Manifestations cliniques et biologiques Diagnostic du lupus érythémateux
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Olivier Meyer
Critères de classification
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Manifestations cliniques
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Manifestations biologiques
Tableau 3.1. Critères ACR retenus en 1982 et modifiés en 1987 pour la classification de la maladie lupique.
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Les manifestations cliniques et biologiques du lupus érythémateux systémique sont extrêmement protéiformes. Elles varient d’un sujet à l’autre, aussi bien au début de la maladie que durant l’évolution, marquée par des rémissions et des poussées spontanées ou déclenchées par des allégements thérapeutiques apportés par le médecin ou du fait d’une initiative personnelle du malade. Aucune manifestation n’est constante d’une poussée à l’autre chez un patient donné et, a fortiori, d’un malade à l’autre. Certaines manifestations cliniques et/ou biologiques sont cependant assez caractéristiques pour conduire au diagnostic et à la prescription d’examens immunologiques de confirmation telle que la découverte d’un taux élevé d’anticorps antiADN natif ou d’antinucléosomes et/ou d’anticorps antiantigènes nucléaires solubles types anti-Sm.
CRITÈRES DE CLASSIFICATION (voir aussi p. 71) Compte tenu des multiples profils clinicobiologiques du lupus érythémateux systémique, il a été nécessaire d’élaborer des critères recouvrant la majorité des manifestations observées dans le lupus érythémateux systémique dont le groupement au nombre minimum de 4/11 critères retenus est nécessaire et suffisant pour classer un patient comme ayant un lupus érythémateux systémique. Ces critères, dits de classification de l’Association des rhumatologues américains (ACR), datent de 1982 dans leur actuelle formulation et ont été actualisés en 1997 pour tenir compte des tests immunologiques plus modernes désormais disponibles (tableau 3.1). Lupus érythémateux © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
1. Éruption malaire en ailes de papillon 2. Éruption de lupus discoïde 3. Photosensibilité 4. Ulcérations buccales ou nasopharyngées 5. Polyarthrite non érosive 6. Pleurésie ou péricardite 7. Atteinte rénale : protéinurie > 0,5 g/j (ou +++) ou cylindres urinaires 8. Atteinte neurologique : convulsions ou psychose 9. Atteinte hématologique : anémie hémolytique avec hyperréticulocytose ou 3 ■ leucopénie < 4 000/mm ou 3 ■ lymphopénie < 1 500/mm ou 3 ■ thrombopénie < 100 000/mm 10. Anomalie immunologique : présence : ■ d’anticorps anti-DNA natif ou ■ d’anticorps anti-Sm ou ■ d’anticorps antiphospholipides par l’un des tests suivants : – Taux anormal d’IgG ou d’IgM anticardiolipine – Présence d’un anticoagulant circulant de type lupique avec une méthode standard – Fausse sérologie syphilitique depuis plus de 6 mois, confirmée par un test de Nelson ou une immunofluorescence absorbée. 11. Présence d’un titre anormal d’anticorps antinucléaires 4 critères « lupus érythémateux systémique » simultanés ou successifs sans limitation de temps sont nécessaires et suffisants pour classer un patient.
Ces critères n’ont pas de limitation dans le temps : ainsi, un purpura thrombopénique auto-immun survenu 20 ans avant une polyarthrite avec éruption cutanée et anticorps antinucléaires peut constituer le 4e critère « manquant » de classification. Ces critères reflètent mal cependant au sein d’un organe particulier (y compris la peau) les multiples présentations possibles du lupus érythémateux systémique et le clinicien peut certes s’aider des critères de classification pour faire le diagnostic mais il ne doit pas se sentir « prisonnier » de ces critères pour retarder une prise en charge thérapeutique 41
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LUPUS ÉRYTHÉMATEUX adaptée aux symptômes et signes présentés par son patient. De toute façon, ces critères appliqués aux séries de lupus érythémateux débutants ont une sensibilité de l’ordre de 75 % et une spécificité de 90 %. Les formes ne répondant pas à 4 critères ACR seront qualifiées de « prélupus » ou de lupus « incomplet » ou de « connectivite indéterminée » selon les symptômes et signes dominants et les habitudes de l’équipe médicale. Nous décrirons les principales manifestations cliniques et biologiques organe par organe de façon analytique, puis de façon synthétique en regroupant les principaux tableaux observés sous l’appellation « formes cliniques évolutives ».
MANIFESTATIONS CLINIQUES SIGNES GÉNÉRAUX Ils témoignent habituellement de l’évolutivité de la maladie. La fièvre est le signe le plus fréquent (50 à 80 % des cas), elle invite à rechercher une complication infectieuse, locale ou générale, très fréquente sur ce terrain. Elle s’accompagne de fatigue de façon constante et parfois de perte de poids. Les signes généraux, très corticosensibles, précèdent souvent une poussée viscérale de la maladie. La fatigue, quantifiable par un score (par exemple le fatigue severity score) n’est cependant pas corrélée à l’activité du lupus, ni à une atteinte neurologique centrale. Elle est corrélée avec des manifestations de fibromyalgie et de dépression.
MANIFESTATIONS CUTANÉES Elles inaugurent l’affection une fois sur quatre, elles peuvent manquer tout au long de l’évolution également une fois sur quatre. On distingue les lésions dermatologiques spécifiquement lupiques [1], les lésions vasculaires, notamment celles reflétant une vasculopathie thrombosante et conférant un profil évolutif particulier, et enfin les lésions du lupus érythémateux neutrophilique [2] (tableau 3.2).
Lésions lupiques spécifiques La classification selon le niveau cutané atteint (jonction dermo-épidermique, derme et hypoderme) illustrée dans le tableau 3.2 est la plus logique. On distingue depuis Gilliam et al. notamment trois types de lésions cutanées lupiques de la jonction dermo-épidermique : Le lupus érythémateux cutané aigu avec érythème malaire (vespertilio) (figures 3.1 et 3.2). Cet érythème des pommettes s’étend volontiers au décolleté, il prend souvent un caractère centrifuge, gagnant le front, le pavillon des oreilles. Cette éruption peut siéger à d’autres zones cutanées photo-exposées (figure 3.3), dos des doigts notamment, avec un aspect érythémato-papulo-squameux épargnant les régions articulaires. Elle s’accompagne parfois d’un œdème volumineux au visage. Plus rarement, il s’agit de lésions bulleuses. Le lupus érythémateux chronique est dominé par les lésions de lupus érythémateux discoïde [3], plaques érythémateuses circonscrites, uniques ou multiples, progressant vers la périphérie, d’aspect papulo-squameux (figure 3.4), évoluant vers l’atrophie et la dyschromie, plus rarement prenant un aspect hypertrophique. Ces lésions siègent au visage, aux oreilles, au cuir che42 velu, laissant souvent une alopécie définitive, voire aux membres.
Tableau 3.2. Lésions cutanées au cours du lupus érythémateux d’après [2]. Lésions spécifiques du lupus érythémateux ■ LE dermo-épidermique : – aigu : localisée ou diffus – subaigu : psoriasiforme ou annulaire – chronique : nombreuses variétés anatomocliniques – indéterminé/inclassable – bulleux : bulles tendues jusqu’au tableau ressemblant à la nécrolyse épidermique toxique ■ LE dermique : – LE tumidus – infiltrat lymphocytaire de type JK – mucinoses lupiques (papulo-nodulaires, REM) ■ LE hypodermique : panniculite lupique Lésions vasculaires ■ Lésions évocatrices d’une vasculopathie thrombosante associée au lupus : – papule porcelainée type maladie de Köhlmeier-Degos – atrophie blanche – nécroses cutanées – hémorragies en flammèches – livédo racémeux – purpura, surtout stellaire, non infiltré – anétodermie – thrombophlébites – ulcérations ■ Vascularite : – vascularite leucocytoclasique – autre type de vascularite ■ Autres lésions vasculaires : – érythème palmaire – érythème péri-unguéal – phénomène de Raynaud – érythermalgie – télangiectasies Lupus érythémateux neutrophiliques – lupus bulleux – pustulose aseptique des plis – vasculite urticarienne – dermatose neutrophilique urticarienne Autres lésions cutanées, de signification pathogénique/pronostique incertaine pour l’instant – fibromes éruptifs – dermatite granulomateuse interstitielle – nodules rhumatoïdes – porphyrie cutanée tardive – dermatose bulleuse auto-immune nosologiquement définie
Figure 3.1. Vespertilio : éruption érythématosquameuse émiettée en ailes de papillon.
MANIFESTATIONS CLINIQUES ET BIOLOGIQUES - DIAGNOSTIC DU LUPUS ÉRYTHÉMATEUX
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Figure 3.2. Vespertilio : érythème évoluant vers une hyperpigmentation sur peau noire.
Figure 3.4. de l’oreille.
Lupus érythémateux cutané discoïde du pavillon
Figure 3.3. Lupus érythémateux cutané aigu des zones photoexposées.
Le lupus érythémateux cutané subaigu peut prendre deux aspects : un aspect papulo-squameux psoriasiforme et un aspect annulaire polycyclique (figure 3.5). Il est fortement lié à la présence d’auto-anticorps anti-SSA/Ro, surtout dans la variété annulaire. L’histologie optique conventionnelle des lésions lupiques spécifiques de la jonction dermo-épidermique est évocatrice, mais non absolument spécifique du diagnostic. L’atrophie épidermique, une vacuolisation plus ou moins importante des cellules de la couche basale, des nécroses kératinocytaires et un infiltrat lymphocytaire du derme superficiel et qui entoure les annexes (follicules pileux) sont les signes les plus caractéristiques. L’intérêt diagnostique des signes cutanés est que la corrélation anatomoclinique permet en règle générale de poser le diagnostic de lupus érythémateux, même si aucun autre signe de la maladie n’est (pour l’instant) présent. Le pourcentage de positivité de l’immunofluorescence directe ou test de la bande lupique (Lupus Band Test : LBT) dépend de la zone biopsiée (peau saine ou lésée, zone photoexposée ou non). Effectuée en peau saine découverte, elle montre typiquement une fluorescence linéaire épaisse de la membrane basale de l’épiderme, liée à des dépôts d’immunoglobulines et de complément (figure 3.6) et est alors généralement associée au lupus érythémateux systémique. Cet examen est positif une fois sur deux. Il a été proposé comme test diagnostique, en particulier dans les formes pauci-symptomatiques de la maladie lupique. Sa valeur pronostique est plus contestable ; pour certains, sa positivité
Figure 3.5. Lupus érythémateux cutané subaigu du dos : forme annulaire.
Figure 3.6. Test de la bande lupique : immunofluorescence directe de peau saine. Dépôts linéaires d’IgG sur la membrane basale.
en peau saine non exposée est corrélée au risque d’atteinte rénale. Une photosensibilité cutanée [4], en particulier chez les sujets de peau blanche, est trouvée chez 10 à 50 % des malades (figure 3.7). Elle serait plus fréquente en cas de lésions de lupus érythémateux cutané subaigu. Lupus érythémateux dermique. Les variétés dermiques du 43 lupus érythémateux incluent le lupus tumidus, la mucinose
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LUPUS ÉRYTHÉMATEUX
Figure 3.8. Érythème des pulpes des doigts et paumes des mains.
Figure 3.7.
Photosensibilité.
papulonodulaire du lupus érythémateux, l’érythème réticulé avec mucine (REM syndrome) et l’infiltrat lymphocytaire de Jessner et Kanof. Cliniquement, il s’agit de plaques ou de nodules érythémateux, sans altération de la surface cutanée, souvent très photosensibles. Histologiquement, la dermite de l’interface qui caractérise les variétés jonctionnelles du lupus érythémateux est absente ou rudimentaire. En revanche, il existe un infiltrat lymphocytaire périvasculaire et périannexiel associé à des dépôts dermiques de mucine. Le risque de systématisation est faible, estimé à moins de 5 %. Les lésions de lupus profond ou panniculite lupique : dermohypodermite nodulaire, siégeant surtout sur la partie haute du corps : face, épaule, dos, mais aussi aux points de pression, pouvant s’ulcérer, en particulier après une biopsie. Le diagnostic différentiel avec un lymphome hypodermique est parfois difficile.
Figure 3.9.
Livédo réticulaire des cuisses.
Lésions vasculaires Certaines de ces lésions traduisent une vasculopathie thrombosante. Elles sont alors souvent, mais pas de façon obligatoire, le marqueur d’un syndrome des antiphospholipides associé au lupus. Il s’agit notamment du livédo ramifié, des papules porcelainées comparables à celles de la maladie de Köhlmeier-Degos, de l’atrophie blanche, des hémorragies en flammèches, des ulcères de jambes et gangrène distale (figures 3.8 et 3.9), des nécroses cutanées, du purpura acral non infiltré et de l’anétodermie. Ces différentes lésions identifient probablement un sous-groupe de malades à fort risque vasculaire thromboembolique et cardiaque. D’autres lésions traduisent une modification du tonus vasculaire. Elles pourraient être un indice d’évolutivité et d’activité de la maladie. Citons comme plus fréquents : érythème et œdème péri-unguéal, à la sertissure des ongles, à la pulpe des doigts (figure 3.10), aux éminences thénar et hypothénar. Enfin, il peut s’agir également de télangiectasies, d’un livédo réticulaire (figure 3.11), d’urticaire, plus rarement de nodules rhumatoïdes, voire d’ulcération de jambe ou de gangrène distale [5]. Le lupus érythémateux neutrophilique est un concept relativement récent. Outre le fait que l’analyse histopathologique de 44 lésions spécifiques biopsiées précocement montre de façon quasi
Figure 3.10.
Artérite digitale.
Figure 3.11.
Gangrène distale digitale au cours du SAPL.
constante un infiltrat neutrophilique, certaines manifestations du lupus érythémateux cutané sont de véritables dermatoses neutrophiliques. Il s’agit notamment du lupus érythémateux bulleux, de
MANIFESTATIONS CLINIQUES ET BIOLOGIQUES - DIAGNOSTIC DU LUPUS ÉRYTHÉMATEUX la vascularite urticarienne hypocomplémentémique, de la pustulose aseptique des plis, de la dermatose neutrophilique non bulleuse du lupus et la dermatose neutrophilique urticarienne [6]. Ces entités sont probablement sous-tendues par une autre pathogénie impliquant des mécanismes auto-inflammatoires [6].
Lésions des muqueuses et des phanères [7] Les lésions muqueuses sont le fait de lupus érythémateux actif, en particulier les ulcérations de la langue (figure 3.12) ou du palais osseux, voire des muqueuses vaginales ou anales. Il peut s’agir plus rarement de lésions discoïdes ou de perforations de la cloison nasale, fortement corrélée à la présence d’anticorps anticardiolipides. L’alopécie peut être soit diffuse, en rapport avec l’évolutivité de la maladie, soit circonscrite en plaques, parfois cicatricielle de lésions de lupus érythémateux discoïde guéri. Les ongles sont parfois le siège d’une dépression en cupule ou d’une striation, voire d’une onycholyse, témoin d’un lupus érythémateux actif. Des hémorragies sous-unguéales en flammèches doivent faire rechercher un syndrome des antiphospholipides, mais cela n’est pas spécifique (figure 3.13).
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inflammatoires non stéroïdiens. Elles s’accompagnent souvent de myalgies. Les arthrites réalisent habituellement une polyarthrite bilatérale et symétrique (figure 3.14), elles sont présentes chez 50-80 % des malades au moment du diagnostic avec des variations de prévalence selon l’origine ethnique des patients, fréquence plus élevée chez les Afro-Américains que chez les Asiatiques. Leur évolution est soit aiguë, volontiers fluxionnaire, soit subaiguë avec raideur matinale et parfois nodules sous-cutanés transitoires, rappelant des nodules rhumatoïdes. Elles sont parfois chroniques, réalisant trois aspects principaux : soit une synovite non destructrice et non déformante (5 % des malades vus en rhumatologie), soit une atteinte déformante type main ou pied de Jaccoud (5 % des cas) (figure 3.15), sans destruction radiologique (figure 3.16) mais
MANIFESTATIONS RHUMATOLOGIQUES Elles inaugurent la maladie une fois sur deux et sont présentes à un moment quelconque de l’évolution 8 à 9 fois sur 10.
Arthralgies et arthrites [8] Les arthralgies résument les manifestations articulaires une fois sur quatre. Elles sont vives et résistent volontiers aux anti-
Figure 3.12.
Érosions de la muqueuse linguale.
Figure 3.13. Hémorragies sous-unguéales en « flammèches » au cours du SAPL.
Figure 3.14.
Polyarthrite lupique.
Figure 3.15. Main de Jaccoud : déformation des doigts sans synovite.
Figure 3.16. Polyarthrite déformante de Jaccoud non érosive (aspect radiographique).
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LUPUS ÉRYTHÉMATEUX souvent (1/3 des cas) des ténosynovites à l’IRM et un œdème osseux sous-chondral, soit plus rarement une forme déformante et destructrice dans les formes frontières associées à une polyarthrite rhumatoïde (appelées parfois « rhupus »). On définit également des formes chroniques avec œdèmes volumineux des extrémités réalisant un tableau analogue à celui du rhumatisme œdémateux du sujet âgé ou RS3PE. Dans la forme la plus fréquente de polyarthrite non érosive (50 % des malades vus en rhumatologie), l’examen du liquide synovial montre un liquide souvent peu cellulaire, 2 à 5 000 éléments par mm3, où dominent des lymphocytes. Le complément synovial total est abaissé. L’image histologique de la synoviale est celle d’une inflammation subaiguë non spécifique, avec dépôts de fibrine à la surface des franges et hypertrophie des axes vasculaires.
Figure 3.17.
Ostéonécrose tête humérale.
Figure 3.18.
Infarctus multiples des deux genoux.
Bursites, ténosynovites et ruptures tendineuses La ténosynovite des fléchisseurs est responsable d’un syndrome du canal carpien chez 6 % de nos patients. Les ruptures tendineuses intéressent principalement le tendon rotulien, parfois le tendon quadricipital ou le tendon d’Achille. Elles sont bilatérales une fois sur deux. Elles s’accompagnent une fois sur trois d’une arthropathie déformante de Jaccoud [9]. L’échographie et l’IRM sont des examens précieux pour confirmer le diagnostic. Plusieurs facteurs de risque ont été incriminés : corticothérapie prolongée, prise de quinolones, hyperparathyroïdie secondaire à une insuffisance rénale. L’étude histologique ne montre pas de lésions de vascularite. Les bursites sont rares, parfois multiples ; on se méfiera d’une origine bactérienne.
