Annales françaises d’oto-rhino-laryngologie et de pathologie cervico-faciale (2010) 127, 236—238
CAS CLINIQUE
Lymphome B mandibulaire夽 M. Mnejja a, B. Hammami a, N. Kolsi a, S. Kallel a, A. Chakroun a, I. Charfeddine a, S. Hdiji a, M. Elloumi b, A. Ghorbel a,∗ a b
Service d’ORL et de chirurgie cervicofaciale, CHU Habib Bourguiba, 3029 Sfax, Tunisie Service d’hématologie, CHU Hedi Chaker, 3029 Sfax, Tunisie
MOTS CLÉS Lymphome ; Os ; Mandibule
Résumé Introduction. — Les lymphomes primaires de l’os mandibulaire sont rares. Ils sont souvent confondus avec des lésions odontogènes, entraînant un retard diagnostique. Nous exposons, à travers une observation, les caractéristiques cliniques et radiologiques du lymphome mandibulaire ainsi que ses modalités de prise en charge. Présentation du cas. — Une jeune fille de 17 ans, a consulté pour une tuméfaction douloureuse de l’hémiface droite évoluant depuis un an. L’examen clinique a trouvé une masse en regard de la branche horizontale de la mandibule étendue vers la région parotidienne droite sans envahissement cutané en regard. Le scanner et l’IRM ont montré un volumineux processus expansif d’origine mandibulaire avec extension parotidienne, pétreuse, et endocrânienne. La biopsie a conclu à un lymphome B à grande cellule. La patiente a été traitée par chimiothérapie avec bonne évolution après un recul de deux ans. Conclusion. — Les lymphomes constituent le deuxième cancer de la tête et du cou, après les carcinomes épidermoïdes. Les localisations mandibulaires ne représenteraient que 0,6 % des cas. Il s’agit presque toujours de lymphomes à cellules B. La confusion initiale avec une pathologie d’origine dentaire est fréquemment rapportée. Le taux de rémission complète après chimiothérapie est de 60 à 80 % à un an. © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Introduction Les lymphomes primaires de l’os mandibulaire sont rares. Ils sont souvent confondus avec des lésions odontogènes, entraînant un retard diagnostique. Le but de notre travail est d’exposer, à travers une observation et une revue de la
DOI de l’article original : 10.1016/j.anorl.2010.07.009. Ne pas utiliser pour citation la référence franc ¸aise de cet article mais celle de l’article original paru dans European Annals of Otorhinolaryngology Head and Neck Diseases en utilisant le DOI ci-dessus. ∗ Auteur correspondant. Adresses e-mail :
[email protected],
[email protected] (A. Ghorbel). 夽
littérature, les caractéristiques épidémiologiques, cliniques et radiologiques du lymphome mandibulaire.
Observation Une jeune patiente de 17 ans, sans ATCD pathologiques, a consulté pour une tuméfaction de l’hémiface droite évoluant depuis un an associée à des douleurs dentaires sans signes inflammatoires locaux. L’examen clinique a objectivé une masse en regard de la branche horizontale de la mandibule étendue à la région parotidienne droite fixe, dure et indolore sans envahissement cutané en regard. L’examen endobuccal a montré un comblement de tout le vestibule inférieur. La radiographie panoramique dentaire
1879-7261/$ – see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.aforl.2010.09.006
Lymphome B mandibulaire
Figure 1 Radiographie panoramique : lésion ostéolytique de la mandibule.
a objectivé une lésion ostéolytique de la branche horizontale de la mandibule (Fig. 1). Le scanner (Fig. 2) et l’IRM (Fig. 3) ont montré un volumineux processus expansif d’origine mandibulaire latéralisé à droite, de contours
237 polylobés de signal tissulaire hétérogène mesurant 10 cm de grand axe, se rehaussant après injection, avec extension parotidienne, pétreuse et endocrânienne. La biopsie tumorale par voie vestibulaire a conclu à un lymphome B à grande cellule CD20+. Le bilan à distance fait par un scanner thoraco-abdominopelvien a montré une masse de l’ovaire, des masses rénales bilatérales, de multiples adénopathies rétropéritonéales et pelviennes ainsi que des lésions ostéolytiques de l’omoplate droite, de la cinquième côte, et un tassement de D8. Il s’agissait alors d’un lymphome malin non hodgkinien à grandes cellules ovarien osseux et rénal. La patiente a été traitée par chimiothérapie : quatre cures (rituximab, doxorubicin, cyclophosphamide, vindesine, bléomycine, prednisolone [RACVBP]) avec bonne réponse et a bénéficié ultérieurement d’une autogreffe avec bonne évolution après un recul de deux ans.
