C.R. Acad. Sci. Paris, Sciences de la vie / Life Sciences 324 (2001) 847–853 © 2001 Académie des sciences/Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0764446901013579/FLA
Biochimie / Biochemistry
Métabolisme lipidique du champignon endomycorhizien : Glomus intraradices Joël Fontaine, Anne Grandmougin-Ferjani*, Michel Sancholle Laboratoire mycologie/phytopathologie/environnement, université du Littoral, Côte-d’Opale BP 699, 62228 Calais cedex, France Reçu le 1er décembre 2000 ; accepté le 14 mai 2001 Présenté par Henri Duranton
Abstract – Lipid metabolism of the endomycorrhizal fungus: Glomus intraradices. The use of monoxenic cultures of the obligately biotrophic vesicular arbuscular fungus Glomus intraradices now permits investigation of the lipid metabolism of this organism. In bicompartmental culture plates, sporulating extraradical hyphae can be obtained, totally free of roots, and then provided with 14C-acetate as lipid precursor. Three experimental stages were studied: i) stage A, symbiotic stage corresponding to the fungus still attached to the host plant roots, ii) stage B, consisting of the fungus detached from the host roots, iii) stage C, germinating spores. In each case, the fungus proved to be able to synthesise its own lipids: 1,2- and 1,3-diacylglycerols, triacylglycerols, phospholipids, sterols and free fatty acids, de novo. Lipid metabolism varied with the experimental conditions. Phospholipid synthesis was intensive in germinating spores. Thus the obligately biotrophic status of this fungus cannot be explained by a deficiency in synthesis of these various lipid classes. © 2001 Académie des sciences/Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS monoxenic culture / endomycorrhizal fungus / lipids
Résumé – L’utilisation de cultures monoxéniques de Glomus intraradices, champignon endomycorhizien biotrophe obligatoire, permet désormais d’explorer le métabolisme lipidique de cet organisme. Dans des boîtes de culture bi-compartimentées, il est possible d’obtenir des hyphes sporulantes extraracinaires, exemptes totalement de racines supports, et de leur fournir de l’acétate [1-14C] comme précurseur lipidique. Trois stades expérimentaux ont été étudiés : 1) stade A, lorsque le champignon est relié aux racines (symbiose), 2) stade B, lorsque le champignon est déconnecté des racines hôtes et enfin 3) stade C, les spores en germination. Dans tous les cas, le champignon est capable de synthétiser de novo ses propres lipides: 1,2- et 1,3-diacylglycérols, triacylglycérols, phospholipides, stérols et acides gras libres. Le métabolisme lipidique varie avec les conditions physiologiques. La synthèse de phospholipides est intense dans les spores en germination. Une défaillance dans la capacité à synthétiser ces différentes catégories lipidiques n’est donc pas responsable de la biotrophie de ce champignon. © 2001 Académie des sciences/Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS culture monoxénique / champignon endomycorhizien / lipides
*Correspondance et tirés à part. Adresse e-mail :
[email protected] (A. Grandmougin-Ferjani).
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. Version abrégée Arbuscular mycorrhizal (A.M.) fungi are the oldest known symbiotic associations which originated 400 Ma ago. The beneficial effects of these associations on the growth of plants are well documented. Most of the carbon is stored as lipid molecules in their hyphae, vesicles and spores. A.M. fungi cannot complete their biological cycle unless they are involved in a plant partnership. They are not able to grow without connection to a plant root. Nowadays, the use of monoxenic cultures in 2-compartment culture plates allows the lipid metabolism of these fungi to be studied. While growing on transformed carrot roots, hyphae, still connected to the root, climb the barrier, then expand inside the root free compartment, giving free access to the hyphae. This allows the fungus to be fed with labelled metabolic precursors. The incorporation of 14C-acetate into the lipid of Glomus intraradices was compared in 3 experimental conditions: i) stage A, symbiosis, ii) stage B, external hyphae just freshly cut off from the root, and iii) stage C, germinating spores. 1. Results
Whatever the experimental status of the fungus, the residual radioactivity in the incubation medium is very low (15–35 %) after 12 h. This shows that the radioactivity was actively taken up by the fungus, reaching a 90 % uptake after 96 h. This radioactivity was very quickly incorporated into lipids, but not at the same rate in each experimental stage. The maximum incorporation was reached after 48 h with the ‘symbiotic mycelium’ and only after 72 h with the stage B and germinating spores. All of the lipid classes (free fatty acids, 1.2- and 1.3-diacylglycerols, triacylglycerols, phospholipids) were labelled, but only 20 % of the radioactivity was incorporated into sterols, free fatty acids and 1.2-diacylglycerols. In germinating spores, after 96 h incubation, phospholipids were the most radioactive lipids.
