L’hygiène des mains en anesthésie : Quand ? Comment ? Pourquoi ?

L’hygiène des mains en anesthésie : Quand ? Comment ? Pourquoi ?

Le praticien en anesthésie-réanimation, 2005, 9, 5 355 MISE AU POINT L’hygiène des mains en anesthésie : Quand ? Comment ? Pourquoi ? François Stép...

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Le praticien en anesthésie-réanimation, 2005, 9, 5

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MISE AU POINT

L’hygiène des mains en anesthésie : Quand ? Comment ? Pourquoi ? François Stéphan, Didier Pittet (photo) De fait, si l’on demande aux anesthésistes une évaluation Les infections nosocomiales sont sur une échelle de 10 de l’importance de l’anesthésie dans devenues un problème majeur de la survenue d’infections nosocomiales, la moyenne est de santé publique. Après un acte 4,7 ± 0,12 pour les anesthésistes nord-américains (4) et la chirurgical, 6,3 % des patients médiane est de 3 (étendue d’interquartile 2-6) pour les anesvont contracter une infection à thésistes anglais (5). Comment expliquer ce constat ? Les l’hôpital (1). Les infections nosoanesthésistes sont rarement les témoins d’une infection comiales se localisent dans leur nosocomiale en relation directe avec leur acte. En effet, le grande majorité (80 % des cas) sur patient est rapidement perdu de vue et l’incidence des quatre sites : infections urinaires, complications infectieuses est faible, souvent rapportée à infections du site opératoire, bacl’acte chirurgical per se. De plus, en appliquant les procétériémies et pneumopathies (1). dures habituelles – bonnes ou mauvaises – les anesthésistes Outre le surcoût économique, les conséquences en terme n’ont pas le sentiment de faire courir un risque injustifié à de morbidité et de mortalité de telles infections sont bien leurs patients. Enfin, plus de la moitié des anesthésistes ne connues (2). Les anesthésistes jouent un rôle central dans connaissent pas les recommandations la prise en charge périopératoire des des sociétés savantes sur les mesures patients, au bloc opératoire, en salle de d’hygiène pendant la réalisation d’un réveil et souvent dans les services de Le taux d’infection acte d’anesthésie (6). Il est dès lors diffichirurgie. Or, le risque infectieux lié à nosocomiale directement cile de sensibiliser les anesthésistes à l’acte anesthésique lui-même est mal lié à l’anesthésie est l’importance des mesures de prévention connu et peu d’études ont été publiées de l’ordre de 3 pour mille. du risque infectieux, d’autant qu’il sur ce sujet. L’infection nosocomiale existe également des réticences parmi le constitue un risque majeur qui nécessite personnel paramédical. Ces manquements aux mesures une politique concertée de prévention. Cette politique d’hygiène concernent tous les anesthésistes, quel que soit consiste en la gestion des accidents (infections) et incileur statut titulaire, attaché ou interne (6). dents (colonisations) et en l’adoption de pratiques ayant Or le risque existe bel et bien ! On doit à Hajjar et coll. la prouvé leur efficacité pour la réduction des infections première étude multicentrique prospective descriptive nosocomiales (3). ayant pour objet de déterminer l’incidence et les principaux facteurs de risque des infections nosocomiales liés à l’anesthésie (7). Cette étude a confirmé la réalité de ce risque PLACE DES ACTES D’ANESTHÉSIE et a permis de déterminer, sur un collectif de 7 339 patients, DANS LA SURVENUE D’INFECTIONS NOSOCOMIALES l’incidence des infections : celle-ci était de 3,4 pour mille patients. Les 25 infections colligées étaient localisées dans Au cours de ces 20 dernières années, de rares études por9 cas (36 %) au niveau d’un cathéter vasculaire (7 périphétant sur l’impact des pratiques d’hygiène en anesthésie riques et 2 centraux), dans 12 cas (48 %) dans l’appareil res(bonnes ou mauvaises) sur la survenue d’infections nosocopiratoire et dans 4 cas au niveau oculaire ou buccal. miales, ont donné lieu à des publications. Cela s’explique Cependant, deux points sont à souligner : les critères diavraisemblablement par la difficulté de démontrer un lien de gnostiques de l’infection étaient cliniques et seules 2 infeccausalité entre les pratiques d’hygiène et la survenue tions ont été microbiologiquement documentées ; le suivi d’infections nosocomiales. La multiplicité des lieux d’exerassez bref, de 72 heures, a pu contribuer à sous-estimer le cice, des acteurs autour d’un même patient (anesthésistes, nombre d’infections. chirurgiens, infirmiers/ères anesthésistes ou de bloc opéraLieu de passage obligatoire pour tous les patients opérés, la toire) et, finalement, la difficulté d’attribuer une infection salle de surveillance post-interventionnelle (SSPI), compte nosocomiale à la pratique de l’anesthésie, sont les principatenu d’une part d’une charge de travail en soins importante, les raisons évoquées pour expliquer cette difficulté.

