L’injection d’insuline, un geste pas si simple que ça

L’injection d’insuline, un geste pas si simple que ça

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Éditorial invité Diabète tLipides t Obésité t Risques cardio-métaboliques t Nutrition

L’injection d’insuline, un geste pas si simple que ça Insulin injection, an act not as simple as that

H. Mosnier Pudar Service d’endocrinologie et des maladies métaboliques, Hôpital Cochin, AP-HP, Paris.

Correspondance Helen Mosnier Pudar Service d’endocrinologie et des maladies métaboliques Hôpital Cochin 27, rue du Faubourg Saint-Jacques 75679 Paris cedex 14 [email protected] © 2017 - Elsevier Masson SAS - Tous droits réservés.

r Quatre-vingt-quinze ans après sa découverte, l’insuline a sauvé la vie à des millions de personnes à travers le monde. Aujourd’hui, en France, environ 800 000 patients diabétiques réalisent entre une et cinq injections par jour. r Nous sommes loin des premières expérimentations d’injections d’extrait pancréatique au début des années 1920 qui ont permis à de jeunes patients, dont le premier d’entre eux Leonard Thomson, de survivre à cette maladie, jusqu’alors mortelle, le diabète de type 1 (DT1) [1]. Le 11 janvier 1922, Banting et Best procèdent à la première injection de 7,5 ml d’une « épaisse boue brune » à Leonard Thomson, diabétique de 14 ans. La glycémie ne fait que baisser faiblement et un abcès se forme au site d’injection, le traitement est arrêté. Ce n’est que quelques jours plus tard, qu’une nouvelle préparation, mieux purifiée par le chimiste Collip, permet de faire baisser significativement la glycémie de 5,2 à 1,2 g/L. C’est le succès tant attendu, et une des découvertes majeures du XXe siècle. r Que de chemin parcouru depuis ; mais encore aujourd’hui, l’administration de l’insuline se fait de manière invasive par injection sous-cutanée. Heureusement, des progrès considérables ont été faits sur les préparations d’insulines elles-mêmes, et aussi au niveau des dispositifs d’injection qui rendent l’injection plus confortable, moins douloureuse. En dépit de ces progrès, l’injection d’insuline reste un geste technique complexe, sans parler de la dimension psychologique de se faire une injection. r Geste d’autant plus complexe, qu’une réalisation optimale de l’injection est un élément important pour obtenir

et maintenir un contrôle glycémique répondant aux objectifs. L’éducation à la technique d’injection d’insuline est une étape clé de l’initiation de l’insulinothérapie. Une mauvaise technique peut conduire à la survenue d’effets indésirables (douleurs, hématomes, lipodystrophies), à la réalisation d’injection en intramusculaire, des facteurs responsables de variabilité glycémique, de risque accru d’hypoglycémie, de mauvaise adhésion au traitement… r On pourrait donc penser, vu l’importance d’une bonne technique, que l’éducation initiale est un moment particulièrement investi, et que le geste est régulièrement questionné et revisité par les soignants et les patients. Eh bien, pas du tout ! Dans une enquête qualitative, récemment effectué par le Diabète Lab de la Fédération Française des Diabétiques, les patients témoignent d’un apprentissage dans un contexte particulier, souvent celui de l’annonce de la maladie dans le DT1 [2]. Cet apprentissage est noyé dans une masse d’informations nouvelles, importantes et souvent frustrantes. Pour d’autres, les diabétiques de type 2, ce moment de passage à un traitement par insuline est un moment décisif dans l’évolution de la maladie. Il est source d’anxiété et de peur, de réticence, parfois partagée par le médecin. On voit que, là aussi, une approche éducative est indispensable. Dans tous les cas, ce temps éducatif est jugé trop court, et les patients soulignent que tout va trop vite, et une fois seul, chez lui, avec son stylo d’insuline, beaucoup de questions restent sans réponse. r Reparler de la technique d’injection est plutôt rare, alors que les patients

Médecine des maladies Métaboliques - Septembre 2017 - Vol. 11 - N°5

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annoncent ne pas toujours être sûrs de leur geste. Il n’y a pas, ou peu, de réapprentissage du geste, et les patients s’ancrent dans des routines d’usage qu’ils peuvent considérer comme étant bonnes et adaptées. L’écart entre les recommandations et les pratiques est évident. Pour les soignants, il s’agit de mieux les informer, de porter à leur connaissance des avancées techniques dans le domaine de l’injection, et aussi de l’importance du détail dans la réalisation du geste, ce qui certainement les amènerait à revisiter leurs pratiques. Créer un climat de confiance où le patient pourra exprimer ses besoins, dire ses émotions, poser ses questions…

est nécessaire. Favoriser les moments d’apprentissage et de réapprentissage des gestes techniques comme l’injection d’insuline doit être encouragé. r Quel que soit le regard que l’on porte aujourd’hui sur le traitement par insuline, il reste un élément stigmatisant de la vie avec le diabète, la partie visible de la maladie. L’injection d’insuline, reste source de contraintes supplémentaires et de craintes. Cela démontre, encore une fois, qu’il est important d’améliorer la communication avec les patients, de mettre en place une éducation thérapeutique de qualité, et de ne pas hésiter à reprendre l’apprentissage du geste d’injection de l’insuline.

Médecine des maladies Métaboliques - Septembre 2017 - Vol. 11 - N°5

Déclaration d’intérêt L’auteure déclare avoir reçu des honoraires pour conférences, déplacements et/ou hébergements à but professionnel de Becton Dickinson (BD), Novartis, Novo Nordisk, Sanofi.

Références [1] Lestradet H. Historique de la découverte de l’insuline. Hist Sci Méd 1993;27:61-8. [2] Fédération Française des Diabétiques. Représentations et usages des stylos d’injection d’insuline. Croisement des regards patients et professionnels de santé. 2017. https://www.federationdesdiabetiques.org/ federation/actualites/limportance-dune-injection-dinsuline-maitrisee

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