Maladie des griffes du chat. Étude clinique de 26 patients. Intérêt et place de la PCR

Maladie des griffes du chat. Étude clinique de 26 patients. Intérêt et place de la PCR

Rev Méd Interne 2001 ; 22 : 522-9 © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0248866301003824/FLA Article origina...

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Rev Méd Interne 2001 ; 22 : 522-9 © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0248866301003824/FLA

Article original

Maladie des griffes du chat. Étude clinique de 26 patients. Intérêt et place de la PCR P. Abgueguen1*, J.M. Chennebault1, J. Achard1, J. Cottin2, E. Pichard1 1 Service des maladies infectieuses, CHU, 4, rue Larrey, 49033 Angers cedex 01, France ; 2service de bactériologie, CHU, 4, rue Larrey, 49033 Angers cedex 01, France

(Reçu le 13 décembre 1999 ; accepté le 21 décembre 2000)

Résumé Propos. – La maladie des griffes du chat est une maladie bénigne mais dont le diagnostic reste souvent difficile. Méthodes. – Une étude rétrospective a été conduite dans le service des maladies infectieuses du CHU d’Angers. Entre janvier 1994 et octobre 1998, 26 observations étaient retenues devant la présence d’au moins trois des quatre critères suivants : contact avec un chat, présentation clinique évocatrice et évolution satisfaisante, absence d’autre cause retrouvée et présence soit d’une sérologie positive, soit d’une amplification génique positive, soit d’un examen anatomopathologique évocateur. Résultats. – L’étude portait sur 14 hommes et 12 femmes. Cliniquement, la lésion d’inoculation était retrouvée six fois, tous les patients présentaient au moins une adénopathie au cours de la maladie, 12 présentaient une simple adénopathie isolée sans signes généraux. Une biopsie chirurgicale était réalisée chez neuf patients, évoquant le diagnostic dans tous les cas. La sérologie de Bartonella henselae était pratiquée chez tous les patients. Six d’entre eux avaient un taux d’anticorps IgG significatif dès le premier dosage, une séroconversion étant observée quatre fois. La sensibilité de la méthode était de 38 %. Douze patients ont eu une recherche d’ADN par amplification génique (PCR) sur le pus obtenu après une ponction ganglionnaire. Elle était positive sept fois, soit une sensibilité de l’ordre de 58 %. En associant ces deux critères diagnostiques, la sérologie et l’amplification génique, la sensibilité était proche de 92 %, le diagnostic n’ayant pu être confirmé seulement une fois. L’évolution était favorable dans tous les cas, avec ou sans traitement antibiotique. Conclusion. – La réalisation conjointe d’une sérologie et d’une PCR sur ponction de pus permet un diagnostic de certitude dans la majorité des cas, évitant ainsi la réalisation de prélèvements plus invasifs. © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS maladie des griffes du chat / sérodiagnostic / histologie / amplification génique / Bartonella henselae

Summary – Cat scratch disease. Clinical study of 26 patients. Place and importance of PCR. Purpose. – Cat scratch disease is a mild pathology but diagnosis often remain difficult. Methods. – A retrospective study has been conducted by the department of infectious diseases at the University hospital in Angers. Between January 1994 and October 1998, 26 observations were recorded providing the presence of three criteria out of four among the following: contact with a cat,

*Correspondance et tirés à part.

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clinical presentation and its favorable course, absence of any other cause noticed, and the presence of either a positive serology or a positive PCR, or the examination of a suggestive pathology. Results. – Fourteen men and 12 women were concerned. From a clinical point of view, the inoculation lesion was observed six times, all patients showed at least one adenopathy during their illness, 12 patients showed only an adenopathy without clinical signs. A surgical biopsy was carried out on nine patients and a diagnosis established. Bartonella henselae serology was done in all patients. Six presented a significant rate of IgG antibodies as early as the first dosage. A seroconversion was observed in four cases belatedly 1 to 2 months after the beginning of the symptomatology. The method’s sensitivity was approximately 38%. A PCR search was accomplished in the pus obtained from a ganglionic puncture on 12 patients. It was positive seven times, which corresponds to a sensitivity of about 58%. In associating these two diagnostic criteria a sensitivity rate of nearly 92% was reached, the diagnosis not having been confirmed only in one case. The outcome proved to be favorable in all cases, with or without an antibiotic treatment. Conclusion. – The association of serology and PCR in the pus permits a certain diagnosis in the majority of the cases and avoids the more aggressive biopsy. © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS cat scratch disease / serology / histology / polymerase chain reaction / Bartonella henselae

