OPINION DE COMITÉ DE LA SOGC N 319, février 2015
Lignes directrices quant à la prise en charge au Canada d’une femme enceinte ayant été exposée à la maladie à virus Ebola ou ayant été infectée par ce virus Avis: La présente directive clinique est publiée officiellement dans le Journal d’obstétrique et gynécologie du Canada. Par conséquent, la date de parution pourrait ne pas correspondre à la date de publication originale. Aucune modification n’a été apportée au contenu.
La présente opinion de comité a été rédigée par le comité sur les maladies infectieuses, analysée par la Société canadienne de pédiatrie, et approuvée par le comité exécutif et le conseil d’administration de la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada. AUTEURES PRINCIPALE
Deborah Money, MD, Vancouver (C.-B.) Kellie Murphy, MD, Toronto (Ont.) Gina Ogilvie, MD, Vancouver (C.-B.) Caroline Paquet, s.-f. aut., Trois-Rivières (Québec) Julie van Schalkwyk, MD, Vancouver (C.-B.)
Deborah Money, MD, Vancouver (C.-B.) MEMBRES DU COMITÉ SUR LES MALADIES INFECTIEUSES Mark H. Yudin (président), MD, Toronto (Ont.) Victoria Allen, MD, Halifax (N.-É.)
Tous les membres du comité nous ont fait parvenir une déclaration de divulgation. Les recherches documentaires, le soutien bibliographique et le soutien rédactionnel nécessaires aux fins de la rédaction de la présente opinion de comité ont été assurés par Mme Shannon Vandriel, adjointe de recherche, UBC Division of Reproductive Infectious Diseases, faculté de médecine, Vancouver, C.-B.
Céline Bouchard, MD, Québec (Québec) Marc Boucher, MD, Montréal (Québec) Isabelle Boucoiran, MD, Vancouver (C.-B.) Sheila Caddy, MD, Calgary (Alb.) Eliana Castillo, MD, Calgary (Alb.) V Logan Kennedy, inf. aut., Toronto (Ont.)
Mots clés : Ebola, hemorrhagic fever, pregnancy http://dx.doi.org/10.1016/j.jogc.2016.09.064
J Obstet Gynaecol Can 2016;38(12S):S577eS586 Copyright ª 2016 Published by Elsevier Inc. on behalf of The Society of Obstetricians and Gynaecologists of Canada/La Société des obstétriciens et gynécologues du Canada
Résumé Objectif : Passer en revue les données probantes et formuler des recommandations quant à la prise en charge générale des femmes enceintes ayant été exposées au virus Ebola ou infectées par ce dernier. Issues : Parmi les issues évaluées, on trouve les principes généraux en matière d’approche et les aspects particuliers (propres à la grossesse) de la prise en charge de la maladie à virus Ebola (MVE). Résultats : La littérature publiée a été récupérée par l’intermédiaire de recherches menées dans Medline, EMBASE et CINAHL en octobre 2014 au moyen d’un vocabulaire contrôlé et de mots clés appropriés (« Ebola and pregnancy »; « hemorrhagic fever and pregnancy »). Les résultats ont été restreints aux analyses systématiques, aux études observationnelles et aux essais comparatifs randomisés / essais cliniques comparatifs publiés en
Ce document fait état des percées récentes et des progrès cliniques et scientifiques à la date de sa publication et peut faire l’objet de modifications. Il ne faut pas interpréter l’information qui y figure comme l’imposition d’un mode de traitement exclusif à suivre. Un établissement hospitalier est libre de dicter des modifications à apporter à ces opinions. En l’occurrence, il faut qu’il y ait documentation à l’appui de cet établissement. Aucune partie de ce document ne peut être reproduite sans une permission écrite de l’éditeur.
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Tableau 1. Critères d’évaluation des résultats et de classification des recommandations, fondés sur ceux du Groupe d’étude canadien sur les soins de santé préventifs Niveaux de résultats* I: Résultats obtenus dans le cadre d’au moins un essai comparatif convenablement randomisé. II-1: Résultats obtenus dans le cadre d’essais comparatifs non randomisés bien conçus. II-2: Résultats obtenus dans le cadre d’études de cohortes (prospectives ou rétrospectives) ou d’études analytiques castémoins bien conçues, réalisées de préférence dans plus d’un centre ou par plus d’un groupe de recherche. II-3: Résultats découlant de comparaisons entre différents moments ou différents lieux, ou selon qu’on a ou non recours à une intervention. Des résultats de première importance obtenus dans le cadre d’études non comparatives (par exemple, les résultats du traitement à la pénicilline, dans les années 1940) pourraient en outre figurer dans cette catégorie. III: Opinions exprimées par des sommités dans le domaine, fondées sur l’expérience clinique, études descriptives ou rapports de comités d’experts.
Catégories de recommandations† A. On dispose de données suffisantes pour appuyer la mesure clinique de prévention. B. On dispose de données acceptables pour appuyer la mesure clinique de prévention. C. Les données existantes sont contradictoires et ne permettent pas de formuler une recommandation pour ou contre l’usage de la mesure clinique de prévention; cependant, d’autres facteurs peuvent influer sur la prise de décision. D. On dispose de données acceptables pour déconseiller la mesure clinique de prévention. E. On dispose de données suffisantes pour déconseiller la mesure clinique de prévention. L. Les données sont insuffisantes (d’un point de vue quantitatif ou qualitatif) et ne permettent pas de formuler une recommandation; cependant, d’autres facteurs peuvent influer sur la prise de décision.
