Lissité rationnelle des variétés de représentations d'un carquois

Lissité rationnelle des variétés de représentations d'un carquois

C. R. Acad. Sci. Paris, Ser. I 338 (2004) 267–270 Théorie des groupes Lissité rationnelle des variétés de représentations d’un carquois Alberto Arab...

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C. R. Acad. Sci. Paris, Ser. I 338 (2004) 267–270

Théorie des groupes

Lissité rationnelle des variétés de représentations d’un carquois Alberto Arabia CNRS, institute de mathématiques de Jussieu, Université de Paris 7 – Denis Diderot, laboratoire de théorie des groupes, représentations et applications, 175, rue du Chevaleret, 75013 Paris, France Reçu le 20 septembre 2003 ; accepté après révision le 1er décembre 2003 Présenté par Michèle Vergne

Résumé Des travaux récents s’intéressent à la lissité rationnelle des variétés des représentations de carquois, notamment ceux de Robert Bédard, Ralf Schiffler et Philippe Caldéro. Leur principal résultat est léquivalence pour une variété de représentations O d’un carquois de type Dynkin, entre O est rationnellement lisse

⇐⇒

O est lisse

⇐⇒

O est un espace affine.

Cette Note donne une approche différente de la question et une version plus générale des équivalences de Bédard–Schiffler– Caldéro. Pour citer cet article : A. Arabia, C. R. Acad. Sci. Paris, Ser. I 338 (2004).  2004 Académie des sciences. Publié par Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Rationally smoothness of varieties of quiver representations. Recent works are devoted to the rational smoothness of varieties of representations for quivers, notably those of Robert Bédard, Ralf Schiffler and Philippe Caldéro. Their main result is the equivalence for a variety of representations O of a quiver of Dynkin type, between O is rationally smooth

⇐⇒

O is smooth

⇐⇒

O is an affine space.

This Note gives a different approach to the question and a strengthened version of Bédard–Schiffler–Caldéro’s equivalences. To cite this article: A. Arabia, C. R. Acad. Sci. Paris, Ser. I 338 (2004).  2004 Académie des sciences. Publié par Elsevier SAS. Tous droits réservés.

1. Introduction Dans les travaux de Bédard–Schiffler et Caldéro–Schiffler [2,4] l’étude de la lissité rationnelle des variétés de représentations de carquois se fait par le biais de l’interprétation de Lusztig [7,8], des coefficients des matrices de changement de base entre la base canonique et les bases de PBW de la partie positive U + d’une algèbre enveloppante quantique U en termes de cohomologie d’intersection locale des clôtures de Zariski des orbites de représentations de carquois. Une telle approche limite la portée de [2,4] aux carquois de type Dynkin. Nous Adresse e-mail : [email protected] (A. Arabia). 1631-073X/$ – see front matter  2004 Académie des sciences. Publié par Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.crma.2003.12.012

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donnons dans cette Note un autre point de vue de la question basé sur la présence d’un tore T agissant linéairement sur l’espace de représentations d’un carquois avec des poids de multiplicité un dans un même demi-espace ouvert de l’espace de poids de T et deux-à-deux non colinéaires. Chaque variété de représentations étant alors stable sous l’action de T , une version plus générale des équivalences de Bédard–Schiffler–Caldéro résulte des travaux de Arabia et de Brion en cohomologie équivariante autour de la lissité rationnelle [1,3]. 2. Généralités sur les variétés de représentations de carquois On note Q un carquois fini d’ensemble de sommets S et de flèches F , tel que : Q-(i) Il existe au plus une flèche de F reliant deux sommets de Q. Q-(ii) Il existe une injection ι : S → N telle que ι(source(f )) < ι(but(f )) pour tout f ∈ F . Dans ce cas, on peut toujours supposer que ι(S) est l’intervalle [1, n] où n = #S. On identifie alors S à l’intervalle [1, n] et F à un sous-ensemble de [1, n]2 , on note « i → j » pour (i, j ) ∈ F . Remarque 1. La condition Q-(ii) est équivalente à « Q est sans circuit orienté ». Les conditions Q-(i,ii), clairement vérifiées par les carquois de type Dynkin, sont aussi vérifiées par des carquois admettant une infinité de classes d’isomorphisme de représentations indécomposables. 2.1. Quelques notations et définitions k = C ou