Ostéonécroses aseptiques (voir chapitre 14, page 147) Leur fréquence clinique moyenne est de 10 à 15 % mais beaucoup de localisations sont asymptomatiques. La pratique d’IRM systématiques a confirmé une plus grande fréquence des ostéonécroses aux hanches et aux genoux survenant dès le premier mois de corticothérapie. Leur date de découverte clinique est variable, en moyenne deux ans après le début reconnu du lupus. Les os le plus souvent touchés sont par ordre de fréquence décroissante : l’extrémité supérieure du fémur, les condyles fémoraux, les plateaux tibiaux, la tête humérale (figure 3.17), le condyle huméral, l’astragale mais aussi les épiphyses distales ou les os du carpe. La bilatéralité est fréquente, ainsi que les atteintes multiples. La symptomatologie est identique à celle des formes idiopathiques. Le rôle favorisant des fortes doses de corticoïdes est souligné par tous les auteurs (40 mg de prednisone par jour chez plus de 90 % des malades). Pour certains auteurs, intervient également la dose cumulative des six premiers mois de traitement ou les bolus par voie intraveineuse. D’exceptionnelles ostéonécroses ont été rapportées chez des lupiques n’ayant jamais reçu de corticostéroïdes. On a incriminé, sans preuve, l’existence d’une vascularite des vaisseaux épiphysaires. Une thrombose pourrait être favorisée par la présence d’anticorps antiphospholipides [10]. Leur caractère multiple et souvent massif, en particulier au genou, peut rendre compte de leur mauvaise tolérance fonctionnelle, conduisant à une arthroplastie dont les résultats mécaniques sont, en règle, bons 46 au prix d’une morbidité (infection) et d’une mortalité pos-
topératoire supérieure à celle observée dans la polyarthrite rhumatoïde. On en rapproche les infarctus osseux multiples (figure 3.18).
Arthrites septiques Première cause de mortalité au cours des premières années après le diagnostic, une infection doit toujours être recherchée devant une monoarthrite survenant chez un lupique. Elle survient volontiers sur une articulation fragilisée par une synovite ou une nécrose, chez un patient recevant une corticothérapie générale. Le genou est le siège habituel de l’infection qui est due soit à des germes pyogènes, Gram + et Gram-, parfois des salmonelles, soit au bacille de Koch.
Manifestations musculaires Les myalgies sont présentes une fois sur deux, satellites de signes généraux et de manifestations articulaires. L’élévation des CPK et des aldolases est plus rare mais dans ce cas l’évolution peut être indiscernable d’une myosite primitive. Elle est habituellement modérée. L’histologie est celle d’une myosite interstitielle, très rarement il s’agit d’une myopathie vacuolaire (aspect également observé en cas de toxicité des antimalariques de synthèse).
Fibromyalgie (voir chapitre 25, page 247 et chapitre 34, page 305) Une symptomatologie douloureuse répondant aux critères de fibromyalgie est observée chez 20 à 40 % des lupus selon les séries, plus souvent chez les sujets blancs que dans les populations noires américaines ou d’origine mexicaine. Elle est associée à des manifestations de dépression dans 45 % des cas.
MANIFESTATIONS CLINIQUES ET BIOLOGIQUES - DIAGNOSTIC DU LUPUS ÉRYTHÉMATEUX
Densité minérale osseuse et ostéoporose [11] (voir chapitre 26, page 253) La densité minérale osseuse moyenne des femmes lupiques avant la ménopause est diminuée dans 12 à 25 % des cas, baisse corrélée à la corticothérapie mais pas à l’activité du lupus. La fréquence de l’ostéoporose lombaire trabéculaire a été chiffrée à 14 % chez des femmes lupiques asiatiques non ménopausées traitées par corticoïdes et à 6 % dans une population européenne après 10 ans d’évolution.
Déficit en vitamine D La vitamine D a un rôle immunomodulateur reconnu. La fréquence de l’insuffisance en 25OHD3 (< 30 ng/ml) varie de 25 à 95 % selon les séries et un déficit (< 20 ng/ml) atteint 15 % des malades, plus fréquemment chez les AfroAméricains et en cas d’atteinte rénale ou de photosensibilité. Les taux moyens de 25OHD3 et de 1,25(OH)2D3 sont plus bas chez les lupus actifs que chez les lupus inactifs mais, selon les études, la variation est inconstante entre 25OHD3 et activité du lupus.
MANIFESTATIONS URONÉPHROLOGIQUES
Il s’agit essentiellement des manifestations rénales dont certaines formes font toute la gravité du lupus systémique (voir chapitre 27, page 257) La néphropathie lupique est essentiellement une glomérulonéphrite et accessoirement une atteinte vasculaire ou tubulointerstitielle. Environ 50 % des malades atteints de lupus systémiques vus dans les années soixante-dix avaient une atteinte rénale, et pour 25 à 50 %, cette atteinte était présente dès le diagnostic, rarement inaugurale chez l’adulte. Dans 20 % des cas, la glomérulonéphrite se manifeste après plus de 5 ans d’évolution du lupus, impliquant une surveillance régulière pour le dépistage. La prévalence de la protéinurie, témoin de l’atteinte rénale, a beaucoup diminué durant les 50 dernières années, passant de 64 % avant 1975 à 53 % dans les années soixante-dix, 40 % dans les années quatre-vingts et 30 % dans les années quatre-vingt-dix dans la cohorte de l’hôpital John Hopkins. L’atteinte rénale constitue un élément défavorable du pronostic vital. À titre d’exemple, dans une série multicentrique européenne de 1 000 lupus, la survie actuarielle à 10 ans tombe de 94 %, toutes formes confondues à 88 % en cas de néphropathie [12]. Les études épidémiologiques ont montré que les atteintes glomérulaires prolifératives étaient deux fois plus fréquentes chez les sujets noirs (afro-américains, afro-caribéens) que chez les sujets blancs (européens ou nord-américains) et que cette glomérulonéphrite était plus grave car répondant moins bien aux protocoles de traitement d’attaque. Les rechutes sont plus fréquentes (surtout si rémission incomplète) et finalement il existe une plus grande probabilité d’aboutir à un doublement de la créatininémie, mais aussi à une insuffisance rénale terminale et une plus grande mortalité à 5 et 10 ans que les glomérulonéphrites des sujets blancs. Des facteurs génétiques, mal précisés, sont possibles comme en attestent la survenue à un âge plus jeune et une gravité plus élevée pour une forme histologique égale, mais interviennent aussi des facteurs culturels et socio-économiques (consultations tardives,
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observance des traitements, mais surtout accessibilité géographique aux soins spécialisés plus que niveau de revenus). La présentation clinique de la néphropathie lupique est rarement spectaculaire et le plus souvent elle se résume à la constatation d’une protéinurie supérieure à 0,5 g/24 heures, confirmée en l’absence d’infection urinaire. L’origine glomérulaire de cette protéinurie est probable lorsque s’y associent des anomalies du sédiment urinaire sous forme d’une hématurie microscopique (avec parfois des cylindres hématiques) et/ou d’une leucocyturie microscopique également avec des cylindres cellulaires. Les formes plus sévères, avec protéinurie supérieure à 3 g/24 heures, associent un syndrome néphrotique avec œdèmes généralisés et un certain degré d’insuffisance rénale, voire une hypertension artérielle. Ces manifestations ne sont pas spécifiques. De plus, il n’existe pas de parallélisme entre les constatations cliniques et les données histologiques rénales, soulignant l’importance de disposer, chaque fois que cela est possible et en respectant les contre-indications absolues, d’une biopsie rénale. Elle est indiquée dès que la suspicion de néphropathie est confirmée chez un sujet lupique jusque-là indemne d’atteinte rénale ou chez un sujet lupique avec atteinte rénale traitée lorsque la rémission est incomplète (pour justifier la poursuite ou non du traitement d’attaque), mais aussi en cas de rechute apparente de la néphropathie afin de différencier une rechute inflammatoire nécessitant la reprise du traitement, d’une néphropathie fibreuse ou hypertensive insensible aux immunosuppresseurs, une néphropathie d’un syndrome des antiphospholipides surajouté, voire d’une autre pathologie rénale sans rapport avec le lupus. À partir de quel degré de protéinurie faut-il envisager une biopsie rénale ? La réponse est simple s’il existe une hématurie associée car dans ce cas (protéinurie > 1 g/24 heures plus hématurie), la probabilité de trouver une glomérulonéphrite proliférative (voir plus loin) (classe III ou IV) ou un extramembraneuse (classe V) est grande, de 50 à 60 %. Dans l’expérience de l’hôpital Johns Hopkins, 10/17 sont des classes III, 2/17 des classes IV + V et 1/17 une classe V isolée, 1/17 une microangiopathie thrombotique. Lorsque la protéinurie est isolée et inférieure à 1 g/24 heures, il s’agit plus rarement d’une forme proliférative focale et segmentaire (25 %), plus souvent d’une sclérose glomérulaire limitée, mais il existe des néphropathies silencieuses (« silent nephropathy ») sévères sur le plan histologique mais avec une protéinurie modérée.
HISTOLOGIE RÉNALE [13] La biopsie est faite habituellement par voie lombaire transcutanée, après échographie et normalisation de la tension artérielle, le recours à la biopsie transjugulaire étant réservé aux patients présentant un trouble de l’hémostase spontanée ou sous anticoagulants (syndrome des antiphospholipides associés). On estime à 20 le chiffre adéquat de glomérules examinables pour pouvoir classer convenablement le type de glomérulonéphrite. La classification de l’OMS en 1982, modifiée en 1985, comprenait 6 classes (I = glomérules optiquement normaux ; II = mésangiale ; III = prolifération segmentaire et focale ; IV = prolifération diffuse ; V = dépôts extramembraneux ; VI = sclérose avancée). La forme proliférative de classe III impliquait une atteinte proliférative des cellules endocapillaires et mésangiales, mais aussi des cellules épithéliales, ne touchant pas plus de 50 % du flocculus (segmentaire) et ne touchant pas l’ensemble des glo- 47
3
LUPUS ÉRYTHÉMATEUX
Tableau 3.3.
Classification internationale de l’ISN/RPS des glomérulonéphrites lupiques.
Classe I
Glomérulonéphrite mésangiale à dépôts minimes Glomérule normal en microscopie optique, avec dépôts mésangiaux en immunofluorescence.
Classe II
Glomérulonéphrite proliférative mésangiale Hypercellularité mésangiale pure ou expansion de la matrice mésangiale en microscopie optique avec dépôts mésangiaux immuns. Quelques dépôts sous-épithéliaux ou sous-endothéliaux peuvent être visibles en microscopie électronique, mais pas en IF.
Classe III
Glomérulonéphrite focale Atteinte, active ou inactive, focale segmentaire ou globale, extracapillaire ou endocapillaire typiquement avec des dépôts immuns sous-endothéliaux, avec ou sans altérations mésangiales, touchant moins de 50 % des glomérules.
Classe III (A)
Lésions actives : glomérulonéphrite focale proliférative.
Classe III (A/C)
Lésions actives et chroniques : glomérulonéphrite focale proliférative et scléreuse.
Classe III (C)
Lésions chroniques inactives avec cicatrice glomérulaire : glomérulonéphrite focale scléreuse.
Classe IV
Glomérulonéphrite diffuse Glomérulonéphrite diffuse active ou inactive, segmentaire ou globale, endo ou extracapillaire touchant > 50 % des glomérules avec dépôts diffus immuns subendothéliaux, avec ou sans altérations mésangiales. Cette classe est divisée en : – glomérulonéphrite diffuse segmentaire (IV-S) quand > 50 % des glomérules touchés ont des lésions segmentaires ; – glomérulonéphrite diffuse globale (IV-G) quand > 50 % des glomérules touchés ont des lésions globales. Le terme segmentaire (S) définit des lésions glomérulaires qui intéressent moins de la moitié du flocculus glomérulaire. Cette classe inclut les cas avec des dépôts de complexes immuns diffus en « wire-loop » mais avec peu ou pas de prolifération glomérulaire.
Classe IV-S(A)
Lésions actives : glomérulonéphrite diffuse segmentaire proliférative.
Classe IV-G (A)
Lésions actives : glomérulonéphrite diffuse globale proliférative.
Classe IV-S (A/C) Lésions actives et chroniques : glomérulonéphrite diffuse segmentaire proliférative et scléreuse. Classe IV-G (A/C) Lésions actives et chroniques : glomérulonéphrite diffuse globale proliférative et scléreuse. Classe IV-G (C)
Lésions inactives et chroniques cicatricielles : glomérulonéphrite diffuse globale scléreuse.
Classe IV-S (C)
Lésions inactives et chroniques cicatricielles ; glomérulonéphrite diffuse segmentaire scléreuse.
Classe V
Glomérulonéphrite extramembraneuse Dépôts sous-endothéliaux, globaux ou segmentaires, en microscopie optique ou en immunofluorescence ou en microscopie électronique, avec ou sans altérations mésangiales. Les dépôts sous-épithéliaux doivent toucher plus de 50 % de la surface glomérulaire dans plus de 50 % des glomérules. La classe V peut s’associer à une classe III ou IV. La classe V peut comporter des signes de sclérose avancée.
Casse VI
Sclérose glomérulaire avancée 90 % ou plus des glomérules sont globalement scléreux, sans activité résiduelle
mérules examinés (focale). Les formes proliférative diffuses sont caractérisées par un afflux de cellules mononucléées, une multiplication des cellules mésangiales occupant les axes vasculaires (prolifération endocapillaire) et l’abondance des dépôts sous-endothéliaux épaississant les parois du flocculus au point de former de façon diffuse des « anses en fil de fer » ou « wire-loops » très évocatrices de dépôts de complexes immuns. La forme avec dépôts extramembraneux pouvait être pure (Va) ou associée à des lésions prolifératives mésangiales (Vb), segmentaires et focales (Vc) ou globales diffuses (Vd). La nouvelle nomenclature (tableau 3.3) élaborée en 2003 conjointement par l’ISN (International Society of Nephrology) et le RPS (Renal Pathology Society) [14] a eu pour mission 48 essentielle de définir précisément les classes et sous-classes
en graduant les lésions dans le but de favoriser la reproductibilité des diagnostics histologiques. Elle aboutit à certains bouleversements qui ne sont pas sans répercussion sur le pronostic. Ainsi la classe III comprend non seulement des lésions prolifératives intéressant un segment du flocculus glomérulaire mais également des lésions pouvant intéresser l’ensemble de la surface du glomérule examiné. Ce qui définit la classe III ISN/RPS, c’est le fait que moins de 50 % des glomérules sont intéressés par le processus prolifératif (focale) (figure 3.19). Les anciennes classes III intéressant plus de 50 % des glomérules sont venues rejoindre la classe IV (diffuse). La classe IV ISN/RPS comprend ainsi des IV-S (prolifération segmentaire), c’est-à-dire intéressant moins de 50 % de la surface des glomérules examinés, et des IV-G (prolifération globale intéressant toute la surface des glomérules examinés)
MANIFESTATIONS CLINIQUES ET BIOLOGIQUES - DIAGNOSTIC DU LUPUS ÉRYTHÉMATEUX (figure 3.20). Chaque classe III, ou IV-S et IV-G, sera qualifiée selon que les lésions prolifératives sont actives ou chroniques ou les deux selon les secteurs examinés du sigle « A », « C » ou « A/C ». Le tableau 3.4 résume les principales lésions actives et chroniques définies par l’ISN/RPS. La classe V ne comprend plus qu’un type Va (dépôts sousépithéliaux isolés intéressant plus de 50 % des glomérules et > 50 % de la surface glomérulaire) (figures 3.21 et 3.22). Les autres formes (Vc et Vd) sont désormais appelées V + III ou V + IV. Les principales publications ayant testé cette nouvelle classification ont reconnu sa valeur normative facilitant le dialogue entre équipes médicales, notamment lorsqu’un protocole mulTableau 3.4. Lésions glomérulaires actives et chroniques. Lésions actives (A) - Hypercellularité endocapillaire avec ou sans infiltration leucocytaire et avec réduction substantielle de la lumière - Karyorrhexis - Nécrose fibrinoïde - Rupture de la membrane basale glomérulaire - Croissants cellulaires ou fibrinocellulaires - Dépôts sous-endothéliaux en microscopie optique (anse en fil de fer) - Agrégats immuns intraluminaux (thrombi hyalins) Lésions chroniques (C) - Sclérose glomérulaire (segmentaire, globale) - Adhérences fibreuses - Croissants fibreux
3
ticentrique doit être mis en place. Une discussion est cependant toujours vive sur la valeur pronostique de cette classification des formes prolifératives. En effet, certaines équipes ont souligné que le pronostic des classes III > 50 % des glomérules atteints, et désormais versées dans la classe IV-S, était moins bon que celui des classes IV-G du fait de la moins bonne réponse au traitement d’attaque immunosuppresseur (indépendamment du terrain ethnique) et de ce fait rendait moins lisible le pronostic global des classes IV. En effet, la pathogénie des formes IV-S et IV-G est possiblement différente avec, pour la IV-S, plus de lésions de nécrose fibrinoïde et des dépôts mésangiaux, rappelant plus un mécanisme vasculitique qu’un mécanisme de dépôt massif et diffus de complexes immuns en « wire-loops » avec hypocomplémentémie de consommation et afflux de monocytes macrophages plus fréquents dans les classes IV-G [15]. Cependant le désaccord reste entier sur le pronostic de ces deux formes histopathologiques, certaines équipes n’ayant pas trouvé de différence de pronostic à 5 ou 10 ans, ou au contraire une plus grande gravité des formes IV-G, en particulier lorsque la deuxième biopsie a montré la persistance des lésions [16] . Plus récemment, il a été proposé de classer les formes associant les 2 types de lésions en classe IV + III, notamment lorsqu’il existe des croissants épithéliaux. Quelle que soit la classe histologique, la biopsie fera l’objet d’une étude en immunofluorescence (IF) pour mettre en évidence des dépôts granuleux d’immunoglobulines (Ig) G (et accessoirement IgA et IgM) (figure 3.23) et de complément (C3, C4, C1q surtout), voire de fibrinogène lorsqu’il existe des lésions nécrotiques et de thrombose. Ces dépôts en IF sont diffus dans l’ensemble des glomérules sur les basales et dans le mésangium, quelle que soit la classe histologique (II, III ou IV), et touchent également la capsule et les basales tubulaires, cet aspect étant très évocateur de l’origine lupique. En effet les
Figure 3.19. Biopsie rénale classe III : glomérulonéphrite proliférative focale.
Figure 3.20.
Biopsie rénale classe IVG.
Figures 3.21 et 3.22. Biopsie rénale classe V : glomérulonéphrite extramembraneuse.
