REV. PNEUMOL. CLIN., 2005, 61, 5S8-5S9
© Masson, Paris, 2005
ASTHME
L'histoire du souffle et le pneumologue TEXTE RÉDIGÉ PAR P.-R. BURGEL D’APRÈS LA COMMUNICATION DE J.-F. DESSANGES Hôpital Cochin, Paris.
D
epuis plusieurs siècles les médecins et les physiologistes ont souhaité développer des techniques de mesure objective du souffle. Les premières méthodes de mesure était très primitives et consistaient à évaluer la capacité d’un individu à souffler une bougie à une distance préétablie. Plus tard, Léonard de Vinci avait déjà développé un appareil ingénieux servant à mesurer la force de l’expiration (fig. 1). En 1846, John Hutchinson décrit le premier spiromètre : le sujet souffle dans une cloche retournée sur de l’eau qui se soulève plus ou moins en fonction de l’intensité du souffle du sujet. Cette technique permettait la mesure de la « capacité vitale des poumons », c’est à dire le plus grand volume d’air qui pouvait être « doucement expiré après une inspiration complète » (fig. 2). Suite à cette description, de nombreux spiromètres ou « spirographes » seront construits selon deux principes différents : les appareils utilisant une cloche (gazomètre de Tissot, vers 1880) et les compteurs à gaz (compteur de Verdin, vers 1880). Grâce à ces appareils, la mesure des volumes
pulmonaires mobilisables était devenue possible. Par contre, aucune mesure de l’air restant dans les poumons en fin d’expiration forcée (ou volume résiduel) n’était disponible. C’est vers 1860 que Nestor Grehant met au point la mesure du volume résiduel et de la capacité résiduelle fonctionnelle par une méthode de dilution à l’hydrogène. Certains appareils comme le spiromètre de Benedict (fig. 3) permettent la mesure des volumes pulmonaires mobilisables et non mobilisables. En 1949 l’hydrogène, dangereux car explosant facilement, sera remplacé par de l’Hélium dont les risques sont moins importants. À coté des appareils mesurant les volumes pulmonaires non mobilisables par méthodes de dilution, les premiers pléthysmographes apparaissent à la fin des années 1930. Le pneumographe de Genaud (1937) est l’un des premiers pléthysmographes : le patient est enfermé dans un enceinte métallique étanche (seule sa tête sort de cette enceinte par une ouverture supérieure). Cet appareil met en application la loi de
Fig. 1. — L’anémomètre de Léonard de Vinci. Le souffle déplace un lame sur un arc de cercle gradué permettant de quantifier l’expiration.
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L'HISTOIRE DU SOUFFLE ET LE PNEUMOLOGUE
Fig. 2. — Spiromètre d’Hutchinson (vers 1846).
Fig. 3. — Spiromètre « portatif » de Bénédict (1942).
Fig. 4. — Extrait du livre de P. Drutel « Étude physioclinique de l’action des eaux de la Bourboule par la méthode d’exploration de la ventilation pulmonaire » (1949), comportant la première description du rapport de Tiffeneau (CPUE/CV).
Boyle et Mariotte qui stipule que dans une enceinte indéformable fermée, le volume d’un gaz varie de façon inversement proportionnelle à la pression à laquelle il est soumis. Les variations de volume à l’intérieur de cette enceinte fermée sont donc liées aux volumes de gaz respirés par le sujet. En 1947, Robert Tiffeneau décrit ce qui sera le VEMS : la CPUE (ou capacité pulmonaire utilisable à l’effort) est le plus grand volume qui peut être expiré en 1 seconde, qui est la durée moyenne de l’expiration chez un sujet effectuant un effort avec une fréquence respiratoire à 30/min. Tiffeneau constate que la mesure de la CPUE est aisée et reproductible. Rapidement, il s’aperçoit également que, chez des sujets ayant des troubles respiratoires
connus, la CPUE est très réduite alors que la capacité vitale est presque normale. En 1949, P. Drutel, un élève de Tiffeneau, propose d’utiliser le rapport CV/CPUE pour décrire le coefficient maximum d’utilisation de la ventilation. Il reconnaît cependant qu’il apparaît cliniquement plus logique d’étudier le rapport CPUE/CV qui exprime le pourcentage d’utilisation de la capacité vitale (fig. 4). En 1954, la CPUE est rebaptisée par Sadoul en VEMS (volume expiratoire maximum en une seconde) et le rapport VEMS/CV, ou rapport de Tiffeneau, sera progressivement utilisé comme témoin de l’obstruction bronchique. Ce rapport fait toujours référence actuellement malgré la description récente de nouvelles variables mesurant l’obstruction bronchique comme le VEM6.