*La qualité des résultats signalés dans les présentes directives cliniques a été établie conformément aux critères d’évaluation des résultats présentés dans le Rapport du Groupe d’étude canadien sur les soins de santé préventifs26. † Les recommandations que comprennent les présentes directives cliniques ont été classées conformément à la méthode de classification décrite dans le Rapport du Groupe d’étude canadien sur les soins de santé préventifs26.
anglais. Les recherches ont été mises à jour et intégrées au présent document jusqu’au 7 novembre 2014. La littérature grise (non publiée) a été identifiée par l’intermédiaire de recherches menées dans les sites Web d’organismes s’intéressant à l’évaluation des technologies dans le domaine de la santé et d’organismes connexes, dans des collections de directives cliniques, dans des registres d’essais cliniques et auprès de sociétés de spécialité médicale nationales et internationales.
ABRÉVIATIONS ASPC
Agence de la santé publique du Canada
EPI
équipement de protection individuelle
MSF
médecins sans frontières
MVE
maladie à virus Ebola
OMS
organisation mondiale de la santé
PCR
amplification en chaîne par polymérase
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Valeurs : La qualité des résultats présentés dans le présent document a été évaluée au moyen des critères décrits dans le Rapport du Groupe d’étude canadien sur les soins de santé préventifs (Tableau 1). Conclusion : Les personnes chez lesquelles la MVE est en incubation, mais qui ne présentent pas encore de symptômes, ne sont pas contagieuses. Le risque de voir une femme enceinte présenter la MVE au Canada est minime, tout comme le sont les risques de voir une telle femme infecter d’autres personnes lorsque des précautions raisonnables sont mises en œuvre. Les données indiquant une transmission de la mère au fœtus sont limitées et empiriques.
Prise en charge au Canada d’une femme enceinte ayant été exposée à la maladie à virus Ebola ou ayant été infectée par ce virus
INTRODUCTION
L
a présente opinion de comité a été rédigée à titre de document complémentaire pour orienter les fournis seurs de soins obstétricaux qui auraient à faire face au scénario fort peu probable suivant : assurer la prise en charge, au Canada, d’une femme enceinte ayant contracté la MVE. Le présent document a été rédigé au cœur d’une éclosion de grande envergure affectant certains pays d’Afrique de l’Ouest et dans le contexte de l’évolution rapide des lignes directrices quant aux pratiques de santé publique, aux conseils en matière de protection personnelle et aux conseils portant sur la prise en charge clinique qui sont issus de documents nationaux et internationaux rédigés par l’OMS, l’ASPC et les Centers for Disease Control and Prevention américains, ainsi que par des organisations de santé provinciales et régionales et de nombreuses autres organisations. Il est important de consulter la version la plus à jour de ces lignes directrices pour y obtenir des recommandations sur la protection personnelle, la prise en charge générale et les politiques de santé publique. Au moment de la rédaction des présentes lignes directrices (le 7 novembre 2014), une éclosion de la souche Zaïre du virus Ebola était en cours en Afrique de l’Ouest depuis décembre 2013, la présence de la maladie ayant été établie chez 13 268 personnes et le nombre de décès s’élevant à 4 960 à l’échelle mondiale1. L’éclosion se poursuivait en Guinée, en Sierra Leone et au Libéria. Le Nigéria et le Sénégal n’avaient pas recensé de nouveaux cas depuis plus de 21 jours, et un cas avait été signalé au Mali1. De plus, cinq cas avaient été constatés ailleurs qu’en Afrique (quatre aux É.U. et un en Espagne)1. Il s’agit de la plus importante éclosion de virus Ebola jamais signalée et elle n’avait pas encore été jugulée en Afrique de l’Ouest.
Puisque des femmes en âge de procréer sont exposées à l’infection au sein des pays touchés et que des Canadiennes en âge de procréer figurent parmi les équipes de fournisseurs de soins et de chercheurs qui participent aux efforts contre le virus, la possibilité de devoir offrir, au Canada, des soins à une femme enceinte ayant été exposée au virus Ebola ou en étant infectée est concevable. Les présentes lignes directrices cherchent à outiller les fournisseurs canadiens de soins périnataux en vue d’une telle éventualité (très peu probable, soit dit en passant). Virus Ebola
