Éthique et santé (2008) 5, 245—248
Lu, vu, entendu
Disponible sur Internet le 7 novembre 2008
Soigner l’impardonnable 䊏
Le médecin et le dictateur Y. Pouliquen Paris: Odile Jacob; 2007. 175 p.
C’est le récit de la rencontre entre Yves Pouliquen, chirurgien, ex-directeur du service d’ophtalmologie de l’Hôtel-Dieu à Paris et Enver Hoxha, l’ancien Président d’Albanie. Ce dernier présente des problèmes de santé. Sur la recommandation de ses médecins qui ont séjourné un temps dans le service d’Yves Pouliquen, Enver Hoxha fait appel à lui. Yves Pouliquen raconte dans son livre comment s’est déroulé son séjour auprès du « Président, dictateur » et dans le pays le plus fermé au monde à cette période là (1979). Les approches par ses gardes du corps, l’escorte jusqu’en Albanie, l’installation dans le pays et les rencontres programmées avec Enver Hoxha. Tout est orchestré. Tout est passé au crible et Yves Pouliquen nous donne ses impressions, les questions qui l’ont traversé. . . C’est un livre de lecture facile, court et qui fait partie des documents sur une période qui heureusement appartient désormais au passé. Enver Hoxha durant sa gouvernance de l’Albanie fut en quelque sorte un autre « Staline » (exécution de tout opposant, disparition de nombreuses personnes. . .). L’auteur pose la question des soins prodigués à de tels « dictateurs », à de tels bourreaux ? Le soin ne connaît ni frontière ni politique. . . selon la Charte de la Croix-Rouge. B. Tison 1765-4629/$ — see front matter doi:10.1016/j.etiqe.2008.09.004
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Mères de criminels M. Carrier Paris: Belfond; 2008. 334 p.
Maria Carrier, journaliste, s’est penchée sur le sort des mères de criminels, sur ce qu’elles ont pu ressentir à l’annonce du drame commis par leur fils, sur le cheminement qu’elles vont vivre à ses côtés en ne le laissant pas « tomber » quand il est arrêté puis emprisonné. L’auteur présente différentes situations à partir de mères qui ont accepté de s’entretenir sur ce vécu avec elle. C’est toute la richesse du livre qui va permettre de suivre ces femmes dans leur désarroi premier, puis dans leur combat pour surmonter leur douleur, la honte jetée sur l’histoire d’une famille jusque là bien souvent « tranquille ». Envers et contre tout, elles veulent défendre l’idée d’un certain enfant qu’elles ont élevé, lui montrer qu’elles ne l’abandonnent pas malgré l’horreur de l’acte qu’il a pu réaliser. Il est toujours leur enfant. Même s’il est condamné à perpétuité, elles survivront pour l’aider à reconstruire une vie. Maria Carrier enrichit ce témoignage en laissant un psychologue, un magistrat, un enquêteur judiciaire. . . parler et expliquer le travail qu’ils vont être amenés à faire auprès du criminel. La lecture est aisée. L’auteur ne part pas dans des explications trop théoriques et, en même temps, elle cherche à mieux faire comprendre ces mères qui ne sont pas ces « monstrueuses mères de criminels », qui n’ont pas tous les torts. . . La situation de chacune est complexe. La douleur est toujours là. Pour certaines, la sanction est admise, pour
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d’autres, elles ne veulent pas voir que leur enfant est devenu « ce criminel là ». Les cas de folie meurtrière sont abordés (le cas de Romain Dupuy à Pau, en autres) et les cas d’erreurs judiciaires (R. Agret). . . La lecture de ce livre peut être utile pour tout acteur social et pour tout un chacun qui milite pour la non-violence de la société. B. Tison
Protection de l’enfance 䊏
La chasse aux enfants M. Benasayag, A. del Rey Paris: La Découverte; 2008. 65 p.
