation Mental health courts, an example of diversion program Gabrielle Guiresse a,*, Jean-Louis Senon b, Kevin Rossini c a b c
Poˆle 347, Centre Hospitalier Charles Perrens, 121, Rue de la Be´chade, 33076 Bordeaux, France SHUPPM, Faculte´ de me´decine, Universite´ de Poitiers, Centre Hospitalier Henri-Laborit, 86021 Poitiers, France Poˆle PUMA, Centre Hospitalier Charles-Perrens, 33076 Bordeaux, France
I N F O A R T I C L E
R E´ S U M E´
Historique de l’article : Disponible sur Internet le xxx
Amorce´e a` la fin des anne´es 1950, la de´sinstitutionnalisation psychiatrique ame´ricaine a pour but de re´inse´rer les patients dans la communaute´. Dans un contexte pe´nal re´pressif et du fait de changements de caps politiques, les personnes qui souffrent de troubles mentaux les plus se´ve`res se retrouvent surrepre´sente´es dans le syste`me judiciaire. Dans les anne´es 1990, le gouvernement se saisit de cette situation et de´veloppe des programmes de de´judiciarisation parmi lesquels les TSM sont majoritaires. S’adressant a` des personnes accuse´es de de´lits ou de crimes et souffrant de troubles psychiatriques, il propose un programme de soins individualise´ comme alternative a` la peine de prison. Si le programme est mene´ a` son terme, les charges sont abandonne´es. Les objectifs sont multiples : re´duire la surpopulation carce´rale, ame´liorer la qualite´ de vie et l’inte´gration des participants dans la communaute´ mais aussi, diminuer les taux de re´cidive. Si des e´tudes montrent l’efficacite´ des TSM, certains auteurs insistent sur leurs limites. Ils estiment qu’une part de leur efficacite´ serait, en re´alite´, lie´e a` une se´lection trop restrictive parmi les candidats potentiels. Plus globalement, les TSM sont critique´s car ils ont e´te´ conc¸us pour reme´dier aux carences d’un syste`me de sante´ qui ne´cessiterait d’eˆtre re´forme´ car il n’offre plus de soins en amont du syste`me judiciaire.
C 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits re ´ serve´s.
Mots cle´s : Adhe´sion au soin De´sinstitutionnalisation E´tats-Unis Historique Prison Programme de soins Re´cidive
A B S T R A C T
Keywords: Care program Deinstitutionalization Historical Jail Recidivism United States
Objective. – The purpose of the article is to present what are Mental Health Courts (MHC) that were developed in the wake of the movement of deinstitutionalization in the United States. Material and methods. – Literature review. Results. – Designed in the 1990s, MHC are a form of diversion based on the principle of therapeutic jurisprudence: this individualized care program offer an alternative to prison. Today, there are more than 400 in the United States. Even though their functioning varies according to the States, they rely on common theoretical principles. Overall, many studies show a decrease of recidivism for participants of MHC compared to those who did not participate while they were eligible, whether in the short, medium or long term. Studies also present high levels of procedural justice and low levels of perceived coercion. If the studies show the efficiency of the TSM, some actors insist on their limits. They consider that a part of their efficiency would, in fact rely on a too restrictive selection amongst the potential candidates. More generally, the TSM are criticized because they have been conceived to overcome the deficiencies of a health system that would need to be reformed because it doesn’t offer care upstream the judicial system. Several other aspects are discussed but also criticised, whether it is about the consent of the participants (what understanding of the programs and their juridicial foundation and, later on, which real part of volunteering in their commitment?) or about the dropping of charges, which are apparently not systematic in some States. Conclusion. – MHC offer some promising leads but do not embody a solution to the complex problems found in the interface between mental care and justice.
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* Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (G. Guiresse). https://doi.org/10.1016/j.amp.2019.08.008 C 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits re ´ serve´s. 0003-4487/
Pour citer cet article : Guiresse G, et al. Les tribunaux de sante´ mentale ame´ricains, un exemple de programme de de´judiciarisation. Ann Med Psychol (Paris) (2019), https://doi.org/10.1016/j.amp.2019.08.008
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1. Introduction Jusqu’a` la fin du XIXe sie`cle, la prise en charge des patients souffrant de troubles psychiatriques est majoritairement institutionnelle, aux E´tats-Unis comme en Europe. Les hoˆpitaux psychiatriques se de´veloppent alors : c’est « l’e`re asilaire ». Toutefois, a` partir du de´but du XIXe sie`cle, des critiques e´mergent contre cette organisation du fait de la surpopulation observe´e dans les hoˆpitaux et du manque d’humanite´ des prises en charge qui y sont mises en œuvre. C’est dans ce contexte que s’amorce le mouvement de de´sinstitutionnalisation : les patients sortent des hoˆpitaux psychiatriques et re´inte`grent la socie´te´. En pratique, cela se traduit par la fermeture massive de lits au profit du de´veloppement de centres de sante´ ambulatoires : entre 1955 et 1990, le nombre de lits diminue de 560 000 a` 68 000, soit une re´duction de pre`s de 90 %. De manie`re concomitante, on observe un accroissement rapide de la population carce´rale ame´ricaine. Le nombre de personnes souffrant de troubles psychiatriques engage´es dans le syste`me judiciaire explose et des auteurs font le lien entre une de´sinstitutionnalisation mal mene´e et la criminalisation de cette population. On parle de « judiciarisation » des personnes souffrant de troubles mentaux. Or, les prisons ne soignent pas ces individus qui se retrouvent souvent engage´s dans un syste`me aggravant leur situation. Partant de cette constatation, le gouvernement fe´de´ral ame´ricain de´veloppe des programmes de de´judiciarisation a` partir des anne´es 1990. Leur but est de re´orienter les personnes souffrant de troubles mentaux du syste`me judiciaire vers le syste`me de soins, et de re´duire leur re´cidive. Parmi ces programmes, les Tribunaux de Sante´ Mentale (TSM) sont les plus re´pandus. Dans un premier temps, nous pre´senterons le mouvement de de´sinstitutionnalisation, puis le phe´nome`ne de criminalisation des personnes souffrant de pathologies mentales. Nous exposerons ensuite les diffe´rentes formes de de´judiciarisation avant de pre´ciser les principes de fonctionnement des TSM ainsi que leurs re´sultats, notamment sur la re´cidive. Enfin, nous verrons que malgre´ l’engouement que ces programmes ont rapidement suscite´, ils sont aujourd’hui controverse´s.