La maladie des griffes du chat ou lymphoréticulose bénigne d’inoculation est une infection bactérienne due à un petit bacille à Gram négatif, Bartonella henselae. C’est en 1889 qu’ont été décrits les premiers cas de la maladie sous la forme de trois cas de conjonctivite infectieuse transmise par les animaux et s’accompagnant d’une forte réaction ganglionnaire [1]. Ce tableau clinique qui porte aujourd’hui le nom de son découvreur, le syndrome oculoganglionnaire de Parinaud, est la première description d’une des manifestations de la maladie qui n’a été réellement identifiée que 50 ans plus tard. Debré, en 1950, a décrit des cas d’adénopathies spontanément résolutives survenant dans le site de drainage d’une lésion occasionnée par une griffure de chat et a proposé le nom de « maladie des griffes du chat » [2]. Mollaret, de manière contemporaine, a proposé plutôt le terme de « lymphoréticulose bénigne d’inoculation », en insistant sur le rôle non exclusif du chat dans la transmission de la maladie. La découverte de l’agent responsable, Rochalimaea henselae, en 1992, l’a depuis lors remise sous les feux de l’actualité après avoir définitivement écarté le rôle controversé d’Afipia felis [3]. Depuis, les techniques moléculaires ont permis de mettre en évidence des homologies importantes entre le genre Rochalimaea et Bartonella, d’où son nom actuellement admis, Bartonella henselae [4].

PATIENTS ET MÉTHODES Les observations de maladie des griffes du chat ont été colligées de manière rétrospective chez 26 patients, hospitalisés ou vus en consultation, entre janvier 1994 et octobre 1998 dans le service des maladies infectieuses du CHU d’Angers. Pour être retenus dans cette étude, les patients devaient présenter au moins trois des quatre critères suivants : la notion d’un contact avec un chat, une présentation clinique évocatrice et une évolution favorable, l’absence d’autre cause retrouvée et la présence soit d’une sérologie positive soit d’une amplification génique positive soit d’un examen anatomopathologique évocateur. La sérologie était réalisée par immunofluorescence indirecte ou par méthode Elisa avec titrage des IgM et des IgG. RÉSULTATS Épidémiologie Vingt-six observations ont ainsi pu être recueillies chez 14 hommes et 12 femmes (tableau I) dont l’âge moyen était de 31 ans (extrêmes de 8 à 73 ans). Dixhuit patients avaient moins de 40 ans. Les manifestations cliniques de la maladie sont survenues dans

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Tableau I. Présentation des données cliniques, histologiques, sérologiques, de PCR et traitements des 26 patients. Cas Sexe

Âge (ans)

Contact avec un chat

Clinique

Histologie ponction et/ou biopsie

Sérologie

PCR

Traitement

Adénopathie axillaire Adénopathie inguinale + fièvre Adénopathies axillaires + fièvre Adénopathie cervicale Adénopathie inguinale

Ganglion : compatible Ganglion : compatible

– +

Non faite Négative

Macrolide Abstention

Non contributive

+

Négative

Ganglion : compatible Ganglion : compatible

– –

Non faite Non faite

Non faite

– puis +

Non faite

Ciprofloxacine puis azithromycine Abstention Doxycycline puis ciprofloxacine Ciprofloxacine