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s’observent lors des contacts directs avec les patients, en survenant par pics, d’autre part d’un renouvellement rapide cas d’interruption d’une activité de soins, si on effectue des des patients, représente un carrefour à risque pour la transsoins au niveau des voies aériennes et si on manipule des mission croisée de bactéries. Rogues et coll. ont récemment sécrétions corporelles, (10). Au bloc opératoire par exemétudié le risque de transmission nosocomiale lié au séjour ple, les gestes d’intubation ou d’extubation nécessitent des en SSPI (8). Durant 3 semaines, 75 patients de chirurgie cercontacts manuels avec la salive dans 31 à 43 % des cas (11). vicothoracique ont été étudiés. Une bactérie potentielleAu cours de l’aspiration trachéale, les mains entrent en conment pathogène a été découverte chez 25 patients dès tact avec la salive dans 57 % des cas (11). Il est important l’admission et chez 31 patients à la sortie de SSPI. Chez de rappeler que la dynamique de colonisation des mains au 13 patients, on a estimé que les bactéries étaient acquises cours des soins est observée que les en SSPI. Il est important de préciser mains sont gantées ou non. La colonisaqu’aucune d’entre elles n’a été à l’orition de la surface externe des gants suit gine d’une infection nosocomiale. Ce Près d’un soignant sur cinq la même dynamique. Le port de gants travail a donc démontré que la prise en a les mains colonisées protège les mains du soignant durant le charge en SSPI pouvait constituer un par une flore potentiellement soin, mais n’empêche en rien le transdes maillons de la chaîne de transmispathogène. fert de micro-organismes pathogènes sion des infections nosocomiales. d’un site corporel à un autre chez le même patient ou d’un patient à un autre, lorsque les gants ne sont pas retirés aux moments opportuns. PRÉVENTION DE LA TRANSMISSION Il est donc est impératif d’avoir une hygiène des mains optiDES INFECTIONS NOSOCOMIALES : male. En pratique, la procédure d’hygiène des mains doit IMPORTANCE DE L’HYGIÈNE DES MAINS réduire l’inoculum bactérien de 2 à 3 logarithmes au moins. Par hygiène des mains, on entend le lavage et la désinfecLa transmission croisée des agents pathogènes par les mains tion hygiéniques des mains. du personnel soignant au cours des soins est la cause principale des infections nosocomiales. Une bonne hygiène des mains, qu’elle passe par le lavage conventionnel à l’eau et Les différentes techniques d’hygiène des mains au savon médicalisé ou non, ou par une friction hydroLe tableau 1 compare les différentes techniques d’hygiène alcoolique, demeure la première mesure de prévention de des mains. ces infections (9). La flore cutanée et la contamination bactérienne des mains On distingue habituellement deux types de flore sur la peau : la flore résidente et la flore transitoire. La flore résidente joue un rôle important dans le phénomène de résistance à la colonisation. Elle prévient en effet la colonisation par d’autres micro-organismes potentiellement plus pathogènes. Le potentiel pathogène de cette flore résidente est faible, sauf s’il existe une effraction cutanée (au cours d’un traumatisme, par exemple, ou lors de la pose d’un cathéter). La flore transitoire est composée de contaminants récemment acquis par des patients colonisés ou infectés, soit à partir de l’environnement, soit d’un matériel contaminé. Cette flore transitoire est précisément responsable des infections nosocomiales secondaires à une transmission croisée. D’après l’étude de Rogues, les mains de 19 % des soignants sont colonisées par des bactéries potentiellement pathogènes (8). L’augmentation de la durée des soins est proportionnelle à la contamination bactérienne des mains non gantées (10). Les taux de contamination les plus élevés, qui vont de 16 à 21 ufc (unité formant colonie) par minute,