2. Le mouvement de de´sinstitutionnalisation psychiatrique ame´ricain Apre`s la Seconde Guerre mondiale, le syste`me psychiatrique asilaire des E´tats-Unis est vivement critique´. Les professionnels de sante´, les intellectuels et les responsables politiques proposent un nouveau syste`me de soins en sante´ mentale et le mouvement de de´sinstitutionnalisation s’amorce. Entre 1955 et la fin du XXe sie`cle, le nombre de patients hospitalise´s dans les hoˆpitaux psychiatriques d’E´tat diminue de 560 000 a` 77 000, soit une baisse de 86 % [21]. Il s’ensuit une re´organisation du syste`me de soins autour de centres de sante´ mentale communautaires qui ont pour mission d’assurer le suivi ambulatoire des patients souffrant de troubles psychiatriques, d’organiser une e´ventuelle hospitalisation, si ne´cessaire, et de former les professionnels des champs sanitaires et sociaux [21]. De`s lors, le roˆle des institutions hospitalie`res e´volue, qu’il s’agisse des hoˆpitaux d’E´tat, dans lesquels les dure´es de se´jour sont de plus en plus courtes, ou des hoˆpitaux ge´ne´raux dote´s d’une unite´ psychiatrique, dont le nombre augmente de 160 a` 925 entre 1946 et 1978 [20]. Selon Bachrach, les hoˆpitaux ge´ne´raux contribuent alors a` stabiliser les disjonctions du syste`me via leurs services d’urgence [2]. Les unite´s de psychiatrie situe´es dans ces e´tablissements deviennent des lieux de soins aigus et les hoˆpitaux ge´ne´raux, qui n’e´taient pas pre´pare´s a` cette e´volution, sont
rapidement de´passe´s. De ce fait, les urgences sont souvent de´borde´es et la qualite´ des soins se de´te´riore [2]. La situation s’aggrave encore avec l’entre´e en vigueur de la loi Omnibus, en 1981, qui met un terme aux financements fe´de´raux des centres communautaires de sante´ mentale. Les E´tats doivent prendre le relais tandis que les coupes budge´taires empeˆchent le de´veloppement optimal des structures de suivi ambulatoire et que des hoˆpitaux psychiatriques prive´s a` but lucratif se multiplient [20]. Cette situation ge´ne`re une ine´galite´ entre les personnes souffrant des troubles mentaux les plus se´ve`res et les autres, les premiers e´tant progressivement exclus du syste`me de soins tandis que les personnes les moins handicape´es et les plus inte´gre´es, sur le plan social, profitent de cette nouvelle offre de soins et voient meˆme leur prise en charge ame´liore´e [13]. Franck et Glied insistent e´galement sur l’impact ne´gatif de la diversification et de la mauvaise coordination des services propose´s dans la communaute´. Ces diffe´rents programmes e´voluent, en effet, de fac¸on inde´pendante, ce qui fragmente l’offre de soins et ne facilite pas leur acce`s pour les personnes souffrant de troubles mentaux se´ve`res [13]. Par ailleurs, la de´connexion entre les propositions du gouvernement fe´de´ral et les besoins, au sein des E´tats, est e´galement critique´e. Ainsi, le programme Medicaid ne permet pas de couvrir l’ensemble des soins dont les patients souffrant de troubles mentaux se´ve`res auraient besoin. Ces diffe´rents e´le´ments constituent des obstacles a` une prise en charge globale et efficiente de leur pathologie et de ses conse´quences. Ils entravent donc leur inte´gration dans la communaute´. On assiste alors a` une pre´carisation et a` une itine´rance de cette population, ce qui, conjugue´ a` la mauvaise qualite´ des soins, pourrait rendre compte de sa surrepre´sentation dans le milieu carce´ral [21].
3. Criminalisation des patients souffrant de troubles psychiatriques A` partir des anne´es 1980, la population carce´rale ame´ricaine explose. En 2010, on de´nombre ainsi 2,2 millions de pre´venus incarce´re´s en attente de jugement et 1,6 million de personnes condamne´es en e´tablissement pour peine. Les E´tats-Unis ne repre´sentent que 5 % de la population mondiale mais 25 % des de´tenus dans le monde [20]. Si les re´sultats de Fazel et Danesh [11] concernant les pre´valences des pathologies psychiatriques en milieu carce´ral e´taient applique´s a` ce contexte carce´ral pre´cis, il pourrait en eˆtre de´duit que plusieurs centaines de milliers de personnes y souffriraient de troubles psychotiques ou de troubles graves de l’humeur. Cela repre´senterait un de´tenu sur deux. Cette situation rend compte du phe´nome`ne de criminalisation qui correspond au placement de personnes souffrant de troubles mentaux et ayant commis des infractions dans le syste`me pe´nal plutoˆt que dans le syste`me de sante´ mentale. Les recherches mene´es sur ce sujet ont retrouve´ des liens avec le phe´nome`ne de de´sinstitutionnalisation mais pas de relation de cause a` effet directe. Elles montrent, par contre, que la criminalisation serait aggrave´e par l’itine´rance [20]. Les personnes sans-abri souffrant de troubles mentaux ont des proble´matiques multiples et se retrouvent souvent en contact avec la police, les tribunaux et le syste`me carce´ral. De plus, elles ont des taux d’incarce´ration disproportionne´s. Lamb et Weinberger rapportent, par exemple, que 36 % des hommes et 42 % des femmes de´tenus dans les prisons du comte´ de Los Angeles, et ayant fait l’objet d’une e´valuation psychiatrique, vivaient dans les rues au moment de leur arrestation [18]. De plus, des relations significatives ont e´te´ mises en e´vidence entre, d’une part, eˆtre sans-abri et souffrir d’une maladie mentale et, d’autre part, eˆtre sans-abri et avoir au moins un ante´ce´dent d’hospitalisation en psychiatrie [18].