49
3
LUPUS ÉRYTHÉMATEUX lésions élémentaires prolifératives endocapillaires et parfois extra-capillaires avec présence de croissants épithéliaux ne sont pas spécifiques du rein lupique et sont une des étiologies d’un cadre plus vaste appelé glomérulonéphrites extracapillaires avec dépôts granuleux d’immunoglobulines et de complément. Le pathologiste ne se contentera pas de la description des lésions glomérulaires et des données de l’immunofluorescence, il précisera également le degré d’atrophie tubulaire (faible, modéré, sévère), la présence ou non d’une inflammation ou d’une fibrose interstitielle, de très forte valeur pronostique, en particulier sur la biopsie faite après 6 mois de traitement, la sévérité de l’athérosclérose ainsi que l’existence ou non de lésions vasculaires d’autre nature. En effet, 30 % des biopsies rénales de lupus comportent des signes évocateurs d’un syndrome des anticorps antiphospholipides associé (cf. chapitre SAPL) [17, 18].
RÉPARTITION DES DIFFÉRENTES CLASSES DE NÉPHROPATHIES LUPIQUES La fréquence respective des différentes classes de glomérulonéphrites lupiques varie selon les modes de recrutement (médecine interne/rhumatologie/dermatologie/néphrologie), l’origine ethnique des populations, le caractère pédiatrique ou adulte du lupus. Le tableau 3.5 regroupe les répartitions des
différentes classes de néphropathies lupiques selon la classification ISN/RPS ou OMS des plus récentes séries. La répartition des classes IV-G et IV-S (ancienne III > 50 %) diffère notablement entre sujets noirs et sujets blancs. Ainsi dans une série de Chicago comprenant 21 noirs et 54 blancs, Korbet et al. font état de 44 % de classe III > 50 % (c’est-àdire IV-S) ± V chez les blancs contre 76 % chez les noirs. Les classes IV-G ± V représentent 54 % chez les blancs et 24 % chez les noirs avec des conséquences importantes sur la sensibilité au traitement (taux de rémission) et sur le pronostic (survie rénale et décès) [19]. Des résultats analogues en matière de fréquence des formes prolifératives graves ont été rapportés par Contreras et al. (50 % versus 30 %) ainsi que des résultats de pronostic rénal par les mêmes auteurs [20] et d’autres séries publiées 10 ans plus tôt. Quelle que soit la classe histologique constatée au moment d’une biopsie rénale, il faut rappeler que les lésions sont susceptibles d’évoluer au cours du temps spontanément vers l’aggravation (35 % des cas) (passage d’une classe II à une classe III ou IV) ou l’amélioration sous l’effet du traitement (passage d’une classe III ou IV à une classe II, ou d’une classe IV + V à une classe V). Cette évolutivité conforte l’intérêt d’un contrôle histologique rénal en cas de variation des paramètres biologiques urinaires ou de rémission incomplète [21]. Au stade d’insuffisance rénale terminale, l’hémodialyse chronique donne de bons résultats, avec un taux de survie comparable à celui des hémodialysés d’autres origines. L’évolutivité générale de la maladie lupique s’éteint souvent, mais non constamment, à ce stade, permettant un sevrage thérapeutique. La transplantation rénale est possible sans récidive sur le greffon, avec une survie à 5 ans des reins greffés supérieure à 46 %, soit deux fois plus faible que pour les greffés non lupiques.
Manifestations urologiques extrarénales
Figure 3.23. Biopsie rénale en immunofluorescence directe : dépôts diffus d’immunoglobulines G (IgG) glomérulaires et sur les basales tubulaires.
Tableau 3.5.
50
Elles sont représentées essentiellement par la cystite lupique. Moins de 100 cas ont été rapportés. Cette manifestation est quasi constamment associée et précédée par une entérite lupique symptomatique (diarrhée 70 %, vomissements 70 %, pseudo-obstruction 40 %, ascite 40 %), facilement mise en évidence au scanner digestif devant un aspect œdémateux localisé de la paroi de certaines anses grêles. Il s’agit d’une cystite interstitielle lymphocytaire révélée par une pollakiurie,
Répartition (en %) des principales classes de néphropathie lupique.
Auteur
Age début
Classe II
Classe III
Classe IV
Classe V
Remarques
Contreras (2008) (n = 213)
Adulte
9
13
52
26
20 Blancs 100 Hispaniques 93 noirs
Hiramatsu (2008) (n = 92)
Adulte
13
17
50*
10
*IV-S : 25 % IV-G : 75 %
Najafi (2001) (n = 86)
Adulte
0
28
40
30**
**Vc et Vd inclus (voire classification OMS)
Marks (2007) (n = 39)
Pédiatrie
13
15
51
20***
***Va + Vc = 88 %
MANIFESTATIONS CLINIQUES ET BIOLOGIQUES - DIAGNOSTIC DU LUPUS ÉRYTHÉMATEUX des douleurs suprapelviennes évoluant vers l’atrophie avec un risque d’hydronéphrose bilatérale. Le scanner pelvien montre une petite vessie à la paroi épaissie. Dans 40 % des cas elle est asymptomatique, révélée par les signes digestifs.
MANIFESTATIONS NEUROLOGIQUES ET PSYCHIATRIQUES [22, 23] (voir chapitre 28, page 265) Un comité « ad hoc » de l’ACR a proposé une nomenclature avec une définition de 19 manifestations neurologiques ou psychiatriques observées au cours du lupus (tableau 3.6) [24]. Certaines de ces manifestations n’ont sans doute rien de spécifique pour le lupus érythémateux systémique. Ainsi en
Tableau 3.6. Syndromes neuropsychiatriques observés dans le lupus érythémateux systémique.
proposant de supprimer les manifestations n° 4, 9 et 11 et en limitant les troubles cognitifs (n° 10) aux formes modérées et sévères et les polynévrites (n° 19) aux formes confirmées par un électromyogramme, une équipe finlandaise a ramené la sensibilité de ces critères de 91 à 46 % en augmentant leur spécificité de 46 à 96 %. Ces diverses manifestations sont très différentes d’une série à l’autre et le tableau 3.7 les classe en fonction des incidences (cumulatives dans le temps) publiées [25-29]. Les atteintes neurologiques constituent la troisième cause de mortalité du lupus après les complications infectieuses et l’atteinte rénale. Leur fréquence globale est en moyenne de 30 à 40 %, mais seules 15 à 25 % sont réellement dues au lupus dans une grande série internationale de plus de 1 200 lupus débutants suivis en moyenne 2 ans. C’est particulièrement vrai des manifestations psychiatriques. Leur fréquence varie entre 40 et 50 %. Elles peuvent être classées en trois catégories : ■
Système nerveux central : 1. méningite aseptique 2. maladie cérébrovasculaire 3. syndrome démyélinisant 4. céphalées (incluant migraine et hypertension intracrânienne) 5. mouvements anormaux (chorée) 6. myélite transverse 7. convulsions 8. état confusionnel aigu 9. état anxieux 10. atteinte des fonctions cognitives 11. troubles de l’humeur 12. psychose Système nerveux périphérique : 13. polyradiculonévrite aiguë démyélinisante (syndrome de Guillain-Barré) 14. atteinte du système nerveux autonome 15. mononévrite/multinévrite 16. myasthénie 17. atteinte des nerfs crâniens 18. plexopathie 19. polynévrite
Tableau 3.7.
■
■
les manifestations mentales aiguës ou chroniques liées à la maladie lupique, et volontiers associées à une atteinte paroxystique ou déficitaire neurologique ; les manifestations mentales aiguës ou chroniques liées à des complications métaboliques ou à une hypertension, voire une toxicité médicamenteuse ; les manifestations fonctionnelles, névrotiques, en rapport avec la personnalité du patient.
Les examens complémentaires sont d’une aide inconstante pour rattacher ces manifestations à la maladie lupique elle-même. ■
■
Le fond d’œil peut montrer des exsudats cotonneux ou des nodules dysoriques (figure 3.24) associés constamment à un lupus cliniquement actif. Le liquide céphalorachidien est anormal dans un tiers des cas environ avec une hyperprotéinorachie modérée, une pléiocytose beaucoup plus rarement. La baisse du C4 ou la présence du complexe d’activation terminale C5b-9 dans le LCR témoignerait d’une atteinte du système nerveux central. Plus simplement, une augmentation des IgG témoignerait également d’une synthèse locale.
LES : incidence cumulée estimée des syndromes neuropsychiatriques.
Fréquents (> 5 %)
■ ■ ■ ■ ■ ■
Peu fréquents (1-5 %)
■ ■ ■ ■
Rare (< 1 %)
3
■ ■ ■ ■ ■ ■ ■ ■
Céphalées (20-40 % chez les Blancs, 3-5 % chez les Asiatiques) Dysfonction cognitive : 10-20 % chez les Blancs, 1-2 % chez les Asiatiques ; formes sévères rares (3-5 %) Troubles de l’humeur (10-20 % chez les Blancs, 1-2 % chez les Asiatiques) Convulsions (7-10 %), récidivantes chez 12-22 % Maladie cérébrovasculaire (7-10 % chez les Blancs et les Afro-Américains, 4-8 % chez les Hispaniques, 2-5 % chez les Asiatiques) ; AVC/AIT ischémiques surtout (> 80 %) Anxiété (4-8 % chez les Blancs, 0,5-1 % chez les Asiatiques) État confusionnel aigu (3-4 %) Psychose (2,5-3,5 %) Polyneuropathies (2-3 %) Myélopathie (1-1,5 %) Atteinte nerfs crâniens (0,5-1 %) Mononévrite (simplex, multiple) (0,5-1 %) Méningite aseptique (0,5-1 %) Mouvements anormaux (0,6 %) Syndrome démyélinisant (0,3 %) Syndrome de Guillain-Barré (0,1 %) Dysautonomie (0,1 %) Plexopathie (< 0,1%)
51
3
LUPUS ÉRYTHÉMATEUX ■
■
■
L’électroencéphalogramme et la tomodensitométrie sont de peu de secours. La scintigraphie cérébrale au technétium est sans intérêt mais on insiste en revanche plus récemment sur les techniques d’études du flux sanguin cérébral régional par scintigraphie d’émission photonique, avec coupe tomographique assistée par ordinateur (SPECT) ou encore la tomoscintigraphie avec émission de positons. Plus accessible est l’imagerie par résonance magnétique nucléaire avec séquence T1, T2, T1 gadolinium, Flair et imagerie de diffusion (figures 3.25 et 3.26) [30].
Figure 3.24.
Fond d’œil : nodules dysoriques.
Cependant, toutes ces techniques ne permettent pas de discriminer un lupus cérébral actif et inactif et peuvent même détecter des signaux anormaux chez des lupiques indemnes de toute manifestation cérébrale clinique. Parmi les marqueurs immunologiques, on insiste sur les anticorps anti-ribosomes de type P qui, pour certains auteurs, seraient un marqueur des atteintes psychiatriques en particulier dépressives du lupus et sur les anticorps antiphospholipides (anticoagulants circulant et anticardiolipide) associés aux AVC/ AIT, à la chorée, aux myélites transverses [27], et pour certains aux migraines sévères, aux troubles cognitifs caractérisés et à certaines démences vasculaires. D’autres auto-anticorps sont de dosage plus difficile : les anti-NR2A (récepteur N-méthylD-aspartate ou NMDA du glutamate) mesurés par ELISA sont associés aux formes neurologiques [31], les IgG anti-aquaporine 4 associés à la neuromyélite optique de Devic. Quelles que soient les imperfections des examens complémentaires, ils doivent permettre de dépister précocement les complications infectieuses à expression neurologique, méningites bactériennes, mycosiques, virales (herpès, virus, VIH, leucoencéphalite multifocale progressive à virus JC), toxoplasmose, dont on sait le mauvais pronostic chez les lupiques, et de différencier une atteinte lupique d’une leucoencéphalopathie hypertensive postérieure ou d’une méningite médicamenteuse (AINS notamment). Enfin, dès lors que l’hypothèse infectieuse a été écartée, il est essentiel de séparer les atteintes neurologiques lupiques qui résultent d’une poussée évolutive inflammatoire de la maladie de celles qui résultent d’un mécanisme thrombotique (voir plus loin : syndrome des anticorps antiphospholipides).
MANIFESTATIONS RESPIRATOIRES (tableau 3.8) (voir chapitre 29, page 273) L’atteinte pleurale uni- ou bilatérale survient à un moment quelconque de l’évolution chez 25 à 50 % des malades (34 % dans une série canadienne de 876 lupus). Elle est récidivante Tableau 3.8. Manifestations respiratoires du lupus érythémateux systémique. Aiguës : Pneumonie lupique aiguë ■ Pneumonie organisée ■ Hémorragie alvéolaire diffuse ■ Infarctus pulmonaire ■ Pleurésie sèche ou liquidienne ■ Hypoxie aiguë réversible ■ Thrombose pulmonaire ■
Figure 3.25. Imagerie par résonance magnétique (IRM) cérébrale (séquence T2) : neurolupus : hypersignaux nombreux dans la substance blanche.
Chroniques : Pneumonie interstitielle non spécifique ■ Pneumonie interstitielle usuelle ■ Pneumonie organisée ■ Pneumonie interstitielle lymphoïde ■ Dysfonction respiratoire supérieure (épiglottite, laryngite, arthrite cricoaryténoïdienne) ■ Dilatation des bronches ■ Bronchiolite oblitérante ■ Dysfonction diaphragmatique et syndrome des poumons rétrécis ■ Atélectasie ■ HTAP ■ Maladie thromboembolique ■ Adénopathies médiastinales ■
52 Figure 3.26. AVC cérébelleux (IRM).
MANIFESTATIONS CLINIQUES ET BIOLOGIQUES - DIAGNOSTIC DU LUPUS ÉRYTHÉMATEUX dans 10 % des cas, révélatrice dans 2 à 3 % des cas. Il s’agit habituellement d’une pleurésie sérofibrineuse (45 à 60 % des malades dans certaines séries) contenant une majorité d’éléments mononucléés et un taux de complément effondré (figure 3.27) [32, 33]. Les localisations parenchymateuses peuvent revêtir plusieurs tableaux : la plus bruyante, la pneumonie lupique, non infectieuse, est aussi la plus rare (2 à 10 % des cas). La plus grave est le tableau d’hémorragie intra-alvéolaire avec une insuffisance respiratoire aiguë (toux, fièvre, hémoptysies), une image radiographique de poumon blanc et une chute de l’hémoglobine. Elle survient habituellement dans un contexte de lupus érythémateux évolutif, souvent avec atteinte rénale. Sa prévalence est faible (1,3 % dans une série chinoise de 2 133 lupus). Plus fréquentes sont les simples anomalies des épreuves fonctionnelles respiratoires, avec parfois un syndrome restrictif, et plus habituellement une baisse de la diffusion de l’oxyde de carbone (80 % des cas). La fibrose interstitielle diffuse clinique et radiologique n’est observée que dans 3 à 10 % des cas. L’aspect histologique le plus habituel est celui d’une pneumonie interstitielle non spécifique (NSIP), les autres aspects étant plus rares mais décrits (pneumonie organisée, pneumonie interstitielle lymphoïde, pneumonie interstitielle usuelle, lésion alvéolaire diffuse). On décrit également un syndrome restrictif lié à des poumons rétractés (« shrinking lung ») et des paralysies diaphragmatiques. L’hypertension artérielle pulmonaire est rare (0,5 à 17,5 %). Son pronostic s’est amélioré avec l’usage de la prostacycline, des inhibiteurs de l’endothéline et des inhibiteurs de la 5 phosphodiestérase. Elle peut-être primitive et sensible au cyclophosphamide IV et aux corticoïdes, ou liée à des thromboses ou embolies itératives dans le cadre d’un syndrome des anticorps antiphospholipides. Toutes ces manifestations parenchymateuses ou pariétales doivent être différenciées des pneumopathies infectieuses, virales ou bactériennes, voire mycosiques ou parasitaires (pneumocystose) qui surviennent dans 10 à 30 % des cas.
MANIFESTATIONS CARDIOVASCULAIRES
Manifestations cardiaques ■
Les manifestations cardiaques intéressent les trois tuniques du cœur, ainsi que les coronaires. La péricardite est d’expression clinique dans 20 à 30 % des cas (cf. figure 3.27),
Figure 3.27.
Radiographie thoracique face : pleuropéricardite.
■
■
3
échographique dans 40 % des cas et anatomique dans 60 à 70 % des cas. Exceptionnellement, elle se révèle par une tamponnade, de mauvais pronostic. L’évolution vers la constriction est rare. La myocardite est habituellement sans traduction clinique, dépistée par l’échographie, elle se complique parfois par un trouble du rythme, à type de bloc de conduction, rarement complet. Elle serait plus fréquente chez les sujets porteurs d’anticorps anti-U1-RNP. Sa fréquence ne dépasse pas 5 %. Elle devra être distinguée d’une myocardite toxique induite par les antimalariques. L’endocardite, dans sa forme anatomique majeure, prend l’aspect de l’endocardite verruqueuse décrite par Libmann et Sacks dès 1924. Elle se traduit cliniquement par un souffle valvulaire, mitral ou aortique, et peut se compliquer d’une insuffisance cardiaque congestive. Une greffe oslérienne est possible. La fréquence des souffles varie de 1 à 5 % et l’atteinte anatomique est beaucoup plus fréquente, entre 35 et 64 % des séries autopsiques. L’exploration échodoppler par voie transthoracique et transœsophagienne explique l’augmentation de fréquence actuelle des valvulopathies dépistées chez les lupiques, ce chiffre atteignant celui des données autopsiques. On insiste sur l’association statistiquement significative entre valvulopathie et présence d’anticorps antiphospholipides [34].