Le lavage hygiénique des mains Cette action vise à ÉLIMINER des mains les souillures et la flore transitoire ou de contamination. Elle fait appel à un savon ordinaire, sans propriétés antimicrobiennes particulières. Son activité nettoyante s’explique par ses propriétés détergentes qui enlèvent les salissures, les souillures et les matières organiques. Même s’il est dépourvu d’activité antimicrobienne, ce type de savon peut éliminer la flore transitoire. Ainsi, un lavage des mains de 15 secondes réduit le compte bactérien sur la peau de 0,6 à 1,1 log (et de 1,8 à 2,8 log s’il dure 30 secondes). Cependant, en pratique clinique, le lavage hygiénique des mains n’élimine pas la flore pathogène des mains du personnel soignant. La désinfection hygiénique des mains Cette action vise à ÉLIMINER et DÉTRUIRE la flore transitoire ou de contamination. Elle fait appel soit au lavage des mains au moyen d’un savon désinfectant, soit à la friction des mains à l’aide d’une solution hydro-alcoolique (SHA). Le lavage des mains au moyen d’un savon désinfectant Les savons antiseptiques ont une action qui dépend de la dose administrée ; on recommande habituellement une

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Tableau 1 Comparaison des différentes techniques d’hygiène des mains. Lavage hygiénique

Désinfection hygiénique

Savon simple

Savon antiseptique

Solution hydroalcoolique

Élimination de la flore transitoire

Variable

99,9 %

99,999 %

Élimination de la flore résidente

Aucune action

50 %

99 %

Élimination des souillures

Oui

Oui

Non

Durée du traitement

30 s

30 s au minimum

15-20 s

60-90 s

60-90 s

30 s

Durée totale de la procédure Potentiel d’irritation des mains

+

Tableau 2 Places respectives de la désinfection hygiénique des mains par savon antiseptique ou solution hydro-alcoolique (SHA).

++

+/–

quantité de 3 à 5 ml. Toutes les surfaces doivent être en contact avec l’agent désinfectant, c’est-à-dire les pouces, le dos des doigts et de la main, et le dessous des ongles qui sont souvent mal lavés. La durée du lavage joue également un rôle important, non seulement par son action mécanique, mais aussi pour obtenir un temps de contact suffisant afin que l’agent désinfectant agisse. En aucun cas ce temps de lavage ne peut être inférieur à 10-20 secondes, sous peine d’inefficacité de l’agent antibactérien. Les recommandations d’efficacité imposent un temps de contact de 30 secondes, ce qui s’avère peu réaliste dans la plupart des cas, compte tenu des étapes suivantes de la procédure. Le rinçage doit être méticuleux, car d’une part l’effet mécanique de l’eau élimine les micro-organismes, d’autre part les résidus de savon peuvent, à long terme, irriter la peau. Le séchage des mains au moyen de serviettes en papier jetables est la solution adoptée dans la plupart des hôpitaux, pour des raisons pratiques et hygiéniques. L’opération de lavage des mains prend en moyenne plus d’une minute (12). La friction par solution hydro-alcoolique (SHA) La friction des mains au moyen d’une SHA est aujourd’hui le standard de qualité des pratiques d’hygiène des mains (13). Il faut toujours la préférer si les mains ne sont pas souillées par des sécrétions, du sang ou tout autre liquide biologique