Ganglion : compatible



Non faite

Abstention

Non faite

+

Non faite

Abstention

Ganglion : compatible Non contributive Non contributive

– + – puis +

Non faite Négative Positive

Abstention Macrolide Doxycycline puis ciprofloxacine

Ganglion : compatible Ganglion : compatible Biopsie cutanée : compatible

+ – –

Non faite Non faite Non faite

Ciprofloxacine Doxycycline Pyostacine puis Doxycycline

Non contributive



Positive

Doxycycline

Non contributive



Positive

Ganglion : compatible



Non faite

Spiramycine puis ciprofloxacine Doxycycline

Ganglion : compatible



Non faite

Ciprofloxacine

Non faite Ganglion : compatible

– +

Non faite Positive

Ciprofloxacine Ciprofloxacine

Non contributive

– puis +

Négative

Ciprofloxacine

Non contributive



Positive

Ganglion : compatible, coloration de WarthinStarry positive



Négative

Foie : compatible, ganglion : compatible

– puis +

Non faite

Doxycycline puis ciprofloxacine Nombreuses antibiothérapies empiriques dont ciprofloxacine puis azithromycine et vibramycine Ciprofloxacine

Non contributive



Positive

Non contributive



Positive

1 2

F F

8 43

Oui Non

3

H

23

Non

4 5

F H

23 37

Oui Oui

6

F

10

Oui

7

F

22

Non

8

H

35

Non

9 10 11

F F F

19 12 35

Oui Oui Oui

12 13 14

H H H

21 22 40

Non Oui Oui

15

H

67

Non

16

H

26

Oui

17

H

29

Oui

18

F

21

Oui

19 20

F H

28 32

Oui Non

21

F

18

Oui

22

H

40

Oui

23

H

73

Oui

24

H

46

Oui

25

H

35

Non

26

F

41

Oui

Adénopathie axillaire + fièvre Adénopathies axillaires + fièvre Adénopathie sousmaxillaire Adénopathie axillaire adénopathie axillaire Adénopathie inguinale + fièvre – érythème noueux Adénopathies inguinales Adénopathie axillaire Adénopathie axillaire + fièvre + lésion cutanée Adénopathie sousmaxillaire+ fièvre Adénopathie axillaire Adénopathie inguinale + fièvre Adénopathie inguinale + fièvre Adénopathie axillaire Adénopathie inguinale + fièvre Adénopathie inguinale – érythème noueux Adénopathie axillaire + fièvre Adénopathies axillaires et cervicales + fièvre prolongée + localisations osseuses Adénopathie axillaire + fièvre prolongée + abcès hépatiques et spléniques Adénopathies inguinales + fièvre Adénopathie axillaire

19 cas entre septembre et janvier, dans trois cas en avril, dans deux cas en juin et dans un cas en mai et juillet.

Doxycycline puis clarithromycine Ciprofloxacine

Chez seulement 18 patients, le contact avec un chat (à domicile ou à proximité) a été clairement établi. Pour cinq patients, il s’agissait d’un contact avec un

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chaton. Pour 12 patients, on retenait la notion de griffures de chat soit à l’interrogatoire soit par la persistance d’une lésion cutanée secondaire à la griffure. Il est également important de préciser que dans cette étude, seul un patient était immunodéprimé suite à une infection par le VIH. Clinique Au moment de la première consultation ou de l’hospitalisation, seuls six patients présentaient encore la lésion cutanée d’inoculation dont cinq au niveau du membre supérieur. La présence d’au moins une adénopathie était retrouvée au cours de la maladie chez tous les patients. Dans 21 cas, il s’agissait d’une adénopathie isolée, cinq patients présentaient des adénopathies multiples dans des territoires de drainage voisins de l’inoculation : adénopathies axillaires bilatérales deux fois, adénopathies inguinales bilatérales deux fois, adénopathies axillaires et cervicales gauches une fois. La fièvre n’était notée que chez 13 patients. Seuls trois patients présentaient des pics thermiques au-delà de 39 °C. Parmi ces trois patients, deux avaient des manifestations systémiques de la maladie des griffes du chat. L’asthénie n’était signalée que sept fois et un amaigrissement deux fois. Au total, 12 patients consultaient pour une ou plusieurs adénopathies isolées, sans aucune autre manifestation clinique. Il faut enfin signaler des localisations atypiques dans deux cas. Il s’agissait dans le premier cas d’une forme avec des localisations hépatospléniques et, dans l’autre cas, de localisations osseuses avec multiples abcès froids. Dans deux cas, un érythème noueux a été observé au cours de l’évolution de la maladie, sous traitement. DIAGNOSTIC Les examens biologiques usuels n’ont été d’aucune aide au diagnostic. L’hyperleucocytose était très inconstante, présente seulement neuf fois. Le syndrome inflammatoire était modéré ou absent (protéine C réactive entre 8 et 30 mg/L dans cinq cas, supérieure à 30 mg/L dans quatre cas). Une cytolyse avec cholestase a été observée deux fois sur les 15 bilans hépatiques analysables. Tous les patients sélectionnés dans l’étude ont eu des dosages sérologiques pour Bartonella henselae,

