Maladie de Lobstein révélée par une crise convulsive

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834 Rev Neurol (Paris) 2007 ; 163 : 8-9, 834-836 Brève communication Maladie de Lobstein révélée par une crise convulsive A. Boughammoura-Bouatay1, ...

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Rev Neurol (Paris) 2007 ; 163 : 8-9, 834-836

Brève communication Maladie de Lobstein révélée par une crise convulsive A. Boughammoura-Bouatay1, S. Chebel1, M. Aissi1, M. Koubaa2, M. Frih-Ayed1 1

Service de Neurologie CHU de Monastir, Tunisie. Service d’Orthopédie CHU de Monastir, Tunisie. Reçu le : 10/11/2006 ; Reçu en révision le : 8/02/2007 ; Accepté le : 13/02/2007. 2

RÉSUMÉ L’ostéogenèse imparfaite (OI) est un groupe d’affections héréditaires le plus souvent reliées à une anomalie de la synthèse du collagène. Les manifestations cliniques sont très variées, les manifestations neurologiques sont exceptionnelles. Un homme de 40 ans aux antécédents de fractures multiples fut admis aux urgences pour une crise tonico-clonique généralisée d’emblée. Le bilan métabolique était sans anomalies. Des douleurs à la moindre mobilisation de deux épaules étaient constatées, la radiographie standard ainsi que l’imagerie par résonance magnétique (IRM) des épaules confirma l’existence d’une fracture — luxation des deux épaules. L’IRM cérébrale ainsi que l’électroencéphalogramme étaient sans anomalies. Le patient fut mis sous Valproate de sodium ; il n’a pas refait de crise après un recul de 8 mois. L’enquête étiologique a conduit au diagnostic de maladie de Lobstein.

Mots-clés : Ostéogenèse imparfaite • Maladie de Lobstein • Crise • Épilepsie

SUMMARY Lobstein’s disease presenting with seizures. A. Boughammoura-Bouatay, S. Chebel, M. Aissi, M. Koubaa, M. Frih-Ayed, Rev Neurol (Paris) 2007; 163: 8-9, 834-836 Osteogenesis imperfecta (OI) is a group of hereditary disorders most often due to an anomaly of collagen biosynthesis. Divers clinical manifestations are reported. Neurological manifestations are exceptional. A 40-year-old man with a history of multiple bone fractures was admitted for a generalized tonic-clonic seizure. There was no metabolic disorder, the patient however complained of bilateral shoulder pain. Standard radiography and shoulder MRI revealed bilateral humeral fractures. The electroencephalogram and the brain MRI showed no abnormalities. He was given valproate acid and eight months later was free of crises. Search for an etiological favored the diagnosis of Lobstein disease.

Keywords: Osteogenesis imperfecta • Lobstein disease • Seizure • Epilepsy

INTRODUCTION

OBSERVATION

La maladie des os de verre, connue aussi sous le nom de maladie de Lobstein ou encore Ostéogenèse imparfaite, est une maladie rare qui touche environ un enfant sur 15 000 (estimation par l’Osteogenesis Imperfecta Federation of Europe) (De Carmoy et al., 2004). Sa principale caractéristique est la fragilité osseuse qui se traduit par de multiples fractures. Elle a des formes différentes et peut associer, à la fragilité osseuse, une dentinogenèse imparfaite, une atteinte auditive, une laxité ligamentaire, des sclérotiques bleues et, dans certains cas, des dysfonctionnements circulatoires ou cardiaques. C’est une maladie génétique à transmission autosomique dominante ou récessive (Reis et al., 2005 ; Beighton et al., 1985). Les manifestations neurologiques au cours de ce syndrome sont rares et polymorphes.

Cas n° 23/06. — Un patient âgé de 40 ans asthmatique sous traitement, avait des antécédents personnels de fractures multiples (fracture du coude droit à l’âge de 14 ans, du tiers supérieur de la diaphyse fémorale à l’âge de 28 ans avec un tassement vertébral de la première vertèbre lombaire). Deux de ses fils âgés respectivement de 3 et 15 ans avaient présenté également des fractures multiples. En janvier 2005, il présenta une crise convulsive tonico-clonique d’emblée généralisée avec au réveil des douleurs des deux épaules et du dos. L’exploration radiologique confirma l’existence d’une luxation fracture des deux têtes humérales (Fig. 1) et un tassement vertébral de L4 (Fig. 2). L’examen neurologique à l’admission était sans anomalies mais il existait des sclérotiques bleuâtres (Fig. 3). Le bilan biologique comportant la numération formule sanguine, la vitesse de sédimentation, la protéine C réactive, l’azotémie, la glycémie, le bilan lipidique, hépatique, thyroïdien, parathyroïdien, l’électrophorèse des protéines

Correspondance : M. FRIH-AYED, Service de Neurologie, CHU de Monastir, 5000 Monastir, Tunisie. E-mail : [email protected]

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Fig. 1. – Radiographie de l’épaule gauche : fracture luxation de la tête humérale. Left shoulder radiography: fracture dislocation of the left shoulder Fig. 2. – Radiographie du rachis lombaire : tassement vertébral L4. Lumbar spinal radiography: compression fracture of L4. Fig. 3. – Photo de l’œil gauche : sclérotique bleue. Left eye photography: blue sclera.