Pour citer cet article : Guiresse G, et al. Les tribunaux de sante´ mentale ame´ricains, un exemple de programme de de´judiciarisation. Ann Med Psychol (Paris) (2019), https://doi.org/10.1016/j.amp.2019.08.008
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En 1997, Adreribigbe a propose´ une re´flexion dans laquelle il insiste sur le phe´nome`ne d’itine´rance, qu’il met en relation directe avec la de´sinstitutionnalisation [1]. Selon lui, les insuffisances de moyens et les mauvaises coordinations des services ambulatoires expliqueraient, en partie, leurs difficulte´s a` re´pondre aux besoins des personnes qu’ils devraient prendre en charge, notamment celles souffrant de troubles mentaux se´ve`res. D’autre part, sur le plan social et professionnel, il existe un manque d’emplois non qualifie´s et de logements abordables auxquels s’ajoute une insuffisance de services sociaux ade´quats. De ce fait, pour un certain nombre de patients, le suivi en ambulatoire n’a ame´liore´ ni leur e´tat de sante´ ni leur qualite´ de vie globale et les a, au contraire, pre´carise´s [1]. Enfin, un dernier e´le´ment d’importance re´side dans le fait que face a` des politiques anti-drogue de tole´rance ze´ro, les populations sans domicile fixe sont souvent utilise´es pour la revente de stupe´fiants par certains trafiquants [22]. L’ensemble de ces facteurs rend, en partie, compte du phe´nome`ne de criminalisation dans un contexte ou` la criminalite´ est un combat politique prioritaire et ou` la re´pression frappe se´ve`rement [7]. Or, seul 12 % du budget des prisons est destine´ aux soins me´dicaux, tous confondus. Il existe donc un manque e´vident de moyens par rapport aux besoins et de nombreux conflits d’inte´reˆt entre soignants et personnels pe´nitentiaires [9]. Des e´tudes montrent ainsi que seul un de´tenu sur trois a` un de´tenu sur six serait pris en charge, sur le plan psychiatrique, en prison [17].
4. La de´judiciarisation des patients souffrant de troubles mentaux Dans les anne´es 1990, la socie´te´ civile se pre´occupe de la situation des personnes souffrant de troubles mentaux qui se retrouvent engage´es dans un syste`me judiciaire inadapte´ a` leur proble´matique et qui aggrave leur situation. Les responsables politiques souhaitent proposer une alternative afin d’obtenir de meilleurs re´sultats en termes de re´habilitation, de re´insertion et de re´cidive dans cette population. Ils promeuvent alors un processus de de´judiciarisation dont le but est de re´orienter cette population du syste`me judiciaire vers le syste`me de soins. Ces programmes sont varie´s et en expansion depuis plus de vingt ans. La de´judiciarisation peut intervenir a` diffe´rentes e´tapes : en pre´-arrestation, apre`s arrestation ou en post-sentenciel. En pre´arrestation, les services de police peuvent, graˆce a` leur pouvoir discre´tionnaire, e´viter l’arrestation. Sur ce principe, certains E´tats ont adopte´ le mode`le des « e´quipes d’intervention de crise ». Par exemple, dans l’E´tat du Tennesse, des formations particulie`res ont e´te´ cre´e´es a` la fin des anne´es 1980 pour la police apre`s qu’un individu souffrant de schizophre´nie a e´te´ tue´ par balle. Dans le cadre de ces formations, les membres des forces de l’ordre apprennent a` reconnaıˆtre les diffe´rents symptoˆmes de maladies mentales et a` de´samorcer des situations potentiellement dangereuses puis a` orienter vers des structures de soins. D’autres E´tats travaillent directement en collaboration avec des e´quipes d’urgences psychiatriques pour former des e´quipes d’intervention commune. Ces diffe´rentes approches permettent une baisse des taux d’arrestation et e´vitent d’engager dans une proce´dure judiciaire une personne dont le comportement infractionnel est manifestement en lien avec une de´compensation psychiatrique. Des e´tudes e´valuent l’efficacite´ de ces types d’intervention et retrouvent des taux infe´rieurs d’arrestation de personnes souffrant de troubles mentaux : 7 % en moyenne contre 21 % pour les e´quipes n’ayant pas de formation ou pas de contact avec les e´quipes de soins psychiatriques [19,32]. Dans les suites d’une arrestation, la de´judiciarisation peut avoir lieu au tribunal, ce qui implique, en pratique, que le procureur
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prenne la de´cision de ne pas poursuivre l’accuse´. Il peut de´cider de l’orienter vers un service spe´cialise´ ou faire une demande d’e´valuation afin de pre´ciser deux points : l’aptitude a` suivre un proce`s et la responsabilite´ pe´nale. Dans l’ensemble, les affaires donnant lieu a` une de´judiciarisation, a` cette e´tape, sont les moins graves. Les re´cidivistes, les personnes interpelle´es pour consommation ou vente de stupe´fiants, ou encore, pour violences contre les personnes ou infractions plus graves, ne sont ge´ne´ralement pas concerne´s. Pour ces derniers, il existe d’autres programmes de de´judiciarisation en phase post- sentencielle, c’est-a`-dire apre`s prononce´ d’une peine. Parmi eux, les TSM sont les plus re´pandus.