La MVE est une infection virale causée par l’une des cinq souches d’un virus faisant partie de la famille des Filoviridae; il s’agit d’un virus à ARN doté d’une enveloppe protéique2. Les quatre types à l’origine de la maladie chez l’homme sont les virus Ebola-Zaïre, Ebola-Soudan, EbolaCôte d’Ivoire et Ebola-Bundibugyo2e4. Bien que les chauves-souris frugivores semblent être les principaux réservoirs du virus Ebola, la propagation de ce dernier à l’homme s’effectue probablement par l’intermédiaire de la
consommation ou de la manipulation de viande issue d’animaux infectés (tels que des rongeurs ou des primates)5. La transmission de personne à personne peut alors se produire6. Épidémiologie
La MVE a d’abord été découverte, en 1976, dans le cadre d’une éclosion de la souche Zaïre du virus Ebola en République démocratique du Congo7. Depuis lors, un certain nombre d’éclosions restreintes de faible envergure ont été constatées (Tableau 2), et ce, jusqu’à l’éclosion de 2014 (laquelle est non seulement la plus importante, mais également la plus dispersée sur le plan géographique). Les taux de létalité signalés au Tableau 2 s’appliquent à l’Afrique de l’Ouest et aux régions qui disposent d’une infrastructure de santé limitée et, généralement, de ressources très limitées. Au sein des pays riches en ressources, un taux de mortalité de 20 % est associé à la MVE (sur cinq cas, un décès a été constaté, trois personnes ont obtenu une guérison et une personne fait toujours l’objet d’un traitement)1. Modes de transmission
La transmission de personne à personne peut se produire par l’intermédiaire d’un contact très direct avec les sécrétions et les excrétions de patients ou de cadavres infectés symptomatiques6. L’exposition à de la literie ou à des vêtements fortement souillés de vomissure, de sang et/ou de matières fécales a également été signalée à titre de source d’infection6. La propagation du virus s’effectue par l’intermédiaire d’un contact avec des muqueuses ou des lésions / abrasions cutanées, ou encore par voie parentérale6. Il ne se propage pas par voie aérienne8. Les travailleurs de la santé en viennent habituellement à être infectés en raison de piqûres accidentelles avec des aiguilles ou de manquements quant aux protocoles régissant l’utilisation du matériel et des techniques de protection individuelle (soit lorsque des personnes ne portent pas adéquatement leur équipement de protection individuelle imperméable ou lorsqu’elles se contaminent en enlevant cet équipement). De plus, des données issues de l’OMS laissent entendre que, chez les travailleurs de la santé œuvrant dans les régions touchées par l’éclosion qui en sont venus à contracter l’infection, cette dernière a fréquemment été contractée hors des lieux de travail (par l’intermédiaire de contacts avec des personnes avec qui ils cohabitent, pour qui ils offrent des soins à domicile ou avec qui ils ont des relations sexuelles)1.
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Tableau 2. Chronologie des éclosions de maladie à virus Ebola Année
Pays
Sous-type du virus ebola
Nombre de cas
Taux de létalité, %
13 268
37,4 (4 960 décès)
2012/2013-présent (données disponibles jusqu’au 07/11/2014)
Guinée, Libéria, Sierra Leone, Nigéria (endiguée), Sénégal (endiguée), Mali, Espagne, É.-U.
Zaïre
2012
RDC
Bundibugyo
2012
Ouganda
Soudan
7
57
2012
Ouganda
Soudan
24
71
2011
Ouganda
Soudan
1
100
2008
RDC
Zaïre
32
44
2007
Ouganda
Bundibugyo
149
25
2005
RDC
Zaïre
12
83
2004
Soudan
Soudan
17
41
2003
RDC
Zaïre
35
83
2003
RDC
Zaïre
143
90
2001-2002
RDC
Zaïre
59
75
2001-2002
Gabon
Zaïre
65
82
2000
Ouganda
Soudan
425
53
1996
Afrique du Sud
Zaïre
1
100
1996
Gabon
Zaïre
31
68
1996
Gabon
Zaïre
31
68
1995
RDC
Zaïre
315
81
1994
Côte d’Ivoire
Forêt de Taï
1
0
1994
Gabon
Zaïre
52
60
1979
Soudan
Soudan
34
65
1977
RDC
Zaïre
1
100
1976
Soudan
Soudan
284
53
1976
RDC
Zaïre
318
88
57
51
Les données de ce tableau ont été adaptées des tableaux « Feuille de route pour la riposte au virus Ebola : rapport de situation »1 et « Chronologie des précédentes flambées de maladie à virus Ebola »6 de l’OMS. Les taux de mortalité sont fondés sur le nombre de décès par cas signalés; tous les cas n’étaient pas confirmés au moment de la rédaction. RDC : République démocratique du Congo
CONSEIL CLINIQUE
Les personnes qui sont en période d’incubation pour ce qui est du virus Ebola, mais qui ne présentent pas encore de symptômes (fièvre soudaine, fatigue, douleurs musculaires, maux de tête, mal de gorge et symptômes gastro-intestinaux [nausée, vomissement, diarrhée et douleurs abdominales]) ne sont pas contagieuses6.