Discussion Les lymphomes non hodgkiniens (LNH) sont des proliférations malignes intéressant le tissu lymphoïde [1]. Les
Figure 2 Tomodensitométrie (TDM) en coupes coronale et axiale : processus de densité tissulaire se rehaussant de fac ¸on hétérogène par le produit de contraste entraînant une ostéolyse des branches horizontale et verticale de la mandibule et s’étendant aux espaces profonds de la face.
Figure 3 IRM en coupes coronale et axiale : processus de signal tissulaire hétérogène ostéolytique de la mandibule, envahissant les espaces profonds de la face.
238 atteintes primitives extraganglionnaires se voient dans 30 % des cas [2]. Ils intéressent la région cervicofaciale dans 30 à 40 % des cas [3]. La localisation primitivement osseuse est très rare. Au niveau de la tête et du cou, la localisation mandibulaire est l’atteinte osseuse la plus fréquente [4,5]. Elle représente environ 0,6 % des LNH extraganglionnaires selon Bachaud et al. [6]. Leur incidence augmente avec l’âge [7] mais l’âge moyen de la découverte est de 57 ans [1] avec une prédominance masculine [1,4,8]. Dans notre observation, l’atteinte est survenue à un âge très jeune ce qui en fait l’originalité. La symptomatologie est polymorphe avec un tableau sémiologique non spécifique aussi bien cliniquement que radiologiquement expliquant la difficulté et le retard diagnostiques. Un délai moyen de 3,9 mois (avec un maximum de sept mois) jusqu’à l’établissement du diagnostic et l’instauration du traitement a été rapporté [5]. Dans notre observation, la malade a consulté une année après l’apparition de la tuméfaction mandibulaire. Les manifestations cliniques sont dominées par une douleur locale chronique pouvant égarer vers une pathologie rhumatismale chez les sujets les plus âgés [4]. Une tuméfaction palpable de la mandibule, comme dans notre observation, accompagnée d’une adénopathie locale doit attirer l’attention [4]. La confusion initiale avec une pathologie d’origine dentaire est fréquemment rapportée [9]. Une inflammation dentaire réfractaire à tout traitement, peut constituer pendant des semaines et des mois, le seul symptôme de cette maladie [5]. Une mobilité ou encore une perte dentaire, un trismus, des paresthésies ou anesthésies labiomentonnières ont été également rapportés [1,4,6,7,9,10]. Les signes radiologiques sont pauvres et assez évocateurs : microlacunes donnant à l’os un aspect mité ou en nid-d’abeilles mais cette situation est assez rare. Par ailleurs, l’imagerie peut révéler une fracture pathologique ou le plus souvent une ostéolyse associée ou non à une condensation des parties molles contiguës ou à un épaississement périosté [4,9]. Le diagnostic différentiel se pose essentiellement avec les processus infectieux comme l’ostéomyélite chronique, ou d’autres pathologies malignes comme le myélome, les carcinomes indifférenciés, les sarcomes osseux et les métastases osseuses [4]. Le diagnostic anatomopathologique repose sur des biopsies osseuses profondes. Il s’agit souvent de lymphomes diffus à grandes cellules de phénotype B [4] : c’est le cas de notre malade. Les LNH peuvent toucher tous les organes. L’imagerie, en particulier l’examen tomodensitométrique corps entier est nécessaire pour chercher d’autres localisations permettant de classer la maladie. La scintigraphie osseuse est indiquée en présence de signes cliniques osseux autres que mandibulaires. La tomodensitométrie (TDM) par émission de positons
M. Mnejja et al. au fluoro-déoxy-glucose (FDG) n’apporte pas d’information supplémentaire au scanner [7]. Le pronostic des LNH des maxillaires est moins bon que celui des tissus mous de la cavité buccale. Le pronostic des lésions unifocales est relativement favorable, avec un délai de survie assez long, plus de 60 % de rémission à cinq ans [6]. Les protocoles de chimiothérapie sont très variés (CHOP, CHOP Bléo. . .). La radiothérapie est prescrite par la majorité des auteurs [10,11]. La polychimiothérapie lourde suivie d’autogreffe doit être réservée aux formes de mauvais pronostic (extension à distance, phénotype T) [12].
Conflit d’intérêt Aucun.
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