soit par immunofluorescence indirecte soit par méthode Elisa. La présence d’un taux d’anticorps significatif en IgG et/ou en IgM dès le premier dosage était retrouvée chez six patients. Dans quatre observations, on retrouvait une séroconversion, celle-ci étant tardive, un à deux mois après le début de la symptomatologie. Au total, la sérologie permettait d’affirmer le diagnostic de maladie des griffes du chat dans 38 % des observations. La mise en évidence du génome de Bartonella henselae au sein d’un prélèvement ganglionnaire ou d’une autre localisation (biopsie hépatique une fois, biopsie osseuse une fois), par amplification génique, était l’un des éléments essentiels au diagnostic. Celle-ci était réalisée chez 12 patients. On retrouvait la présence d’ADN bactérien chez sept patients alors que l’amplification génique était négative cinq fois. Au total, la technique d’amplification génique permettait de porter le diagnostic de maladie des griffes du chat dans 58 % des observations pour lesquelles elle avait été effectuée. En associant ces deux méthodes diagnostiques, seul un patient sur 12 n’avait pas d’argument biologique en faveur d’une maladie des griffes du chat. Le diagnostic était retenu, dans ce cas, sur l’association des autres critères diagnostiques. L’étude anatomopathologique des lésions ganglionnaires, cutanées ou hépatiques de la maladie des griffes du chat permettait également d’aider à orienter le diagnostic. Parmi les 26 patients, neuf bénéficiaient d’une biopsie chirurgicale ganglionnaire (sept fois), cutanée (une fois) ou hépatique (une fois). Dans tous les cas, l’analyse histologique retrouvait des lésions à type de granulomes pyoépithélioïdes évocateurs de la maladie. Sur 11 examens histologiques du liquide de ponction ganglionnaire réalisés, neuf prélèvements étaient également évocateurs de la maladie des griffes du chat par la présence de cellules pyoépithélioïdes. La coloration de Warthin-Starry, permettant la visualisation directe des bactéries au sein des biopsies n’était réalisée que dans trois cas, le résultat n’étant positif qu’une seule fois. TRAITEMENT Parmi les 26 patients, cinq guérissaient sans traitement antibiotique dont quatre avaient bénéficié d’une biopsie ganglionnaire à visée diagnostique ayant permis l’amendement des signes cliniques.

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La ciprofloxacine était administrée chez 14 patients, à la posologie de 1 g par jour, avec une efficacité chez dix d’entre eux, un échec dans deux cas et deux interruptions de traitement en raison de la survenue d’un érythème noueux au cours de la prise médicamenteuse. À quatre reprises, la ciprofloxacine était utilisée en association ou en relais d’un autre antibiotique. La doxycycline était utilisée chez neuf patients avec des résultats satisfaisants pour six d’entre eux à la dose de 200 mg/j. Enfin des macrolides étaient prescrits chez six patients, la spiramycine étant inefficace, l’azithromycine et la clarithromycine ayant une remarquable efficacité. ÉVOLUTION Tous les patients guérissaient sans séquelle, sauf un qui présentait des lésions osseuses lytiques importantes notamment au niveau de la hanche gauche nécessitant la pose d’une prothèse de hanche à distance de l’épisode infectieux. La guérison complète était obtenue en deux à quatre mois dans 19 cas. Dans trois cas, elle était plus tardive. La durée maximale d’évolution était de 18 mois. DISCUSSION La maladie des griffes du chat est une maladie bénigne de l’enfant et de l’adulte jeune dont le mode de révélation est le plus souvent l’apparition d’une adénopathie isolée, associée ou non à un syndrome fébrile. Le diagnostic a surtout l’intérêt d’écarter d’autres maladies plus graves au premier rang desquelles se trouvent les maladies hématologiques et les mycobactérioses. Cette affection touche essentiellement les enfants, 50 à 55 % ayant moins de 15 ans [5]. Dans notre série où les patients sont recrutés dans un service d’adulte, la moyenne d’âge reste basse (31 ans) un seul patient ayant plus de 50 ans. Une prédominance masculine modérée de l’ordre de 54 à 60 % est régulièrement mentionnée dans la littérature [6]. Le pic de fréquence de la maladie est automno-hivernal [7], en raison du mode de transmission de la maladie. En effet, la prolifération des puces a lieu pendant la saison chaude ; or les puces sont le vecteur de la maladie et elles contaminent le réservoir que sont les chats. Le fait que les chats restent bactériémiques pendant