détectée dans le lait maternel, nous ne savons pas pendant combien de temps cette présence persiste à la suite de la guérison (selon certaines sources, le lait maternel pourrait conserver son potentiel infectieux pendant de 15 à 40 jours)9,10. Il est intéressant de noter que le virus pourrait toujours se trouver dans le sperme pendant jusqu’à sept semaines à la suite de la guérison6,11. PRÉSENTATION CLINIQUE ET DIAGNOSTIC
Le potentiel infectieux est proportionnel au degré de la maladie, c’est-à-dire que plus les patientes sont symptomatiques, plus elles sont contagieuses. À la suite de la guérison, il est important de documenter la clairance du virus dans le sang. Bien que la présence du virus ait été
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La période d’incubation de la MVE se situe entre 2 et 21 jours (moyenne : 4-10 jours)6. Parmi les premiers symptômes, on trouve la fièvre d’apparition soudaine (habituellement élevée, soit >38,6 C), la fatigue, les douleurs musculaires, les maux de tête, le mal de gorge et des symptômes gastro-intestinaux (nausée, vomissement,
Prise en charge au Canada d’une femme enceinte ayant été exposée à la maladie à virus Ebola ou ayant été infectée par ce virus
diarrhée et douleurs abdominales)12. Parmi les autres caractéristiques moins courantes de cette maladie, on trouve la toux, l’éruption maculopapuleuse et l’injection conjonctivale13. Vers la fin de la première semaine de maladie symptomatique, des caractéristiques hémorragiques associées aux pétéchies, des pertes sanguines aux sites de veinopuncture, des contusions et des saignements gastrointestinaux pourraient se manifester chez jusqu’à 18 % des patientes3,14. Parmi les résultats de laboratoire, on trouve la leucopénie, la thrombocytopénie et la présence d’un taux élevé d’enzymes hépatiques6. Le temps de prothrombine et le temps de céphaline peuvent être prolongés, et les produits de dégradation de la fibrine peuvent être élevés. Au fil de l’évolution de la maladie, un choc hypovolémique grave et une défaillance multiviscérale en viennent à se manifester, habituellement entre le jour 6 et le jour 16 à la suite de l’apparition des symptômes15. Des convulsions et un coma précèdent habituellement la mort chez les personnes en phase terminale. Le dépistage sanguin du virus Ebola par RT PCR constitue le test le plus rapide et le plus exact; il permet de révéler des résultats positifs dans les trois jours suivant l’apparition des symptômes15. Le délai avant l’obtention de tels résultats varie d’un site à l’autre, en fonction de l’accès à du personnel de laboratoire formé et à des services de transport des prélèvements (le test en tant que tel est d’une durée d’environ quatre heures). Cela pourrait mener à une fenêtre clinique dans le cadre de laquelle les résultats du dépistage par PCR pourraient être négatifs (au cours des trois premiers jours de symptômes) chez une personne infectée. Ainsi, en présence de cas « probables » d’infection (reportez-vous au Tableau 3)16, il est recommandé de procéder à nouveau au dépistage par PCR après 3-4 jours. Il est également important d’envisager d’autres diagnostics (comme la malaria ou la fièvre typhoïde) pouvant expliquer la présence d’une fièvre élevée chez les voyageurs de retour d’Afrique de l’Ouest15,17. Au Canada, la grippe et d’autres maladies virales saisonnières sont courantes et leur présence devrait également être écartée. PRÉCAUTIONS ET TRAITEMENT
Les établissements de santé qui pourraient avoir à faire face à des cas de MVE (Tableau 3) doivent principalement porter leur attention sur la protection des travailleurs de la santé au moyen d’une utilisation adéquate de l’EPI. De surcroît, lorsqu’un diagnostic de MVE est confirmé, des spécialistes de la santé publique et de la lutte contre les infections doivent être mis à contribution pour ce qui est de la tenue de la recherche des contacts (le cas échéant) et de la mise en oeuvre du nettoyage final des zones
contaminées par les liquides corporels du patient en question15,17. L’isolement des cas « probables » ou « confirmés » de MVE est d’une importance capitale; chaque province et chaque région disposent de plans détaillés quant aux endroits où ces personnes doivent être transférées à des fins d’évaluation et de traitement. Ces plans sont en constante évolution; ainsi, les médecins conseils en santé publique et les services locaux de lutte contre les infections constituent les meilleures sources pour l’obtention de renseignements à jour en ce qui concerne les régions en question. Les fournisseurs de soins obstétricaux doivent s’assurer d’avoir été formés quant au port et au retrait de l’EPI, et de respecter les lignes directrices recommandées (y compris celles qui traitent de la formation et de la surveillance adéquates en ce qui concerne l’utilisation de l’EPI), lorsqu’ils sont appelés à travailler dans un établissement ayant été désigné comme un centre de dépistage ou de traitement en ce qui concerne le virus Ebola15,17,18. En présence d’un « cas confirmé » de MVE, le traitement se doit d’être axé sur l’offre de soins de soutien (maintien du volume intravasculaire, correction des anomalies quant aux électrolytes et au métabolisme, correction des anomalies quant à la coagulation, nutrition et traitement antimicrobien visant les infections bactériennes secondaires)13,15. Bien que nous ne disposions pas à l’heure actuelle de traitements antiviraux ou de vaccins éprouvés en vue d’une utilisation clinique, la correction des anomalies quant aux électrolytes et au métabolisme permet habituellement de soutenir efficacement la personne affectée tout au long de cette maladie virale spontanément résolutive19. Des lignes directrices détaillées peuvent être consultées sur le site Web de l’ASPC17; ces lignes directrices ont été formulées par des spécialistes en matière de soins intensifs et de maladies infectieuses dans le but d’orienter la prise en charge en milieu de soins intensifs. Considérations particulières pendant la grossesse
Puisque, au sein des pays affectés, de nombreuses travailleuses de la santé et de nombreuses femmes d’âge adulte sont en âge de procréer, la présence d’une MVE pendant la grossesse constitue une possibilité. Au sein de toute population donnée, on estime que de 2 % à 5 % des femmes sont enceintes. Bien que les données sur l’éclosion en cours dont nous disposons à l’heure actuelle pour renseigner les fournisseurs de soins soient limitées, nous pouvons toujours nous tourner vers les quelques données issues des éclosions précédentes de virus Ebola20. Les premières données concernant l’éclosion de 1976 semblent indiquer que les issues qu’ont connues les
