L’intubation endotrachéale en réanimation : un geste à risqueǃ

L’intubation endotrachéale en réanimation : un geste à risqueǃ

Réanimation respiratoire des pressions de remplissage et l’augmentation de la pression oncotique par le biais d’une stratégie de restriction liquidie...

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Réanimation respiratoire

des pressions de remplissage et l’augmentation de la pression oncotique par le biais d’une stratégie de restriction liquidienne permettent de limiter les risques de majoration de l’œdème pulmonaire. Il est essentiel de noter que cette étude exclut très clairement la prise en charge à la phase initiale du problème aigu ; le bilan hydrique initial est positif de plus de 2,5 l dans les deux bras. L’algorithme thérapeutique proposé semble permettre d’atteindre l’objectif d’un bilan hydrique nul à J7 grâce à un remplissage vasculaire et une utilisation de diurétiques raisonnés, mais reste toutefois complexe. Cette utilisation de diurétiques était également proposée, mais de façon moins limitative, en association ou non à une perfusion d’albumine et sans bénéfices évidents dans l’étude de Martin [1] (article déjà commenté dans le numéro précédent de l’année 2005 en pneumologie [2]).

Références 1

2

Martin GS, Moss M, Wheeler AP, Mealer M, Morris JA, Bernard GR : A randomized, controlled trial of furosemide with or without albumin in hypoproteinemic patients with acute lung injury. Crit Care Med 2005 ; 33 : 1681-7. L’Her E : L’année 2005 en pneumologie. Réanimation respiratoire. Rev Mal Respir 2006 ; 23 : 9S152-6.

L’intubation endotrachéale en réanimation : un geste à risque ! Jaber S, Amraoui J, Lefrant JY, Arich C, Cohendy R, Landreau L, Calvet Y, Capdevila X, Mahamat A, Eedjam JJ. Clinical practice and risk factors for immediate complications of endotracheal intubation in the intensive care unit: a prospective, multiple-center study. Crit Care Med 2006 ; 34 : 2355-61.

sitant une intubation endotrachéale du lundi au vendredi, aux « heures ouvrables » (de 8 h à 19 h) à l’intérieur des services de réanimation. Les complications immédiates survenant après l’intubation endotrachéale étaient divisées en 2 groupes : complications potentiellement mortelles (arrêt cardiaque ou décès, collapsus cardio-vasculaire, recours à la noradrénaline, désaturation (SpO2 < 80 % pendant le geste) et complications moins sévères (difficultés d’intubation, inhalation de liquide gastrique ou intubation œsophagienne sans autre complication, lésions dentaires, troubles du rythme supraventriculaire ou ventriculaire, état d’agitation). Le personnel médical réalisant le geste incluait des internes d’anesthésie avec une expérience de l’intubation endotrachéale d’au moins 1 an au bloc opératoire et des médecins anesthésistes qualifiés avec une expérience d’au moins 1 an en réanimation ou de 5 ans au bloc opératoire. Deux cent vingt patients ont été inclus dans l’étude et 253 épisodes d’intubation ont été analysés. Cent quarante-huit de ces procédures d’intubation étaient réalisées par des internes (59 %). Au moins une complication sévère (fig. 3) était retrouvée lors de 71 procédures d’intubation (28 %) : hypoxémie sévère lors de 66 procédures (25 %), collapsus cardio-vasculaire lors de 65 procédures (25 %), arrêt cardio-circulatoire lors de 4 procédures, ayant tous conduit au décès des patients dans un délai variable (1,6 %). Chez 30 patients (12 %), le recours secondaire à un opérateur entraîné a été nécessaire. Un âge et un score de gravité élevés à l’admission étaient les principaux facteurs de risque de complications immédiates sévères. L’analyse multivariée retrouvait comme facteurs de risque indépendants une pression artérielle systolique basse avant l’intubation et l’insuffisance respiratoire aiguë comme motif d’intubation. L’accompagnement de l’interne par un senior expérimenté était un facteur protecteur des complications immédiates de l’intubation.

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En pratique quotidienne, l’intubation endotrachéale en situation d’urgence est susceptible d’engendrer un certain nombre de complications. Les complications modérées à sévères les plus classiques sont le collapsus de reventilation et les difficultés d’oxygénation immédiates au décours du geste. Cependant, aucune étude ne s’était jusqu’à présent intéressée à l’incidence réelle de ces complications en réanimation, ainsi qu’à ses facteurs de risque potentiels.

Taux de complications (%)

Introduction

Méthodes et résultats Dans cette étude observationnelle, prospective, multicentrique (7 services de réanimation français), les auteurs ont évalué les complications observées chez tous les patients néces-

Fig. 3.

Incidence des complications sévères à modérées de l’intubation endotrachéale. D’après Jaber S et coll., Crit Care Med 2006.