5. Les tribunaux de sante´ mentale, un exemple de programme de de´judiciarisation Le premier TSM a e´te´ fonde´ en 1997, dans le comte´ de Broward, en Floride [4]. Le but est de de´tourner les personnes souffrant de troubles mentaux du syste`me judiciaire et de leur proposer une prise en charge approprie´e afin de re´duire la surpopulation carce´rale et la re´cidive mais aussi d’ame´liorer leur qualite´ de vie et leur inte´gration dans la socie´te´. En 2000, ce mode`le devient le fondement d’un plan initie´ par le Pre´sident Bill Clinton pour encourager le de´veloppement d’une centaine de projets pilotes de TSM (America’s Law Enforcement and Mental Health Project, 2000). Ces institutions se sont, depuis lors, multiplie´es : on en compte aujourd’hui plus de 400 [4]. McNeil et Binder proposent une de´finition fonctionnelle des TSM base´e sur plusieurs e´le´ments [24] : un programme de soins individualise´ ; un juge spe´cifique, qui noue une relation privile´gie´e avec le participant ; une approche non accusatoire ; une participation volontaire ; la possibilite´ d’abandonner les charges devant la coope´ration de l’accuse´. Pour eˆtre e´ligible, la personne doit souffrir d’un trouble mental de l’axe 1 du Diagnostic and Statistical Manual (DSM). Elle doit eˆtre accuse´e d’un de´lit ou d’un crime et plaider coupable. Le comportement ayant mene´ a` l’infraction doit eˆtre en lien avec la pathologie mentale diagnostique´e. Par ailleurs, le programme ne peut eˆtre inte´gre´ qu’apre`s expertise me´dicale ou psychologique et de´cision finale du juge. On conside`re que le programme est mene´ a` bien de`s lors que le participant le suit jusqu’au terme initialement fixe´ et qu’il n’a pas re´cidive´ pendant la dure´e du programme [24]. Le fonctionnement des TSM repose a` la fois sur des audiences et proce´dures au caracte`re informel et sur une e´troite interdisciplinarite´. Les e´quipes peuvent, en effet, eˆtre compose´es de travailleurs sociaux, de professionnels intervenant dans le domaine de la justice (juges, avocats, procureurs) ou de la sante´ (me´decins, psychologues, infirmiers) [31]. Cette collaboration permet de synthe´tiser les avis d’experts des champs judiciaires et sanitaires afin de construire un programme qui prenne en compte les particularite´s psychosociales et criminologiques ainsi que les capacite´s et besoins de chaque accuse´. Les rencontres avec le juge sont tre`s re´gulie`res mais leur fre´quence et la dure´e du suivi de´pendent des tribunaux et des dossiers.
6. Principes communs des TSM Les principes communs aux TSM sont le mode`le de re´habilitation des Good Lives, la jurisprudence the´rapeutique, la justice proce´durale, la place du juge et la honte re´inte´grative.
Pour citer cet article : Guiresse G, et al. Les tribunaux de sante´ mentale ame´ricains, un exemple de programme de de´judiciarisation. Ann Med Psychol (Paris) (2019), https://doi.org/10.1016/j.amp.2019.08.008
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6.1. Mode`le de re´habilitation des Good Lives Des auteurs estiment que les TSM se rapprochent de mode`les de re´habilitation de type « Good Lives ». Ceux-ci ont e´merge´ dans les anne´es 2000, dans le cadre des re´flexions sur la prise en charge des auteurs de violences sexuelles. En fait, les TSM seraient « pre´curseurs ». On retrouve des similitudes conceptuelles entre leurs principes et le Good Lives Model qui propose « une fac¸on plus holistique et plus constructive de concevoir et de travailler avec les de´linquants, en focalisant moins sur les de´ficits individuels et davantage sur les contextes personnel, interpersonnel et social requis pour permettre aux de´linquants de construire et de maintenir une vie harmonieuse a` tout point de vue » [23]. Dans le mode`le des Good Lives, « les de´linquants nous sont plus semblables qu’e´trangers, ils ont, comme chacun d’entre nous, besoin d’eˆtre aime´s, compe´tents, valorise´s, autonomes, etc. pour fonctionner de fac¸on ade´quate et pour faire partie inte´grante de la communaute´ ». La re´habilitation du de´linquant est donc conditionne´e par l’ame´lioration du bien-eˆtre (but premier) plutoˆt que par les strate´gies visant a` e´viter la re´cidive (but second) [23]. 6.2. Jurisprudence the´rapeutique L’expression « jurisprudence the´rapeutique » a e´te´ invente´e en 1987 par le professeur de droit et de psychologie David Wexler, selon lequel il s’agit de « l’utilisation des sciences sociales pour e´tudier dans quelle mesure une re`gle ou une pratique le´gale favorise le bien-eˆtre psychologique et physique des personnes qu’elle concerne ». La loi pourrait influer sur le bien-eˆtre psychologique d’un individu par le biais d’une conse´quence the´rapeutique ou anti-the´rapeutique qu’elle induirait. Suivant ce principe, les TSM cherchent a` se saisir des effets the´rapeutiques potentiels de la Justice [4]. En pratique, la loi devrait eˆtre utilise´e et applique´e en tenant compte des causes sous-jacentes ayant contribue´ au contact des personnes avec la justice. Ainsi, face a` un accuse´ souffrant de troubles mentaux, le principe de « jurisprudence the´rapeutique » devrait favoriser non pas la de´tention, mais plutoˆt la prise en compte de l’e´tat psychique pour de´terminer tant les sanctions que les mesures d’encadrement les plus ade´quates [31].