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Tableau 3. Définitions de cas de l’Agence de la santé publique du Canada Personne faisant l’objet d’une enquête Personne qui présente des symptômes compatibles avec la MVE (comme susmentionné) n’étant pas attribués à une autre maladie ET dont les résultats de laboratoire se font toujours attendre ET qui présente au moins l’un des facteurs de risque épidémiologiques suivants, dans les 21 jours précédant l’apparition des symptômes : Personne vivant ou se rendant dans une région où la transmission de la MVE est active Travailleur de la santé portant un équipement de protection individuelle et prenant les précautions adéquates en ce qui concerne la prévention et les mesures de contrôle relatives à l’infection au virus Ebola (et ce, sans failles de sécurité) et qui s’est occupé directement ou indirectement d’un cas probable ou confirmé de MVE (p. ex. soins directs au patient, contact avec l’environnement du cas ou avec des objets contaminés par ce dernier) Autre patient ou visiteur passant du temps dans un établissement de soins de santé, où des cas probables ou confirmés de MVE sont traités Membre de la famille d’un cas probable ou confirmé de MVE sans risque élevé d’exposition, conformément à ce qui est défini ci-dessous Personne travaillant dans un laboratoire où sont analysés les fluides corporels de cas probables ou confirmés de MVE, portant l’équipement de protection individuelle adéquat, prenant les précautions de biosécurité habituelles et n’ayant pas fait l’objet de failles de sécurité Exposition directe (d’une personne portant l’équipement de protection individuelle adéquat et n’ayant pas fait l’objet de failles de sécurité) à des restes humains (p. ex. au cours d’une participation à des rites funéraires ou de sépulture) dans une région géographique où une éclosion est en cours Contact direct et non protégé avec des chauves-souris ou des primates provenant d’un pays où sévit la MVE Cas probable Personne qui présente des symptômes compatibles avec la MVE (comme susmentionné) n’étant pas attribués à une autre maladie ET qui a connu au moins une des expositions à risque élevé suivantes dans les 21 jours précédant l’apparition des symptômes : Exposition percutanée ou à des muqueuses, ou contact cutané direct avec les fluides corporels d’un cas probable ou confirmé de MVE OU Contact sexuel avec un cas probable ou confirmé de MVE OU Personne travaillant dans un laboratoire où elle analyse les fluides corporels de cas probables ou confirmés d’Ebola sans porter l’équipement de protection individuelle adéquat ou respecter les précautions de biosécurité habituelles OU Travailleur de la santé ne portant pas un équipement de protection individuelle et ne prenant pas les précautions adéquates en ce qui concerne la prévention et les mesures de contrôle relatives à l’infection au virus Ebola et qui s’est occupé directement ou indirectement d’un cas probable ou confirmé de MVE (p. ex. soins directs au patient, contact avec l’environnement du cas ou avec des objets contaminés par ce dernier) OU Exposition directe (d’une personne ne portant pas l’équipement de protection individuelle adéquat) à des restes humains (p. ex. au cours d’une participation à des rites funéraires ou de sépulture) dans une région géographique où une éclosion est en cours Cas confirmé Personne chez qui la présence d’une MVE a été confirmée en laboratoire grâce à la mise en œuvre d’au moins une des méthodes décrites cidessous : Isolement et identification du virus au moyen d’un prélèvement clinique adéquat (p. ex. échantillon de sang, prélèvement de sérum, prélèvement de tissu, échantillon d’urine ou sécrétions du fond de la gorge) OU Détection de l’ARN viral par PCR à la suite d’une transcription inverse (RT-PCR) dans un prélèvement clinique adéquat (p. ex. sang, sérum, tissu) au moyen de deux cibles indépendantes ou de deux échantillons indépendants OU Mise en évidence d’antigènes viraux dans des tissus (peau, foie ou rate) au moyen de techniques immunohistochimiques ou d’immunofluorescence ET d’un autre test (p. ex. PCR) OU Mise en évidence d’anticorps IgM ET IgG par EIA, par immunofluorescence ou par transfert Western OU Mise en évidence d’un quadruplement de la concentration sérique des anticorps IgG par EIA, par immunofluorescence ou par transfert de Western à partir d’échantillons prélevés en série Ce tableau est adapté du tableau suivant de l’Agence de la santé publique du Canada : « Définition nationale de cas : maladie à virus Ebola (MVE) »16.
femmes enceintes ne différaient pas de celles qu’ont connues les femmes n’étant pas enceintes, les taux de mortalité ayant été de 89 % et de 88 %, respectivement7. Toutefois, des données plus récentes issues d’une série de faible envergure de 1995 ont laissé entendre que les femmes enceintes étaient exposées à un risque accru de mortalité, par comparaison avec la population générale21. Les rapports rédigés par MSF indiquent que les issues fœtales ont été très défavorables, la plupart des femmes présentant une mort fœtale intra-utérine au moment de la consultation. Considérations prénatales
Lorsque l’anamnèse d’une femme qui se présente dans un établissement de soins canadien concorde avec la
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présence d’une exposition au virus Ebola et que la femme en question est asymptomatique, les protocoles d’usage en matière d’évaluation et de suivi des adultes devraient être utilisés. Un plan visant à assurer la prise en charge des patientes à la suite de l’apparition de symptômes devrait être établi (un tel plan comprend l’accès à des services d’ambulance pour assurer le transfert de ces patientes vers un centre hospitalier de confinement de l’Ebola désigné). Au Canada, des mesures sont prises pour en venir à pouvoir assurer le transport des patientes par voie aérienne en toute sûreté; toutefois, dans de nombreuses régions, le recours à des ambulances routières constitue la seule option sûre pour le transfert de tels patientes.
