JIDI 80 No. of Pages 3 Journal d'imagerie diagnostique et interventionnelle 2018;xx:1–3
15 minutes pour comprendre
L'expertise en radiologie Radiology expertise B. Guibourg a O. Hmandi b S. Abid c R. Bouvet d D. Ben Salem b,e
a Institut médico-légale, CHRU de Brest, boulevard Tanguy-Prigent, 29609 Brest cedex, France b Imagerie médico-légale, CHRU de Brest, boulevard Tanguy-Prigent, 29609 Brest cedex, France c Cabinet d'avocats Abid, 35, rue Gioffredo, 06000 Nice, France d Service de médecine légale, CHU de Rennes, 2, rue Henri-Le-Guilloux, 35033 Rennes cedex 9, France e LaTIM, Inserm UMR 1101, 22, avenue CamilleDesmoulins, CS 93837, 29238 Brest cedex 3, France
Reçu le 11 octobre 2018 ; accepté le 24 octobre 2018 Disponible en ligne sur ScienceDirect le xxx
RÉSUMÉ
MOTS CLÉS
L'expertise médicale est un avis technique élaboré par un médecin expert pour répondre à une mission qui lui a été assignée. Le médecin radiologue peut intervenir dans le cadre de la recherche de la responsabilité médicale où il devra éclairer le magistrat sur l'existence d'une éventuelle faute d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité. Il peut également être sollicité pour réaliser et interpréter des examens d'imagerie à la demande de juridictions (scanner post-mortem, détermination de l'âge osseux. . .). D'une autre part, servir la justice, ne doit pas être contradictoire aux obligations déontologiques et éthiques du radiologue expert ; il doit être conscient des implications médico-légales de ses constatations, leur répercussion sur le cours de l'affaire.
Imagerie médico-légale Expert Justice Responsabilité médicale Cours d'assises
© 2018 Société française de radiologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
KEYWORDS Forensic imaging Expert Justice Medical liability Assize court
SUMMARY The medical expertise is a technical opinion performed by a specialised medical doctor to respond to an assigned mission. A radiologist can perform a report to assess the medical responsibility to enlighten the judge whether a medical error is deemed as imprudence, neglect, or a breach of caution or safety. A medical radiologist can be requested to perform and analyze imagery examinations by the legal authorities (postmortem CT scan, assessment of bone age. . .). On the other hand, serving the justice system as an expert, should not contradict the doctors' own medical ethical obligations. The radiologists should also be aware of the medical legal consequences of their conclusions, and the impact thereof on the case at hand. © 2018 Société française de radiologie. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
e juge peut être amené à trancher des litiges qui revêtent une dimension technique forte dans divers domaines ; dont la médecine. Il recourt alors à un expert, en lui assignant une mission, pour que ce dernier l'éclaire sur les points techniques qui lui échappent, et ce, pour tout type de juridictions. Les juridictions pénales sont
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à vocation répressive et ont pour mission de sanctionner les responsables d'infractions pénales tandis que les juridictions civiles et administratives sont à vocation réparatrice et ont pour mission d'indemniser le préjudice des victimes. En matière d'accidents médicaux, d'affections iatrogènes et d'infections nosocomiales, les commissions de conciliation et
Auteur correspondant : D. Ben Salem, Imagerie médico-légale, hôpital de la Cavale-Blanche, boulevard Tanguy-Prigent, 29609 Brest cedex, France. Adresse e-mail :
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https://doi.org/10.1016/j.jidi.2018.10.005 © 2018 Société française de radiologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. 1
Pour citer cet article : Guibourg B, et al. L'expertise en radiologie. Journal d'imagerie diagnostique et interventionnelle (2019), https://doi.org/10.1016/j.jidi.2018.10.005