et le de´roulement du suivi de l’accuse´ en e´tablissant une alliance forte avec lui. Cette relation est appele´e « alliance the´rapeutique » et se construit lors de rencontres re´gulie`res entre juge et participant, par le biais de me´thodes proches de celles utilise´es en psychothe´rapie [12]. Pour ce faire, il engage un dialogue direct en contournant l’avocat de la de´fense qui n’a ici qu’un roˆle accessoire. La communication est respectueuse et chaleureuse, ce qui implique une e´coute active et de l’empathie. Cela permet au juge d’apprendre a` connaıˆtre l’accuse´ en tant que personne et de comprendre progressivement les circonstances et facteurs de´clenchants des comportements infractionnels. Il doit pouvoir e´valuer le participant et lui re´pondre en temps re´el de manie`re a` le rassurer, a` renforcer sa confiance et a` le motiver. Eˆtre traite´ avec justice proce´durale par un juge, figure d’autorite´, renforce l’estime de soi du participant et ge´ne`re du respect re´ciproque. Cela confe`re une le´gitimite´ accrue aux de´cisions du juge et a` la loi en ge´ne´ral [8]. 6.5. La honte re´inte´grative Le concept de « honte re´inte´grative » de Braithwaite est e´galement utilise´ pour expliquer la re´duction de la criminalite´ dans les TSM. La honte est ge´ne´ralement ve´cue comme une e´motion ne´gative de´coulant d’expe´riences d’e´chec (selon les normes fixe´es personnellement ou par la socie´te´). Braithwaite sugge`re, quant a` lui, que la honte peut entraıˆner un sentiment de stigmatisation ou un sentiment positif d’insertion. On parle de « honte stigmatisante » et de « honte re´inte´grative » [10]. Si l’individu fait l’expe´rience de honte stigmatisante, il se sent humilie´, e´tiquete´ ne´gativement et rejete´ de la communaute´ des citoyens. Pourtant, la honte peut e´galement conduire a` un sentiment d’inte´gration si l’e´tiquetage ne´gatif est axe´ sur le comportement plutoˆt que sur l’individu, s’il se sent respecte´ pendant le processus, et si ce dernier s’ache`ve par des « signaux de pardon ». Dans les deux cas, l’expe´rience de honte peut eˆtre cruelle, mais quand elle est stigmatisante, elle provoque des sentiments de cole`re et peut encourager la poursuite d’activite´s infractionnelles [10]. Les proce´dures judiciaires en matie`re de sante´ mentale comporteraient plus d’e´le´ments de honte re´inte´grative que le tribunal traditionnel [28].
6.3. Justice proce´durale et contrainte perc¸ue
7. Re´sultats sur la re´cidive des participants aux TSM
Tyler, professeur de droit et de psychologie, a mene´ une re´flexion sur les raisons qui poussent les individus a` obe´ir a` la loi. Pour ce faire, il fait re´fe´rence au principe de « justice proce´durale » qui rend compte de la qualite´ de la prise de de´cision et du traitement interpersonnel des de´cideurs. Dans le cadre d’une proce´dure judiciaire, la manie`re dont le processus est conduit impacte les perceptions des justiciables concernant leur e´quite´ et leur le´gitimite´. Dans ce cadre, la perception de justice proce´durale des citoyens semble fonde´e sur la possibilite´ qui leur est offerte d’exprimer leur point de vue et, de ce fait, de participer a` la prise de de´cision [33]. Le niveau de contrainte perc¸ue est directement en lien avec la justice proce´durale. Plus la proce´dure est perc¸ue comme juste, moins le participant se sent contraint. Ainsi, une de´cision de´coulant d’un processus e´quitable et respectueux auquel le principal inte´resse´ a participe´ et au cours duquel il a e´te´ respecte´ et traite´ dignement abaisse le niveau de contrainte perc¸ue. Cela permet une meilleure compre´hension et une acceptation active de la loi [33].
De nombreux travaux ont e´tudie´ la re´cidive des participants a` court terme, soit pendant le programme, soit peu de temps apre`s la sortie des TSM. Herinckx et al. [14] ont compare´ les taux d’arrestation un an avant et apre`s l’entre´e dans le TSM. Par rapport a` l’anne´e pre´ce´dant l’inte´gration au programme, les taux d’arrestation des participants e´taient diminue´s par 4 l’anne´e suivante. Le facteur le plus de´terminant dans le succe`s des personnes suivies dans le cadre du TSM e´tait l’ache`vement du programme. Dans une autre e´tude, Moore et Hiday [25] ont compare´ les taux de re´cidive entre trois groupes : les participants du TSM qui ont acheve´ le programme, ceux qui ne sont pas alle´s a` son terme et un e´chantillon « te´moin » de personnes e´ligibles au programme mais n’y ayant pas participe´. Ceux qui ont termine´ le programme ont eu le plus faible taux de re´cidive dans un de´lai d’un an apre`s leur inte´gration (26,9 %) contre 70 % pour ceux qui l’ont interrompu pre´mature´ment et 61,2 % pour le groupe te´moin. Enfin, McNeil et Binder [24] ont compare´ le de´lai avant toute nouvelle arrestation d’un groupe de participants a` un TSM et d’un groupe de personnes ayant be´ne´ficie´ d’un suivi classique en ambulatoire. Ils ont constate´ que ce de´lai e´tait plus long pour les participants au TSM et que ces donne´es se ve´rifiaient apre`s la fin du programme. La re´cidive a` moyen et long terme a e´te´ e´value´e dans d’autres e´tudes. Les participants sont suivis pendant des pe´riodes allant
6.4. La place centrale du juge Dans les TSM, le juge est au cœur du processus. Au-dela` de ses missions habituelles, il joue un roˆle majeur dans la prise en charge
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d’une a` plus de cinq anne´e(s) apre`s leur sortie du programme. Les re´sultats vont globalement dans le sens d’une baisse de la re´cidive pour les participants. En 2010, Hiday et Ray [15] s’inte´ressent aux donne´es d’un TSM de Caroline du Nord : ils mettent en e´vidence une baisse du taux d’arrestations lorsqu’ils comparent les deux anne´es pre´ce´dant et suivant l’inte´gration puis la sortie du programme. Le taux de re´cidive est de 48 % pour ceux qui n’ont pas acheve´ le programme contre 28,6 % pour ceux qui le me`nent a` bien. Cette constatation sugge`re que les TSM peuvent affecter la re´cidive pendant une pe´riode prolonge´e, meˆme si les individus ne sont plus suivis dans ce cadre. En 2016, Hiday et al. [16] me`nent une autre e´tude et comparent les taux de re´cidive de trois groupes : parmi les participants au TSM, ils distinguent ceux ayant e´te´ au bout du programme et les autres, et ils les comparent a` un groupe de personnes ayant e´te´ suivis de fac¸on ordinaire dans un centre de sante´ mentale. Il existe une diffe´rence statistiquement significative entre ceux ayant acheve´ le programme et le groupe de suivi ambulatoire classique (25 % de re´cidive contre 55 %). Les re´sultats tire´s d’une e´tude similaire [5], concernant le TSM du comte´ de Hall, en Ge´orgie, vont dans le meˆme sens (60,6 % de re´cidive globale et 24,6 % pour les personnes ayant mene´ le programme a` bien). En 2014, Ray [27] suit les participants d’un TSM de Caroline du Nord, pendant une pe´riode allant de cinq a` plus de dix ans apre`s la sortie du programme. Les taux de re´cidive des participants sont de 53,9 %, et ils diminuent chez ceux ayant acheve´ le programme du TSM (39,6 %) par rapport aux autres (74,8 %). Ces re´sultats sont statistiquement significatifs et renforcent ceux pre´ce´demment rapporte´s.