Prise en charge au Canada d’une femme enceinte ayant été exposée à la maladie à virus Ebola ou ayant été infectée par ce virus
Si une femme enceinte en venait à devenir symptomatique, des mesures devraient être prises pour en assurer le confinement au sein d’un établissement médical adéquat; un test de dépistage du virus Ebola par PCR devrait être immédiatement mené13,17. Lorsque son état et ses symptômes concordent avec ce qu’indique la définition de cas pour ce qui est de la MVE, mais que le dépistage par PCR donne des résultats négatifs et que l’apparition des symptômes remonte à moins de trois jours, il faudrait alors la considérer comme un cas « probable », et ce, jusqu’à la tenue d’un autre dépistage par PCR donnant des résultats négatifs. Dans un tel cas, des analyses visant à écarter la présence d’autres causes de fièvre (dont des frottis visant la malaria et des cultures sanguines visant la fièvre typhoïde) devraient être menées (lorsque de telles analyses peuvent être menées en toute sûreté au sein du laboratoire en question)15,17. Dans le contexte canadien, la mise en œuvre d’une évaluation clinique et de tests de laboratoire visant les maladies respiratoires virales courantes (particulièrement la grippe) est très importante. Le respect des protocoles locaux de laboratoire à l’égard de la manipulation en toute sûreté des échantillons de sang potentiellement infectés par le virus Ebola est essentiel22. Lorsque la grossesse en est à un âge gestationnel préviable, l’évaluation de l’état de la grossesse s’avère justifiée; toutefois, lorsqu’une mort fœtale est diagnostiquée, le déclenchement du travail ou l’évacuation de l’utérus ne devraient pas être mis en œuvre avant la fin de la phase « fenêtre potentielle » ou jusqu’à l’obtention de résultats négatifs à la suite d’un autre dépistage par PCR. Prise en charge des femmes enceintes chez qui la présence d’une MVE est confirmée
Il s’avère nécessaire de porter une attention particulière à la sécurité des fournisseurs de soins. Il est recommandé d’identifier de multiples fournisseurs, de façon à maximiser les rangs de l’équipe responsable des soins. La prise en charge médicale primaire devrait être centrée sur la réanimation et le soutien de la patiente, conformément aux lignes directrices publiées (en ce qui concerne la réanimation liquidienne, la prise en charge de la coagulopathie intravasculaire et les infections bactériennes secondaires) qui s’appliquent dans le cas des femmes n’étant pas enceintes13,15. Fait à souligner, certaines des caractéristiques de la MVE pourraient également concorder avec celles de certaines complications connues de la grossesse, dont la prééclampsie s’accompagnant du syndrome HELLP, la thrombocytopénie gestationnelle et le décollement placentaire (saignement spontané). La prise en charge clinique devrait comprendre la prise en considération des
complications connues de la grossesse, en plus de la prise en charge de la MVE. Considérations maternelles
Bien que les données issues des éclosions précédentes de virus Ebola semblent indiquer l’absence d’une hausse de la vulnérabilité à ce virus pendant la grossesse20, le taux de mortalité chez les femmes enceintes pourrait être plus élevé que celui qui est constaté chez les femmes n’étant pas enceintes7,21. Pour ce qui est de l’éclosion de 2014, le taux global de létalité à ce jour s’élève à 37,4 %; aucune ventilation des données en fonction de la grossesse (femmes enceintes vs femmes n’étant pas enceintes) n’a encore été menée dans le cadre des rapports d’épidémiologie publiés1. Considérations fœtales
Des taux élevés d’avortement spontané aux premier et deuxième trimestres ont été signalés dans le cadre des éclosions précédentes (un taux de 23 % a été signalé au cours de l’éclosion de 1976 au Zaïre)7. Une grossesse a officiellement été signalée au cours de l’éclosion en Guinée; il s’agissait d’une fille de 16 ans qui en est venue à connaître un avortement spontané, sans toutefois perdre la vie23. Bien que MSF ait signalé de nombreux rapports isolés de grossesse chez des femmes infectées par le virus Ebola, l’absence de rapports publiés issus d’études épidémiologiques est attribuable au fait que les efforts ont plutôt été concentrés sur l’offre de soins aux patients et la lutte contre l’infection. Une communication personnelle, publiée par le Royal College of Obstetricians and Gynecologists, semble indiquer la présence d’un taux très élevé de décès fœtal intra-utérin; toutefois, la question de savoir si un tel taux est directement lié à la pathogénicité du virus Ebola, plutôt qu’à la gravité de la maladie de la mère et aux effets de la maladie sur la fonction placentaire, demeure sans réponse définitive24. Considérations néonatales
Les quelques rapports portant sur les nouveau-nés issus de femmes présentant une MVE aiguë laissent entendre que le pronostic est très défavorable. En 1976, au Zaïre, 11 nouveau-nés ont été issus de femmes atteintes de la MVE et ils ont tous péri dans les 19 premiers jours de la vie; dans le cadre de l’éclosion de 1995, un nouveau-né est mort après la naissance7,21. Cependant, nous ne savons encore pas s’il s’agissait d’un effet direct de la MVE chez ces nouveau-nés ou d’une conséquence attribuable à d’autres complications (problèmes liés aux milieux ne disposant que de ressources limitées, taux élevés d’infections gastrointestinales et de malaria, présence d’une maladie aiguë chez la mère). Fait à souligner, nous ne disposons d’aucun renseignement sur les issues dans des
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situations où un nouveau-né exposé à la MVE aurait été soigné dans un milieu doté de ressources abondantes. RECOMMANDATIONS GÉNÉRALES QUANT À LA PRISE EN CHARGE PRÉNATALE, INTRAPARTUM ET POSTPARTUM