Fq , où q est une puissance d’un nombre premier p. Pour d = (d1 , d2 , . . . , dn ) ∈ Nn , on note E d := (i,j )∈F Homk (k di , k dj ) l’« espace des représentations de dimension d de Q », ses éléments sont notés n −1 (fi →j ). Le groupe n Gd := i=1 GL(di , k) agit sur E d par l’action ((ϕ1 , . . . , ϕn ) · (fi →j ))i →j := ϕj ◦ fi →j ◦ ϕi . On note T d := i=1 Diag(di ), où Diag(d) est le sous-groupe des matrices diagonales de GL(d, k). L’espace E d muni de l’action de T d , restriction de Gd , est somme directe de droites T d -stables de poids de multiplicité 1 dans E d . De plus, pour tout λ ∈ k ∗ , la suite des matrices scalaires (λ, λ2 , . . . , λn ) appliquée à (fi →j ) donne : ((λ, λ2 , . . . , λn ) · (fi →j ))i →j = λj −i fi →j , avec j − i > 0. L’ensemble des poids de T d dans E d est contenu dans un même demi-espace ouvert du réseau de poids de T d et deux poids distincts de T d dans E d ne sont jamais colinéaires. Pour tout f ∈ E d , on note Of := Gd ·f ; son adhérence de Zariski dans E d , notée Of , est une « variété de représentations du carquois Q ». Pour toute orbite O de Gd dans E d , on note O son enveloppe linéaire et OT d l’ensemble des droites T d -stables contenues dans O. Proposition 2.1. Pour toute Gd -orbite O on a OT d ⊂ O. Démonstration. On raisonne par récurrence sur #F ce qui permet de supposer le carquois Q connexe. #F = 1. On a d = (d1 , d2 ), E d = Homk (k d1 , k d2 ). Pour chaque f ∈ E d , l’orbite Of est l’ensemble des g ∈ Homk (k d1 , k d2 ) vérifiant rg(f ) = rg(g). Lorsque f = 0, l’adhérence Of contient donc toutes les applications linéaires de rang 1, en particulier, les générateurs de toute droite T d stable de E d . #F > 1. On munit S d’un ordre total (Q-(ii)). Soient f0 = (j0 , j1 ) et f1 = (i0 , i1 ) deux flèches distinctes de F . On peut toujours supposer que : ou bien i0 < j0 , ou bien i0 = j0 et j1 < i1 . Soit µ : k ∗ → Gd l’homomorphisme de groupes µ

λ −→(1, . . . , 1, 1 , λ , . . . , λ) i0 i0 +1

n

µ

ou bien λ −→(1, . . . , 1, 1 , λ , . . . , λ) j1 j1 +1

n

(1)

suivant le cas. Le groupe H := im(µ) est un tore contenu dans le centre de Gd . m ∗ Notons E m d le sous-espace de E d des suites (gi →j ) telles que µ(λ)·(gi →j ) = (λ gi →j ), pour tout λ ∈ k . L’espace E d se décompose en somme directe de Gd -sous-modules de poids 0 et 1 sous l’action de H :

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E d = E 0d ⊕ E 1d , de projecteurs notés π0 : E d  E 0d et π1 : E d  E 1d . Les espaces E 0d et E 1d s’identifient naturellement aux espaces de représentations de dimension d des sous-carquois Q0 et Q1 de Q constitués des flèches respectivement de poids 0 et de poids 1 sous l’action de H . Le choix dans 1 est fait pour que f0 ∈ Q0 et f1 ∈ Q1 ; en particulier, Q0 et Q1 sont différents de Q. On en déduit Gd · π0 (f ) = π0 (Of ) ⊂ Of ⊃ π1 (Of ) = Gd · π1 (f )

(2)

pour tout f ∈ E d . D’autre part, l’inclusion Of ⊂ Gd · π0 (f ) ⊕ Gd · π1 (f ) donne aussitôt  T  T Gd · π1 (f ) d Of T d ⊂ Gd · π0 (f ) d (multiplicités = 1) et donc   T   T Gd · π0 (f ) d Gd · π1 (f ) d ⊂ Gd · π0 (f ) Gd · π1 (f ) ⊂ Of par (2) et par induction puisque Gd · π0 (f ) et Gd · π1 (f ) sont des orbites de représentations de carquois vérifiant les conditions Q-(i,ii) et possédant moins de flèches que Q. ✷ 3. Lissité rationnelle 3.1. Rappel des définitions Un espace topologique X est dit « rationnellement lisse de dimension n » lorsque, pour tout x ∈ X, Hxn (X; Q) = Q

et Hxi (X; Q) = 0,

pour i = n,

(3)