L’avant propos de ce petit livre est écrit par un résistant de la Deuxième Grande Guerre (1939—1945), Stéphane Hessel, ancien ambassadeur, qui clame sa colère au sujet des enfants sans papiers que l’on vient depuis quelques années chercher à l’école. Cela lui rappelle dans d’autres temps des enfants qui étaient eux aussi emmenés parce qu’à ce moment là, le gouvernement faisait la chasse aux enfants juifs. M. Benasayag et A. del Rey décrivent la traque des enfants sans papiers, les conséquences sur les autres enfants qui partagent avec eux les mêmes bancs de l’école. Non seulement, les enfants sans papiers subissent un trauma quand la police (même en civil) vient les chercher, mais également les autres enfants qui les voient partir et ne les reverront peut-être jamais. Contre ces interventions qui se sont multipliées depuis ces toutes dernières années, certaines écoles ont réfléchi à cette question et luttent pour protéger leurs élèves qui n’auraient pas ces papiers. Benasayag développe l’argument d’une certaine politique qui ne voudrait pas inclure dans le partage de ses richesses une certaine frange de la population. D’emblée, elle en exclut ceux qui ne sont pas en règle avec ses lois, autrement dit d’abord, ceux qui sont venus dans notre pays pour améliorer leur quotidien ou pour fuir certaines situations et qui n’ont pas de papiers. Les auteurs se demandent jusqu’où une telle politique peut aller ? Pour eux, il s’agit ni plus ni moins d’une politique qui laisse se développer une société à deux vitesses et qui ne ressemble en rien à une société démocratique. Ce livre est un livre d’opinion. On peut ne pas être d’accord, mais les arguments qui sont présentés ne peuvent laisser indifférents et obligent à se poser de « vraies questions » quant au sujet de l’immigration, des familles immigrées sans papiers. . ., le choix de société dans laquelle nous voulons vivre. . . C’est un petit livre que l’on recommande à tous ceux qui s’intéressent à leur alter ego et qui sont soucieux de défendre une certaine idée de la démocratie. B. Tison
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La pédophilie F. Ancibure, M. Galan-Ancibure Paris: Dunod; 2008. 210 p.
Les auteurs, respectivement psychiatre et psychologue, de formation psychanalytique, commencent leur approche de la pédophilie par l’histoire, citant l’exemple de pédophiles célèbres. Ils puisent dans la littérature d’époque pour décrire les opinions qui se véhiculent à tel et tel moment de cette histoire de nos sociétés avant de présenter la structure clinique de la pédophilie et son abord clinique. Ils s’attachent à différencier l’acte pédophile de l’acte incestueux. Ils n’oublient pas les femmes pédophiles, « égarées dans leur jouissance ». . . « Comprendre ce qui se passe pour mieux réagir » est un livre très soigné et très référencé. Il ne s’agit pas d’un livre réducteur. L’approche est très intéressante en ce sens. C’est de la lecture pour professionnels et ceux-ci peuvent s’appuyer sur celle-ci. Les derniers chapitres évoquent la souffrance des victimes sans l’économie de parler des faux témoignages chez l’enfant (l’enfant fabulateur, la parole soufflée. . .). Ils concluent par le traitement de l’auteur de l’acte pédophile et l’écoute de la victime en se demandant si une prévention des agressions sexuelles est possible ? Livre sérieux, fort intéressant par les différenciations claires que les auteurs font sur la pédophilie et ce qui n’est pas la pédophilie. L’approche proposée peut aider des thérapeutes et autres professionnels qui sont aux prises avec ces problématiques, qu’il s’agisse de l’auteur ou de la victime. B. Tison
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L’enfance du crime P. Lassus Éditions Bourin; 2008. 250 p.
Pierre Lassus dénonce une fois encore dans son livre la place et le rôle que l’on fait endosser à l’enfant victime. Il nous démontre à travers de nombreux exemples et, en particulier, à travers l’exemple des serial killers, les tueurs en série qui se sont fait un nom dans l’histoire de nos sociétés (Guy Georges, Francis Heaulme, Émile Louis. . .) et à travers l’exemple de chefs d’État reconnus pour leur usage de la terreur dans leur gouvernance, qu’il associe d’ailleurs à des serial killers (Ivan, Staline, Hitler, Slobodan, Saddam. . .) comment ces criminels ont vécu leur enfance, comment ils ont pu être humiliés, niés. . . abandonnés à la perversion de leurs parents et comment leur destin a pu en être ainsi transformé ainsi que le destin de leurs victimes. L’auteur ne cherche, bien sûr, en aucun cas à excuser les crimes et les assassinats monstrueux que ces serial killers ont pu commettre. Mais il essaie de montrer que le facteur de victimisation de l’enfant doit être pris au sérieux et qu’il demeure encore négligé dans l’attitude des professionnels de la justice, de la protection sociale. . . qui continuent à protéger l’adulte même lorsque ce dernier a commis les pires humiliations sur son enfant. Il représente l’autorité
Lu, vu, entendu et si l’on met en cause cette autorité, qu’est-ce qui va advenir de l’enfant. Va-t-il devenir tout puissant ? Il rejoint dans son argument Maurice Berger qui a pu lui aussi dénoncer cet abus des professionnels en voulant maintenir les liens entre l’enfant et les parents, supposés protecteurs. Quel gâchis quand l’enfant pendant des années attend un geste ou une attention de son parent qui ne vient jamais (sous prétexte que le lien entre l’enfant et ses parents est incontournable). Pierre Lassus évoque un peu de l’histoire du soin de ces serial killers en montrant que l’on ne sait toujours pas soigner ces criminels. Ni la psychologie, ni la psychanalyse, ni la médecine ne donnent encore aujourd’hui une réponse à ces perversions. Pour sortir de cette spirale infernale et scandaleuse, il nous incite à faire la distinction entre géniteurs et parents. Il conclut en rappelant quelques exigences de base utiles à tous les professionnels : repérer les enfants maltraités le plus tôt possible ne consiste pas à repérer des symptômes, mais des êtres humains à part entière. Protéger réellement les enfants maltraités. Autrement dit, ne pas les laisser dans le milieu maltraitant même s’il s’agit du milieu parental. Faire appel à la loi : les coupables doivent être sanctionnés. Enfin, la prise en charge des enfants maltraités doit être assurée par des thérapeutes formés. Comme tous les livres de l’auteur, ce livre se lit aisément car il est émaillé de nombreux exemples. B. Tison
Religieux 䊏
La femme, la République et le bon Dieu O. Cattan, I. Lévy Presses de la Renaissance; 2008. 287 p.