© 2007 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

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E. L’Her

Commentaires

Méthodes et résultats

Cette étude est intéressante, car elle a démontré les difficultés de la procédure d’intubation en réanimation, bien supérieures à ce qui peut être observé lors d’une intubation réglée au bloc opératoire. Elle a souligné aussi les risques majeurs liés à la procédure, puisque un décès immédiat y semblait directement imputable. Il s’agissait d’une étude d’observation en situation réelle (« la vraie vie ») et ses limites étaient parfaitement précisées par les auteurs : absence de recueil des doses de sédatifs utilisés/complications les plus sévères (hypotension et hypoxémie) survenant chez les patients les plus graves. L’étape suivante de cette étude a été la formalisation des procédures d’évaluation (repérage de l’intubation difficile) et de réalisation pratique (procédures de sédation, remplissage préalable, préoxygénation par VNI par exemple [1]), de façon à sécuriser cette procédure à haut risque.

L’objectif de cette étude physiologique, prospective, randomisée, était de comparer l’effet sur la SpO2 au cours de l’intubation de deux stratégies différentes de préoxygénation : séquence « conventionnelle » de préoxygénation de 3 minutes au ballon à 15 l/min d’O2, versus séquence de préoxygénation par VNI (pression expiratoire positive 5 cm H2O ; aide inspiratoire titrée pour un objectif de volume courant de 7 à 10 ml/kg). Cinquante-trois patients ont été inclus dans l’étude (séquence « conventionnelle », n = 26 patients ; VNI, n = 27 patients). À la fin de la séquence de préoxygénation, la valeur de SpO2 était significativement plus élevée dans le bras VNI (98 ± 2 % vs 93 ± 6 % ; p < 0,001). La chute de SpO2 au cours de l’intubation était également inférieure dans ce même bras VNI (93 ± 8 % vs 81 ± 15 % ; p < 0,001). Deux patients dans le bras VNI et 12 patients dans le bras séquence « conventionnelle » ont présenté une désaturation sévère avec SpO2 < 80 % (7 % vs 80 % ; p < 0,01).

Référence 1

Baillard C, Fosse JP, Sebbane M, Chanques G, Vincent F, Courouble P, Cohen Y, Eledjam JJ, Adnet F, Jaber S : Noninvasive ventilation improves preoxygenation before intubation of hypoxic patients. Am J Respir Crit Care Med 2006 ; 174 : 171-7.

La ventilation non invasive peut être utilisée comme technique de préoxygénation avant une intubation Baillard C, Fosse JP, Sebbane M, Chanques G, Vincent F, Courouble P, Cohen Y, Eledjam JJ, Adnet F, Jaber S. Noninvasive ventilation improves preoxygenation before intubation of hypoxic patients. Am J Respir Crit Care Med 2006 ; 174 : 171-7.

Introduction L’intubation endotrachéale en réanimation est un geste à risque, en particulier chez les patients hypoxémiques [1]. Les techniques usuelles de préoxygénation préconisées au bloc opératoire pour une intubation réglée ne sont pas toujours applicables et/ou efficaces chez ce type de patients [2, 3]. L’utilisation de la CPAP [4, 5] ou de la ventilation non invasive (VNI) [6] au cours d’une insuffisance respiratoire hypoxémique permettent par contre, dans la grande majorité des cas, de corriger l’hypoxémie des patients, indépendamment du succès ou de l’échec de la procédure (i.e. éviter l’intubation) et sont des techniques utilisées en routine en réanimation.

5S158

Rev Mal Respir 2007 ; 24 : 5S154-5S158

Commentaires Les résultats de cette étude préliminaire confirment la supériorité de la préoxygénation utilisant une séquence de VNI lors d’une procédure d’intubation endotrachéale de patients hypoxémiques. Une étude randomisée multicentrique à large échelle devrait débuter prochainement afin de déterminer l’impact pronostique de ce bénéfice physiologique.

Références 1

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Jaber S, Amraoui J, Lefrant JY, Arich C, Cohendy R, Landreau L, Calvet Y, Capdevila X, Mahamat A, Eledjam JJ : Clinical practice and risk factors for immediate complications of endotracheal intubation in the intensive care unit: a prospective, multiple-center study. Crit Care Med 2006 ; 34 : 2355-61. Adnet F, Borron S, Racine S, Clemessy J, Fournier J, Plaisance P, Lapandry C : The Intubation Difficulty Scale (IDS): proposal and evaluation of a new score characterizing the complexity of endotracheal intubation. Anesthesiology 1997 ; 87 : 1290-7. Mort TC : Preoxygenation in critically ill patients requiring emergency tracheal intubation. Crit Care Med 2005 ; 33 : 2672-5 Maitre B, Jaber S, Maggiore SM, Bergot E, Richard JC, Bakthiari H, Housset B, Boussignac G, Brochard L : Continuous positive airway pressure during fiberoptic bronchoscopy in hypoxemic patients. A randomized double-blind study using a new device. Am J Respir Crit Care Med 2000 ; 162 : 1063-7. Delclaux C, L’Her E, Alberti C, Mancebo J, Abroug F, Conti G, Guerin C, Schortgen F, Lefort Y, Antonelli M, Lepage E, Lemaire F, Brochard L : Treatment of acute hypoxemic nonhypercapnic respiratory insufficiency with continuous positive airway pressure delivered by a face mask: a randomized controlled trial. JAMA 2000 ; 284 : 2352-60. L’Her E, Deye N, Lellouche F, Taille S, Demoule A, Fraticelli A, Mancebo J, Brochard L : Physiologic effects of noninvasive ventilation during acute lung injury. Am J Respir Crit Care Med 2005 ; 172 : 1112-8.