Maladies auto-inflammatoires et inflammasomes

Maladies auto-inflammatoires et inflammasomes

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Maladies auto-inflammatoires et inflammasomes Fièvre méditerranéenne familiale, syndrome hyper-IgD, fièvre hibernienne, syndrome de MuckleWells, les maladies auto-inflammatoires, qui se présentent sous forme d’épisodes inflammatoires récurrents, sont souvent dues à des mutations de gènes. Ces gènes ont en commun une séquence codant pour un domaine protéique dit “pyrin” ». Celui-ci, en s’associant à des « pyrin » d’autres protéines, aboutit à la formation d’un inflammasome, pièce centrale de l’immunité innée. C’est ce complexe protéique qui, par activation d’interleukines, va provoquer la réaction inflammatoire.

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aractérisées par des poussées inflammatoires en l’absence de tout facteur déclenchant, les maladies auto-inflammatoires ont commencé à être étudiées il y a environ 20 ans. Elles n’étaient alors pas désignées comme maladies auto-inflammatoires mais comme fièvres héréditaires.

La fièvre méditerranéenne familiale ou fièvre périodique La plus connue des fièvres héréditaires est la fièvre méditerranéenne familiale (FMF) ou maladie périodique. Son tableau clinique est peu spécifique, constitué de poussées de fièvre récurrentes avec des signes inflammatoires touchant surtout les séreuses. Elle n’existe pas en Europe du Nord mais elle est très fréquente sur le pourtour méditerranéen, avec une probabilité importante d’évolution vers une amylose de forme AA. Le pronostic de cette forme d’amylose est particulièrement sombre, puisqu’il est associé à une survie inférieure à 5 à 10 ans dès lorsqu’elle est diagnostiquée.

Une mutation génétique En 1992-1993, le gène responsable est localisé sur le bras court du chromosome 16. Une étude des haplotypes a pu être menée alors sur un grand nombre de familles atteintes de FMF, afin de localiser les mutations. Le constat d’un effet fondateur s’est révélé très utile pour mieux cibler la localisation du gène, appelé MEFV (MEditerranean FeVer). Puis l’analyse des mutations responsables de la maladie a pu être faite par

Pourquoi cettte fréquence é de FMF sur le pourto our méditerranéen ?

séquençage comparatif de personnes saines et de personnes atteintes de FMF. Découvert quasiment en même temps par deux consortiums, français et américano-israélien, qui travaillaient sur ce thème, ce gène MEFV code pour une protéine nommée marenostrine ou pyrine. Le rôle de cette protéine est alors peu connu, s’exprimant dans les cellules mononucléées et les polynucléaires. Il s’avère que les mutations correspondant à l’haplotype fondateur sont toujours associées à la survenue d’amylose AA, même si l’incidence de l’amylose est extrêmement variable selon les populations atteintes de FMF. Ce constat a suscité beaucoup d’espoir et a conduit à mettre au point et commercialiser un test diagnostique génétique afin de mieux identifier les personnes, les enfants notamment, susceptibles de développer la maladie auto-inflammatoire et donc l’amylose. Malheureusement, la présence de deux mutations n’est effective que pour 45 % des patients étudiés. Or, compte tenu du caractère récessif de la maladie, il faut la présence des deux mutations... Cela laisse penser qu’il doit exister d’autres gènes impliqués. Par ailleurs, la composante environnementale est fondamentale et s’exprime par le fait que la population arménienne atteinte, vivant sur le pourtour méditerranéen, va développer l’amylose alors que la population arménienne atteinte vivant en Californie n’en développera pas.

Diagnostic clinique Le diagnostic clinique est très difficile dans la mesure où les signes sont très peu spécifiques : fièvre périodique, mais de périodicité variable, polysérites (douleurs au ventre, aux articulations et de la fièvre...). Il ne peut alors être fondé que sur l’origine ethnique et la réponse à la colchicine, et reste très incertain. Le diagnostic de certitude repose donc sur l’isolement du gène et la caractérisation des mutations, cette maladie s’exprimant selon un mode de transmission autosomique récessive. Traitement de la FMF Découvert de manière totalement empirique et encore inexpliqué, le traitement de cette fièvre méditerranéenne consiste en l’administration de colchicine à raison de 1 à 2 mg par jour (doses inférieures à leur effet antimitotique). Non seulement ce traitement supprime les poussées de fièvre dans la plupart des cas, mais surtout il fait totalement disparaître le risque

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Effet fondateur familiale au froid, syndrome Chronique inflammatoire neurologique cutané et articulaire (Cinca), une maladie infantile appelée encore Nomid... Mais également, et selon les facteurs environnementaux, une même mutation peut conduire à un syndrome de Muckle-Wells ou à une urticaire familiale au froid (UFF)...

Physiopathologie et notion d’inflammasome

d’amylose (expliquant ainsi que des enfants peuvent être mis sous traitement à vie dès les premiers signes évocateurs de FMF !). Poser le diagnostic de FMF est donc particulièrement important pour induire ce traitement à bon escient et prévenir ainsi la survenue de cette forme dramatique d’amylose.

