Annales françaises d’oto-rhino-laryngologie et de pathologie cervico-faciale 131 (2014) 193
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Éditorial
L’indispensable fiche d’information !
Légifrance est le site web l (www.legifrance.gouv.fr) du gouvernement franc¸ais consacré aux textes de loi en vigueur et aux décisions des juridictions de Cassation depuis 1988. Avec la publication, sur ce site d’accès gratuit et libre, de l’arrêt 12-17423 du 6 février 2013 pris par la chambre civile de la Cour de Cassation, une évolution importante se dessine dans la méthodologie à suivre pour informer la personne malade avant la réalisation d’un acte chirurgical. Dans cet arrêt, qui casse une décision de la Cour d’Appel de Reims pris le 17 janvier 2012 et qui renvoie les parties devant cette même juridiction, la Cour de Cassation a considéré qu’en ne distribuant pas la brochure d’information existante qui précisait les risques inhérents à l’intervention envisagée (abdominoplastie) le chirurgien mis en cause avait failli à son devoir d’information et ce bien qu’il ait fait signer à la personne malade le texte qui suit : « j’accepte l’opération chirurgicale proposée par le docteur Y. Je sais qu’il n’existe pas d’acte chirurgical sans risque et que des complications sont possibles même si l’intervention est conduite normalement. Je reconnais que la nature de l’opération prévue ainsi que ses avantages et ses risques m’ont été expliqués en termes que j’ai compris. Le docteur Y. a répondu de fac¸on satisfaisante à toutes les questions que je lui ai posées. J’ai bien noté que toute intervention peut comporter des difficultés qui peuvent contraindre mon chirurgien à en modifier le cours dans l’intérêt de mon état de santé actuel et futur ». Cette décision s’inscrit dans l’esprit de la Loi du 4 mars 2002 [1] qui, dans notre pays, fait obligation aux chirurgiens d’expliciter aux personnes malades les risques inhérents aux interventions qu’ils souhaitent réaliser pour les soigner. Il « conforte » aussi l’arrêt no 0913591 pris par la Cour de Cassation le 3 juin 2010 qui a fait du non-respect du devoir d’information une faute légale qui génère par elle-même un préjudice moral spécifique indemnisable et ce, même s’il ne résulte pas de la réalisation de l’acte incriminé un préjudice et/ou s’il apparaît que la réalisation de l’information n’aurait pas conduit la personne malade à se décider pour une autre option. Avec cet arrêt, la distribution des fiches d’information établies par les sociétés savantes devient un élément important de la démonstration médico-légale que l’information de la personne malade a été correctement réalisée. Même si seul le temps permettra de dire s’il fera jurisprudence, cet arrêt appelle plusieurs commentaires. Le premier commentaire a trait à la qualité de la fiche d’information distribuée. Non seulement ces fiches ne doivent pas omettre de mentionner les complications graves et/ou exceptionnelles mais elles doivent aussi être régulièrement actualisées afin
http://dx.doi.org/10.1016/j.aforl.2014.05.003 1879-7261/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
d’éviter que nos collègues voire la SFORL ou le Collège d’ORL ne soient mis en cause en raison de leur caractère incomplet, incorrect et/ou incompréhensible pour un non-médecin. Dans ce cadre, la rédaction de nouvelles fiches d’information et la mise à jour des fiches existantes sous l’égide du président du Collège d’ORL le Pr. Émile Reyt, de son bureau et de plusieurs de nos collègues est visionnaire et doit être saluée. Le second commentaire concerne l’importance que doit prendre, au sein de nos divers services hospitalo-universitaires, la distribution de(s) fiche(s) d’information(s) avant toute intervention chirurgicale car ces structures ont pour rôle, parmi d’autres, de former les plus jeunes d’entre nous (internes et chefs de clinique) à une pratique médicale en accord avec le cadre légal qu’ils auront à affronter au décours de leur carrière. Le troisième commentaire a trait au temps que prend cette information car la seule distribution de la fiche d’information n’est pas suffisante pour remplir le devoir d’information ; la Loi [1] affirme la primauté de la communication orale avec la personne malade et le rôle de conseil dévolu au praticien. Ceci impose que la fiche distribuée soit explicitée et que le praticien s’assure que les explications fournies aient bien été comprises. Et ce temps d’information ne se limite pas aux seuls risques chirurgicaux ; il intègre aussi, aux yeux de la Loi [1], la maladie dont est atteinte la personne malade ainsi que les alternatives thérapeutiques. Ceci doit nous conduire, soit à allonger le temps de consultation, soit à envisager la réalisation de deux consultations avant un geste chirurgical non urgent. Déclaration d’intérêts L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Référence [1] Loi no 2002-203 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. JORF 2002: 4118–158.
O. Laccourreye Service d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale, hôpital Européen Georges-Pompidou, université Paris Descartes Sorbonne Paris Cité, AP–HP, 20-40, rue Leblanc, 75015 Paris, France Adresse e-mail :
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