1. Introduction Les endomycorhizes à vésicules et arbuscules constituent l’une des rares associations symbiotiques entre une plante et un champignon, dont l’origine remonte à plus de 400 millions d’années [1, 2]. Les champignons endomycorhiziens auraient facilité l’apparition des premières plantes sur les continents et leur longue co-évolution avec les plantes serait à l’origine d’un système étroit de compatibilité entre les deux symbiotes. Les effets bénéfiques de ces champignons symbiotiques sur la croissance des plantes
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The labelling of total lipids of the roots, after 96 h incubation, represented less than 1 % of total radioactivity.
2. Discussion and conclusion
The incorporation of radioactivity into the various lipid classes of fungal lipids showed clearly that this A.M. fungus is able to synthesize its own lipids, but with a preferential rate of incorporation into certain lipid classes according to the experimental status: acylglycerols and phospholipids in the symbiotic state, or phospholipids in germinating spores. The fungus, even when excised from its host roots remained able to synthesize its own lipids, but at a slower rate, probably due to a stress effect or to a slowing down of lipid metabolism. Using 13C labelling, it has been shown that maximum lipid synthesis is located in the intraradical mycelium while the present study showed that the extraradical hyphae are able to synthesise their own lipids. These results are not contradictory. Indeed, when the biosynthetic precursor comes from host roots, the synthesis proceeds first in situ, then the newly synthesized molecules can be exported towards the external part of the mycelium, which, despite its biosynthetic abilities, is not provided with precursors. In the germinating spores, the major labelling is incorporated into the phospholipid fraction; this shows that there is a very active synthesis of membranes for the development of the germ tube. This strong synthesis does not need only the use of lipid reserves but, also a de novo synthesis from exogenous precursors. Our results support the assumption that A.M. fungi are able to synthesize their own lipids. We conclude that the obligately biotrophic status of this fungus cannot be explained by a deficiency in synthesis of the various lipid classes.
et leur survie ont été amplement démontrés [3]. Les lipides sont la forme majeure de carbone dans les hyphes, les spores et les vésicules de ces champignons [4]. L’impossibilité de cultiver ces champignons en culture pure a sans doute freiné l’étude de leur métabolisme lipidique. Pour effectuer un cycle complet de développement, les champignons endomycorhiziens doivent nécessairement être associés à un partenaire végétal [5]. Lors de la germination, ils sont capables d’utiliser les molécules carbonées de réserve (essentiellement présentes sous forme de lipides et de tréhalose) et d’émettre un tube germinatif qui ira
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à la rencontre de racines [6, 7]. La pérennité de ces champignons dépend donc de leur capacité et de leur rapidité à établir une symbiose. Sans partenaire végétal, les champignons endomycorhiziens ont une croissance saprophytique très restreinte, qui s’arrête avant même l’utilisation complète des molécules de réserve [8]. Les raisons de ce phénomène restent, jusqu’à présent, inconnues. L’étude du métabolisme lipidique pourrait apporter des éléments de réponse quant à la dépendance de ces champignons vis-à-vis de leur partenaire végétal. Aujourd’hui, certainement facilitée par le développement de cultures monoxéniques [9–12], l’étude du métabolisme lipidique de ces champignons connaît un regain d’intérêt. Le champignon endomycorhizien est ainsi cultivé en association avec des racines d’une plante hôte, transformées par Agrobacterium rhizogenes. Dans des boîtes de Petri bi-compartimentées, les hyphes qui croissent hors des racines passent dans le compartiment exempt de racine support. Ce dispositif permet d’avoir accès à ces hyphes, sans interférences avec les racines hôtes auxquelles elles restent, malgré tout, reliées [11]. Il est ainsi possible d’appliquer des précurseurs marqués soit au niveau du champignon extraracinaire, soit au niveau des racines colonisées. Le métabolisme lipidique des champignons peut subir des modifications suivant le stade de développement ou les conditions environnementales [13]. On peut s’attendre à ce que, dans le cas de champignons endomycorhiziens, le lien étroit existant entre les deux partenaires puisse également avoir une incidence sur le métabolisme du champignon. Cet article présente l’étude de l’incorporation d’acétate [1-14C] dans les lipides du Glomus intraradices extraracinaire cultivé in vitro. Nous avons réalisé des cinétiques de marquage des lipides dans trois conditions expérimentales différentes : lorsque le champignon est relié aux racines de carotte (stade A), lorsque le champignon est déconnecté des racines hôtes (stade B) et enfin sur les spores en germination (stade C). Le but de ce travail est d’explorer les capacités du champignon Glomus intraradices à fabriquer ses propres molécules lipidiques suivant les conditions expérimentales choisies.