Savon antiseptique

Solution hydroalcoolique (SHA)

Geste invasif

+

++

Soin ou technique aseptique

+

++

Avant et après des soins chez des patients en isolement septique ou protecteur

+

++

Avant tout contact avec un patient en isolement protecteur

+

++

Environnement contaminant (manipulation de prélèvements, de déchets…) après retrait des gants

+

++

Succession de gestes à risque de contamination chez le même patient lors de soins

+

++

Souillures visibles*

++



Présence de poudre sur les mains

++



Mains mouillées

++



Circonstances

* souillures d’origine biologique, chimique, médicamenteuse ou minérale.

(Tableau 2). En effet, l’alcool perd une partie de son activité désinfectante en présence de matières organiques. Le temps de contact doit être de 15-20 s pour que cette friction soit pleinement efficace. Par rapport au lavage des mains traditionnel, cette méthode a l’avantage de pouvoir être réalisée rapidement, sans déplacement, et en l’absence de lavabo. Elle permet entre autres d’épargner le temps nécessaire au déplacement, au rinçage, ainsi qu’au séchage des mains. Par ailleurs, compte tenu de la dynamique de colonisation bactérienne des mains des soignants (qui est, rappelons-le, constante et pratiquement linéaire au cours des soins) (10), seule l’application d’un agent antiseptique immédiatement disponible, rapide à appliquer et efficace en quelques secondes seulement constitue une méthode autorisant l’enchaînement des processus de soins, en particulier lorsqu’ils sont pratiqués chez le même patient (13). Compte tenu de la contrainte de temps, qui est un facteur déterminant de la mauvaise observance des pratiques (14), le recours à la friction hydro-alcoolique est indispensable (9, 12, 13). La

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358 contrainte temporelle en réanimation (15), secteur où elle est particulièrement marquée, ne pose plus problème depuis le recours à la SHA (14, 15). Au plan microbiologique, la SHA présente l’avantage d’un spectre large et d’une efficacité sur les bactéries végétatives 100 fois supérieure sur la flore résidente que tous les savons antiseptiques disponibles sur le marché européen (Tableau 3). Il est important de rappeler que ni les agents antibactériens, ni les solutions hydro-alcooliques ne sont efficaces sur les spores. Le tableau 4 donne quelques exemples de SHA commercialisées.

INDICATIONS ET NOUVELLES RECOMMANDATIONS Il est difficile de faire des recommandations basées sur des preuves et détaillées en fonction des différents gestes de soins, compte tenu de l’absence d’étude scientifique établissant la dose moyenne infectante de chaque geste ou d’un cumul de gestes de soins. Récemment un groupe d’experts a revu et édicté des recommandations pour les pratiques d’hygiène des mains en milieu de soins ; ces recommanda-

tions ont été classées selon le degré de preuve (Tableau 5) (13). La notion essentielle est que la friction hydro-alcoolique des mains constitue la référence technique en matière d’hygiène manuelle, car elle est d’action plus rapide, elle est plus efficace et elle est d’emploi plus facile que le lavage hygiénique conventionnel (13).