L’atteinte coronaire se traduit par un angor ou un infarctus du myocarde responsable d’un pic de mortalité tardive. Une athéromatose accélérée en est l’expression anatomique, favorisée par une prise de corticoïdes, mais aussi probablement une artérite fibreuse propre au lupus, expliquant les formes ultraprécoces [35] parfois observées dans les séries pédiatriques. La prévalence de l’infarctus du myocarde (8 % des lupiques, risque multiplié par 5 à 8) est responsable du pic de mortalité tardive. Ainsi, chez les femmes jeunes, le risque d’hospitalisation pour infarctus du myocarde est multiplié par 2,27 chez les lupiques et le risque pour angor est multiplié par 3,8. Le dépistage d’un athérome précoce est actuellement une priorité de santé publique chez les lupiques, d’autant que des événements cardiovasculaires peuvent survenir précocement dans l’évolution du lupus [36] : ainsi, dans une cohorte internationale de 1 249 lupus, 22 patients ont présenté 31 événements cardiovasculaires d’origine athéroscléreuse après une durée moyenne de la maladie de 2 + 1,5 années. Ainsi un dépistage doit être préconisé par un écho-doppler carotidien, une échocardiographie et la recherche de facteurs de risque classiques d’athérome. La fréquence des plaques carotidiennes est de 37 à 40 % versus 15 % pour la population témoin, et les facteurs indépendants prédictifs sont une longue durée d’évolution du lupus, un index de dommage irréversible élevé, une plus faible incidence de traitement par le cyclophosphamide et l’absence d’anticorps anti-Sm. De même, la fréquence des calcifications coronariennes est significativement plus élevée chez les lupiques (30 %) que chez les témoins (8,6 %) [37], ces atteintes étant liées à des taux élevés de triglycérides et d’homocystéine, plus fréquentes chez les sujets lupiques âgés et de sexe masculin. Un dépistage de l’athérome coronaire peut être proposé en utilisant une scintigraphie de type SPECT avec du sestamibi technetié 99m . Un tiers des femmes lupiques présentent une fixation anormale mais seulement un tiers de ces scintigraphies de dépistage correspondent en coronarographie 53 à des plaques d’athérosclérose. Parmi les examens non vulné-
3
LUPUS ÉRYTHÉMATEUX rants, la mesure du rapport de l’épaisseur intima/média à la carotide et la mesure de la rigidité artérielle constituent également d’excellents tests prédictifs de dépistage préclinique. La valeur des résultats fournis par l’imagerie IRM du cœur demande encore à être précisée [38]. Les facteurs de risque associés sont les antécédents familiaux, une hypertension artérielle, une hypercholestérolémie supérieure à 2 g/l, l’obésité, le tabagisme, un diabète ou une sédentarité excessive. Ils devront être corrigés par tous les moyens. Le lupus constitue à lui seul un facteur de risque indépendant des facteurs de risque cardiovasculaires classiques. Il existe des variations ethniques avec une plus grande prévalence chez les sujets noirs [39] et selon le sexe, les hommes étant plus touchés que les femmes.
Manifestations vasculaires périphériques (voir chapitre 13, page 141) ■
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L’hypertension artérielle est rapportée chez 15 à 70 % des malades, soit satellite d’une insuffisance rénale, soit favorisée par une corticothérapie. Diabète, obésité et hypertension artérielle s’intègrent volontiers dans un syndrome métabolique dont la prévalence est chiffrée à 18 % chez les lupiques anglais et à 30 % chez les lupiques nord-américains. Le syndrome de Raynaud est présent dans 20 à 30 % des cas et se complique rarement d’une ulcération digitale. L’atteinte artérielle des gros troncs et des artères nominées peut être responsable d’ischémie distale ou de nécrose viscérale, de très mauvais pronostic. Anatomiquement, il s’agit rarement d’une artérite inflammatoire, on note généralement une prolifération intimale et médiale, sans infiltrat cellulaire. Plus rarement les gangrènes sont liées à des embolies cruoriques à point de départ cardiaque ou à des thromboses in situ dans le cadre d’un syndrome des anticorps antiphospholipides. Les phlébothromboses sont notées dans 8 à 20 % des cas (figure 3.28). Elles sont volontiers emboligènes. Elles peuvent intéresser les territoires des membres (figure 3.29) mais aussi les veines viscérales ou les veines caves. Leur caractère récidivant est très évocateur de la présence d’anticoagulant circulant (voir chapitre troubles de l’hémostase) ou plus généralement d’anticorps antiphospholipides (40 % de phlébothrombose en cas de présence d’anticorps anticardiolipines contre 10 % en l’absence d’anticorps anticardiolipines) [40].
Figure 3.28. Thrombose du tronc veineux innominé gauche (angiographie).
Figure 3.29. Circulation veineuse collatérale thoracique supérieure révélatrice d’une thrombose veineuse sous-clavière gauche.
MANIFESTATIONS HÉMATOLOGIQUES
Modification des organes lymphoïdes Des adénopathies sont présentes chez 20 à 60 % des patients. Elles témoignent de l’évolutivité de la maladie. Il s’agit de ganglions inflammatoires bénins, superficiels et plus rarement profonds. Une nécrose fibrinoïde est propre aux lupus aigus mais doit faire évoquer l’association à un syndrome de Kikuchi. Une splénomégalie modérée est présente chez 10 à 20 % des patients, en dehors de toute hémolyse. La rupture spontanée est exceptionnelle. L’infarctus splénique peut aboutir à un hyposplénisme, avec à l’hémogramme des corps de Jolly et des sphérocytes. On a décrit également des microcalcifications spléniques en TDM en dehors de toute origine infectieuse, de cirrhose hépatique ou d’amylose. Une évolution vers l’asplénie est également possible. Cette asplénie expose au risque infectieux pneumococcique, à prévenir par une vaccination préventive.
Anomalies de l’hémogramme (voir chapitre 30, page 283 et chapitre 32, page 297) Une anémie est notée chez 25 à 50 % des patients. Il s’agit habituellement d’une anémie de type inflammatoire. L’anémie hémolytique avec un test de Coombs positif, de type IgG et complément, est rare (5 %), contrastant avec l’extrême fréquence d’un test de Coombs positif sans hémolyse (20 à 40 %) [41]. Le taux de récurrence est faible (4/100 personnes/année). Elle s’associe volontiers à une thrombopénie auto-immune, aux thromboses et aux anticorps antiphospholipides. Exceptionnellement le mécanisme de l’anémie sera une microangiopathie thrombotique, une anémie réfractaire, une érythroblastopénie autoimmune, une anémie mégaloblastique. L’anémie est habituelle en cas d’insuffisance rénale chronique. Une leucopénie est notée à un moment ou à un autre de l’évolution dans 20 à 80 % des cas. Elle intéresse essentiellement les lymphocytes (40 % des cas). La neutropénie isolée sans lymphopénie est plus rare. Elle s’observe cependant chez 50 % des lupiques durant l’évolution. Rarement profonde, cette neutropénie résulterait d’une apoptose augmentée des polynucléaires et s’associe à des taux élevés de la cytokine TRAIL. Une thrombopénie inférieure à 100 000/mm3 s’observe chez 10 à 50 % des cas. Il s’agit d’une thrombopénie péri-
MANIFESTATIONS CLINIQUES ET BIOLOGIQUES - DIAGNOSTIC DU LUPUS ÉRYTHÉMATEUX phérique avec un test de Dixon positif (Ac antiplaquettes) qui est rarement très profonde. Associée à l’anémie hémolytique à test de Coombs positif, la thrombopénie auto-immune constitue le syndrome d’Evans (< 3% des lupus). Le lupus érythémateux ne constitue cependant que 20 à 30 % des étiologies des syndromes d’Evans secondaires. La thrombopénie est plus souvent modérée, entre 50 et 100 000 par mm3, volontiers associée à un syndrome des anticorps antiphospholipides, avec accidents de thrombose. C’est alors une thrombopénie de consommation. Il en est de même des rares observations de purpura thrombotique thrombocytopénique avec autoanticorps anti-ADAMTS13. De rares observations de pancytopénie peuvent s’expliquer par un syndrome d’activation macrophagique (SAM) avec fièvre, hépatospléméalie, hyperferritinémie, augmentation du LDH, hypertriclycériémie, hypofibrinogénémie, encéphalopathie et dysfonction hépatique, plus fréquent chez l’enfant que l’adulte en poussée.
Troubles de l’hémostase Ils sont dominés par la présence d’un anticoagulant circulant (ACC) de type antiprothrombinase, encore appelé anticoagulant lupique (LAC) dépisté dans environ 20 % . Cet ACC se traduit par un allongement du temps de céphaline kaolin ou de tests analogues utilisant des réactifs phospholipidiques – temps de thromboplastine dilué, temps de venin de vipère Russel dilué (dRVVT) non corrigé par l’addition volume à volume d’un plasma témoin. L’antiprothrombinase (voir formes cliniques) ou anticoagulant lupique est associée de manière hautement significative à diverses manifestations regroupées sous le nom de syndrome des anticorps antiphospholipides, et en particulier aux thromboses vasculaires (cf. figure 3.10). Les autres troubles de l’hémostase sont exceptionnels : citons le déficit acquis en facteur II et la présence d’un anticoagulant acquis antifacteur VIII.
MANIFESTATIONS DIGESTIVES ET HÉPATIQUES (tableau 3.9) [42] (voir chapitre 11, page 129) Anorexie, nausées, vomissements accompagnent habituellement une poussée de la maladie (10 à 50 %). Les douleurs abdominales relèvent de mécanismes variés : ascite avec parfois une pseudo-obstruction intestinale, hémopéritoine, mais surtout on se méfiera d’une pancréatite (devant faire chercher une infection à CMV notamment) ou d’une perforation intestinale liée à un mécanisme de vascularite. On n’omettra pas de rechercher une insuffisance surrénalienne prenant le masque de nausées et de troubles digestifs. L’atteinte hépatique est classiquement rare, avec une hépatomégalie dans 10 à 30 % des cas, un ictère dans 3 % des cas, souvent lié à une hémolyse. Des études autopsiques ont révélé la fréquence de la congestion hépatique (75 %), de la stéatose (70 %) pour laquelle on incrimine le rôle des corticoïdes, et parfois des lésions d’artérite des artères intra-hépatiques de moyen calibre (20 %).
COMPLICATIONS INFECTIEUSES [43, 44] Elles tiennent une place importante dans la surveillance régulière des lupiques car elles sont fréquentes et parfois sévères. Les infections sont la première cause d’admission
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Tableau 3.9. Principales manifestations digestives du lupus érythémateux. Stomatologiques a. Éruption et érosions muqueuses (19-30 %) b. Plaque de lupus érythémateux discoïde Œsophage a. Hypomotilité avec dysphagie (1-6 %) b. Reflux (11-50 %) Estomac a. Ulcère peptique (14-21 %) b. Gastrite aux AINS c. Anémie mégaloblastique avec gastrite atrophique d. Aspect de muqueuse en melon d’eau Intestin grêle a. Pseudo-obstruction intestinale chronique (POIC) b. Entérite (avec cystite lupique et urétérohydronéphrose) Colon a. Colite ulcérée (très rare) b. Colite collagène c. Entéropathie exsudative d. Malabsorption des graisses e. Maladie cœliaque Péritoine a. Péritonite/ascite (8-11 %) Pancréatite a. Lupique (1-4 %) b. Médicamenteuse (corticoïdes, azathioprine…) Vascularite digestive intestinale (0,5-1 %) Douleurs abdominales (8-37 %) Atteintes hépatiques (20-50 %) a. Anomalies tests hépatiques (25-50 %) b. Hépatites auto-immunes (types 1, 2 ou 3) c. Hyperplasie nodulaire régénérative d. Dégénérescence graisseuse e. Hépatite virale B ou C f. Cirrhose biliaire primitive g. Cholangite sclérosante h. Insuffisance hépatique du syndrome d’activation macrophagique
des lupus en unités de soins intensifs. Elles doivent être systématiquement évoquées devant toute fièvre, signes généraux ou localisation viscérale, avant d’envisager une manifestation proprement lupique. Elles sont à l’origine de 50 % de la morbidité. Un tiers des décès est imputable à une infection comme cause principale, contre 15 % pour les atteintes rénales ou les complications neurologiques. Les facteurs de risque d’infection sont les poussées sévères, l’atteinte glomérulaire, les doses élevées de corticoïdes IV, les bolus de cyclophosphamide. Une forte élévation de la CRP chez un lupique fébrile doit systématiquement faire évoquer une surinfection. Le dosage de procalcitonine s’est avéré décevant car il y a trop de faux négatifs. La moitié des germes responsables de la mortalité infectieuse sont des germes opportunistes, souvent de découverte anatomique. Une fois sur cinq plusieurs micro-organismes coexistent simultanément. Les germes en cause sont les bactéries surtout, plus rarement les mycoses, le Pneumocystis jiroveci, le cytomégalovirus, le virus herpétique. Si 1 % des lupus ont une endocardite d’Osler, celle-ci est responsable d’une forte morta- 55 lité sur ce terrain. La tuberculose pulmonaire grave représente
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LUPUS ÉRYTHÉMATEUX 5 % des patients de notre série. Citons également les listérioses méningées, les salmonelloses digestives avec dissémination à l’os, au poumon, au rein, les septicémies gonococciques et les septicémies à anguillule favorisées par une forte corticothérapie chez les sujets d’outre-mer. Plus rarement il s’agit de cryptococcose ou de toxoplasmose. Parmi les infections moins sévères, citons les arthrites septiques et les infections cutanées à staphylocoques, les infections à parvovirus B19, les efflorescences de verrues et les infections récidivantes des voies respiratoires ou des voies urinaires. Le CMV peut être à l’origine d’un tableau de polyarthrite fébrile avec myocardite et entérite. Le diagnostic repose sur la PCR et l’antigénémie pp65. Les pneumococcies seront prévenues par une vaccination préventive, en particulier chez les sujets aspléniques. La prévalence de l’infection à virus HPV, agent étiologique du cancer du col utérin, est trois fois plus fréquente chez les lupiques, nécessitant un dépistage plus fréquent. Elle est estimée à 12 % dans une cohorte asiatique et à 25 % après 3 ans de suivi [45]. Le lupus érythémateux ne contre-indique pas les vaccinations avec les germes tués. Les traitements immunosuppresseurs contre-indiquent les vaccinations avec des germes vivants, même atténués.
FORMES CLINIQUES
Selon l’âge de début LUPUS À DÉBUT PÉDIATRIQUE [46] (voir aussi chapitre 5, page 93) Environ 10 % des malades ont un début clinique remontant à la première décennie. Le sex-ratio est alors de 7 femmes pour 3 hommes environ (4/3 avant 10 ans, 4/1 entre 10 et 20 ans). Le diagnostic est souvent retardé à cet âge devant un début en général viscéral, rénal, neurologique ou hématologique, mais aussi cutanéomuqueux. Ces formes semblent volontiers plus graves et plus actives que les formes de l’adulte au moment du diagnostic avec plus d’atteintes rénales (85 à 90 %) et plus d’atteintes neurologiques, et se prolongent volontiers à l’âge adulte. Les taux de survie du lupus pédiatrique sont voisins de ceux décrits chez l’adulte de gravité égale. Un début dans le jeune âge devra faire rechercher un déficit en C2 ou en C4, plus rarement en C1q.
LUPUS NÉONATAL Le lupus cutané néonatal est une éventualité rare. Il se développe alors que la mère est porteuse d’anti-SSA et/ou d’anti-SSB et se traduit par une éruption cutanée des zones photoexposées, débutant souvent quelques jours ou semaines après la naissance, parfois une thrombopénie et/ou une hépatite cytolytique. L’éruption guérit en quelques semaines, laissant parfois des cicatrices télangiectasiques pour ne plus récidiver ultérieurement. Ce lupus néonatal peut s’associer ou non à un bloc auriculoventriculaire congénital. Le bloc auriculoventriculaire congénital est la conséquence d’une myocardite fœtale. Ces blocs surviennent exclusivement chez les enfants de mères porteuses d’anticorps anti-SSA (Ro) ou SSB (La). La fréquence de cet accident est estimée à 1/60 au cours du lupus tout-venant, à 1/20 si la mère est porteuse d’anti-SSA (Ro) et à 1/6-1/3 si une grossesse précédente s’est déjà com56 pliquée d’un bloc auriculoventriculaire congénital.
LUPUS DÉBUTANT CHEZ LE SUJET DE PLUS DE 50 ANS Elles représentent environ 10 % des maladies lupiques. La prédominance féminine est moins importante que chez l’adulte jeune, avec 5 femmes pour 1 homme. Les manifestations générales et la polyarthrite dominent l’expression clinique, avec moins de manifestations cutanées et rénales que chez l’adulte jeune, du moins au début. Les pleuropéricardites et l’atteinte parenchymateuse pulmonaire sont en revanche plus fréquentes chez le sujet âgé. Il existe souvent un syndrome de Sjögren associé et sur le plan immunologique, des anticorps anti-SSA et anti-SSB, contrastant avec des taux bas d’anticorps anti-ADN natif et moins souvent des anticorps anti-Sm ou anti-U1-RNP. Le risque d’athérome compliqué est plus élevé chez les patients âgés mais le score de lésions irréversibles (index SLICC) ne semble pas différent chez les sujets âgés. L’index d’activité SLEDAI est souvent plus bas chez les sujets âgés, du moins en Europe [47].
Selon le sexe LUPUS MASCULINS [48] Environ 10 % des sujets atteints de lupus érythémateux systémique sont de sexe masculin, plus chez l’enfant et après 55 ans. La fréquence relative des principales manifestations cliniques et sérologiques par rapport au lupus féminin diffère d’une étude à l’autre. Dans une revue de la littérature, il apparaît que le lupus masculin a une prévalence plus élevée d’atteinte rénale quel que soit l’âge de début. Il en est de même des atteintes cutanées, hématologiques, neurologiques, cardiovasculaires, des sérites, des vascularites. À l’inverse, phénomène de Raynaud, photosensibilité, ulcérations des muqueuses sont plus rares. Les arthrites sont soit plus soit moins fréquentes selon les séries. Dans les séries anciennes, le pronostic du lupus masculin était meilleur que celui du lupus féminin. Dans les séries les plus récentes, il est identique dans les deux sexes, hormis le risque coronarien qui est plus élevé chez l’homme lupique.
LUPUS ET GROSSESSE [49] (voir chapitre 15, page 153) La grossesse peut retentir sur l’évolution du lupus, inversement le lupus peut retentir sur le déroulement de la grossesse.
Le risque maternel de la grossesse Si un trouble des règles s’observe dans 40 % des cas, la fertilité reste identique à celle de la population générale. S’il est vrai que le lupus se révèle fréquemment à l’occasion ou au décours d’une grossesse, le déclenchement d’une poussée lupique lors d’une grossesse chez un lupus diagnostiqué fait encore l’objet de controverses. La plupart des études non contrôlées font état d’une fréquence augmentée des poussées lors du dernier trimestre et de la période du post-partum, voire, pour certains auteurs, dès le premier trimestre. Cependant il s’agit souvent de poussées peu sévères et nombre d’entre elles se manifestent soit par une thrombopénie modérée, soit par une hypertension artérielle avec protéinurie ou insuffisance rénale évoquant plutôt une maladie fœtoplacentaire qu’une véritable poussée lupique. Les études contrôlées récentes montrent une fréquence accrue de poussée à l’occasion d’une grossesse chez une lupique stabilisée. Il s’agit souvent de poussées peu sévères. Le risque d’exa-
MANIFESTATIONS CLINIQUES ET BIOLOGIQUES - DIAGNOSTIC DU LUPUS ÉRYTHÉMATEUX cerbation est en revanche certain si la grossesse survient au cours d’un lupus non stabilisé par le traitement depuis au moins six mois, a fortiori s’il existe une atteinte rénale. Il en est de même en cas de tentative de fécondation in vitro (FIVE) par les gonadotrophines ou le GnRHR effectuée alors que la maladie lupique a été dissimulée au médecin par la candidate à la FIVE. Quoi qu’il en soit, rappelons qu’il est exceptionnel de proposer une interruption thérapeutique de grossesse pour le seul fait que la patiente est atteinte d’une maladie lupique sauf en cas d’hypertension artérielle pulmonaire, d’insuffisance cardiaque décompensée, de poussée subintrante viscérale grave.