Une recherche documentaire a été menée avant la rédaction de la présente opinion de comité. Très peu de bonnes données probantes ont été recensées et les recommandations générales qui suivent sont donc toutes de niveau III (opinions exprimées par des sommités dans le domaine, fondées sur l’expérience clinique, études descriptives ou rapports de comités d’experts) -L (les données sont insuffisantes et ne permettent pas de formuler une recommandation; cependant, d’autres facteurs peuvent influer sur la prise de décision) (Tableau 1). Chaque établissement devrait disposer d’un plan pour la prise en charge des cas « probables » ou « confirmés » de MVE pendant la grossesse ou le travail. La décision de former tout le personnel de travail et d’accouchement pour ce qui est de l’utilisation de l’équipement de protection individuelle ou de plutôt compter sur une équipe plus restreinte de professionnels bien formés qui seraient placés « sur appel » revient à chacun des établissements, et doit être prise en fonction des plans régionaux pour ce qui est des hôpitaux désignés pour le dépistage et le traitement. Lorsqu’une femme enceinte connaît de la fièvre et/ou présente d’autres symptômes liés à la MVE, et que l’anamnèse révèle la présence de contacts à risque élevés (elle est issue d’une région affectée ou est une travailleuse de la santé revenant d’une telle région), elle devrait être placée dans une chambre d’hôpital adéquatement mise en isolement. Le personnel de santé devrait respecter les mesures de lutte contre les infections en vigueur avant de procéder à l’évaluation d’une telle patiente aux fins du dépistage sanguin par PCR de l’infection au virus Ebola13,15. Lorsque ce dépistage donne des résultats négatifs et que l’apparition des symptômes chez la patiente en question remonte à moins de trois jours, le dépistage par PCR devrait être mené à nouveau de 3 à 4 jours plus tard, de façon à ce que l’on puisse s’assurer que les résultats sont bels et bien négatifs. La décision de procéder ou non à l’isolement de la patiente évaluée pendant trois jours est fondée sur la nature de l’exposition (risque élevé ou faible risque)8,17. La prise en charge des femmes enceintes qui constituent des cas « probables » (soit non confirmés) de MVE devrait mettre en jeu des analyses sélectives de laboratoire et d’imagerie qui minimisent le risque d’exposition du personnel clinique et de laboratoire. La tenue de frottis visant la malaria, d’analyses hématologiques de base, de la
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détermination du taux d’enzymes hépatiques et d’évaluations de la fonction rénale et de la coagulation s’avérerait judicieuse, tout comme celle d’un dépistage du virus de la grippe au cours des mois où cela s’avère opportun. La tenue d’hémocultures devrait être différée jusqu’à la confirmation des résultats négatifs du dépistage sanguin par PCR de l’infection au virus Ebola, et ce, car le Laboratoire national de microbiologie (LNM) de l’Agence de la santé publique du Canada (à Winnipeg, au Manitoba) constitue le seul établissement disposant d’un laboratoire de niveau de confinement 4 au Canada. Le nombre d’employés entrant en contact avec la patiente devrait être minimisé autant que possible; de plus, les lignes directrices de l’ASPC et les protocoles provinciaux et régionaux de lutte contre les infections devraient être respectés de façon rigoureuse (ce qui englobe l’utilisation adéquate de l’équipement de protection individuelle)15,17. Lorsque l’on considère qu’une femme enceinte présente une infection au virus Ebola, en fonction de ses symptômes et des résultats positifs obtenus à la suite du dépistage sanguin par PCR de l’infection au virus Ebola, les lignes directrices quant à l’offre de soins généraux aux patients adultes infectés devraient être respectées15. La prise en charge et les soins devraient être mis en œuvre au sein d’un établissement régional désigné pour ce qui est de l’offre de soins aux adultes qui présentent la MVE. En présence d’un décès fœtal intra-utérin, une prise en charge non interventionniste (par opposition à une prise en charge chirurgicale) ou la prise en charge la plus non effractive de l’évacuation de l’utérus devrait être mise en œuvre et s’accompagner d’une prise en charge principalement médicale des pertes sanguines et des contractions utérines15,24,25. Lorsque la grossesse de la patiente se trouve près du terme et lorsque la patiente a été exposée au virus Ebola, mais qu’elle ne présente toujours pas une infection, la tenue d’un déclenchement du travail ou d’une césarienne planifiée devrait être envisagée, de façon à pouvoir extraire l’enfant avant la manifestation de la virémie et de la maladie chez la mère. Si la patiente en vient par la suite à contracter la MVE, le nouveau-né devrait être tenu à l’écart de sa mère et l’allaitement devrait être abandonné; la patiente pourra alors être traitée sans que les préoccupations liées à la grossesse ne nuisent à sa prise en charge médicale. Lorsqu’une patiente constituant un cas « probable » ou « confirmé » de MVE entre en travail, il est d’une importance capitale d’assurer la prise en charge de ce dernier en tenant compte de l’état de santé de la mère et de la sécurité des fournisseurs de soins. La prise en charge des soins devrait être assurée par du personnel qualifié œuvrant au sein d’une équipe multidisciplinaire (dont les postes
Prise en charge au Canada d’une femme enceinte ayant été exposée à la maladie à virus Ebola ou ayant été infectée par ce virus