8. Le TSM : un programme qui fait de´bat De`s la cre´ation des TSM, l’engouement est notable. Les e´tudes sur leur impact se multiplient et elles sont majoritairement favorables. Cependant, a` partir de la fin des anne´es 2010, certains auteurs s’interrogent. En 2011, Starteschi et al. opposent de´ja` « les points forts » des TSM a` de potentiels « points faibles » [30]. 8.1. Apports et points positifs des TSM Parmi les « points forts », on note : la re´duction de la re´cidive apre`s la participation a` un TSM ; la diminution du nombre de jours passe´s en prison pour les participants aux TSM par rapport a` ceux suivis par le syste`me judiciaire traditionnel [4] ; des niveaux e´leve´s de satisfaction et de justice proce´durale [26] ; la re´duction de l’itine´rance, des hospitalisations en psychiatrie, des troubles d’usage de substances et l’ame´lioration du fonctionnement psychosocial [6].
8.2. Limites des TSM Dans leur me´ta-analyse, Starteschi et al. [30] rele`vent quatre critiques principales vis-a`-vis des TSM. Ils insistent tout d’abord sur le fait que les TSM n’interviennent qu’en aval et donc, qu’un traitement n’est propose´ qu’aux personnes souffrant de troubles mentaux ayant e´te´ arreˆte´es et poursuivies pour des de´lits ou des crimes. Ces auteurs citent Schneider [31] qui de´nonce le fait que les budgets de´gage´s par la fermeture de lits hospitaliers n’aient ge´ne´ralement pas e´te´ re´investis dans les services psychiatriques ambulatoires. Dans certains E´tats, les accuse´s souffrant de troubles mentaux et qui entrent dans le syste`me pe´nal ont augmente´ de plus de 10 % par an depuis les anne´es 1990. Dans ce contexte, les
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TSM ont constitue´ des re´ponses juge´es « haˆtives » et massivement investies. Pour Schneider, il s’agit d’un « transfert de responsabilite´ sur le syste`me de justice pe´nale », par manque de moyens accorde´s au syste`me de soins. La deuxie`me critique porte sur la question du volontariat et, en filigrane, sur le consentement au programme. En 2010, Redlich et al. ont interroge´ 200 participants de deux TSM (Brooklyn et comte´ de Washoe) pour de´terminer la manie`re dont ils ont e´te´ informe´s sur les proce´dures judiciaires et pour mesurer leurs niveaux de consentement et de « compe´tence juridique » [29]. La majorite´ d’entre eux a de´clare´ avoir accepte´ de participer au TSM sans avoir e´te´ informe´e que le programme e´tait volontaire (58 % pour le TSM de Brooklyn et 60 % pour celui de Washoe). La plupart n’ont pas non plus compris les nuances au sujet des re`gles de fonctionnement des TSM puisque 73 % des participants du TSM de Brooklyn et 55 % de ceux de Washoe ne savaient pas que plaider coupable e´tait une condition ne´cessaire pour inte´grer le programme. La majorite´ d’entre eux ne savaient pas non plus qu’ils pouvaient eˆtre expulse´s du TSM (73 % pour Brooklyn, 78 % pour Washoe) ou qu’elle pouvait eˆtre a` nouveau poursuivie pour les meˆmes infractions si les conditions du suivi n’e´taient pas respecte´es (72 % pour Brooklyn, 81 % pour Washoe) [29]. L’information, si elle n’est pas claire ou adapte´e, et si elle ne permet pas la compre´hension la plus fine possible du programme, peut-elle permettre un consentement valable ? Ces re´sultats ont donc conduit les chercheurs a` se demander si l’engagement dans le suivi par le TSM e´tait vraiment volontaire. Le mode de se´lection des participants est e´galement sujet a` controverses. La litte´rature indique une surrepre´sentation des personnes de sexe masculin et d’origine caucasienne et, dans certains cas, des femmes. A` l’heure actuelle, il n’existe pas d’explication claire sur la fac¸on dont les participants aux TSM sont se´lectionne´s. Certains auteurs se demandent si seules les personnes les plus « susceptibles de re´ussir » ne sont pas encourage´es a` accepter un suivi dans le cadre des TSM, quand d’autres parlent « d’e´cre´mage ». Ces pratiques pourraient entraıˆner une « perte de chance » pour certains et induire des biais lorsque des e´tudes sont mene´es. Par ailleurs, Starteschi et al. [30] soulignent que peu d’e´tudes offrent des cadres the´oriques acceptables et identifiables pour savoir comment et pourquoi les TSM fonctionnent. La majorite´ d’entre elles s’appuient sur des ge´ne´ralisations empiriques. Ainsi, au lieu d’ope´rer dans un cadre the´orique bien de´fini, les TSM semblent ge´ne´ralement fonctionner selon le principe directeur de la jurisprudence the´rapeutique (effet the´rapeutique ou anti-the´rapeutique de la loi). Cela laisserait a` penser que certaines lois sont utiles ou inutiles aux personnes, voire meˆme nuisibles. Ce principe est inte´ressant mais ne permet pas de pre´dire avec fiabilite´ les re´sultats futurs. De plus, la comparaison a` d’autres syste`mes montre qu’il existe des juridictions qui semblent bien fonctionner sans programme tel que les TSM. Enfin Schneider prend l’exemple des syste`mes anglais, allemands et sue´dois, qui mettent l’accent sur une de´judiciarisation en phase pre´-sentencielle [31]. Il rappelle que « les me´canismes de de´tournement adopte´s dans une juridiction donne´e sont influence´s par les politiques de droit en sante´ mentale, la structure de la justice pe´nale et le syste`me de soins » [31].