COMMENT AMÉLIORER L’ADHÉRENCE AUX RECOMMANDATIONS ? L’acte d’hygiène des mains est la mesure de prévention des infections la plus efficace et la moins coûteuse, mais elle est aussi l’une des moins suivies (9, 13). Les recommandations établies sont mal respectées tant au plan qualitatif que quantitatif. Diverses études ont également révélé que les soignants connaissaient mal les indications à l’hygiène des mains et que la perception de leur niveau propre de performance est bien supérieure à la réalité : ainsi, chez des médecins pensant avoir adhéré à 80 % aux normes en cours, on a mesuré une observance inférieure à 30 %. Globalement, le niveau d’éducation

Tableau 3 Spectre d’activité et caractéristiques des agents antiseptiques utilisés pour l’hygiène des mains. Groupe

Rapidité d’action

Gram +

Gram –

Mycobactéries

Levures

Virus

Spore

Alcools

+++

+++

+++

+++

++*



Immédiate

Activité optimale aux concentrations de 60-90 %. Aucune activité résiduelle.

Iodophores

+++

+++

++

++

++

–†

Intermédiaire

Moins irritant que les composés iodés. Tolérance variable. Activité résiduelle < 1 heure.

Chlohexidine

+++

++

+/–

++

++*



Intermédiaire

Activité résiduelle. Réaction allergique rare.

Chorure de benzalkonium

++

+





++*



Intermédiaire

Utilisé uniquement avec un dérivé alcoolique. Impact sur l’environnement. Incompatible avec les détergents anioniques.

Triclosan

+++

++

+



++



Intermédiaire

Activité résiduelle. Acceptabilité variable.

Dérivés phénolés

+++

+

+

+

+



Intermédiaire

Activité neutralisée par les surfactants ioniques.

* activité moindre chez certains virus non-enveloppés ; † aux concentrations habituelles utilisées.

Remarques

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Tableau 4 Quelques exemples de solutions hydro-alcooliques commercialisées.

Nom Principes commercial actifs de base

Clinogel®

Gel hydroalcoolique® ®

Hopirub

Dose et durée d’application recommandées

Alcool isopropylique Triclosan

3 ml et 60 s

Triclosan D panthénol

2 fois 1,4 ml et 30 s

Isopropanol/ chlorhexidine

2-3 ml et 15-20 s

Tableau 5 Indications à la désinfection des mains au cours des soins (13). Circonstances

Remarques

C. albicans (15 min) Virucide (50 min) C. albicans (5 min)

Degré d’évidence

Après contact avec liquides biologiques ou sécrétions, muqueuses, peau non intègre ou changement de pansement

IA

Après contact avec la peau intègre du patient

IB

Avant le port de gants précédant l’insertion d’un cathéter vasculaire

IB

Après le retrait des gants

IB

Avant la pose de sonde urinaire ou d’autres équipements médicaux invasifs ne requérant pas de procédure chirurgicale

II

Manugel®

2-propanol/ phénols

3 ml et 60 s

C. albicans (1 min)

Éthanol/ Isopropanol

2 fois 3 ml et 30 s

C. albicans (5 min)

Entre un site contaminé ou probablement contaminé et un site propre au cours d’une séquence de soins chez un même patient

II

Purell®

Stérillium®

Mécétronium éthylsulfate Alcool isopropylique Alcool propylique

3 ml et 30 s

C. albicans (5 min)

Après contact avec des objets inertes situés dans le voisinage immédiat des patients

II

Avant les soins aux patients sévèrement neutropéniques ou présentant d’autres formes d’immunosuppression

II

médicale moyen des soignants concernant ce sujet semble extrêmement faible. D’après une étude récente réalisée aux Hôpitaux universitaires de Genève, les anesthésistes sont les médecins qui respectent le moins les mesures d’hygiène des mains, soit 23,3 %, alors que ce taux dépasse 80 % chez les internistes ou les pédiatres (16). D’après une étude anglaise, au bloc opératoire, l’observance à l’hygiène des mains entre deux patients n’est que de 39 % (17). En SSPI, l’observance à l’hygiène des mains est de 15,7 % en moyenne (18). Certains des paramètres-clés associés à la mauvaise observance des pratiques d’hygiène des mains ont été identifiés. Parmi ceux-ci, il faut citer le nombre d’opportunités horaires au lavage hygiénique des mains : plus celui-ci est élevé, moins bonne est l’observance (14). La relation entre ces deux paramètres est linéaire et les conséquences importantes. Ainsi, en SSPI par exemple, on a pu établir qu’une infirmière devrait recourir à un geste d’hygiène des mains pas moins de 25 à 30 fois par heure de soins en moyenne (18). Si elle suivait avec rigueur la technique conventionnelle de

