Maladie des griffes du chat et syndrome oculo-glandulaire de Parinaud

Maladie des griffes du chat et syndrome oculo-glandulaire de Parinaud

CAS CLINIQUE J Fr. Ophtalmol., 2004; 27, 2, 179-183 © Masson, Paris, 2004. Maladie des griffes du chat et syndrome oculo-glandulaire de Parinaud A. ...

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CAS CLINIQUE

J Fr. Ophtalmol., 2004; 27, 2, 179-183 © Masson, Paris, 2004.

Maladie des griffes du chat et syndrome oculo-glandulaire de Parinaud A. Escarmelle, N. Delbrassine, P. De Potter Service d’Ophtalmologie, Cliniques Universitaires St Luc, UCL, 10, avenue Hippocrate, 1200 Bruxelles, Belgique. Correspondance : P. De Potter, à l’adresse ci-dessus. E-mail : [email protected] Reçu le 13 août 2002. Accepté le 1er décembre 2003. Cat’s cratch disease and Parinaud’s oculoglandular syndrome A. Escarmelle, N. Delbrassine, P. De Potter J. Fr. Ophtalmol., 2004; 27, 2: 179-183 By presenting this case report describing Parinaud’s oculoglandular syndrome, we review the medical literature on its most frequent etiology: catscratch disease, a self-limited, systemic illness caused by a Gram-negative bacillus, Bartonella henselae, principally affecting children under 15 years of age. Typical symptoms include regional lymphadenopathy, fever, malaise, and fatigue, possibly with more severe complications such as splenomegaly, granulomatous hepatitis, and encephalopathy. Ocular manifestations may include follicular conjunctivitis, Parinaud’s oculoglandular syndrome, neuroretinitis, optic neuritis, and chorioretinitis. Diagnosis is based on serologic tests, and when necessary, antimicrobial treatment can be considered.

Key-words: Parinaud’s syndrome, cat’s cratch disease, Bartonella henselae. La maladie des griffes du chat et syndrome oculo-glandulaire de Parinaud L’objectif de cet article est de parcourir la littérature récente sur l’étiologie la plus fréquente du syndrome oculo-glandulaire de Parinaud : la maladie des griffes du chat. Il s’agit d’une pathologie bénigne dans le plus grand nombre de cas, due à Bartonella henselae, qui touche principalement les enfants en dessous de 15 ans. Cette affection se manifeste le plus souvent sous forme d’une lésion cutanée associée à une adénopathie dans la zone de drainage lymphatique et un état de malaise général. Parfois, le patient peut présenter des complications de type neurologique, gastro-entérologique, dermatologique et, ce qui nous intéresse le plus, ophtalmologique.

Mots-clés : Syndrome de Parinaud, maladie de la griffe du chat, Bartonella henselae.

INTRODUCTION La maladie des griffes du chat fut observée pour la première fois par Parinaud en 1889 chez 3 patients qui présentèrent une conjonctivite après contact avec un chat domestique [1]. Au fil des années, différents tableaux cliniques oculaires et systémiques sont venus étoffer cette pathologie : conjonctivite, uvéites antérieures, intermédiaires, postérieures, vasculites, infiltrats rétiniens, neuropathies, pathologies neurologiques, hématologiques,… Nous savons que l’agent responsable est un bacille Gram négatif du nom de Bartonella henselae [2] habituellement mis en évidence par différents tests (culture, sérologie, histologie…). Le traitement antibiotique est controversé car l’évolution est naturellement favorable. Actuellement, 6 % des cas de maladie des griffes du chat se présentent sous forme d’une conjonctivite ou syndrome oculoglandulaire de Parinaud [3]. Ce dernier est caractérisé par une conjonctivite habituellement unilatérale granulomateuse associée à des adénopathies ipsilatérales pré-auriculaires et/ou sous-maxillaires et d’un état fébrile général.

CAS CLINIQUE Un garçon de 13 ans est hospitalisé dans le service de Pédiatrie suite à l’apparition d’un ptosis gauche et d’adénopathies pré et rétro-

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1 2 Figure 1 : Ptosis et adénopathie pré-articulaire gauche. Figure 2 : Nombreux follicules conjonctivaux après évasion de la paupière supérieure gauche.