six mois en moyenne après l’infection explique la prépondérance des cas plutôt durant les six derniers mois de l’année. Le contact avec le chat, retrouvé seulement dans près de 70 % dans notre étude, est généralement noté avec une fréquence plus élevée, de l’ordre de 90 % lorsque l’interrogatoire est minutieux. Il s’agit de chatons dans la majorité des cas (70 %) [5]. Le tableau clinique de la forme typique est l’apparition d’une adénopathie subaiguë, précédée d’une lésion d’inoculation et associée ou non à quelques signes généraux. Après une période d’incubation de trois à dix jours, 60 à 93 % des patients développent une lésion d’inoculation au niveau du site de griffure initiale. Il s’agit d’une papule ou d’une pustule, plus ou moins prurigineuse, mesurant 3 à 5 mm. Cette lésion peut persister de quelques jours à quelques mois [8]. Cependant, la lésion d’inoculation est le plus souvent fugace et pas toujours recherchée, ce qui explique le petit nombre de cas où elle est retrouvée dans notre série. Deux à trois semaines après l’inoculation, apparaît une adénopathie dans le territoire de drainage lymphatique du site d’inoculation. La présence d’une adénopathie est constante dans la littérature comme dans nos observations. Dans 85 % il s’agit d’une seule adénopathie, mais il peut y avoir plusieurs ganglions de proximité atteints. L’adénopathie est isolée, c’est-à-dire sans lésion cutanée d’inoculation et sans signes généraux dans 45 à 50 % des cas. La majorité des adénopathies mesure entre 1 et 5 cm de diamètre, mais le diamètre initial en début de maladie peut atteindre 12 cm. Pendant les deux premières semaines, celle-ci est sensible et tendue, puis elle régresse et disparaît généralement en deux à quatre mois. Il faut cependant signaler des durées d’évolution plus prolongées, de l’ordre de un à trois ans. Dans 12 à 16 % des cas, l’adénopathie peut devenir fluctuante et nécessiter une ponction à l’aiguille afin d’éviter l’évolution vers la suppuration. Quatre-vingt pour cent des ganglions sont retrouvés dans les aires ganglionnaires axillaires, épitrochléennes, cervicales et supraclaviculaires [5]. Des signes généraux, relativement inconstants, peuvent être associés. Ils apparaissent plus fréquemment chez l’adulte semble t-il (dans 75 % des cas), que chez l’enfant (45 à 50 % des cas) [9]. Dans notre série, des signes généraux sont présents chez 14 des 26 patients, soit 54 % des cas, soit légèrement inférieurs à ceux retrouvés dans la littérature mais les