Catégorie IA : Application vivement recommandée et basée sur des données scientifiques, cliniques ou épidémiologiques obtenues par des études bien conduites. Catégorie IB : Application vivement recommandée et basée sur quelques données scientifiques, cliniques ou épidémiologiques, et un fondement théorique évident. Catégorie II : Application suggérée au vu de données cliniques ou épidémiologiques suggestives ou un fondement théorique rationnel.

lavage des mains à l’eau et au savon, elle devrait donc passer plus de 30 minutes par heure de soins au seul geste d’hygiène des mains, soit la moitié du temps disponible ! Cette situation n’est pas compatible avec des soins de qualité. On comprendra dès lors qu’une surcharge en soins s’accompagne d’une mauvaise observance des pratiques élémentaires de soins, et donc à un risque accru d’infections croisées. La caractérisation de facteurs de risque ou de paramètres associés à une mauvaise observance des pratiques d’hygiène des mains, ainsi que l’expérience de certaines institutions de soins, ont permis de proposer une série de stratégies utiles et efficaces pour promouvoir le respect des mesures

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360 d’hygiène ou de prévention (9, 13, 19). Seule une approche multimodale, c’est-à-dire associant plusieurs stratégies simultanément, s’est avérée réellement et durablement efficace (19). Ces résultats confirment les éléments suggérés par la révision des théories comportementales, en particulier pour ce qui concerne les modifications du comportement des professionnels (20). Les résultats d’une campagne de promotion de l’hygiène des mains menée à Genève ont été rapportés en 2000 (19). Dans cette campagne, l’approche multimodale a impliqué : – des mesures répétées de l’observance à l’hygiène des mains ; – la restitution de la performance moyenne par service ; – une équipe pluridisciplinaire composée de représentants des divers secteurs et groupes de soignants, afin de mettre en place et de suivre l’évolution des différents aspects de la campagne ; – la promotion des bonnes pratiques par l’intermédiaire d’affiches murales largement distribuées et renouvelées périodiquement ; – un soutien institutionnel largement reconnu ; – la mise à disposition sans restriction de la SHA et des informations sur les avantages de son utilisation préférentielle. Concernant l’hygiène des mains, les résultats nets ont été une amélioration notable et soutenue de l’observance moyenne institutionnelle, passant de 48 % en décembre 1994 à 66 % en décembre 1997 (19). L’amélioration de l’observance à l’hygiène des mains s’est soldée par une diminution très marquée de la prévalence des infections nosocomiales, ainsi que du taux de transmission croisée des staphylocoques dorés méticilline-résistants (19).