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auriculaires gauches développées 15 jours auparavant. Deux jours après les symptômes oculaires, apparaissent progressivement des ganglions pré et rétro-auriculaires ipsilatéraux occasionnellement douloureux. Dans l’anamnèse, aucune notion de traumatisme ou d’infection récente ne sont notées. Cependant, la présence d’animaux dont des chats dans l’habitation familiale est remarquée. L’enfant est apyrétique. Aucun trouble de l’appétit ni d’altération de son état général ne sont identifiés. Ses antécédents médicaux et chirurgicaux sont non contributifs. L’examen clinique pédiatrique est normal. La biologie ne montre pas de signes inflammatoires ni infectieux (CRP : 0,2 mg/l ; GB : 8 160 éléments/mm3) ; l’hémogramme, les fonctions rénale, hépatique et pancréatique sont normaux. Les marqueurs tumoraux (CEA, afœtoprotéine et NSE) sont négatifs. Une échographie cervicale confirme la présence de ganglions de type inflammatoire. Suite à cela, l’enfant nous est adressé à la consultation d’Ophtalmologie pour avis. L’acuité visuelle est de 10/10e aux deux yeux sans correction. Les pupilles sont isocores, les réflexes photomoteurs normaux sans déficit pupillaire afférent. La motilité est normale et non douloureuse. Un ptosis gauche avec une fente palpébrale de 6 mm (11 mm à droite) et une fonction du releveur normale sont documentés. La palpation des tissus préseptaux et palpébraux est normale. Une adénopathie pré-auriculaire est nettement visible à gauche (fig. 1). L’examen biomicroscopique après éversion de la paupière supérieure gauche montre une conjonctivite modérée avec de très nombreux follicules expliquant le ptosis (fig. 2). Le segment antérieur ainsi que le fond d’œil sont sans particularité. Devant ce tableau clinique, le diagnostic de syndrome oculo-glandulaire de Parinaud est évoqué. Aucune approche biopsique ou radiologique n’est décidée. La sérologie revient positive pour le Bartonella henselae (IgM + IgG 1/128, screening positif).

Le tableau clinique de ce garçon est donc un syndrome oculo-glandulaire de Parinaud sur maladie des griffes du chat, confirmé par l’examen sérologique. Un traitement par vibramycine 200 mg le premier jour puis 100 mg pendant 15 jours a permis de voir la régression du volume des adénopathies ainsi qu’une régression complète du ptosis à gauche.

DISCUSSION La maladie des griffes du chat est une pathologie observée à travers le monde chez les enfants et les jeunes adolescents (90 % avant 15 ans) [4]. L’incidence annuelle aux États-Unis est estimée à 9,3/100 000 habitants [5] avec un taux plus élevé en automne et en hiver [6]. Elle est transmissible par griffure, morsure ou léchage d’une plaie par les chats domestiques, surtout un chaton dont le système immunitaire est relativement immature. Actuellement, certains auteurs prétendent qu’il suffit de dormir ou de peigner le chat pour être contaminé [7]. Le rôle d’une puce (Ctenocephalides felis) comme vecteur entre chats a été démontré [8]. La possibilité d’une infection par piqûre de cette puce chez l’homme a été évoquée [3-9]. Aucune transmission entre homme n’a été décrite [10]. Le tableau clinique habituel est une lésion cutanée présente 3 à 10 jours après le contact avec l’animal. Deux à trois semaines plus tard, une adénopathie unilatérale apparaît dans le territoire de drainage du site d’inoculation et s’accompagne alors de sensation de malaise général et d’anorexie [1, 4, 5, 11, 12]. Dans 10 % des cas, la maladie des griffes du chat peut se manifester par des complications diverses qu’il ne faut pas confondre avec des infections intercurrentes vu la durée prolongée de l’affection [4]. Au niveau neurologique, on peut observer des méningo-encéphalites, des hémiplégies transitoires, des aphasies… [10]. Des dégénérescences hépato-spléniques avec douleur abdomi-