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signes tels que les céphalées, la pharyngite, la conjonctivite n’étaient pas recherchés dans notre étude. Le signe le plus fréquemment présent est la fièvre, notée dans 30 à 50 % des cas. Il est à noter qu’une étude récente chez l’enfant affirme que la troisième cause confirmée de fièvre prolongée est l’infection à Bartonella henselae [10]. Dans 5 à 15 % des cas, la symptomatologie diverge de la typique adénopathie localisée, la liste des manifestations atypiques continuant de s’étendre grâce aux progrès diagnostiques. On peut citer le syndrome oculoganglionnaire de Parinaud, associant une conjonctivite granulomateuse monoculaire généralement indolore à une adénopathie homolatérale [11] et l’encéphalopathie aiguë qui est la manifestation neurologique la plus fréquente mais décrite dans moins de 50 observations [12]. L’atteinte hépatosplénique, constatée chez l’un de nos patients, est également exceptionnelle. L’imagerie montre des lésions nodulaires intrahépatiques et/ou spléniques hypoéchogènes à l’échographie et hypodenses au scanner. La guérison est habituellement spontanée en deux à quatre mois. La plupart des cas ont été décrits chez des patients immunodéprimés infectés par le VIH [13, 14]. La possibilité d’observer l’existence d’un érythème noueux au cours de la maladie des griffes du chat, comme dans deux de nos observations, est discutée. En effet, les patients reçoivent fréquemment au cours de l’infection des médicaments pouvant induire un érythème noueux. Dans nos deux cas, l’érythème noueux est apparu secondairement à la prise de ciprofloxacine conduisant à l’interruption de ce traitement. Quelques observations signalent l’existence de ce syndrome au cours de la maladie [5]. D’autres formes telles que des neurorétinites, des radiculites, des polynévrites, des myélopathies, un purpura thrombocythémique et des localisations osseuses avec des lésions ostéolytiques sont également très rares [15]. Les examens biologiques de routine ne sont pas spécifiques et ne présentent souvent aucune anomalie. L’hyperleucocytose, retrouvée à neuf reprises dans notre série (35 %), est signalée de manière inconstante dans les autres publications, avec une fréquence de 30 à 40 %, et traduit généralement une forme plus sévère avec des signes généraux plus marqués ou une dissémination systémique [16]. Un syndrome inflammatoire souvent modéré est notifié.

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La ponction ganglionnaire, lorsqu’elle est réalisable, permet d’obtenir un pus épais et souvent verdâtre. L’analyse histologique du pus ou de la biopsie ganglionnaire est évocatrice du diagnostic mais non spécifique puisque des résultats similaires peuvent également être retrouvés dans les infections à mycobactéries, la tularémie, la maladie de Nicolas-Favre, la brucellose, les infections candidosiques, la sarcoïdose et la granulomatose chronique. L’aspect histologique est celui d’un granulome pyoépithélioïde gigantocellulaire avec parfois une nécrose centrale conduisant l’anatomopathologiste à répondre « aspect compatible » avec le diagnostic de maladie des griffes du chat. Les aspects anatomopathologiques des lésions cutanées au niveau du site d’inoculation ou des lésions hépatospléniques sont comparables aux lésions ganglionnaires. Dans notre étude, seules deux analyses du liquide de ponction n’étaient pas évocatrices du diagnostic. L’identification au sein du granulome de bacilles par l’imprégnation argentique de Warthin-Starry constitue une preuve diagnostique formelle [17]. Les bacilles argyrophiles, en amas ou en courtes chaînettes, se trouvent dans les zones de nécrose, dans les macrophages ou dans la paroi des vaisseaux. Cette coloration est malheureusement longue et difficile à interpréter et la présence des germes est inconstante, retrouvée surtout au début des symptômes cliniques. Cette difficulté à la réalisation et à l’interprétation de cette coloration explique qu’elle n’a été réalisée que trois fois dans notre série, permettant une seule fois une certitude diagnostique. Le diagnostic de certitude repose en pratique essentiellement sur la réalisation d’une sérologie et/ou d’une PCR. La sérologie est la méthode la plus simple. Cette technique a permis d’abandonner le test antigénique par intradermoréaction réalisé à partir du pus de patients atteints et dont l’innocuité n’était pas nulle. Les méthodes utilisées pour la recherche d’anticorps spécifiques de Bartonella henselae sont soit l’immunofluorescence indirecte soit, plus récemment, la technique Elisa [18]. Actuellement, un titre d’IgG supérieur à 1/100 est considéré comme significatif d’une infection récente dans le diagnostic de la maladie des griffes du chat. La spécificité des différentes méthodes est satisfaisante, de l’ordre de 95 à 100 % mais des réactions croisées existent cependant. Ainsi des réactions croisées existent entre Bartonella henselae et Bartonella quintana [19], agent