Les auteurs essaient de répondre à une question devenue plus sensible cette dernière décennie, celle de la religion et de son influence sur la vie quotidienne des femmes. Elles se limitent aux trois monothéismes : le judaïsme, le christianisme, l’islam, qui sont les religions les plus représentatives de nos sociétés et elles évoquent successivement le statut que ces trois religions attribuent à la femme. Elles abordent les questions du mariage, de la sexualité. . . dans ces trois religions. Interviews, témoignages illustrent leurs commentaires et répondent à cette question et à une autre très présente en France, en particulier, le respect de la laïcité, de la République, depuis la séparation de l’Église et de l’État. Elles se demandent comment l’État peut protéger davantage les femmes de certains mouvements fondamentalistes qui cherchent chaque jour à gagner un peu plus dans le champ public. Livre qui ne manque pas d’intérêt au vu du retour du religieux. Bien documenté, il peut intéresser toute personne et
247 tout professionnel qui veut être plus au clair sur ces questions de la femme et du religieux. B. Tison
Santé au travail 䊏
Du bon usage des émotions au travail C. Lainé, E. Roy Guides pratiques de la Cegos. ESF éditeur; 2004. 132 p.
Les auteurs : Étienne Roy, fondateur et dirigeant de Koalto, agence conseil et accompagnement en développement de projets, et Catherine Lainé, consultante à la Cegos, nous amènent à réfléchir sur la place et le rôle de l’émotion au travail et sur la manière dont elle est reconnue, respectée, autorisée, utilisée, voire même provoquée. Ils nous proposent d’explorer ce domaine sous plusieurs angles. Certains affirment néanmoins « il faut cacher ses sentiments pour être respecté » ou bien « l’entreprise n’a que faire des états d’âme, les gens sont payés pour faire correctement leur travail ». Or ils se privent des nombreuses possibilités de communication offertes par l’expression des émotions et des sentiments. « Les émotions sont fondamentales dans le processus de décision, elles fournissent des informations pour nourrir les relations avec les autres, les auteurs nous montrent comment elles favorisent la motivation ou encore facilitent la créativité » (émotion/motivation, même combat). . . Être à l’écoute et respecter la personne dans ses émotions, dans ce qu’elle est vraiment, n’est ce pas un grand pas vers une plus grande empathie. À travers l’étude et l’analyse des cinq émotions fondamentales retenues par les auteurs (la joie, la colère, la peur, la tristesse et le désir), le manager doit trouver la juste distance car les dérives vers la manipulation sont envisageables.
« Reste au manager à savoir utiliser et canaliser ces émotions afin de les rendre positives. Une des émotions génératrices d’énergie est la joie et le plaisir. Il est donc logique dans l’entreprise immatérielle, de s’interroger sur les moyens de générer du plaisir parmi ses collaborateurs. Le management est depuis toujours centré sur l’obtention de résultats et d’un certain niveau de performance en optimisant les ressources disponibles : hommes, temps, machines, budget, technologies. . . Cependant la relation de l’homme au travail évolue avec le temps. »
En optimisant les ressources disponibles du groupe, les résultats peuvent être améliorés.
248 La lecture de cet ouvrage permettra à chacun de poser les premiers jalons du bon usage des émotions au travail et contribuera à mieux prendre en compte cette réalité émotionnelle évidente afin de rendre nos émotions au travail
Lu, vu, entendu plus agréables, plus efficaces et surtout nous conduire vers des rapports plus humains. D. Letheuil Berry