Le risque fœtal de la grossesse Les patientes lupiques ont un risque d’avortement spontané deux à trois fois supérieur à celui de la population générale. Le risque de mort fœtale tardive durant le troisième trimestre est évalué à 10 % environ ; la prématurité et l’hypotrophie sont trois fois plus fréquentes que dans la population générale. Les morts fœtales non liées à une néphropathie lupique hypertensive sont habituellement associées avec la présence d’un anticoagulant circulant ou d’anticorps anticardiolipines. Ces anticorps prédisposent à des avortements répétés, ceux-ci, dans des études rétrospectives, étant d’autant plus fréquents que le titre des anticorps antiphospholipides est augmenté. La chance de mener une grossesse à terme est d’autant plus élevée qu’il n’existe pas d’antécédent d’avortement lors des grossesses précédentes.
CONTRACEPTION (voir chapitre 16, page 167) Le risque de retentissement maternel de la grossesse chez une lupique non stabilisée impose une contraception efficace. Celle-ci fait appel en priorité aux progestatifs de synthèse, notamment minidosés, voire aux anti-androgènes. On déconseillera l’usage de composés œstrogéniques, à plus forte raison s’il existe un syndrome des antiphospholipides bien qu’une étude contrôlée ait conclu à l’innocuité des pilules œstroprogestatives dans le lupus bénin. Les méthodes physiques restent une solution pour les intolérances ou contreindications aux progestatifs.
Selon le groupe ethnique La prévalence du lupus est 2 à 4 fois plus élevée chez les femmes noires (cf. figure 3.2) ou asiatiques. En termes de mortalité ou de survie à dix ans, les principales études concluent à une survie diminuée chez les ethnies de sujets noirs ou hispaniques. Cette surmortalité est d’origine discutée : pour certains auteurs, il s’agit d’une influence génétique du groupe ethnique, les sujets d’origine noire, asiatique ou hispanique ayant plus souvent une atteinte rénale sévère et résistant au traitement. Pour d’autres, elle est liée à des facteurs socio-économiques, les patients éduqués et plus fortunés consultant plus précocement et bénéficiant d’une prise en charge thérapeutique plus précoce que les sujets d’origine socio-économique plus défavorisée. Ces deux explications conjointes ont la faveur de la majorité des auteurs. Les sujets lupiques noirs et hispaniques font plus fréquemment des décès d’origine coronarienne.
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viennent les déficits en C4, C1r, C1s. Les caractéristiques principales de ces lupus sont les suivantes : un début souvent précoce durant la première ou deuxième décennie, une fréquence élevée d’atteintes lupiques familiales et d’infections bactériennes à répétition. Ces maladies lupiques se manifestent très habituellement par des signes cutanés florides mais s’accompagnent exceptionnellement d’une atteinte rénale grave. Sur le plan biologique, les anticorps antinucléaires sont présents à des taux faibles et les anticorps anti-ADN natif peuvent être absents. Le CH50 est indosable, le dosage protéique ou hémolytique des différentes fractions de la voie classique permettra d’affirmer le déficit complet en un facteur. L’analyse directe du gène du patient affirmera l’origine génétique du déficit.
Lupus érythémateux et syndrome des anticorps antiphospholipides [40, 50] (voir chapitre 33, page 303) On désigne sous le terme de syndrome des anticorps antiphospholipides (SAPL) l’ensemble des manifestations cliniques et biologiques secondaires (ce qui implique un lien de causalité) ou associées (ce qui implique une relation statistiquement significative) à la présence d’aPL et/ou de leurs cofacteurs. Le SAPL est défini initialement par Harris en 1987 par l’association de manifestations cliniques thrombotiques veineuses ou artérielles ou d’avortements répétés avec la présence durable d’anticorps antiphospholipides : LAC (anticoagulant lupique) ou aCL (antocardiolipine). Une thrombopénie périphérique est souvent associée. La symptomatologie clinique du SAPL s’est enrichie de diverses manifestations dont certaines ne semblent pas de nature thrombotique ; leur intégration dans une définition élargie du SAPL n’est pas encore admise dans les critères internationaux révisés en 2006 (tableau 3.10). Des critères préliminaires internationaux de classification du SAPL ont été proposés (critères de SAPPORO) puis révisés en 2006 en intégrant les anti-β2-GPI [51]. Initialement considéré comme un sous-groupe entièrement inclus au sein du lupus systémique, le SAPL est aussi rencontré de façon totalement isolée de toute manifestation clinique ou biologique du lupus : on parle de syndrome primaire des antiphospholipides (SAPL I) par opposition au SAPL secondaire (SAPL II) à un lupus, ou plus rarement à une autre connectivite, une vascularite systémique ou une affection maligne. La prévalence du SAPL au cours du lupus systémique a probablement été surestimée, la méta-analyse de LOVE et SANTORO [52] faisait état d’un chiffre de 42 % chez le lupus porteur d’un LAC contre 12 % chez ceux n’ayant pas de LAC. ALARCON-SEGOVIA rapporte un chiffre de 10 % de SAPL défini chez 667 lupus suivis 7,5 mois en moyenne. Cette prévalence augmente avec la durée du suivi : 15 % après 3 ans et un maximum de 23 % après 15 à 18 ans. Michèle Petri rapporte un chiffre de 5 %. Dans une série personnelle de 101 lupus hospitalisés et suivis en moyenne 7 ans, la prévalence du SAPL était de 8 %.
Selon le terrain génétique
LES MANIFESTATIONS EXTRA-OBSTÉTRICALES DU SAPL
Certains déficits congénitaux en facteurs du complément prédisposent à une maladie lupique. Le déficit le plus fréquemment observé au cours du lupus est le déficit congénital en C2, puis
Elles sont dominées par les accidents thrombotiques veineux et artériels pouvant toucher l’ensemble des territoires 57 vasculaires, viscères, membres et peau. On décrit également
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LUPUS ÉRYTHÉMATEUX
Tableau 3.10. du SAPL.
Critères révisés (2006) de classification
Critère clinique Thrombose vasculaire : au moins 1 épisode de thrombose veineuse ou artérielle ou des petits vaisseaux dans n’importe quel organe. La thrombose doit être confirmée par une méthode objective validée d’imagerie ou histologique. En cas de confirmation histologique, la thrombose doit être présente sans signe inflammatoire de la paroi vasculaire. Maladie obstétricale Une ou plusieurs pertes fœtales survenant à 10 semaines de grossesse ou plus, le fœtus étant morphologiquement normal sur les données ultrasoniques ou de l’examen direct du fœtus ou ■ Une ou plusieurs naissances prématurées d’un nouveau-né morphologiquement normal avant la 34e semaine de grossesse suite : (a) à une éclampsie ou à une prééclampsie sévère ; (b) à une insuffisance placentaire documentée ou ■ avortements spontanés ou plus survenant avant 10 semaines de grossesse après exclusion de toutes les causes anatomiques ou hormonales maternelles et de toutes causes chromosomiques d’origine parentale ■
Critères biologiques Présence d’un anticoagulant circulant de type LA à au moins 2 déterminations espacées d’au moins 12 semaines ou ■ Présence d’anticorps anticardiolipines (aCL de type IgG ou de type IgM) dans le sérum ou le plasma à des titres intermédiaires ou élevés (> 40 U GPL ou MPL, ou > 99e percentile) à 2 occasions au moins espacées d’au moins 12 semaines, utilisant une méthode ELISA standardisée ou ■ Présence d’anticorps anti-β2 GPI IgG ou IgM dans le sérum ou le plasma (à un titre > 99e percentile) à au moins 2 occasions espacées d’au moins 12 semaines utilisant une méthode ELISA standardisée. ■
Le SAPL est défini par la présence d’au moins un signe clinique et un critère biologique (le diagnostic ne peut être retenu s’il y a plus de 5 ans entre les manifestations cliniques et la positivité des antiphospholipides).
des manifestations non thrombotiques, notamment hématologiques et neurologiques.
Les thromboses veineuses Elles sont les plus fréquentes. L’atteinte des veines profondes des membres inférieurs est certes dominante mais toutes les localisations sont possibles : membres supérieurs, territoire cave supérieur (cf. figures 3.28 et 3.29) ou inférieur, veines rénales, mésentérique, sus-hépatiques et porte, veines pulmonaires, rétiniennes, sinus duraux cérébraux et veines superficielles. Ces thromboses veineuses sont volontiers à l’origine d’embolies pulmonaires. Les thromboses artérielles Elles peuvent également concerner tous les territoires mais les atteintes neurologiques sont ici au premier plan, avant celles des artères des membres et des autres artères viscérales, source d’infarctus qui peuvent tous révéler le SAPL : artères coronaires [38], rénales, mésentériques, hépatiques, 58 rétiniennes.
LES MANIFESTATIONS NEUROLOGIQUES DU SAPL Les atteintes du système nerveux central (SNC) occupent une place primordiale (cf. figures 3.25 et 3.26). La présence d’aPL est fortement associée à ces manifestations neurologiques au cours du LES : 55 % d’aPL chez les malades avec atteinte du SNC, contre 20 % en son absence. Le risque de maladie cérébrovasculaire exprimé en odds ratio est de 13,6 dans un groupe de 137 lupus à début infantile en cas de présence d’un LAC. Il en est de même chez l’adulte dans une série de 518 LES chinois (OR 3,3).
Les atteintes neurologiques du SAPL de mécanisme vasculaire Leur traduction clinique est très diverse et aspécifique : symptomatologie transitoire parfois difficile à distinguer d’une migraine avec aura ; accidents ischémiques constitués rarement massifs et fatals, plus souvent limités (figure 3.26) et ne laissant que de modestes séquelles motrices et sensitives. Leur topographie est généralement encéphalique, concernant surtout le territoire de l’artère sylvienne et de ses branches. Les lésions atteignent plus rarement le tronc cérébral, le cervelet ou l’œil, exceptionnellement la moelle. La répétition d’accidents ischémiques constitués peut conduire à un état démentiel irréversible ou à des troubles cognitifs variés. L’imagerie par résonance magnétique (IRM), plus performante que la tomodensitométrie, montre deux types d’anomalies : d’une part des images séquellaires d’infarctus cérébraux non hémorragiques, très variables dans leur taille, leur nombre et leur topographie (plus volontiers sous-corticale que corticale), et d’autre part de petits hypersignaux multiples visibles en séquence T2 ou FLAIR (fluid attenuated inversion recovery) dans la substance blanche périventriculaire (cf. figure 3.25). Chez ces malades, la mise en évidence de micro-embolies par enregistrement durable du doppler transcrânien constitue un fort argument pour incriminer une cardiopathie emboligène dans la genèse de certaines manifestations ischémiques cérébrales. Les thromboses des sinus duraux sont rares au sein des manifestations neurologiques du SAPL. Les atteintes neurologiques du SAPL de mécanisme incertain La chorée, rare mais parfois révélatrice du LES, notamment chez l’enfant, est étroitement associée à la présence d’aPL. La chorée est habituellement résolutive en quelques semaines ou mois. La comitialité est statistiquement associée à la présence d’aPL au cours du LES. La myélite transverse du LES résulte de mécanismes mal connus. L’association d’une telle myélite et d’une névrite optique (neuromyélite de Devic) partiellement ou totalement régressive pose la question d’une éventuelle sclérose en plaques, certains ayant même proposé le terme de « sclérolupus ». L’éventuelle association entre migraine et aPL reste très discutée.
LES MANIFESTATIONS CARDIAQUES DU SAPL Les atteintes cardiaques sont fréquentes au cours du SAPL associé à un LES. Elles sont dominées par les valvulopathies (tableau 3.11). Il s’agit essentiellement de dilatation avec régurgitation mitrale, exceptionnellement de sténose. En échographie transthoracique, la prévalence des anomalies valvulaires varie de 32 à 38 % contre 0 à 5 % parmi les contrôles. L’échographie
MANIFESTATIONS CLINIQUES ET BIOLOGIQUES - DIAGNOSTIC DU LUPUS ÉRYTHÉMATEUX ■
Tableau 3.11. du SAPL. ■
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Principales manifestations cardiaques
Anomalies valvulaires : – Végétations (non bactériennes) – Épaississement – Dysfonction (régurgitation) Occlusion coronarienne : – Thrombose – Athérome Anomalies ventriculaires : – Hypertrophie (cardiomyopathie diffuse) – Dysfonction diastolique Thrombus intracavitaire HTA pulmonaire
transœsophagienne, plus sensible, montre des anomalies valvulaires dans 82 % des cas de SAPL. L’épaississement valvulaire est la lésion la plus fréquente : 63 % des cas sur la valve mitrale, 32 % sur la valve aortique et 8 % sur la valve tricuspide. Des végétations mitrales sont présentes dans 16 % des cas. Leur présence expose à trois types de complications potentielles : ■
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un retentissement hémodynamique, inconstant (5 % des cas) ; des embolies systémiques, notamment neurologiques, parfois révélatrices ; une surinfection bactérienne, rare mais de diagnostic difficile quand les hémocultures sont négatives. Les autres manifestations cardiaques sont moins fréquentes : infarctus myocardique (4 %) du sujet jeune, souvent à coronaires normales ; myocardiopathie segmentaire ou globale secondaire à des thromboses de topographie variable ; thromboses intracavitaires parfois difficiles à différencier d’une volumineuse végétation.
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Les embolies pulmonaires sont fréquentes dans le SAPL et parfois révélatrices. Les rapports entre aPL et hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) sont discutés. Enfin, un syndrome de détresse respiratoire aiguë de l’adulte est fréquemment observé au cours du SAPL « catastrophique » [53].
LES MANIFESTATIONS DERMATOLOGIQUES DU SAPL Parfois révélatrices (cf. tableau 3.2), ces manifestations sont très diverses [54]. ■
Le livédo, réseau érythrocyanique, est statistiquement associé à la présence d’aPL au cours du LES, en particulier chez les malades présentant par ailleurs une atteinte artérielle, valvulaire, rénale ou un phénomène de Raynaud. L’association d’un livédo ramifié (ou racémeux) et de manifestations ischémiques cérébrales définit le syndrome de Sneddon au cours duquel la prévalence des aPL, très diversement appréciée, se situe autour de 40 % (cf. figure 3.8).
Les ulcérations cutanées, fréquemment dans le cadre d’un syndrome post-phlébitique, ailleurs à type d’atrophie blanche ou simulant un pyoderma gangrenosum ; Le purpura nécrotique attribué par l’étude histologique à un processus primitivement thrombotique et non vasculitique ; Les nécroses distales (cf. figure 3.10) ; Les phlébites superficielles ; Les hémorragies sous-unguéales multiples en flammèche contemporaines d’autres manifestations thrombotiques (cf. figure 3.13) ; Exceptionnellement, des nécroses cutanées extensives, une mélanodermie secondaire à une insuffisance surrénale chronique, une anétodermie associée au SAPL (manifestation non thrombotique caractérisée par des aires circonscrites de peau flasque liée à une atteinte localisée des fibres élastiques) sont observées.
LES MANIFESTATIONS RÉNALES DU SAPL La prévalence de lésions histologiques rénales de SAPL au cours du LES est évaluée à 30 % dans les séries néphrologiques. Longtemps méconnues, elles résultent de thromboses qui peuvent concerner tous les vaisseaux rénaux (tableau 3.12) : ■
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Au cours du SAPL, la survenue de manifestations artérielles systémiques impose la réalisation d’une échocardiographie, si possible par voie transœsophagienne.
LES MANIFESTATIONS RESPIRATOIRES DU SAPL
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thrombose du tronc de l’artère rénale, à l’origine d’infarctus de taille variable. En outre, certains malades sont porteurs d’une sténose artérielle de nature incertaine, source d’hypertension rénovasculaire ; thromboses des artérioles intraparenchymateuses et/ou des capillaires glomérulaires, parfois à l’occasion d’une grossesse [55]. Le tableau clinique associe une HTA parfois maligne et une insuffisance rénale d’importance et d’évolutivité très variables. L’histologie rénale, obtenue par voie transjugulaire chez ces malades anticoagulés et parfois thrombopéniques, objective les lésions thrombotiques, la présence de glomérules ischémiques et souvent une atrophie corticale focale ; l’aspect réalisé est parfois celui d’une micro-angiopathie thrombotique, parfois révélatrice du SAPL [18]. Ces lésions aboutissent parfois à la mort rénale, en particulier en cas de syndrome « catastrophique » [56] ; thrombose des veines rénales, avec ou sans syndrome néphrotique.
Tableau 3.12. du SAPL. ■
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Principales manifestations rénales
Artérielles : – sténose artère rénale (< 10 %) – infarctus rénal (~ 1 %) Veineuses : – thrombose veine rénale (< 1% SAPL primaire, ~ 10 % SAPL secondaire) Micro-vaisseaux : – microangiopathie thrombotique (50 % SAPL primaire avec atteinte rénale, ~ 10 % SAPL secondaire) – chronique avec IRC modérée – aiguë avec IRA réversible – aiguë avec IRA dialysée – avec syndrome néphrotique Glomérulaire : – glomérulonéphrite non ischémique sans micro-angiopathie thrombotique
59
3
LUPUS ÉRYTHÉMATEUX
LES MANIFESTATIONS ENDOCRINIENNES DU SAPL Elles sont dominées par l’insuffisance surrénale périphérique qui semble résulter d’un infarctus veineux bilatéral. Le tableau clinique est volontiers celui d’une insuffisance surrénale aiguë. La tomodensitométrie visualise une hémorragie surrénale bilatérale qui disparaît en quelques mois. Plus rarement, il s’agit d’un infarctus ischémique ou asymptomatique, de découverte fortuite [57].
LES MANIFESTATIONS HÉPATIQUES ET DIGESTIVES DU SAPL [58] Les manifestations hépatiques sont rares et diverses : ■
■ ■ ■ ■
■ ■ ■ ■
thrombose des veines sus-hépatiques, le SAPL constitue la seconde cause de syndrome de Budd-Chiari non tumoral ; maladie veino-occlusive ; infarctus hépatique ; infarctus splénique ; ischémie intestinale par microthrombi disséminés dans le cadre du syndrome catastrophique ; ischémie du territoire cœliaque par artériopathie oblitérante ; hyperplasie nodulaire régénérative ; thrombose de la veine porte ; cholécystite ischémique alithiasique.