(EPP) sérique, le bilan d’hémostase, la testéronémie et le bilan phosphocalcique répétés trois jours de suite étaient normaux de même le bilan immunologique (anticorps antinucléaires, ANCA, antiphospholipides et la cryoglobulinémie), le pathergy test, le typage HLA et le bilan infectieux étaient négatifs. Le bilan radiologique montra un aspect de déminéralisation au niveau du rachis lombaire et du bassin. Le profil ostéodensitométrique était en faveur de l’ostéoporose. L’audiogramme était sans anomalies. L’étude des potentiels évoqués montra des potentiels évoqués somesthésiques (PES) et potentiels évoqués auditifs (PEA) normaux avec un allongement bilatéral et asymétrique des potentiels évoqués visuels (PEV) plus marqué à gauche avec un allongement de la latence de l’onde P100. L’IRM cérébrale était sans anomalies. Le patient fut traité chirurgicalement (mise d’une prothèse de la tête humérale). Le diagnostic de la maladie de Lobstein de type I fut retenu devant l’histoire familiale, les fractures multiples par traumatismes minimes, les sclérotiques bleuâtres et le résultat de l’ostéodensitométrie. Le patient fut traité par valproate de sodium bien qu’il s’agisse d’une crise isolée avec un EEG et une IRM cérébrale normale en raison du terrain et du risque de fracture.

DISCUSSION L’ostéogenèse imparfaite fait partie d’un groupe d’affections héréditaires à transmission dominante, parfois récessive, caractérisée par une anomalie de la synthèse du collagène de type I (production réduite et collagène anormal) (Zhou et al., 2004 ; Hayes et al., 1999 ; Pressac et al., 2002 ; De Carmoy et al., 2004). Les fractures multiples par

fragilité osseuse représentent la principale manifestation de la maladie, et sont responsables de la morbidité et la mortalité de cette affection par insuffisance respiratoire secondaire aux fractures costales (Åström et al., 2002 ; De Carmoy et al., 2004 ; Fernanda et al., 2005 ; Iwamoto et al., 2005). La présence du collagène de type 1 dans de nombreux tissus de l’organisme explique la variété des manifestations extra-squelettiques : trouble de la dentinogenèse, hypoacousie progressive, hyperlaxité ligamentaire, coloration bleutée des sclérotiques (Chevrel et al., 2001 ; Hayes et al., 1999 ; Fernanda et al., 2005 ; Berg et al., 2001). Ce collagène est également retrouvé au niveau des espaces péri vasculaires et sur les valves cardiaques, et sa diminution notamment au niveau myocardique et sur les gros troncs artériels a déjà été observée au cours de l’ostéogenèse imparfaite (Wheeler et al., 1988 ; Alkadhi et al., 2001 ; Heimert et al., 2002 ; Ashraf et al., 1993). La classification établie par Sillence et al. (1979) et modifiée par Glorieux et al. (2002) définit 6 types différents d’ostéogenèse imparfaite. Dans sa forme la plus légère, à transmission autosomique dominante (type I), la fragilité osseuse est peu importante avec parfois quelques fractures avant la puberté, des sclérotiques bleues mais une taille normale. La forme la plus sévère (type II) associe fractures in utero et insuffisance respiratoire aboutissant à la mort dans les premières heures ou semaines de vie. L’ostéogenèse imparfaite de type III est la forme la plus sévère avec de nombreuses fractures, une déformation des os longs et une petite taille.

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Dans le type IV, les déformations osseuses et le nanisme sont présents mais moins sévères ; cette forme peut se différencier en type V avec une évolution des fractures avec cals hypertrophiques ou en type VI présentant sur la biopsie osseuse une accumulation du tissu ostéoïde très caractéristique. L’atteinte neurologique au cours de cette maladie est rare. Elle peut être secondaire aux déformations osseuses comme décrit précédemment, la plus fréquente est la macrocéphalie (14 p. 100) avec un front large et bombé, occiput aplati, un visage triangulaire (Charnas et al., 1993). Plus préoccupante est l’impression basilaire qui se manifeste surtout à l’adolescence par des céphalées, une atteinte des derniers nerfs crâniens (nerf trijumeau et nerf facial) (Charnas et al., 1999 ; Wald et al., 1982 ; Epstein et al., 1969 ; Gardner et al., 1966). Ces symptômes résultent de la compression antérieure du tronc cérébral mais aussi de l’hydrocéphalie associée (Heimert et al., 2002 ; Riedner et al., 1980 ; Charnas et al., 1993). Cependant d’autres complications neurologiques ont été rapportées comme l’hydrocéphalie avec dilatation ventriculaire et atrophie corticale, la syringomyélie et l’épilepsie (Emery et al., 1999 ; Charnas et al., 1993). L’examen clinique et surtout l’imagerie par résonance magnétique sont utiles pour suivre les patients à risque (type III sévère). Chez le nouveau-né il existe un risque d’hématome sous-dural ou extradural. D’autres anomalies neurologiques plus rares ont été décrites telle qu’une hypoplasie cérébelleuse (Patel et al., 2002 ; Zhou et al., 2004), une paraplégie par fracture compression vertébrale (Ziv et al., 1983). Chez notre patient nous n’avons pas trouvé ces anomalies. Ces constatations impliquent la nécessité d’une surveillance neurologique régulière des enfants (examen des fontanelles). L’épilepsie est exceptionnellement rapportée dans cette affection mais dans le type II, Emery et al. (1999) ont montré qu’il existe une relation entre la mutation du gène du collagène de type 1 et la présence de malformations corticales incluant des anomalies de migrations neuronales, et des lissencéphalies. Ces auteurs ont suggéré que le collagène de type 1 pourrait avoir un rôle non négligeable dans la migration neuronale lors du développement du système nerveux central.

CONCLUSION Le diagnostic de l’ostéogenèse imparfaite repose sur l’histoire familiale, la clinique et l’ostéodensitométrie. Les signes neurologiques sont rares, représentés surtout par l’impression basilaire et sont exceptionnellement révélateurs. Le pronostic de cette maladie dépend du stade de la classification. Le pronostic du type I est amélioré depuis l’apport des biphosphonates.

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