où Hx (·; Q) désigne la cohomologie à support dans {x} du faisceau QX . Une variété topologique est un espace rationnellement lisse. Une variété algébrique complexe X est dite « rationnellement lisse » si X, munie de la topologie transcendante sous-jacente, est retionnellement lisse de dimension 2 dimC (X). Une variété algébrique X sur un corps algébriquement clos de caractéristique finie p est dite « rationnellement lisse » si X vérifie les égalités (3) pour n = 2 dimk (X) et pour la cohomologie étale du faisceau Q X , où  est un nombre premier différent de p. Dans les deux cas, une variété algébrique lisse est une variété rationnellement lisse. 3.2. Lissité rationnelle des cônes Soit L un espace topologique localement compact et X := (R+ × L)/({0} × L) son « cône ouvert ». Alors, X est rationnellement lisse de dimension n si et seulement si L est rationnellement lisse de dimension n − 1 et L a la cohomologie rationnelle de la sphère de dimension n − 1. Une variété algébrique affine X sur k est un « cône algébrique de sommet x0 » s’il existe une action de k ∗ sur X  {x0 } restriction d’un morphisme algébrique µ : A1k ×X → X vérifiant µ(0, x) = x0 , pour tout x ∈ X. L’espace des orbites Px0 (X) := (X  {x0 })/k ∗ , appelé le « projectivisé de X », est une variété projective sur k. Alors, X est rationnellement lisse si et seulement si X  {x} est rationnellement lisse et Px0 (X) a la cohomologie de l’espace projectif de même dimension (cf. [3], §1.3). Les variétés de représentations des carquois considérés dans cette Note sont des cônes algébriques de sommet 0. C’est une conséquence du fait que les poids de T d dans E d appartiennent à un même demi-espace ouvert de l’espace des poids de T d (loc. cit.). 3.3. Équivalences pour les variétés de représentations Théorème 3.1. Pour une variété de représentations O du carquois Q les énoncés suivants sont équivalents :

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(i) O est rationnellement lisse, (ii) O est lisse, (iii) O est un espace affine. Plus précisément, si O est rationnellement lisse alors O = O. Démonstration. O est un cône algébrique dont l’enveloppe linéaire O est engendrée par les droites T d -stables contenues dans O (Proposition 2.1). Lorsque O est rationnellement lisse, son projectivisé P0 ( O) est rationnellement lisse sans cohomologie de degré impaire. Dans ce cas, les Théorèmes 3.1-1 de [1] et 1.4 de [3] montrent que   dim O = (nombre de droites T d stables contenues dans O). Par conséquent, dim O = dimO et donc O = O.



3.4. Commentaire Ainsi que le souligne Patrick Polo et suivant une idée de Michel Brion, comme les poids de T d dans E d sont dans un demi-espace ouvert, il résulte du « lemme de Nakayama gradué » (cf. p.e. [1], Proposition 3.2.1-1) que le morphisme naturel d’algèbres     k T0 O → k O , où T0 ( O) désigne l’espace tangent de Zariski à O au point 0, est surjectif, i.e. O est une sous-variété fermée de T0 ( O). L’espace vectoriel O n’est donc autre que T0 ( O) et la Proposition 2.1 admet la réécriture suivante. Proposition 3.2. L’espace tangent de Zariski de O en 0 est engendré par les droites T d -stables contenues dans O. Cette proposition est l’analogue du résultat de Lakshmibai–Seshadri [6] décrivant les espaces tangents aux variétés de Schubert dans le cas de GL(n) et l’idée d’en déduire l’équivalence entre rationnellement et algébriquement lisse avait déjà été utilisée par Deodhar pour les variétés de Schubert pour GL(n) [5].

Remerciement Je remercie Michel Brion, Bernhard Keller et Patrick Polo pour leurs commentaires.

Références [1] [2] [3] [4] [5] [6] [7] [8]

A. Arabia, Classes d’Euler équivariantes et points rationnellement lisses, Ann. Inst. Fourier 48 (3) (1998) 861–912. R. Bédard, R. Schiffler, Rational smoothness of varieties of representations for quivers of type A, Representation Theory 7 (2003) 481–548. M. Brion, Rational smoothness and fixed points of torus actions, Transformation Groups 4 (1999) 127–156. Ph. Caldéro, R. Schiffler, Rational smoothness of varieties of representations for quivers of Dynkin type, Prépublication http://arxiv.org/abs/math.RT/0305149. V.V. Deodhar, Local Poincaré duality and nonsingularity of Schubert varieties, Comm. Algebra 13 (6) (1985) 1379–1388. V. Lakshmibai, C.S. Seshadri, Singular locus of a Schubert variety, Bull. Amer. Math. Soc. (N.S.) 11 (2) (1984) 363–366. G. Lusztig, Finite dimensional Hopf algebras arising from quantized universal enveloping algebras, J. Amer. Math. Soc. 3 (1990) 257–296. G. Lusztig, Canonical bases arising from quantized enveloping algebras, J. Amer. Math. Soc. 3 (1990) 447–498.