L’intégration de la pancréatite aiguë dans le cadre des manifestations du SAPL reste discutée.
LES MANIFESTATIONS HÉMATOLOGIQUES DU SAPL L’existence d’une thrombopénie périphérique est statistiquement associée à la présence d’aPL au cours du LES ; la signification de cette thrombopénie est probablement différente selon qu’elle est aiguë, accompagnant une poussée lupique, ou à l’inverse durable. Une thrombopénie est également fréquente dans le SAPL primaire, habituellement modérée, durable, fluctuante et surtout latente. L’anémie hémolytique auto-immune est statistiquement associée à la présence d’aPL au cours du LES ; elle serait liée à la présence d’aPL de classe IgM.
LES MANIFESTATIONS RARES DU SAPL D’autres atteintes seront simplement mentionnées : ■ ■ ■ ■ ■ ■
occlusions vasculaires rétiniennes artérielles ou veineuses ; ostéonécroses aseptiques [10] ; phlébite de Mondor ; perforation de la cloison nasale ; thrombose des pavillons auriculaires ; une fièvre durable doit faire rechercher une thrombose profonde notamment cave inférieure, un infarctus viscéral, une greffe infectieuse sur des lésions valvulaires spécifiques, ou un hématome intra-abdominal survenu sous anticoagulants.
LES MANIFESTATIONS OBSTÉTRICALES DU SAPL (voir chapitre 15, page 153)
Les pertes fœtales/fausses couches Elles sont dominées par les pertes fœtales. Branch et Silver 60 ont proposé la nomenclature suivante :
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la phase pré-embryonnaire s’étend de la conception à la 3e semaine révolue de gestation ; la phase embryonnaire lui succède jusqu’à la 9e semaine de gestation ; la phase fœtale qui se poursuit jusqu’à l’accouchement.
Ces mêmes auteurs ont précisé la nature des quatre principaux aspects obstétricaux du SAPL, dont les trois premiers avaient été préalablement confondus sous la dénomination alors imprécise de pertes fœtales répétées. Leurs propositions ont été reprises, avec quelques modifications, dans les critères préliminaires de classification du SAPL défini et mis à jour en 2006 (cf. tableau 3.10). Notre expérience nous fait considérer que les morts fœtales constituent la complication la plus fréquente. Les pertes pré-embryonnaires ou embryonnaires répétées résultent beaucoup plus souvent de causes non immunitaires ou d’une allo-immunisation maternelle que de la présence d’aPL. Cependant, dans le cadre du SAPL, les avortements précoces répétés sont fréquemment observés par certaines équipes obstétricales dont le recrutement comporte beaucoup moins de morts fœtales. Leur mécanisme demeure mal connu [59]. Le risque (exprimé en odds ratio) de fausses couches en cas de présence d’antiphospholipides dans les lupus ou les maladies lupus-like est augmenté, variant de 2,9 à 58 pour les anticardiolipines et autour de 5 pour les anticoagulants circulants types anticoagulants lupiques, qu’il s’agisse d’études prospectives ou rétrospectives. Le risque est d’autant plus élevé que les anticardiolipines sont constants à chaque détermination dans le temps et que le taux d’IgG anticardiolipines est élevé (tableau 3.13). La spécificité des IgG anticardiolipines pour les fausses couches passe ainsi de 45 % pour les taux faibles à 88 % pour les taux élevés dans une série rétrospective. Les morts fœtales seraient la conséquence d’infarctus placentaires, mais un tel aspect n’est pas constant et ne peut à lui seul expliquer l’ensemble des pertes fœtales. On insiste sur le rôle antagoniste des aPL sur l’annexine V ou placental anticoagulant protein 1 (PAP-1) produite par les cellules du trophoblaste. La présence d’un taux modéré d’aCL et/ou d’un anticoagulant lupique entraînerait un risque de perte fœtale de 30 % lors d’une première grossesse. Ce risque monte à 70 %, voire 90 % s’il y a déjà eu deux avortements, en l’absence de traitement. Le rôle du complément (activation du C3 et du C5) et de l’inflammation placentaire a été récemment souli-
Tableau 3.13. Fréquence des fausses couches spontanées au cours du LES selon le titre des IgG anticardiolipines. Titre des anticardiolipines IgG <9U
9-50 U
50-100 U
> 100 U
Nombre LES
42
27
7
19
Nombre grossesses
88
80
17
48
Enfants vivants
75
52
6
12
Fausses couches 24 (24 %) 38 (42 %) 11 (64 %) 36 (75 %) spontanées* * p < 0,001
MANIFESTATIONS CLINIQUES ET BIOLOGIQUES - DIAGNOSTIC DU LUPUS ÉRYTHÉMATEUX gné dans un modèle expérimental chez la souris mais attend confirmation chez la femme lupique.
Les autres complications obstétricales ■ Prééclampsie : la prévalence de la prééclampsie est particulièrement élevée chez les femmes enceintes ayant un SAPL. Il s’agit plus particulièrement de prééclampsie précoce survenant avant la 24e semaine. Les deux plus grandes séries de grossesses au cours du SAPL font état de 18 % et 48 % de prééclampsie chez des femmes répondant aux critères de Sapporo. ■ Syndrome HELLP : le syndrome HELLP associant hémolyse, augmentation des enzymes hépatiques, thrombopénie a une prévalence de 0,01 à 0,2 % des grossesses dans la population générale et 10-12 % au cours de grossesses compliquées de prééclampsie ou d’éclampsie (50 % de mort fœtale ou de mort-né). ■ Insuffisance placentaire : les sujets souffrant de SAPL ont un risque élevé d’insuffisance placentaire et ses conséquences de retard de croissance fœtale et de souffrance fœtale : ainsi 30 % des grossesses avec SAPL ont un retard de croissance fœtale. ■ Prématurité : la prématurité touche environ un tiers des grossesses chez les femmes avec un SAPL, essentiellement du fait des conséquences de la prééclampsie et du retard de croissance intra-utérin. ■ Thromboses artérielles : en l’absence de traitement préventif, seuls 40 % des SAPL dits obstétricaux restent obstétricaux avec un recul moyen de 4 ans ; les autres développent des événements thrombotiques artériels (60 % un AVC, 35 % une amaurose fugace, 5 % un AIT).
CAS PARTICULIER : LE SYNDROME DES ANTIPHOSPHOLIPIDES CATASTROPHIQUE (CAPS) (voir chapitre 33, page 303) Le « SAPL catastrophique » est caractérisé non seulement par le caractère simultané des thromboses, mais aussi par leur prédominance pour la microcirculation [56]. Les progrès dans les connaissances ont été possibles grâce à la constitution d’un registre international en 2000 ayant déjà regroupé plus de 300 cas permettant d’établir des critères de classification (tableau 3.14). On a ainsi précisé le rôle majeur des infections dans les causes déclenchantes et de la grossesse, voire après induction d’ovulation. La mortalité immédiate (46 %) et tardive (26 % des survivants vont développer à nouveau des manifestations de SAPL avec 25 % de mortalité chez ces patients) est essentiellement neurologique (27 %), cardiovasculaire (20 %) et infectieuse (20 %). Le CAPS conduit, en quelques jours ou semaines, à une défaillance polyviscérale associant notamment : atteinte rénale responsable d’une HTA souvent maligne, encéphalopathie, détresse cardiorespiratoire et diverses manifestations digestives ou cutanées.
Lupus érythémateux induits [60] (voir chapitre 8, page 109) Il s’agit habituellement de lupus iatrogène, lié à une prise médicamenteuse prolongée. Dans les grandes séries, ils représentent environ 10 % des malades lupiques. Pour admettre le diagnostic de lupus induit, deux critères sont nécessaires :
3
Tableau 3.14. Critères préliminaires de classification du syndrome catastrophique (CAPS). 1.
Atteinte objective de 3 organes, systèmes et/ou tissus au moins* 2. Développement simultané ou en moins d’une semaine des manifestations 3. Confirmation histologique de l’occlusion des petits vaisseaux dans au moins un organe ou tissu 4. Confirmation biologique de la présence d’aPL (LAC et/ou aCL) à 2 reprises à 6 semaines d’intervalle (si inconnu antérieurement) CAPS défini : 4 critères présents CAPS probable : 4 critères présents mais 2 organes/tissus/ systèmes Ou : 4 critères mais un seul dosage positif d’APL Ou : critères 1, 2 et 4 Ou : critères 1, 3 et 4 avec développement d’un 3e événement entre 1 semaine et 1 mois malgré le traitement anticoagulant La performance de ces critères préliminaires a été passée au crible de 176 CAPS du registre international : 51 % sont classés « définis » et 40 % « probables », soit une sensibilité de 90,3 % et une spécificité de 99,4 %. * atteinte rénale : augmentation > 50 % de la créatininémie, HTA sévère (> 180/100 mmHg) et/ou protéinurie (> 500 mg/24 heures).
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■
les signes cliniques et biologiques doivent être absents avant l’administration du produit ; les signes doivent être réversibles à l’arrêt du traitement.
Les produits à haut risque sont indiqués dans le tableau 3.15. L’hydralazine, la dihydralazine et la procaïnamide ne sont pas ou plus commercialisées en France. Les produits les plus fréquemment responsables du lupus induit en France sont la minocycline, l’acébutolol, les dérivés quinidiniques, la D-pénicillamine, la sulfasalazine, et moins fréquemment l’isoniazide. Plus récemment on a décrit des lupus induits par l’IFNα et les anti-TNFα [61]. Plusieurs facteurs génétiques interviennent dans le déterminisme du lupus induit médicamenteux : pour certains le groupe HLA DR4 est augmenté. Pour tous les auteurs, il existe un phénotype acétylateur lent. Les lupus induits médicamenteux sont caractérisés par un début souvent tardif dans la sixième décennie, sauf dans les formes induites par les anticonvulsivants et par un sex-ratio de 1. Cliniquement, il s’agit habituellement de lupus érythémateux cutané [62] ou articulaire, avec signes généraux. L’épanchement pleural et les manifestations parenchymateuses sont fréquents, sauf dans le lupus induit par l’hydralazine et par l’isoniazide. L’atteinte rénale est rare, ainsi que celle du système nerveux central (exception faite du lupus induit aux anticonvulsivants). Les examens immunologiques sont caractérisés par la présence d’anticorps antinoyaux d’aspect homogène à titre élevé et des anticorps antihistones et antinucléosomes. Les anticorps anti-ADN natif sont classiquement absents ou à des taux faibles. Il faut signaler cependant leur présence au cours du lupus induit par la minocycline et les anti-TNFα [61], la D-pénicillamine ou la sulfasalazine. La présence d’une hypocomplémentémie et d’anticorps antiphospholipides est fréquente dans les lupus induits par la quinidine et la chlorpromazine. Les complications thromboemboliques sont exceptionnelles. Certains produits induisent volontiers un lupus érythéma61 teux cutané subaigu [62] avec anticorps anti-SSA (Ro) dont
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LUPUS ÉRYTHÉMATEUX
Tableau 3.15. Principaux médicaments inducteurs de manifestations cliniques de lupus érythémateux systémique. DCI
Nom commercial
Hydralazine
NC
Procaïnamide
NC
Acébutolol
Sectral®
D-Pénicillamine
Trolovol®
Quinidine
Longacor® Cardioquine®
Isoniazide
À côté des produits inducteurs médicamenteux, d’autres substances sont susceptibles d’induire une symptomatologie clinique lupique : signalons les injections de silicone ou l’exposition à la silice, les injections de collagène bovin dans un but esthétique et les produits aromatiques à base d’hydrazine, les graines de luzerne ou alpha-alpha contenant de la L-canavanine. Les teintures capillaires ont été innocentées.
Formes associées
®
Rimifon
AUTRES MALADIES AUTO-IMMUNES ASSOCIÉES ■
®
Chlorpromazine
Largactil
Sulfasalazine et Mesalazine
Salazopyrine® et Pentasa®
Carbamazepine
Tegretol®
Éthosuximide
Zarontin®
Triméthadione
Trimethadione®
Minocycline
Minocyne®
Interferon alpha 2b
Roferon®, Intron A®, Pegasys®, Viraferon-peg®
Interferon bêta
Avonex®, Betaferon®, Extavia®, Rebif®
Etanercept
Enbrel®
Infliximab
Remicade®
Adalimumab
Humira®
Hydrochlorothiazide
Esidrex®
Ticlopidine
Ticlid®
Phenytoïne
Dilantin®
Valpromide
Dépamide®
Lamotrigine
Lamictal®
Ticlopidine
Ticlid®
Acide valproique
Valproate de sodium®
Terbinafine
Lamisil®
Diltiazem
Tildiem®
Griséofulvine
Grisefuline®
Ranitidine
Raniplex®
Paclitaxel
Taxol®
■
■
■
NC = non commercialisé
l’hydrochlorothiazide, le diltiazem, la terbinafine, les antiTNFα, les IFNs, la griséofulvine, le paclitaxel, la ranitidine, le 5FU, les inhibiteurs de la pompe à protons [63]. À l’arrêt du produit inducteur, les signes cliniques disparaissent en quelques jours à quelques mois, nécessitant parfois l’adjonction de corticoïdes. Les signes biologiques régressent, avec disparition des anticorps antihistones en l’espace de trois mois, et normalisation plus rapide du complément. Les anticorps antinucléaires, testés en immunofluorescence indirecte, voient leur taux diminuer, mais il est fréquent de noter une persistance indéfinie d’anticorps 62 antinoyaux.
■
Une connectivite mixte de type syndrome de Sharp peut inaugurer un lupus pendant plusieurs années. Elle rassemble les signes suivants : sclérodactylie, doigts boudinés, phénomène de Raynaud, polyarthrite, myosite, et la présence d’anticorps anti-U1-RNP 70kD. Ce syndrome de Sharp peut évoluer vers une connectivite majeure dont le lupus systémique. On se méfiera de l’apparition d’anticorps anti-ADN natif, d’une hypocomplémentémie, d’une protéinurie apparue durant le suivi de ces patientes. Une autre connectivite majeure peut s’associer au lupus systémique : on parle alors de connectivite intriquée ou de syndrome de chevauchement. On insiste sur la polyarthrite rhumatoïde destructrice associée au lupus (en dehors de tout traitement de la PR inducteur de biologie lupique). Cette association est parfois appelée « rhupus » et s’accompagne habituellement de facteurs rhumatoïdes et d’ACPA (anticorps antiprotéines citrullinées). Cette polyarthrite déformante et érosive est à distinguer de la main de Jaccoud proprement lupique. Toutes les autres connectivites majeures ont été décrites associées au lupus, sclérodermie, polymyosite, mais aussi syndrome de Shulman. On insistera également sur le syndrome de Sjögren associé au lupus [64]. Sa prévalence dépend de la multiplicité des tests mis en œuvre pour en faire la preuve : dans la grande série de 1 531 lupus de l’hôpital Johns Hopkins, cette prévalence était de 14 % : il s’agit plus volontiers de femmes blanches dont l’âge au diagnostic de lupus est plus élevé que les contrôles sans syndrome de Sjögren. Les symptômes prédominant sont la photosensibilité, les ulcérations des muqueuses buccales, le phénomène de Raynaud, et biologiquement les anticorps anti-SSA/Ro et SSB/La (absents seulement chez 23 % d’entre eux). Il s’agit plus volontiers de lupus bénins (rareté de l’atteinte rénale et des anti-ADN natif). Dans certains cas, il est parfois difficile de faire la part des manifestations viscérales qui relèvent du syndrome de Sjögren ou du lupus, telle une fibrose interstitielle pulmonaire. Les autres maladies auto-immunes associées au lupus sont liées à un terrain génétique de prédisposition commun possible : citons les dermatoses bulleuses (pemphigus, pemphigoïde à IgA), la cirrhose biliaire primitive et les hépatites auto-immunes dont le type 1 comporte des signes clinicobiologiques proches du lupus systémique (hépatite « lupoïde »), la myasthénie avec ou sans thymome, le diabète avec auto-anticorps antirécepteur de l’insuline et Acanthosis nigricans… Diverses vascularites des vaisseaux de petit, moyen et gros calibres ont été décrites en association avec un lupus systémique, y compris des vascularites à ANCA.
MANIFESTATIONS CLINIQUES ET BIOLOGIQUES - DIAGNOSTIC DU LUPUS ÉRYTHÉMATEUX
LUPUS ET PATHOLOGIE TUMORALE (voir chapitre 18, page 183) La prévalence des cancers au cours du lupus est de 4,5 %. Parmi les lupiques décédées, le cancer constitue 10 % des causes de mortalité. Le surrisque du cancer concerne principalement les lymphomes non hodgkiniens (lymphomes B diffus à grandes cellules et lymphomes de la zone marginale surtout). Le taux d’incidence standardisé (SIR) varie de 3,5 à 73 selon les séries. Pour les lymphomes hodgkiniens, le SIR est de 2,4. Pour les cancers solides, les résultats sont souvent discordants, exception faite du risque de cancer du col utérin qui est augmenté (SIR compris entre 1,26 et 1,74) associé aux maladies sexuellement transmissibles et à l’utilisation de traitements immunosuppresseurs (risque d’infection à papilloma virus/HPV [45]). Deux autres localisations pourraient voir leur incidence augmenter par rapport à la population générale : les cancers bronchiques et les cancers du sein, mais demandent confirmation. Il en est de même en Extrême-Orient du cancer vaginal, du nasopharynx et du sein (SIR > 4) [65].
FORMES ÉVOLUTIVES La maladie lupique évolue spontanément par poussées successives, entrecoupées de rémissions de durée et de qualité variées. Les rémissions spontanées surviennent habituellement dans les formes cutanées ou articulaires, beaucoup plus rarement en cas d’atteinte rénale, cardiaque ou neurologique. À l’origine des poussées ultérieures, on recherche un épisode infectieux, une prise médicamenteuse (par exemple œstroprogestatifs, antibiotiques comportant un cycle aromatique), une exposition aux rayonnements ultraviolets, plus rarement une grossesse ou une tentative de FIVE survenant sur un lupus non stabilisé.