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nale ont été décrites [13]. Au niveau dermatologique, des érythèmes noueux et polymorphes, des rashs maculo-papuleux,… ont été rencontrés. D’autres manifestations hématologiques et ostéolytiques sont heureusement beaucoup plus rares [14]. Au niveau oculaire, on distingue la forme conjonctivale et la forme intraoculaire : la contamination conjonctivale sans lésion cutanée retrouvée correspond à la conjonctivite granulomateuse de Parinaud. Dans le cas clinique exposé, la maladie des griffes du chat s’est manifestée par un syndrome oculo-glandulaire de Parinaud. Dans la littérature, celui-ci est caractérisé par une conjonctivite habituellement unilatérale granulomateuse associée à des adénopathies ipsilatérales préauriculaires et/ou sous-maxillaires et un état fébrile général [1, 4, 11, 12]. Les symptômes et les signes oculaires sont aspécifiques et incluent rougeur, sensation de corps étranger et sécrétions muco-purulentes. Le granulome conjonctival peut se localiser aussi bien au niveau de la paupière supérieure qu’inférieure. Il peut être unique, large et plat (sessile) ou avec de multiples végétations en relief (polypoïde), entouré de follicules et d’une intense injection conjonctivale [1-3, 5, 12]. Les observations anatomo-pathologiques du granulome conjonctival varient de manière significative avec le statut immunitaire du patient. Chez les patients immunocompétents, on retrouve une hyperplasie lymphoïde avec prolifération et épaississement artériolaire. Un centre nécrotique et des cellules géantes peuvent apparaître par la suite. En revanche, la maladie est vasculo-proliférative chez les immunodéprimés [4]. Les adénopathies spécifiques au syndrome de Parinaud, apparaîssant 2 à 3 semaines après l’inoculation, sont généralement fermes, superficielles et leur volume assez fluctuant peut aller jusqu’à 8 à 10 cm de diamètre. Elles sont douloureuses, recouvertes d’une peau enflammée. Ces adénopathies restent stationnaires quelques semaines puis régressent spontanément [4]. Quelques cas ont été décrits avec une évolution vers la suppuration [3]. Il est à rappeler que le Bartonella henselae n’est pas le seul agent responsable d’un syndrome oculoglandulaire de Parinaud. D’autres agents infectieux ont été répertoriés avec une fréquence moins élevée (tableau I) [12]. Dans la forme intraoculaire, les inflammations du segment antérieur sont beaucoup moins fréquentes que les manifestations du segment postérieur. Ainsi, la possibilité d’une maladie des griffes du chat doit être envisagée dans le diagnostic différentiel d’une neurorétinite avec une étoile maculaire ou une papillite inflammatoire [15]. Il s’agit de loin du tableau le plus souvent retrouvé. On doit également y penser devant un tableau de chorio-rétinite focale, de multiples tâches blanches rétiniennes, d’occlusions artériolaires ou veineuses des branches rétiniennes. Les lésions rétiniennes décrites sont le plus souvent localisées au pôle postérieur, contiguës aux territoires artériolaires [15]. Les décollements

Tableau I Étiologies du syndrome oculo-glandulaire de Parinaud. Maladie des griffes du chat

Bartonella henselae

Tularémie

Pasteurella tularensis

Tuberculose

Mycobactérium tuberculosis

Sporotrichose

Sporottrix schenchii

Syphilis

Treponema pallidum

Agents rares

Mononucléose Oreillons Pasteurella multocinta, yersinia Pseudomonas Listéria monocytogenes Richettsia conorii Haemophilus ducreyi Chlamydia trachomatis Sarcoïdose

séreux rétiniens, les granulomes du nerf optique et les événements vasculo-occlusifs sont peu communs [8]. Le spectre des pathologies oculaires de la maladie des griffes du chat est repris dans le tableau II [15]. L’agent causal de la maladie des griffes du chat ne fut découvert qu’en 1983 quand Wear et al. [16] identifient un petit bacille Gram négatif pléiomorphe aussi

Tableau II Spectre des formes oculaires de la maladie des griffes du chat. Forme conjonctivale

Syndrome oculo-glandulaire de Parinaud

Atteinte oculaire disséminée

Neurorétinite Névrite optique Papillite Vitrite ± uvéite antérieure Uvéite intermédiaire Syndrome white spot rétinien Infiltrat rétinien maculaire Occlusion de branche artérielle ou veineuse rétinienne Vasculite rétinienne focale Infiltrat choroïdien focal Décollement séreux rétinien Lésions angiomateuses rétiniennes Hémorragies intrarétiniennes et vitréennes