2. Burke JP. Infection control. A problem for patient safety. N Engl J Med, 2003;348:651-6. 3. Gottot S. Management du risque nosocomial. La sécurité sanitaire : enjeux et questions. Revue française des Affaires sociales. Paris : La Documentation Française, 1997;3-4:147-54. 4. Tait AR, Tuttle DB. Preventing perioperative transmission of infection: a survey of anesthesiology practice. Anesth Analg, 1995;80:746-9. 5. El Mikatti, Dillon P, Healy TEJ. Hygienic practices of consultant anaesthetists: a survey in the north-West region of UK. Anaesthesia, 1999;54:13-8. 6. McNamara JT, Stacey SG. Poor anaesthetist hygienic practices-a problem across all grades of anaesthetist. Anaesthesia, 1999;54:718-9. 7. Hajjar J, Girard R. Surveillance des infections nosocomiales liées à l’anesthésie. Étude multicentrique. Ann Fr Anesth Reanim, 2000;1:47-53. 8. Rogues AM, Forestier JF, Valentin ML et al. Le séjour en salle de surveillance postinterventionnelle peut-il être à l’origine de transmissions croisées ? Ann Fr Anesth Reanim 2002;21:643-7. 9. Pittet D, Boyce J. Hand hygiene and patient care: pursuing the Semmelweis legacy. Lancet, Infectious Diseases 2001:9-20. 10. Pittet D, Dharan S, Touveneau S, Sauvan V, Perneger TV. Bacterial contamination of the hands of hospital staff during routine patient care. Arch Intern Med, 1999;159:821-6. 11. Kristensen MS, Sloth E, Jensen TK. Relationship between anesthetic procedure and contact of anesthesia personnel with patient body fluids. Anesthesiology, 1991;73:619-24. 12. Voss A, Widmer AF. No time for handwashing!? Hanwashing versus alcoholic rub: can we afford 100% compliance? Infect Control Hosp Epidemiol, 1997;18:205-8. 13. Boyce JM, Pittet D, Healthcare Infection Control Practices Advisory Committee. Society for Healthcare Epidemiology of America. Association for Professionals in Infection Control. Infectious Diseases Society of America. Hand Hygiene Task Force. Guideline for Hand Hygiene in Health-Care Settings: recommendations of the Healthcare Infection Control Practices Advisory Committee and the HICPAC/SHEA/APIC/IDSA Hand Hygiene Task Force. Infect Control Hosp Epidemiol, 2002;23(12 Suppl):S3-40. 14. Pittet D, Mourouga P, Perneger TV, and the Members of the Infection Control Program. Compliance with handwashing in a teaching hospital. Ann Intern Med, 1999;130:126-30. 15. Hugonnet S, Perneger TV, Pittet D. Alcohol-based handrub improves compliance with hand hygiene in intensive care units. Arch Intern Med, 2002;162:1037-43. 16. Pittet D, Simon A, Hugonnet S, Pessoa-Silva CL, Sauvan V, Perneger TV. Hand hygiene among physicians: performance, beliefs, and perceptions. Ann Intern Med, 2004;141:1-8. 17. Levy N, Mauger J. Hand washing. Anaesthesia, 2004;59:411. 18. Pittet D, Stéphan F, Hugonnet S, Akakpo C, Souweine B, Clergue F. Handcleansing during postanesthesia care. Anesthesiology, 2003;99:530-5. 19. Pittet D, Hugonnet S, Harbarth S, et al. Effectiveness of a hospital-wide programme to improve compliance with hand hygiene. Lancet, 2000;356: 1307-12. 20. Pittet D. The Lowbury lecture: behaviour in infection control. J Hosp Inf, 2004;58:1-13.

CONCLUSION L’observance des pratiques d’hygiène des mains au cours des soins prodigués lors des actes d’anesthésie n’est certes pas suffisante, mais elle constitue la première mesure de prévention des infections nosocomiales et de la propagation des résistances bactériennes aux antibiotiques. L’hygiène des mains doit faire appel à la friction hydroalcoolique, méthode la plus adaptée pour améliorer l’observance des soignants et leur permettre de respecter les recommandations. La promotion des bonnes pratiques doit faire l’objet d’une démarche institutionnelle offrant une stratégie multimodale. ■

RÉFÉRENCES 1. Réseau d’alerte d’investigation et de surveillance des infections nosocomiales. Enquête nationale de prévalence 2001 des infections nosocomiales – Résultats. Institut de veille sanitaire; 2001. ISBN : 2-1-093908-7.

Tirés à part : Didier PITTET, Service de Prévention et Contrôle de l’Infection Hôpital Cantonal 24 rue Micheli-du-Gest CH - 1211 Genève 14.