Le profil évolutif Il est possible d’isoler deux types de formes cliniques de pronostic différent : les formes bénignes, cutanées ou articulaires et les formes graves du fait d’une atteinte irréversible ou incontrôlable d’un organe vital. Les formes graves se révèlent habituellement précocement, durant les cinq premières années d’évolution, voire les deux premières années. L’évolution de ces formes graves peut être schématisée de la façon suivante : 30 % gardent une maladie grave, 45 % voient leur maladie stabilisée, 10 % sont dans un état de guérison apparente et 15 % environ vont décéder après un délai moyen de 6 ans. Les formes bénignes correspondent environ à 50 % des patients vus en rhumatologie, avec un recul moyen supérieur à 7 ans, 60 % sont dans un état considéré comme proche de la guérison ou stabilisés par une petite corticothérapie, environ 10 % des patients, considérés initialement comme bénins, sont cependant décédés 8 ans après le début de la maladie. Il s’agit dans la plupart des cas d’un décès sans rapport direct avec le lupus. Il est en fait impossible de schématiser le devenir de la maladie puisque 20 % des formes jugées bénignes initialement vont brutalement évoluer vers une forme grave, et 50 % des formes initialement graves vont évoluer favorablement. La ménopause semble être un événement favorable dans l’évolutivité d’un lupus. De fait, l’activité de la maladie est souvent modeste dès la préménopause et ne diffère pas de celle observée après. Après plus de dix ans d’évolution, la maladie lupique reste souvent active avec 2 à 11 % de pous-
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sées sévères et des périodes de fatigue (42-60 %), polyarthrite (20-25 %), éruption cutanée (32-40 %), migraine (15-20 %), anémie (15 %), leucopénie (17-19 %).
La survie Le pronostic de la maladie lupique évalué en termes de taux de survie à 5 ou 10 ans laisse espérer, toutes formes confondues, un taux de survie à 5 ans de 85 à 95 %, à 10 ans de 80 à 85 % et à 20 ans de 70 %. Les taux de survie diffèrent selon qu’il existe ou non une atteinte rénale sévère : la survie à dix ans est de 90 % en cas de lésions mésangiales, 70 % en cas de glomérulonéphrite segmentaire et focale et 55 à 70 % en cas de glomérulonéphrite proliférative diffuse. L’hypertension artérielle est de très mauvais pronostic. Les atteintes du système nerveux central viennent également diminuer les taux de survie, qui chutent de 83 % à 50 % dans l’expérience de certains auteurs. D’une manière générale, le taux de survie à dix ans est d’autant plus bas que le nombre de critères de l’ACR présents au moment du diagnostic est plus élevé. Parmi les paramètres biologiques de mauvais pronostic, citons l’existence d’une créatininémie supérieure à 30 mg/l, une protéinurie abondante, un hématocrite inférieur à 30 %. Les paramètres immunologiques tels que la persistance de taux élevés d’anticorps antiADN natif ou une chute persistante du complément ont peu d’influence sur le taux de survie. Le score de l’index lésionnel séquellaire SLICC s’est avéré un bon facteur prédictif d’une évolution fatale lorsqu’il atteint 2 unités ou plus 5 ans après le diagnostic. La mortalité, analysée à partir de 222 patients lupiques nord-américains décédés, fait ressortir en premier les complications infectieuses (33 %), l’insuffisance rénale chronique (18 %), les complications cérébrales et cérébrovasculaires (10 %, puis les autres localisations lupiques (7 %). 3 % des patients décèdent d’un infarctus du myocarde. La cohorte Eurolupus de 1 000 patients suivis 10 ans [12] a permis l’analyse de 68 décès qui se décomposent en décès liés à l’évolutivité du lupus (26 %), infection (25 %), thromboses (26,5 %) et cancers (6 %). Les courbes de mortalité ont souvent un caractère bimodal, avec un pic précoce dans les premières années du diagnostic du fait de complications directement liées au lupus et un pic plus tardif lié aux complications iatrogènes, septiques et surtout ischémiques, néoplasiques (risque relatif de cancer solide multiplié par 2,24 et de lymphome non hodgkinien de 11,6).
MANIFESTATIONS BIOLOGIQUES Les examens biologiques revêtent un double intérêt au cours du lupus : intérêt diagnostique puisque deux critères sur onze leur sont consacrés, en dehors des manifestations hématologiques, intérêt pronostique car certaines modifications suivent l’évolutivité de la maladie et constituent ainsi un biomarqueur objectif utile pour le suivi par le clinicien.
SYNDROME INFLAMMATOIRE La vitesse de sédimentation est élevée au cours des poussées dans 80 à 100 % des cas. Elle revient à la normale en période de rémission mais peut rester augmentée du fait d’une 63 hypergammaglobulinémie persistante ou d’une insuffisance
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LUPUS ÉRYTHÉMATEUX rénale chronique. La protéine C réactive s’élève peu au cours des poussées évolutives du lupus, sauf en cas de sérite. Ainsi, les taux très élevés devant faire rechercher une complication infectieuse. Les modifications du protidogramme traduisent soit l’existence d’un syndrome inflammatoire avec une hyperalpha-2-globulinémie (30 % des cas), et parfois une hypoalbuminémie en l’absence de syndrome néphrotique, soit une hypergammaglobulinémie polyclonale liée à l’activation de l’immunité humorale avec élévation des anticorps IgG. Une anémie de type inflammatoire, normochrome, normocytaire, en général modérée, est fréquente.
ANTICORPS ANTINOYAUX (AAN) (voir chapitre 7, page 103) (tableau 3.16) En attendant la diffusion de nouvelles méthodes automatisées utilisant des billes recouvertes de multiples antigènes nucléaires et de plateformes de protéomique couvrant un large spectre d’autoantigènes, il est toujours conseillé d’effectuer le dépistage des anticorps antinucléaires avec au moins 2 types de méthodes dont l’immunofluorescence [66] et un test pour les anti-SS-A.
Figure 3.30. Anticorps antinucléaires homogènes sur frottis de cellules Hep-2.
Dépistage Dépistés par immunofluorescence indirecte sur frottis cellulaire (souche humaine HEp-2), les AAN constituent un marqueur biologique quasi constant (98 %) du lupus érythémateux systémique. Leur présence constitue le onzième critère de classification de l’ACR. Seuls les titres supérieurs ou égaux à 160 seront considérés positifs. Le titre est habituellement élevé (1000e ou plus). La fluorescence au cours du lupus est le plus souvent de type homogène (figure 3.30) ou de type moucheté (figure 3.31). Les autres aspects sont exceptionnellement observés isolément au cours du lupus. L’aspect homogène correspond habituellement à des anticorps antinucléoprotéines, anti-ADN natif ou dénaturé, antihistones.
Tableau 3.16. Incidence des principaux anticorps antinucléaires et anticytoplasme au cours du lupus érythémateux systémique.
64
Type d’anticorps
Fréquence (%)
Spécificité (0 à +++)
Antinoyaux (dépistage)
98
0
ADN natif dénaturé
70 70-100
+++ 0
Histones (H2A-H2B)
50-80
+ (médicament)
Nucléosomes (chromatine)
60-80
++
Sm
5-30
+++
U1-RNP
30-40
+
Ro (SSA)
30
0
La (SSB)
10
0
Ribosomes
10-20
+
Protéine P ribosomale
5-20
++
Cardiolipine/phospholipides
40
0
Figure 3.31. Anticorps antinucléaires mouchetés sur frottis de cellules Hep-2.
L’aspect moucheté doit faire rechercher des anticorps spécifiques d’antigènes solubles, telles que les spécificités U1RNP, Sm, plus rarement SS-B, et pour certains substrats anti-SS-A (Ro).
Les cellules LE Présentes chez 70 à 90 % des malades lupiques, elle ne sont pas spécifiques du lupus spontané et leur recherche est aujourd’hui abandonnée. Elles sont dues à l’action d’anticorps antihistones H1 et peut-être à un phénomène de phagocytose de fragments cellulaires (de polynucléaires), appelés « NETs » (neutrophil extracellular trap) contenant des nucléoprotéines.
Les anticorps anti-ADN natif Ils sont présents chez 70 % des sujets lupiques à un moment quelconque de l’évolution (66 % des lupus actifs, mais 86 % des lupus rénaux actifs). Ils sont recherchés soit par immunofluorescence indirecte sur kinétoplasme de Crithidia luciliae (figure 3.32), soit par la méthode radio-immunologique de Farr, soit par des méthodes ELISA permettant de caractériser les anticorps d’isotypes IgG, IgM, voire IgA. La spécificité du test de Farr est supérieure à celle de l’ELISA. Pour l’ELISA, seuls les titres élevés d’IgG seront retenus. D’autres méthodes de dosage sont en cours d’évaluation [67].
MANIFESTATIONS CLINIQUES ET BIOLOGIQUES - DIAGNOSTIC DU LUPUS ÉRYTHÉMATEUX
■
Figure 3.32. Anticorps anti-ADN natif sur frottis de Crithidia luciliae (fluorescence de la mitochondrie géante).
Les anticorps antihistones Ils sont présents avec une fréquence identique au cours du lupus érythémateux spontané et du lupus induit, médicamenteux ou autre. Les dosages se font par ELISA. Le contraste entre la présence d’anticorps antihistones à titre élevé et l’absence d’anticorps anti-ADN natif a un grand intérêt diagnostique en faveur d’un lupus induit.
Les antinucléosomes Ils sont détectés par ELISA. Ils sont présents chez 60 à 80 % des malades, voire plus, d’où leur intérêt diagnostique supérieur à celui des anti-ADN natif [68]. Leur spécificité est voisine de 95 % mais ils s’observent aussi bien dans le lupus érythémateux spontané que médicamenteux. Ils sont parfois présents dans le lupus érythémateux spontané en l’absence d’anti-ADN natif, notamment en dehors d’une poussée évolutive. Leur taux serait plus élevé en cas d’atteinte glomérulaire ou de poussée évolutive appréciée par l’index SLEDAI.
Les anticorps spécifiques d’antigènes nucléaires solubles Ils sont désormais dépistés par des ELISA monospécifiques ou des dot-blots. Ces anticorps reconnaissent des motifs antigéniques peptidiques présents sur des complexes formés de protéines antigéniques et de petits ARN. Les principaux anticorps observés au cours du lupus sont : ■
■
■
Les anticorps anti-U1-RNP, également présents au cours des connectivites mixtes. Ils sont observés chez 40 % des lupus. Ils s’associent volontiers à un phénomène de Raynaud et à une composante myositique. En l’absence d’anti-ADN natif, ils constituent un marqueur de lupus bénins, sans atteinte rénale grave. Les anticorps anti-Sm sont extrêmement spécifiques du lupus, au point de faire partie des critères de classification. Ils sont très inconstants : 10 à 15 % des lupus des sujets caucasiens, 30 % des lupus des sujets noirs. Les anticorps anti-SS-A (Ro) reconnaissent des protéines de poids moléculaire 60 kD, plus rarement 52 kD. Ils sont présents chez 30 à 50 % des lupus spontanés, mais leur fréquence est plus élevée dans certains sous-types cliniques ou clinicobiologiques, en particulier le lupus érythémateux cutané subaigu, les lupus et les syndromes lupiques avec déficit congénital en complément (C2 et C4 surtout),
3
le lupus néonatal (avec des lésions cutanées et/ou un bloc auriculoventriculaire congénital) puisque la quasi-totalité des enfants et des mères sont porteurs de tels anticorps. Les anticorps anti-SS-B (La) sont rares dans le lupus (10 %) et sont habituellement un marqueur d’un syndrome de Sjögren associé. Ils seraient associés à la neutropénie et à la perturbation des activités fonctionnelles des polynucléaires neutrophiles. Ils s’observent également aux âges extrêmes, soit chez les lupus débutant après 55 ans, soit dans le lupus néonatal.
Les anticorps antinucléaires, quels qu’ils soient, sont souvent présents plusieurs années avant le début clinique du lupus (78 % pour les AAN, 55 % pour les anti-ADN, 55 % pour les anti-SSA, 34 % pour les anti-Sm, 26 % pour les anti-U1-RNP avec les tests ELISA).
AUTRES AUTO-ANTICORPS DE VALEUR DIAGNOSTIQUE OU PRONOSTIQUE
Anticorps anti-ribosomes Ils se dépistent par immunofluorescence indirecte sur cellules HEp-2 devant un marquage cytoplasmique ou par des méthodes ELISA utilisant la protéine Po ribosomale. Ils s’observent chez 10 à 20 % des lupus, et pour certains auteurs, ils s’associent aux manifestations neuropsychiatriques, plus particulièrement aux états dépressifs par atteinte cérébrale lupique, et pour d’autres auteurs à l’atteinte glomérulaire, à des signes de vascularite ou une atteinte hépatique.
Anticorps antiphospholipides Trois types de méthodes utilisant des principes différents sont pratiqués parallèlement pour la détection des anticorps antiphospholipides [69, 70].
SÉROLOGIE SYPHILITIQUE La constatation d’une réaction de Bordet-Wassermann (utilisant une réaction de déviation du complément avec un antigène extrait du cœur de bœuf ou cardiolipide) positive contrastant avec un test de Nelson (utilisant un antigène tréponémique) négatif fut à l’origine de la première description des anticorps antiphospholipides. Cette dissociation des réactions de la syphilis est connue sous le nom de « fausse sérologie syphilitique ». Actuellement le BW est remplacé par le venereal diseases research laboratory (VDRL), réaction d’agglutination dépistant surtout les IgM. L’antigène utilisé est un mélange de cardiolipide, de phosphatidyl choline et de cholestérol sous forme de micelles. La positivité du VDRL contraste avec un treponemal hemagglutination (TPHA) négatif, et surtout une réaction d’immunofluorescence avec l’antigène tréponémique négative.
MÉTHODES BIOLOGIQUES D’HÉMOSTASE Elles étudient l’interaction des anticorps antiphospholipidiques avec le complexe macromoléculaire appelé prothrombinase, capable de cliver la prothrombine en thrombine. Les anticorps antiprothrombinase allongent certains temps de coagulation, d’où leur appellation d’anticoagulants circulants (ACC). Les anticorps responsables de l’activité anticoagulante circulante de type « antiprothrombinase » ou « lupus 65 anticoagulant » (LAC) sont de tous isotypes et ne se fixent
3
LUPUS ÉRYTHÉMATEUX aux phospholipides en phase « liquide » que si ceux-ci sont associés à des protéines impliquées dans la cascade de la coagulation ou de la fibrinolyse pour former un complexe plurimoléculaire en présence d’ions calcium. Le plus important de ces cofacteurs protéiques est la prothrombine qui rendrait compte de 70 % environ des anticoagulants lupiques. L’autre cofacteur protéique principal est la ß2-GPI qui rend compte de 30 % des anticoagulants lupiques (figure 3.33). Selon les recommandations de la Société internationale d’hémostase et de thrombose [71], mises à jour en 2009 [72], la détection d’un anticoagulant lupique (LA) comportera 4 étapes successives : ■
Étape 1 : tests de dépistage : prolongation d’un test de dépistage de coagulation phospholipide dépendant. Compte tenu de la grande hétérogénéité des anticoagulants lupiques, aucun test ne permet à lui seul de détecter l’ensemble des anticoagulants lupiques, il est donc recommandé d’effectuer au moins deux tests explorant deux segments différents de la cascade classique de la coagulation : voie intrinsèque avec le temps de céphaline avec activateur (TCA), (APTT en anglais). La sensibilité du TCA à l’anticoagulant lupique est variable selon les réactifs et est comprise entre 45 et 70 % ; un TCA normal n’élimine pas la présence d’un anticoagulant lupique. Les tests explorant la voie extrinsèque – temps de thromboplastine diluée (TTD) – ne sont pas assez sensibles et ne doivent plus être utilisés en dépistage. Les tests explorant la voie finale commune sont fortement
recommandés. En pratique on utilise le temps de venin de vipère Russell dilué (dRVVT). ■
Étape 2 : effet inhibiteur : absence de correction de l’allongement du temps de coagulation dans le test de dépistage après mélange avec un plasma normal pauvre en plaquettes. La correction peut être évaluée en utilisant l’index de Rosner (IR).
IR = [Temps du mélange (M + T) – Temps du Témoin (T)] x 100 Temps du malade (M)
Un index de Rosner supérieur ou égal à 15 est en faveur d’un anticoagulant circulant. D’autres critères peuvent être utilisés comme le ratio : temps du mélange divisé par le temps du témoin avec des valeurs seuils généralement à 1,2. ■
■
Étape 3 : tests de confirmation : raccourcissement ou correction du temps de coagulation dans le test de dépistage par l’addition d’un excès de phospholipides, soit céphaline (test de Rosove), soit extrait plaquettaire (Staclot PN), soit phosphatidyl ethanolamine (Staclot LA). Étape 4 : exclusion d’autres coagulopathies comme par exemple la présence d’un inhibiteur du facteur VIIIc ou d’héparine.
Valeurs de ces tests de coagulation Ces tests de coagulation ne permettent pas d’évaluer avec précision la puissance de l’activité de l’anticoagulant lupique
Anticoagulant circulant de type LAC (hémostase)
Antiphospholipides (ELISA)
Non β2GPI dépendants
Autres anti-cofacteurs
β2GPI dépendants
Non anti-cofacteurs dépendants Type B
PS/antiprothrombine
PEA/HMWK
PS/ Prot C Prot S
Annexine V
Anti-PL non auto-immuns
Anti-CL sans activité LAC (domaine V de β2GPI)
Type A LAC avec anti-CL
Type B LAC sans anti-CL Antiprothrombine
↑ DRVVT (30%) (domaine I de β2GPI)
↑ KCT (70%)
KCT = kaolin clottingtime DRVVT = diluted Russel viper venon time
66
Figure 3.33.
Schéma de classification des anticorps antiphospholipides (APL) et des anticoagulants circulants lupiques (LAC).
MANIFESTATIONS CLINIQUES ET BIOLOGIQUES - DIAGNOSTIC DU LUPUS ÉRYTHÉMATEUX et il n’existe notamment pas de corrélation entre l’importance de l’allongement des tests ou de l’index de Rosner et la sévérité des complications thrombotiques ou obstétricales. Parmi les différents anticoagulants circulants, l’association à des évènements thrombotiques (exprimés en odds ratio) est plus forte avec les LAC β2-GPI dépendants. Il existe une concordance de positivité entre anticardiolipine et anticoagulant lupique chez 60 % des malades et dans 40 % des cas, un seul test est positif, habituellement l’ELISA anticardiolipine. L’association d’un anticoagulant lupique et d’anti-β2-GPI/ anti-CL (voir ci-dessous) confère un risque de thrombose et d’accidents obstétricaux très élevés [73]. Le risque thrombotique exprimé en OR (odds ratio) est d’autant plus élevé que le nombre de tests positifs est élevé, qu’il s’agisse des LAC (dRVTT et APTT > dRVTT ou APTT) ou des autres antiphospholipides (LAC + anti-β2GPI + anti-CL > LAC + anti-CL ou LAC + anti-β2GPI est très supérieur à un seul test positif).