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responsable de la fièvre des tranchées ainsi qu’entre le genre Bartonella et d’autres bactéries, notamment Coxiella burnetti [20] et les espèces du genre Chamydiae [21], pouvant parfois faire porter à tort le diagnostic de maladie des griffes du chat, même si en clinique, il est difficile de confondre ces différents types d’infections, les réactions croisées ayant surtout une implication diagnostique dans les endocardites à hémocultures négatives. La sensibilité des différentes méthodes est plus faible et très variable selon les études. Cela s’explique par le fait qu’il n’existe pas actuellement de test standardisé et, pour certains auteurs, il semble exister des différences de résultats selon les souches de Bartonella henselae utilisées comme antigène et selon que celles-ci ont été cultivées sur gélose ou sur cellule [21]. La sensibilité dépendrait également de la date à laquelle elle a été réalisée par rapport au début de la maladie. Dans une étude, Bergmans estimait la sensibilité de la technique par immunofluorescence indirecte à 32 % pour les IgG lors de la préparation antigénique sur culture cellulaire, à 40 % lors d’une préparation antigénique sur gélose au sang, et à respectivement 45 et 50 % en fonction du milieu de préparation antigénique pour les IgM. Pour la méthode Elisa, la sensibilité est très faible pour les IgG, de l’ordre de 9,5 %, mais nettement supérieure pour les IgM, à 71 % [22]. D’autres études retrouvaient au contraire une sensibilité voisine de 95 % [23]. Ces différences de résultats expliquent la difficulté d’interprétation d’une sérologie négative qui ne doit pas faire écarter le diagnostic de maladie des griffes du chat. Dans notre étude, on retrouve une sensibilité particulièrement faible, de l’ordre de 38 %. Il aurait sans doute été souhaitable de préciser la date de réalisation de cette sérologie par rapport au début de la maladie, cela n’ayant pu être fait dans cette étude rétrospective qui reflète cependant la pratique clinique courante. L’utilisation récente de la biologie moléculaire permet d’autres méthodes diagnostiques. La détection d’ADN bactérien par réaction d’amplification génique ou PCR peut s’appliquer aux différents tissus susceptibles d’être infectés dont le ganglion (sur le liquide purulent de ponction ganglionnaire ou sur la biopsie), le foie, la peau et même un prélèvement conjonctival sur un écouvillon. La technique est rapide (48 heures) et permet un diagnostic précoce avant toute modification sérologique. La spécificité de la méthode est excellente, entre 95 et 100 %, et la sen-

sibilité un peu meilleure que les sérologies, de l’ordre de 65 à 85 % [22-24], même si dans notre étude, la sensibilité obtenue est plus faible (58 %). En revanche, en associant la réalisation d’une sérologie et d’une PCR, la sensibilité obtenue devient très élevée puisque celle-ci atteint 92 %. Il semble donc important d’utiliser les deux méthodes si l’on souhaite obtenir une certitude diagnostique. Les gestes biopsiques, invasifs pour une maladie bénigne, doivent être réservés aux observations avec des localisations inhabituelles ou lors de difficultés diagnostiques, la PCR n’économisant la biopsie ganglionnaire que si celle-ci est réalisable sur un matériel facilement accessible et en prenant en compte le coût d’un tel examen. Dans la majorité des cas, aucun traitement n’est nécessaire compte tenu de l’évolution habituellement bénigne de la maladie, surtout si la symptomatologie est modérée et survient chez un patient immunocompétent. Cependant, l’antibiothérapie permettrait de prévenir les complications, notamment neurologiques, et de raccourcir la durée d’évolution de la maladie. Un grand nombre d’antibiotiques sont efficaces in vitro. Une étude réalisée sur trois isolats montrait qu’ils étaient tous hautement sensibles aux bêtalactamines, aux aminosides, aux macrolides (érythromycine, clarithromycine, azithromycine), aux tétracyclines et à la rifampicine alors qu’ils étaient très variables aux fluoroquinolones et que les CMI étaient élevées aux céphalosporines de première génération et à la clindamycine [25]. D’autres études plus anciennes donnaient déjà ces résultats [26, 27]. Cependant, en pratique, nombre de ces antibiotiques s’avèrent inefficaces in vivo. Le défaut de pénétration intracellulaire et la séquestration de l’antibiotique en dehors des structures ganglionnaires lors de la distribution tissulaire sont l’explication principale du phénomène. Les fluoroquinolones s’avèrent efficaces dans de nombreuses études, et notamment la ciprofloxacine [28] qui a une excellente distribution intracellulaire. Le problème principal d’utilisation est sa contre-indication chez l’enfant de moins de 12 ans. Les macrolides, au premier rang desquels figure l’érythromycine, ont une efficacité prouvée en cas d’angiomatose bacillaire mais semblent inefficaces dans la maladie des griffes du chat. Les nouveaux macrolides pourraient avoir un meilleur résultat, des études récentes ayant décrit une bonne efficacité avec azithromycine [29, 30]. Le cotrimoxazole a une efficacité discutée, entre 60 et