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bien intracellulaire qu’extracellulaire dans une biopsie ganglionnaire. En 1992, Regnery et al. [17] mettent en évidence ce bacille (type Rochalimae) par des études sérologiques et microbiologiques et lui attribuent le nom définitif de Bartonella henselae. Ce bacille Gram négatif est mobile, aérobie avec un flagelle à un pôle [16, 18]. Les bactéries du genre Bartonella peuvent être isolées du sang et des ganglions à la fois par ensemencement sur gélose au sang et par culture sur cellules. Elles sont cultivées sur un milieu enrichi en sang, en atmosphère humide enrichie à 5 % de CO2. Malheureusement, l’incubation de cette hémoculture est de 2 mois, le délai d’apparition des colonies variant de 2 à 8 semaines [19]. Son identification histologique se fait à partir d’une coloration par imprégnation argentique (Warthin-Starry) au sein d’un tissu suspect (ganglions) [3]. L’amplification par PCR des gènes de la citrate synthase et de la sous-unité 16S de l’ARN ribosomial est la base de la plupart des tests permettant le diagnostic des infections à Bartonella [18]. La procédure du 2-step PCR a permis de mettre en évidence deux types de Bartonella (type 1 et 2) [20]. La PCR peut être pratiquée sur biopsie du ganglion atteint [3]. Actuellement, la sérologie est l’examen le plus facile à réaliser. Différentes techniques sont alors utilisées telles que l’immunofluorescence indirecte, le test ELISA et le Western Blot. Bien que l’histoire clinique et les manifestations oculaires soient déjà caractéristiques de la maladie, la mise en évidence de la bactérie, dans le sang ou dans un tissu suspect, confirme le diagnostic. Une étude en 1993 a montré qu’un titre en IFA (indirect immunofluorescence anticorps) supérieur à 1/64 est considéré comme significatif d’une infection récente de la maladie des griffes du chat et que la valeur prédictive positive de ce test est de 91 % [8, 21]. Une sérologie négative ou faible avec une forte suspicion de maladie de la griffe du chat doit être re-contrôlée un à deux mois plus tard. Un taux qui augmente au cours des semaines est significatif d’un début de maladie des griffes du chat [22]. Enfin, il faut souligner que la sérologie anti-Bartonella est le plus souvent négative chez les sujets infectés par le VIH [3]. En ce qui concerne le traitement de la maladie des griffes du chat, l’initiation d’une antibiothérapie reste controversée. In vitro, la sensibilité du Bartonella henselae est connue pour les antibiotiques suivants : érythromycine, ampicilline, céphalosporine de 2e et 3e génération, tétracycline, chloramphénicol, triméthoprime-sulfaméthoxazole, rifampicine, ciprofloxacine et aminoglycoside [8-15]. In vivo, seuls les aminosides sont bactéricides sur la bactérie. La majorité des cas de maladie des griffes du chat guérissent spontanément en 2 à 6 mois dans leurs formes loco-régionales et ne nécessitent donc pas de traitement antibiotique [4]. Un traitement antipyrétique et antidouleur suffit habituellement. Dans les formes compliquées, avec atteinte intraoculaire et systémique notamment, un traitement précoce

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per os de rifampicine (300 mg en 2 prises, 4 à 6 semaines), doxycycline (100 mg pendant 4 à 6 semaines), érythromycine, triméthoprime-sulfaméthoxazole ou ciprofloxacine écourte la durée de la maladie [21]. La gentamicine intraveineuse est réservée pour des pathologies sévères avec complications hématologiques ou neurologiques [9]. Dans tous les cas, il ne faut pas perdre de vue que le pronostic de la maladie des griffes du chat est excellent ; on n’a jamais décrit de complication mortelle. Le traitement du syndrome de Parinaud quant à lui, est fonction de l’étiologie. Dans le syndrome de Parinaud associé à la maladie des griffes du chat, le traitement consiste en la prise orale d’antibiotique de type rifampicine (15-20 mg/kg/j en 2-3 prises pendant 714 jours avec un maximum de 600 mg/j), triméthoprime-sulfaméthoxazole (6-8 mg/kg/j en 2-3 prises pendant 3 jours), ciprofloxacine (20-30 mg/kg/j en 2 prises pendant 7-14 jours) [4], érythromycine (30 mg/kg/j en 3 prises pendant 14 jours) selon notre expérience, et doxycycline [10].

CONCLUSION Le syndrome oculo-glandulaire de Parinaud est surtout caractérisé par une conjonctivite folliculaire associée à une adénopathie dans la zone de drainage lymphatique. Sa cause la plus fréquente est la maladie des griffes du chat qui, comme son nom l’indique, est principalement transmise par le chat domestique. Le diagnostic est confirmé par une sérologie antiBartonella henselae associée à une forte suspicion clinique. Le traitement est une antibiothérapie orale mais est peu souvent nécessaire vu l’excellente évolution de cette pathologie.

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