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15 minutes pour comprendre d'indemnisation ont également recours aux experts, dans le cadre du règlement amiable du litige [1,2]. La mise en œuvre de la responsabilité disciplinaire des médecins devant les juridictions de l'Ordre en cas de manquement à une obligation déontologique ne fait habituellement pas appel aux experts. La procédure d'expertise médicale judiciaire, présente certaines différences procédurales selon qu'elle est diligentée en matière civile, pénale, ou administrative. Cependant, formellement, elle est toujours une réponse à une série de questions posées par un magistrat – qui s'en trouve éclairé – mais qui n'est pas tenu par les conclusions de l'expert. Concrètement, elle est de la plus haute importance et c'est pourquoi il importe d'en comprendre les mécanismes et les enjeux. Pour devenir expert, le spécialiste doit faire acte de candidature pour être inscrit sur les listes dressées par les juridictions judiciaires (cour de cassation, cours d'appel) et administratives (cours administratives d'appel), ou sur la liste de la Commission nationale des accidents médicaux (CNAMed). Il doit également répondre à plusieurs exigences et attester, pour être inscrit, de qualités dans trois domaines. Tout d'abord, il doit faire preuve d'excellence technique, il s'agit là de la justification du recours à l'expert. Il doit également pouvoir faire état de sa connaissance des principes directeurs du procès, c'est-àdire d'une culture générale juridique minimale, notamment sur le plan procédural. Il doit enfin apporter des garanties d'indépendance et d'impartialité [3]. La notion d'indépendance oblige l'expert à se récuser si un lien existe entre lui et les différentes personnes en lien avec le litige : magistrat, avocat, confrère, compagnie d'assurance comme le stipule l'article 106 du Code de déontologie médicale. . . Par ailleurs, en l'absence d'une personne qualifiée inscrite sur une des listes d'experts agrées, les juges peuvent désigner comme expert toute personne de leur choix ; (article 157 du Code pénal modifié par la loi no 2004-130 du 11 février 2004). Cette désignation peut être prise sous la forme d'une ordonnance sur requête ou de référé, par le Tribunal de grand instance, la Cour d'appel ou le Tribunal administratif. Le recours à une personne de l'art peut aussi être décidé par réquisition. Par la suite, lors des opérations expertales, dans le cas où, l'expert aurait manqué à l'une de ses obligations, sa responsabilité peut être engagée tant au niveau pénal qu'au niveau civil [1]. Des manquements à ses obligations lors de sa mission ou même des faits ne concernant pas sa mission peuvent exposer, en outre, l'expert à une sanction de nature disciplinaire qui sont l'avertissement, la radiation temporaire de la liste des experts pour une durée maximale de trois ans ou la radiation avec privation définitive du droit d'être inscrit [4]. Il faut souligner que l'expert se limite uniquement à la mission qui lui a été confiée et il doit, uniquement, porter des appréciations d'ordre technique, toute appréciation d'ordre juridique étant proscrite [1]. D'une autre part, servir la justice, ne doit pas être contradictoire aux obligations déontologiques et éthiques du médecin expert envers l'expertisé : comme le respect de la dignité humaine, le respect du secret médical, l'information du malade du contenu de la mission. . . Le médecin radiologue peut donc être désigné en qualité d'expert quelle que soit la juridiction et la nature du litige [5]. En effet, la nature d'une spécialité médicale comme la radiologie rend l'expertise particulière ; généralement, l'expertisé n'est plus le patient mais ses examens radiologiques. En matière pénale, la sollicitation de l'expert radiologue peut intervenir dans le cadre de la recherche de la responsabilité