Maladie des griffes de chat

97 %, mais a l’avantage de pouvoir être administré facilement aux enfants [31]. Les aminosides et la rifampicine conduisent à un bon succès thérapeutique [32]. Les tétracyclines en revanche, si elles ont une bonne efficacité in vitro, semblent peu indiquées in vivo. En conclusion, la maladie des griffes du chat est une maladie bénigne en dehors de quelques localisations inhabituelles. Le diagnostic doit cependant être posé afin d’écarter d’autres maladies plus graves. L’association d’une sérologie et d’une PCR semble avoir la meilleure rentabilité diagnostique, permettant un diagnostic de certitude dans la majorité des cas en évitant tout geste invasif. RE´ FE´ RENCES 1 Parinaud H. Conjonctivite infectieuse paraissant transmise à l’homme par les animaux. Soc Ophtalmol Paris 1889 ; 2 : 29-31. 2 Debré R, Lamy M, Jammet ML, Costil L. Mozziconacci. La maladie des griffes du chat. Bull Mem Soc Méd Hôp 1950 ; 66 : 76-9. 3 Regnery RL, Anderson BE. Caracterization of a novel Rochalimaea Species, R. henselae sp. nov., isolated from blood of a febrile, human immunodeficiency virus positive patient. J Clin Microbiol 1992 ; 30 : 265-74. 4 Brenner DJ, O’Connor S, Winkler HH, Steigerwalt AG. Proposals to unify the genera Bartonella and Rochalimaea, with descriptions of Bartonella quintana comb. Nov., Bartonella vinsonii comb. Nov., and to remove the family Bartonellaceae from the order Rickettsiales. Int J Syst Bacteriol 1993 ; 43 : 777-86. 5 Carithers HA. Cat-scratch disease. An overview based on a study of 1,200 patients. Am J Dis Child 1985 ; 139 : 1124-33. 6 Jackson LA, Perkins BA, Wenger JD. Cat scratch disease in the united states : an analysis of three national databases. Am J Public Health 1993 ; 83 : 1707-11. 7 Higgins JA, Radulovic S, Jaworski DC, Azad AF. Acquisition of the cat scratch disease agent Bartonella henselae by cat fleas. J Med Entomol 1996 ; 33 : 490-5. 8 Margileth AM. Cat-scratch disease update. Am J Dis Child 1984 ; 138 : 711-3. 9 Margileth AM. Cat-scratch disease : etiology, diagnosis and therapy. Infect Med 1993 ; 10 : 38-43. 10 Jacobs RF, Schutze GE. Bartonella henselae as a cause of prolonged fever and fever of unknown origin in children. Clin Infect Dis 1998 ; 28 : 80-4. 11 Carithers HA. Oculoglandular disease of Parinaud, a manifestation of cat-scratch disease. Am J Dis Child 1978 ; 132 : 1195200. 12 Lyon LW. Neurologic manifestations of cat-scratch disease. Arch Neurol 1971 ; 25 : 23-7. 13 Lamps LW, Gray GF, Scott MA. The histologic spectrum of hepatic cat scratch disease. A series of six cases with confirmed Bartonella henselae infection. Am J Surg Pathol 1996 ; 20 : 1253-9. 14 Liston TE, Koehler JE. Granulomatous hepatitis and necrotizing splenitis due to Bartonella henselae in a patient with cancer : case report and review of hepatosplenic manifestations of Bartonella infection. Clin Infect Dis 1996 ; 22 : 951-7.

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