MÉTHODES IMMUNOLOGIQUES EN PHASE SOLIDE (ELISA) Les résultats, exprimés en unités GPL pour les IgG et MPL pour les IgM et APL pour les IgA, sont classés en négatifs, douteux, positifs et très positifs. Seuls des résultats positifs (≥ 25 UGPL, soit > 5 DS) ou très positifs vérifiés à 3 mois d’intervalle seront retenus comme pertinents. Un dosage ELISA direct des anticorps anti-β2-GPI a été mis au point. Les résultats obtenus sont très voisins de ceux obtenus avec la cardiolipine comme antigène. Son avantage principal est de discriminer parmi les anticorps anticardiolipines, en première approximation, ceux qui sont β2-GPI dépendants et spécifiques de la β2-GPI humaine, seuls associés aux phénomènes thrombotiques (cf. figure 3.33). Parmi les anticorps anticardiolipines β2-GPI-dépendants, certains ont une activité anticoagulante circulante lupique et d’autres en sont dépourvus. Les anti-β2GPI thrombogènes reconnaissent spécifiquement un épitope du domaine I de la molécule [74]. Un test d’hémostase a été mis au point récemment pour typer les LAC β2-GPI dépendants reconnaissant ce domaine I [74]. Plusieurs autres anticorps anticofacteurs protéiques font actuellement l’objet d’investigations. Les anticorps antiprothrombine sont présents chez 70 % des lupus avec anticoagulant circulant, 40 % des syndromes des antiphospholipides et 70 % des sujets ayant un anticoagulant circulant induit par une prise médicamenteuse. Il s’agit, à fréquence égale soit d’IgG, soit d’IgM. Les trois types de méthodes de détection des anticorps antiphospholipides sont de sensibilité différente et détectent des anticorps dirigés contre des antigènes différents. Ainsi s’expliquent les discordances entre les tests d’hémostase et les dosages ELISA ou les sérologies de la syphilis. Qu’il s’agisse de thrombose cérébrale artérielle, de première thrombose veineuse ou de récidive de thrombose veineuse profonde, le risque relatif est plus élevé (OR entre 7 et 10) pour les anticoagulants circulants que pour les IgG anti-CL (OR entre 1 et 5) [73]. Devant un tableau clinique de syndrome des antiphospholipides apparemment « séronégatif », où ces trois types de tests sont négatifs à plusieurs déterminations, on peut être amené à rechercher les autres isotypes d’anticardiolipines (IgM ou IgA) ou des anticorps dirigés contre un mélange de phospholipides, des anticorps de tous isotypes anticofacteurs,
3
voire un anticoagulant circulant avec d’autres réactifs avec préincubation à 37 °C du plasma ou encore des anticorps antimitochondries de type V souvent détectés en association avec un tableau de syndrome d’Evans ou des anticorps antiannexine II ou V.
Facteurs rhumatoïdes et anticorps antiprotéines/peptides citrullinées (ACPA) Le test au latex est positif chez environ 20 % des lupus, plus fréquemment chez les lupus ayant débuté après 50 ans. Les lupus avec facteurs rhumatoïdes ont moins souvent d’atteinte rénale que les lupus sans facteurs rhumatoïdes. Les ACPA ou anti-CCP sont habituellement absents chez les lupiques. Plus fréquents en cas de polyarthrite chronique associée, ils doivent faire évoquer une association avec une polyarthrite rhumatoïde authentique. Cette association est souvent appelée « rhupus ».
Anticorps anti-C1q Ils reconnaissent la partie « collagene-like » de la molécule C1q. Retrouvés chez 50 % des lupus, ils entraînent une hypocomplémentémie profonde (baisse du C3 et du CH50). Leur présence est plus fréquente en cas d’atteinte rénale mais leur absence est beaucoup plus utile au pronostic puisqu’elle garantit une absence d’atteinte glomérulaire sévère [75-77].
Anticorps anti-PCNA (Proliferating Cell Nuclear Antigen) Dépistés par immunofluorescence (seuls les noyaux des cellules en division expriment l’antigène PCNA), ils sont caractérisés ensuite par ELISA ou dot-blot. Présents chez 2 à 3 % des lupus, ils ne seraient peut-être pas spécifiques de l’affection.
COMPLÉMENT SÉRIQUE, CRYOGLOBULINE, COMPLEXES IMMUNS CIRCULANTS ET CHAÎNES LÉGÈRES LIBRES D’IMMUNOGLOBULINES ■
■
Le complément sérique : une hypocomplémentémie est signalée chez 40 à 60 % des maladies lupiques. Elle peut résulter soit d’un déficit congénital, partiel ou complet, en un facteur du complément, soit d’une consommation par des complexes immuns ou une cryoglobuline. Ainsi, 80 % des malades lupiques ont un allèle nul pour le C4, qu’il s’agisse du gène C4A ou plus rarement C4B. Le déficit homozygote est exceptionnel. Le déficit complet en C2 est plus fréquent. On y pense devant un CH50 à 0 unité, alors que les taux de C3 et C4 sont normaux. Complexes immuns et cryoglobuline : la consommation du complément par la voie classique est le fait de complexes immuns ou de cryoglobulines et se traduit par une chute du CH50, du C3 et du C4. Elle est très fréquente au cours des lupus avec atteinte rénale, elle s’observe également chez la moitié des lupus sans atteinte rénale. Le dosage du complément total et des fractions C3 et C4 fait classiquement partie des examens de surveillance immunologique du lupus. En fait, il s’agit au mieux d’un marqueur devant faire redouter 67 une atteinte rénale lorsqu’il s’abaisse. Le dosage des frag-
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LUPUS ÉRYTHÉMATEUX
■
■
ments C4a et C5a, de la convertase alterne C3b(Bb)P et du complexe terminal SC5b-9 a été proposé pour confirmer la consommation mais n’est pas de pratique courante. Les taux sont surtout élevés en cas d’atteinte rénale. Les taux sériques sont souvent corrélés à l’activité générale du lupus. La présence d’une cryoglobuline mixte, de type III, dans le sérum est rapportée chez 25 % des lupus rhumatologiques et 20 à 60 % des lupus vus en médecine interne et en néphrologie. Il s’agit d’un bon critère d’évolutivité de la maladie, associé assez souvent à une vascularite cutanée. Elle incite cependant à rechercher une infection par le virus HCV. La détection des complexes immuns circulants présents dans 60 à 90 % des cas est tombée en désuétude car, bien que jouant un rôle important dans la physiopathologie des lésions glomérulaires, ils ne sont pas utiles au clinicien pour suivre un patient donné. Le dosage sérique des chaînes légères libres (kappa et lambda) d’immunoglobulines semble avoir un intérêt évolutif puisque des taux élevés sont bien corrélés avec l’index SLEDAI d’activité du lupus.
CYTOKINES ET RÉCEPTEURS DES CYTOKINES CIRCULANTES ET URINAIRES L’IL-6 circulante est élevée au cours des poussées de la maladie, ainsi que le récepteur soluble de l’IL-2. BLys, cytokine stimulant la production d’autoanticorps, est élevée. CD40 ligand
Tableau 3.17. Biomarqueur
soluble pourrait jouer le même rôle. Il en est de même de l’IL10 et de l’IL-4 (cytokines TH2) et de l’IL-15, IL-16 et des cytokines pro-inflammatoires IL-18, IL-17, IL-12, TNFα et IFNα. L’IFNα est actuellement l’objet d’études nombreuses : la production d’IFNα est très augmentée au cours du LES évolutif, comme l’atteste la production accrue d’ARN messagers codants pour des gènes inductibles par l’IFNα. L’intérêt de ces dosages est en cours d’évaluation, les premiers résultats s’avérant décevants. Plus simplement, l’expression membranaire des récepteurs CD64 (FcγRI) et CD169 (Siglec-1) par les monocytes circulants peut être mesurée par cytométrie de flux et refléterait assez fidèlement le niveau de la signature interféron et l’activité du lupus (ces examens n’ont pas encore leur place dans le suivi clinique d’un patient). Parmi les autres biomarqueurs sériques reflétant l’activité du lupus [78], citons la chimiokine CXCL13 qui facilite la chimiotaxie des lymphocytes B, diverses protéines qui diminuent la production de cytokines non inflammatoires telles la protéine Gos6 ou son récepteur soluble sAxl. On attend confirmation de leur réel intérêt clinique. Parmi les marqueurs urinaires (tableau 3.17), IP-10 et TWEAK semblent les plus à même de corréler avec l’activité lupique, voire de prédire une poussée rénale de la maladie [79].
SURVEILLANCE BIOLOGIQUE EN PRATIQUE DU LUPUS ÉRYTHÉMATEUX [80] En pratique courante, peu d’examens biologiques sont utiles (tableau 3.18) :
Biomarqueurs urinaires du lupus rénal. Corrélation avec activité
Corrélation avec score lésionnel
Prédiction de poussée
Surveillance sous traitement
Prédiction du type histologique
Transferrine
+
+
+
NE
+
Ceruloplasmine
+
–
–
NE
+
AGP
+
+
+
NE
+
L-PGDS
+
+
+
NE
+
Hepcidine-20
NE
NE
+
–
NE
Hepcidine-25
NE
NE
–
+
NE
IL-6
+
NE
NE
+
+
VCAM-1
+
NE
NE
NE
NE
CXCL-16
+
NE
NE
NE
NE
IP-10
+
NE
NE
+
+
TWEAK
+
NE
+
+
+
NE = non étudié ; AGP = α1 acide glycoprotéine ; L-PDGS = lipocalin-like prostaglandin D synthétase ; TWEAK = TNF-like weak inducer of apoptosis.
68
MANIFESTATIONS CLINIQUES ET BIOLOGIQUES - DIAGNOSTIC DU LUPUS ÉRYTHÉMATEUX ■
■ ■
■
■
■
■
■
numération formule sanguine, plaquettes pour les manifestations hématologiques ; VS et CRP pour le syndrome inflammatoire ; protéinurie, créatininémie, hématies-leucocytes-minutes (HLM) pour l’atteinte rénale ; anticorps antinoyaux (AAN), anti-ADN natif et/ou antinucléosomes (seuls des dosages rapprochés toutes les 6 semaines se sont avérés prédictifs d’une poussée clinique), CH50 (pour dépister un déficit congénital en un facteur du complément), C3, C4 pour l’évolutivité immunologique ; anticorps antiphospholipides, dont la recherche d’anticoagulant circulant avec plusieurs réactifs pour dépister le risque thrombotique ou obstétrical ; anticorps anti-SS-A et SS-B pour dépister le risque de lupus néonatal ou de bloc auriculoventriculaire congénital ; bilan lipidique, glycémie, en raison du risque cardiovasculaire des sujets lupiques ; ce bilan pourra être complété en fonction des comorbidités et surtout des traitements dont certains nécessitent une surveillance particulière.
Tableau 3.18.
3
Durant une grossesse, on dépistera le risque d’éclampsie avec les dosages d’uricémie et des transaminases (HELLP syndrome). Peu d’études se sont attachées à établir la valeur prédictive d’une poussée clinique de la variation des paramètres biologiques et immunologiques. La plupart se sont contentées d’établir une corrélation entre une perturbation donnée et un état d’évolutivité ou d’atteinte rénale contemporain de la perturbation biologique. En définissant une poussée comme une augmentation d’au moins 6 points sur l’échelle de SLEDAI, une équipe canadienne a bien montré les fréquentes dissociations entre les paramètres immunologiques (C3, C4, anti-ADN natif, CH50) et l’évolutivité clinique, dissociation qui se fait dans les 2 sens (lupus sérologiquement quiescent et cliniquement actif ou lupus sérologiquement actif et cliniquement quiescent) [81, 82]. La recherche d’autres biomarqueurs fiables et faciles à doser en pratique clinique se poursuit actuellement. Parmi les biomarqueurs urinaires faciles à doser et reflétant le pronostic de l’atteinte glomérulaire, on fonde des espoirs sur le NGAL (neutrophil gelatinase-associate lipocalin) dont la concentration mesurée par ELISA et rapportée à la créatininurie augmente plusieurs mois avant une poussée de glomérulonéphrite.
Éléments de surveillance biologique périodique d’un LES.
Examen
Initial
Suivi
Périodicité
NFS-plaquettes
+
+
Surveillance hebdomadaire si poussée (cytopénie auto-immune) Surveillance toxicité IS mensuel
VS-CRP
+
+
Surveillance mensuelle si poussée Infection : hebdomadaire
Créatinine
+
+
Surveillance hebdomadaire si poussée, puis mensuelle Surveillance trimestrielle si rémission
HLM/sédiment urinaire
+
+
Surveillance mensuelle si poussée
Protéinurie
+
+
Surveillance mensuelle si poussée Surveillance trimestrielle si rémission
Glycémie
0
+
Toxicité corticoïdes Surveillance biannuelle
Bilan lipidique
0
+
Facteur de risque cardiovasculaire Surveillance annuelle
Uricémie
0
+
Grossesse (HELLP) toxémie Surveillance mensuelle
Transaminases ALAT/ASAT
0
+
Grossesse (HELLP) toxémie Surveillance mensuelle
AAN
+
0
Initiale
Anti-DNAn ou antinucléosomes
+
+
Surveillance mensuelle si poussée Surveillance biannuelle si rémission
Anti-Sm/RNP
+
0
Initiale
Anti-SSA/SSB
+
+
Surveillance à M1 et M3 en cas de grossesse
Anti-PL/LAC
+
+
Surveillance à M1 et M3 en cas de grossesse Surveillance annuelle en cas de rémission
CH50 C3 C4
+
+
Surveillance mensuelle si poussée Surveillance annuelle si rémission
Cryoglobuline
+
0
Initiale et si poussée
69
3
LUPUS ÉRYTHÉMATEUX
RÉFÉRENCES [1]
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[4] [5]
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[15]
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NOTE DES ÉDITEURS : LES CRITÈRES SLICC Dan Lipsker, Jean Sibilia Dans les années qui viennent, les critères SLICC (Systemic Lupus Collaborating Clinics) remplaceront vraisemblablement les critères ACR pour classer les malades comme ayant un lupus érythémateux systémique (LES) (1). Ces critères ont été récemment validés sur un échantillon de malades lupiques et de sujets contrôles (ce que les critères ACR modifiés 1997 n’ont jamais été, contrairement aux critères ACR de 1982). Les critères SLICC sont plus sensibles, mais moins spécifiques que les critères ACR. Il faut au moins 4 critères pour porter le diagnostic de LES et obligatoirement au moins 1 critère clinique et 1 critère biologique, ou une néphropathie lupique et des facteurs antinucléaires et/ou des anticorps anti-DNAdb. Critères cliniques 1. Lupus érythémateux cutané aigu a. Éruption (« rash1 ») malaire (ne pas compter s’il s’agit de lésion de lupus érythémateux chronique type discoïde) b. Lupus érythémateux bulleux c. Variant nécrolyse épidermique toxique-like du LES d. Éruption (« rash ») lupique maculopapuleuse e. Éruption (« rash ») photosensible du lupus, en l’absence de dermatomyosite f. Lupus érythémateux cutané subaigu (psoriasiforme et/ou annulaire) 2. Lupus érythémateux cutané chronique a. Classique i. Localisé (au dessus du cou) ii. Généralisé (au dessus et en dessous du cou) b. Hypertrophique (verruqueux)
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LUPUS ÉRYTHÉMATEUX
NOTE DES ÉDITEURS : LES CRITÈRES SLICC c. Panniculite lupique (lupus érythémateux profond) d. Lupus érythémateux muqueux e. Lupus érythémateux tumidus f. Lupus engelure g. Syndrome de chevauchement lupus/lichen 3. Ulcération orale : a. Palais b. Buccale c. Linguale d. Nasale en l’absence d’autres causes : vasculite, maladie de Behcet, infections (herpès), entéropathies inflammatoires, arthrite réactionnelle, aliments acides,… 4. Alopécie non cicatricielle (cheveux fins, courts, cassés) en l’absence d’une autre cause : pelade, médicaments, carence martiale et alopécie androgénique 5. Synovite touchant plus que 2 articulations, caractérisées par un œdème ou un épanchement OU douleur de 2 ou plus articulations et raideur matinale pendant au moins 30 minutes 6. Sérite a. Pleurésie typique pendant plus d’un jour ou b. épanchement pleural ou c. frottement pleural ou d. douleur péricardique typique (de décubitus, soulagée par le procubitus) de plus de 1 jour ou épanchement péricardique ou e. épanchement péricardique ou f. frottement péricardique ou g. signes ECG de péricardite en l’absence d’autres causes : infection, insuffisance rénale, syndrome de Dressler 7. Atteinte rénale a. Rapport protéine/créatinine urinaire (ou protéinurie de 24 heures) de 500 mg de protéine/24h ou b. cylindres érythrocytaires 8. Atteinte neurologique a. Convulsions b. Psychose c. Mononeuropathie multiple (multinévrite), en l’absence d’autre cause comme une vasculite d. Myélite e. Neuropathie périphérique ou crânienne, en l’absence d’autre cause comme une vasculite primitive, une infection, un diabète f. État confusionnel aigu, en l’absence d’autre cause : toxique, métabolique, insuffisance rénale, médicaments 9. Anémie hémolytique 10. Leucopénie (< 4 000/mm3 au moins 1 fois) en l’absence d’autre cause comme un syndrome de Felty, une hypertension portale OU lymphopénie (< 1 000/mm3 au moins 1 fois) en l’absence d’autre cause comme une corticothérapie, d’autres médicaments, une infection 11. Thrombopénie (< 100.000/mm3 au moins 1 fois) en l’absence d’autre cause : médicaments, hypertension portale et PTT (purpura thrombothique thrombocytopénique)
Critères immunologiques 1. Anticorps antinucléaires au dessus du seuil de référence du laboratoire 2. Anticorps anti-ADNdb au dessus du seuil du laboratoire ; si technique ELISA utilisée pour la détermination, ne tenir compte que d’une valeur 2 fois au dessus de la valeur normale haute du laboratoire 3. Anticorps anti-Sm 4. Anticorps anti-phospholipide, positivité de l’un des tests suivants : a. Anticoagulant lupique b. Fausse positivité d’un test réaginique de la syphilis c. Taux moyen ou élevé d’anticorps anti-cardiolipides (IgG, IgA, IgM) d. Anticorps anti-β2 glycoprotéine 1 (IgG, IgA, IgM) 5. Abaissement du taux du complément a. C3 b. C4 c. CH50 6. Test de Coombs positif en l’absence d’anémie hémolytique
Les critères sont cumulatifs et ne nécessitent pas d’être tous présents au même moment. 1
Le terme anglophone « rash », traduit ici par éruption n’est pas très satisfaisant et mériterait d’être détaillé davantage, car les lésions peuvent être maculeuses, papuleuses, en plaques et leur surface peut être normale ou squameuses, érosive, croûteuse, kératosique etc.
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