9. Conclusion Aux E´tats-Unis, la de´sinstitutionnalisation a conduit a` la fermeture de la majorite´ des lits et hoˆpitaux psychiatriques. L’insuffisance de moyens a entraıˆne´ la marginalisation d’une certaine cate´gorie de personnes souffrant de troubles psychiatriques. Les changements le´gislatifs et les politiques pe´nales
Pour citer cet article : Guiresse G, et al. Les tribunaux de sante´ mentale ame´ricains, un exemple de programme de de´judiciarisation. Ann Med Psychol (Paris) (2019), https://doi.org/10.1016/j.amp.2019.08.008
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re´pressives ont contribue´ a` une augmentation des probabilite´s que ces personnes entrent en contact avec la justice. On a donc tente´ de les en de´tourner en de´veloppant des programmes de de´judiciarisation tels que les TSM. L’ide´e de´fendue est qu’ils sont efficaces, notamment sur la re´cidive. Il reste encore a` de´terminer quelles en sont les variables de´terminantes. Certains pays tels que le Canada et l’Australie se sont inspire´s de ces programmes et ont de´veloppe´ des tribunaux semblables. En France, de re´centes expe´rimentations ont eu lieu et proposent, en s’inspirant du principe de jurisprudence the´rapeutique, des programmes intensifs de suivi comme alternatives a` la peine privative de liberte´, dans le cadre de ˆt la contrainte pe´nale telle que pre´vue par la loi du 15 aou 2014 relative a` l’individuation des peines et renforc¸ant l’efficacite´ des sanctions pe´nales [3]. 10. Discussion avec l’auditoire Dr J. Garrabe´ — Je voudrais vous poser une question a` propos des termes que vous avez employe´s pour rappeler l’historique de la « de´sinstitutionnalisation » aux E´tats-Unis. Ils classent les sujets en « Caucasiens » (blancs), « Hispaniques », et « Noirs ». La Socie´te´ Me´dico-Psychologique avait e´te´ invite´e au Congre`s de l’American Psychiatric Association a` Atlanta ou` nous avions e´te´ e´tonne´s de voir que cette classification raciale e´tait utilise´e aussi bien pour les e´tudiants dans les diverses universite´s et les institutions psychiatriques ; cette classification raciale, sinon raciste, des personnes ne peut pas eˆtre utilise´e en France. Dr Mouchet-Mages — Il existe e´galement des programmes de meˆme type en France. Certains aspects varient, notamment car la proce´dure de « plaider coupable » n’existe pas. Ils sont pre´-ou post-sentenciel. On peut citer un programme pilote a` Bobigny centre´ sur les addictions. Le programme de Lyon a e´te´ mis en place pour les patients pre´sentant des troubles mentaux majeurs avec e´ventuelle comorbidite´ addictive. Un des biais qui peut exister dans les e´tudes peut eˆtre lie´ a` l’existence ou non d’un logement offert dans le programme qui se´lectionne de fait certaines cate´gories de population. M. T. Pham — Les tribunaux ame´ricains de sante´ mentale attribuent au juge le roˆle de « pre´-the´rapeute » avec le patient. Dispose-t-il d’une formation particulie`re pour ce faire, comment se passent les se´ances juge-patient ? Dans la me´thodologie du TSM, on se donne pour objectif de mobiliser le sentiment de honte. Qu’advient-il si le patient n’e´prouve pas ce sentiment ? On l’encourage a` le de´velopper ? Cela est sans doute lie´ a` la culture philosophique voire religieuse pre´gnante aux E´tats-Unis. Cette question n’efface pas les re´sultats significatifs relatifs a` la baisse des taux de re´cidive chez ceux ayant « acheve´ » ce traitement. Re´ponse du rapporteur — Le fonctionnement des TSM varie selon les E´tats. Ainsi, dans certaines juridictions, les juges suivent une formation particulie`re afin de pouvoir travailler au sein de ces tribunaux alors qu’ailleurs ce n’est pas obligatoirement le cas. En revanche, la majeure partie du temps, pour exercer ce genre d’activite´, le juge manifeste un inte´reˆt et est ensuite inte´gre´ au processus. Il n’y a ge´ne´ralement pas d’obligation d’exercer dans un tel tribunal. Concernant le sentiment de « honte », on retrouve effectivement des phases (plutoˆt au de´but du programme) ayant pour objectif la prise de conscience de la gravite´ des faits, afin de faire e´merger de la honte et de la culpabilite´, ce qui selon certains serait un premier pas vers la re´silience.