principaux sont occupés par des obstétriciens, des intensivistes, des spécialistes des maladies infectieuses, des anesthésiologistes, des infirmières et des pédiatres). La mise en place précoce d’un accès intraveineux adéquat et l’administration anticipée d’antibiotiques aux fins de la prévention ou de la prise en charge de la chorioamnionite et de l’endométrite devraient être envisagées. Le monitorage fœtal ne devrait être mené qu’au moyen de modalités externes; aucun monitorage sollicitant le cuir chevelu fœtal ou faisant appel à la gazométrie de ce dernier ne devrait être mené24. L’équipe multidisciplinaire devrait se prononcer quant à la question de savoir s’il s’avère opportun de procéder à une césarienne d’urgence, compte tenu du pronostic de la patiente fondé sur son état médical général et de la capacité de l’équipe de procéder à un accouchement chirurgical sûr. Certains avancent que la tenue d’une césarienne ne serait indiquée que dans les situations où une telle intervention pourrait permettre de sauvegarder la vie de la mère. Une consultation prénatale devrait être mise en œuvre auprès d’une équipe de pédiatrie / néonatologie, en vue d’établir un plan de soins pour le nouveau-né et de discuter de la marche à suivre quant à la possible réanimation active d’un nouveau-né malade (en prenant en considération la faible probabilité de survie des enfants issus d’une mère infectée et les risques accrus d’exposition qu’impose une telle réanimation aux travailleurs de la santé). Dans le cadre d’un accouchement vaginal, la rupture contrôlée des membranes ne devrait être menée que lorsqu’il semble prudent de chercher à éviter que le liquide amniotique ne mène à une importante contamination des fournisseurs de soins. La protection du personnel procédant à l’accouchement devrait revêtir une importance capitale. En présence d’une déchirure ou lorsque l’on doit avoir recours à une épisiotomie, l’intervention subséquente de réparation ne devrait être menée que dans le but de juguler le saignement excessif; de plus, cette intervention devrait se dérouler selon une technique ne faisant appel qu’à des instruments et n’être menée que par un obstétricien expérimenté. Aucune traction du cordon ni aucune ponction de sang de cordon ne devraient être menées. La délivrance du placenta devrait se dérouler de façon naturelle, sans traction, et l’hémorragie postpartum devrait être prise en charge de façon médicale, dans la mesure du possible. Prise en charge des nouveau-nés issus d’une mère constituant un cas « probable » ou « confirmé » de MVE
La question de savoir si le virus Ebola est transmis aux nouveau-nés par voie transplacentaire ou pendant la
période péripartum n’a pas été clairement tranchée; de plus, son taux de transmission demeure inconnu. La survie néonatale n’a pas fait l’objet d’une description et aucun cas de nouveau-né exposé au virus Ebola ayant été pris en charge au sein d’un établissement disposant de ressources de pointe en matière de soins intensifs néonataux n’a été signalé. Les nouveaux-nés issus de mères constituant des cas « probables » ou « confirmés » de MVE doivent être considérés comme étant infectés et doivent être pris en charge au sein d’un établissement qui est désigné comme un centre de traitement en ce qui concerne le virus Ebola et qui met en œuvre des mesures de précautions (dont le port de l’EPI) adéquates. Le nouveau-né devrait être évalué par du personnel pédiatrique et infirmier expérimenté, en prenant soin de retirer les sécrétions maternelles qui le recouvrent avant de procéder à toute intervention effractive de traitement ou de monitorage. Conjointement avec toute autre évaluation, une veinopuncture (aux fins du dépistage sanguin par PCR de l’infection au virus Ebola) devrait être menée (en consultation avec un spécialiste en maladies infectieuses pédiatriques) chez le nouveau-né à la naissance, à 3 jours de vie et lorsqu’il devient malade ou symptomatique dans les 21 jours suivant la naissance. Idéalement, pour minimiser le risque de transmission péripartum, les enfants asymptomatiques nés à terme ne devraient pas être mis en contact avec leur mère, et ce, jusqu’à ce que celle-ci présente une guérison totale. Des protocoles (traitant de l’emplacement, du matériel, du transport intra-établissement, des interventions et des tests diagnostiques, et des responsabilités et de la formation du personnel) en ce qui concerne l’isolement et la prise en charge des nouveau-nés (à terme ou prématurés) malades chez qui l’on soupçonne la présence d’une MVE devraient être établis dans chacun des établissements désignés comme un centre de traitement en ce qui concerne le virus Ebola. Bien que la prise en charge et la prévention de la MVE soient d’une importance capitale, les équipes médicales (obstétrique, pédiatrie et néonatologie) devraient néanmoins s’assurer du maintien des normes régissant la tenue de communications efficaces et l’offre de soins axés sur la famille. La prise en charge postpartum devrait inclure l’offre de conseils quant à l’utilisation de condoms pendant au moins trois mois à la suite de la guérison de la MVE (chez l’un ou l’autre des partenaires)6,11. Les femmes devraient être avisées d’utiliser un mode de contraception efficace (par voie orale ou intraveineuse) pendant au moins de 3 à 6 mois à la suite de la guérison de la MVE. De façon globale, bien que l’on estime qu’il est fort peu probable que le Canada ait à assurer la prise en charge
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d’une femme enceinte ayant contracté la MVE, si une telle situation en venait à se présenter, les recommandations quant aux soins pourraient avoir à être modifiées au fur et à mesure de l’obtention de nouvelles données.
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