Les autres fièvres héréditaires

L’auteur n’a pas déclaré de conflit d’intérêts en lien avec cet article. Source Communication du professeur Marc Delpech, lors des 53 es Journées de biologie clinique de Necker, Paris, février 2011.

Les autres fièvres héréditaires étaient à l’époque plus “anecdotiques” quant à la fréquence de leur survenue. Il s’agit de la fièvre hibernienne (identifiée en Irlande pour la première fois), du syndrome d’hyper-IgD (Hollande) et du syndrome de MuckleWells (Angleterre). Toutes ces formes conduisent également à l’amylose, mais avec une moindre probabilité. Leur étude a été menée selon les mêmes protocoles d’études de familles atteintes. ŘDans le cas de la fièvre périodique d’hyper-IgD ou MAPS (Mevalonate kinase associated periodic fever syndrome), le gène candidat aux mutations responsables de la maladie autoinflammatoire est le gène MVK codant pour une mévalonate kinase. Cette enzyme intervient dans la synthèse du cholestérol et, comme pour la FMF, le rôle de cette protéine est mal connu dans l’apparition de la pathologie inflammatoire et la production des IgD. Il a été établi tout de même qu’un défaut de géranylation est susceptible d’induire l’activation des interleukines et donc l’inflammation. ŘPour la fièvre hibernienne ou TRAPS (tumor necrosis factor receptor-associated periodic syndrome), en revanche, les mutations responsables touchent le gène du récepteur 1 du TNF (tumor necrosis factor), l’implication est ici plus évidente, compte tenu du rôle majeur du TNF dans les mécanismes d’inflammation. Les mutations sont toujours à proximité de cystéines et des ponts disulfure, agissant ainsi directement sur la structure du récepteur, même si ces modalités d’action sont différentes selon les mutations. Ř Le syndrome de Muckle-Wells (SMW) est, pour sa part, lié à un gène situé sur le chromosome 1, dit NALP3 (ou encore CIAS1 ou PyPAF1), et codant pour une protéine appelée cryopyrine. Les mutations sont situées sur un domaine de fixation des nucléotides. Cette protéine possède deux autres domaines : un domaine dit pyrin et un domaine dit LRR riche en leucine. Le mécanisme d’apparition des pathologies s’avère complexe. En effet, ce gène est finalement responsable de trois maladies différentes selon la mutation présente : Muckle-Wells, urticaire

Depuis 1997 et le clonage du gène MEFV, la banque de données des gènes impliqués dans les maladies dites auto-inflammatoires s’est largement enrichie et c’est ainsi que les mécanismes physiopathologiques ont finalement pu être appréhendés. En effet, ces gènes ont en commun de posséder une séquence codant pour le domaine protéique dit “pyrin”. La particularité de ce domaine pyrin est de pouvoir s’associer au domaine pyrin (ou très proche) d’une autre protéine. Ainsi le domaine pyrin de la marenostrine/pyrine est capable de s’associer au domaine pyrin de la protéine ASC (protéine impliquée dans l’apoptose), elle-même constituée de deux domaines, le domaine pyrin et un domaine de recrutement des caspases. L’activation de la caspase-1 va elle-même être responsable de l’activation de l’interleukine 1β, dont on connaît le rôle majeur dans le développement de la réaction inflammatoire. Ainsi s’explique le caractère auto-inflammatoire de la FMF. De même, la cryopyrine contient un domaine pyrin et agirait selon le même mécanisme. L’association (marenostrine/pyrine-ASC-caspase 1) s’appelle un inflammasome. Il en existe plusieurs formes, toujours constituées à partir d’une protéine possédant un domaine pyrin spécifique d’un phénomène inflammatoire particulier et conduisant toujours à l’activation des interleukines. Les différents inflammasomes activent ainsi différentes interleukines, toutes impliquées dans les mécanismes inflammatoires. Cette connaissance du lien entre le domaine pyrin et l’inflammation nous éclaire sur la convergence des maladies auto-inflammatoires vers l’immunité innée, première ligne de défense avant l’activation des voies lymphatiques. En effet, l’inflammasome est la pièce centrale de l’immunité innée : les bactéries sécrètent les toxines, qui activent les inflammasomes, et l’on comprend mieux pourquoi les réactions inflammatoires très fortes pouvaient “protéger” les gens du Moyen Âge lors des grands épisodes infectieux. On sait maintenant aussi que c’est par activation des inflammasomes qu’agissent l’acide urique dans la goutte, la silice, l’amiante, et même l’hydroxyde d’alumine dans son rôle d’adjuvant. L’enthousiasme né de cette connaissance est cependant entaché d’incertitude, comme souvent en recherche. En effet, le mécanisme n’est pas vraiment élucidé, puisqu’aucune des mutations impliquées dans la pathologie auto-inflammatoire ne concerne le domaine pyrin... |

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ROSE-MARIE LEBLANC Consultant biologiste, Bordeaux (33) [email protected]

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