ˆ ts De´claration de liens d’inte´re Les auteurs de´clarent ne pas avoir de liens d’inte´reˆts. Re´fe´rences [1] Aderibigbe YA. Deinstitutionalization and criminalization: tinkering in the interstices. Forensic Sci Int 1997;85:127–34. [2] Bachrach LL. L’e´tat des hoˆpitaux psychiatriques publics aux E´tats-Unis en 1996. Sante Mentale Quebec 1997;22:33. [3] Boe¨ton M. Quand les soins se substituent a` la prison. La Croix [en ligne]; 2018, https://www.la-croix.com/Sciences-et-ethique/Sciences-et- ethique/ Quand-soins-substituent-prison-2018-07-10-1200953899. [4] Boothroyd RA, Poythress NG, McGaha A, Petrila J. The Broward mental health court: process, outcomes, and service utilization. Int J Law Psychiatry 2003;26:55–71. [5] Burns PJ, Hiday V, Ray B. Effectiveness 2 years postexit of a recently established mental health court. Am Behav Scientist 2013;57:189–208. [6] Cosden M, Ellens J, Schnell J, Yamini-Diouf Y. Efficacy of a mental health treatment court with assertive community treatment. Behav Sci Law 2005;23(2):199–214. [7] Davis L, Fulginiti A, Kriegel L, Brekke JS. Deinstitutionalization? Where have all the people gone? Curr Psychiatry Rep 2012;14:259–69. [8] Edgely M. Why do mental health courts work? A confluence of treatment, support & adroit judicial supervision. Int J Law Psychiatry 2014;37:572–80. [9] Exhworthy T, Samele C, Urquia N, Forrester A. Asserting prisoners’ right to health: progressing beyond equivalence. Psychiatric Serv 2012;63:270–5. [10] Faget J. Reintegrative shaming. A` propos de la the´orie de John Braithwaite. Cah Justice 2006;1:59–70. [11] Fazel S, Danesh J. Serious mental disorder in 23,000 prisoners: a systematic review of 62 surveys. Lancet 2002;359:545–50. [12] Frailing K. How mental health courts function: outcomes and observations. Int J Law Psychiatry 2010;33:207–13. [13] Frank RG, Glied SA. Better but not well. Jonh Hopkins University Press; 2007. [14] Herinckx HA, Swart SC, Ama SM, Dolezal CD, King S. Rearrest and linkage to mental health services among clients of the Clark County mental health court program. Psychiatric Serv 2005;56:853–7. [15] Hiday VA, Ray B. Arrests two years after exiting a well-established mental health court. Psychiatric Serv 2010;61:463–8. [16] Hiday V, Ray B, Wales H. Longer-term impacts of mental health courts: recidivism two years after exit. Psychiatric Serv 2016;67:378–83. [17] James DV, Glaze LE. Mental health problems of prison and jail inmates. US Department of justice; 2006. [18] Lamb HR, Weinberger LE. Persons with severe mental illness in jails and prisons: a review. Psychiatric Serv 1998;49:483–92. [19] Lamb HR, Weinberger LE, DeCuir WJ. The police and mental health. Psychiatric Serv 2002;53:1266–71. [20] Lecomte Y. Le processus de de´sinstitutionnalisation aux E´tats-Unis (deuxie`me partie). Sante Mentale Quebec 1988;13:35. [21] Lecomte Y. Le processus de de´sinstitutionnalisation aux E´tats-Unis (premie`re partie). Sante Mentale Quebec 1988;13:34. [22] Louan E, Senon JL. La situation des auteurs d’infractions souffrant de troubles psychiatriques dans les syste`mes judiciaire et pe´nitentiaire de la ville de New York (E´tats-Unis). Ann Med Psychol 2005;163:834–41. [23] McCulloh T, Kelly L. Working with sex offenders in context: which way forward? Probation J 2007;54:7–21. [24] McNiel DE, Binder RL. Effectiveness of a mental health court in reducing criminal recidivism and violence. Am J Psychiatry 2007;164:1395–403. [25] Moore ME, Hiday VA. Mental health court aoutcomes: a comparaison of rearrest severity between mental health court and traditional court participants. Law Hum Behav 2006;30:659–74. [26] Poythress NG, Petrila J, McGaha A, Boothroyd R. Perceived coercion and procedural justice in the Broward mental health court. Int J Law Psychiatry 2002;25:517–33. [27] Ray B. Long-term recidivism of mental health court defendants. Int J Law Psychiatry 2014;37:448–54. [28] Ray B, Dollar CB, Thames KM. Observations of reintegrative shaming in a mental health Court. Int J Law Psychiatry 2011;34:49–55. [29] Redlich AD, Hoover S, Summers A, Steadman HJ. Enrollment in mental health courts; voluntariness, knowingness, and adjudicative competence. Law Hum Behav 2010;34:91–104. [30] Sarteschi CM, Vaughn MG, Kim K. Assessing the effectiveness of mental health courts: a quantitative review. J Crim Justice 2011;39:12–20. [31] Schneider RD. Mental health courts and diversion programs: a global survey. Int J Law Psychiatry 2010;33:201–6. [32] Steadman HJ, Deane MW, Borum R, Morissey JP. Comparing outcomes of major models of police responses to mental health emergencies. Psychiatric Serv 2000;51:645–9. [33] Wales HW, Hiday VA, Ray B. Procedural justice and the mental health court judge’s role in reducing recidivism. Int J Law Psychiatry 2010;33:265–71.
Pour citer cet article : Guiresse G, et al. Les tribunaux de sante´ mentale ame´ricains, un exemple de programme de de´judiciarisation. Ann Med Psychol (Paris) (2019), https://doi.org/10.1016/j.amp.2019.08.008