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pénale d'un radiologue. Il devra éclairer le magistrat sur l'existence d'une éventuelle faute d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement (art. 121-3 Code pénal). L'expert radiologue peut également être sollicité pour réaliser et interpréter des examens d'imagerie à la demande de juridictions [5] afin de : rechercher la (les) cause(s) et les circonstances du décès via un scanner post-mortem. La réalisation de cet examen permettra de rechercher d'éventuels corps étrangers radioopaques comme un projectile balistique, de reconstituer des trajectoires balistiques complexes, d'individualiser un matériel chirurgical, de contribuer à l'identification de corps très dégradés, ou de réaliser une description anatomique fine dans des régions difficilement explorables à l'autopsie (base du crâne, petit bassin) ; déterminer l'âge osseux qui reflète l'âge chronologique, dans le cadre de l'identification du profil biologique des morts comme des vivants. En effet, la détermination de l'âge d'un vivant est d'une grande valeur puisqu'elle permet la distinction entre un mineur et un majeur et par la suite l'établissement du jugement adéquat, de déceler la fraude sur l'âge dans le sport de haut niveau, de statuer quant à l'âge de départ à la retraite ; confirmer le transport de drogues illicites in corpore ; et plus généralement d'effectuer tout acte d'imagerie utile à une enquête ou une information judiciaire. En cas de contribution à une enquête ou une information judiciaire en matière criminelle, l'expert peut être cité à comparaître devant la Cour d'assises. Généralement, l'expertise radiologique en matière pénale est synthétisée lors d'un rapport complémentaire au rapport du médecin légiste tout comme les expertises toxicologiques ou anatomopathologiques, mais l'expert radiologue peut être amené à déposer aux assises en personne. En matière indemnitaire, l'expert radiologue est sollicité dans le cadre du contentieux de la responsabilité des professionnels et des établissements de santé. Dans ce cadre, il doit éclairer le magistrat quant à l'imputabilité, c'est-à-dire aux conditions d'engagement de la responsabilité qui sont l'existence d'une faute, d'un dommage et d'un lien de causalité entre faute et dommage. La faute peut être une faute technique (interprétation, maladresse en radiologie interventionnelle. . .) ou la violation d'un devoir d'humanisme (défaut d'information, violation du secret professionnel. . .). Le dommage peut prendre diverses formes : perte de chance de guérison, perte de chance de prendre une décision plus judicieuse si le patient avait été informé du risque qui s'est finalement réalisé, préjudice d'impréparation. . . Le lien de causalité doit être certain, il peut être direct ou indirect, actuel ou futur [1,2,5]. À noter que l'évaluation de l'affaire doit être basée sur les données de la science au moment des faits. En conclusion, il existe, pour la justice, un besoin d'expertise en radiologie au vu : de l'évolution des pratiques en médecine légale ; du cadre du contentieux de la responsabilité (notamment avec le développement de la radiologie interventionnelle). L'expert radiologue doit être conscient des implications médico-légales de ses constatations, leur répercussion sur le cour de l'affaire. Une formation préalable à l'expertise, par exemple via un DU en réparation juridique du dommage corporel apparaît recommandée.
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Pour citer cet article : Guibourg B, et al. L'expertise en radiologie. Journal d'imagerie diagnostique et interventionnelle (2019), https://doi.org/10.1016/j.jidi.2018.10.005
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Déclaration de liens d'intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir des liens d'intérêts
RÉFÉRENCES [1] Ludes B. L'expertise médico-légale. Ethics Med Public Health 2016;2(1):87–92. [2] Baccino E. Chapitre 18 – Responsabilité médicale au quotidien. In: Baccino É, éditeur. Médecine légale clinique. Elsevier Masson;
15 minutes pour comprendre Paris; 2014. p. 263–9. https://doi.org/10.1016/B978-2-294-740541.00018-3. [3] Bouvet R. L'indépendance de l'expert. Rev Jur Ouest 2015; numéro spécial:61–72. [4] Loi no 71-498 du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires, modifiée le 18 novembre 2016. [5] Haute Autorité de santé. Imagerie médico-légale. 15/10/2015 [Disponible sur : https://www.has-sante.fr/portail/jcms/ c_2562921/fr/imagerie-medicolegale].
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Pour citer cet article : Guibourg B, et al. L'expertise en radiologie. Journal d'imagerie diagnostique et interventionnelle (2019), https://doi.org/10.1016/j.jidi.2018.10.005