2. Matériels et méthodes 2.1. Matériel biologique
Le champignon endomycorhizien, Glomus intraradices, (DAOM 197198, [14]) a été cultivé sur des racines de carotte transformées par Agrobacterium rhizogenes (Daucus carota L.) dans des boîtes de Petri bi-compartimentées contenant un milieu de culture M (à l’obscurité et à 27 °C) [10]. Les racines colonisées ont été maintenues dans un compartiment (compartiment racinaire), tandis que le champignon se développait dans l’autre (compartiment fongique) après avoir franchi la séparation centrale de la
boîte [11]. Durant les quatre mois, de culture, les racines qui ont pénétré dans le compartiment fongique ont été régulièrement coupées afin de maintenir une séparation physique stricte des deux partenaires. 2.2. Marquage à l’acétate [1-14C]
L’acétate de sodium [1-14C], précurseur biosynthétique des lipides, a été utilisé à 60 mCi/mmol. Le champignon dans les trois conditions expérimentales différentes (stades A, B, C) a été incubé en présence d’acétate [1-14C] durant 12, 24, 48, 72 et 96 h. Dans le cas du champignon au stade A, le précurseur marqué (10 µCi d’acétate [1-14C]) a été ajouté dans le compartiment fongique, le champignon restant relié aux racines de carotte. Dans le cas du champignon au stade B, les racines colonisées du compartiment racinaire ont été préalablement retirées. L’acétate [1-14C] (10 µCi) a été alors introduit dans le compartiment fongique. Pour ces deux premières conditions expérimentales (stades A et B), onze boîtes de culture bi-compartimentées, âgées de quatre mois, ont été utilisées. Après incubation avec le précurseur marqué, le champignon a été récolté par filtration après solubilisation du milieu de culture [15]. Au stade A, les racines de carotte reliées au champignon ont été également récoltées. Pour le stade C, les spores de onze boîtes ont été réunies dans deux boîtes contenant chacune 150 mL de milieu M neuf et 55 µCi d’acétate [1-14C]. La germination a été induite en plaçant les spores sous 2 % de CO2 à 27 °C [16]. Les spores ont été récoltées par filtration après solubilisation du gel de culture. 2.3. Analyse des lipides
Le matériel fongique lyophilisé a été extrait trois fois sous reflux à 70 °C par un mélange de dichlorométhaneméthanol (2 : 1,v/v) contenant 0.05 % de BHT (hydroxytoluène butylé). Les lipides totaux ont été ensuite séparés par chromatographie sur couche mince (CCM) en utilisant le système de solvant suivant : hexane-éther diéthyliqueacide acétique glacial (78 : 20 : 4, v/v/v) et révélés sous UV à 365 nm, après pulvérisation d’une solution de primuline à 0.01 % (p/v) dans de l’acétone aqueuse à 80 % (v/v). La radioactivité associée aux différentes classes lipidiques a été détectée par un analyseur de radioactivité linéaire (Berthold LB 2820-1). Elles ont été identifiées par comparaison à des standards commerciaux tels que la trioléine, la dioléine, le cholestérol, l’acide heptadécanoïque (17 : 0) et la lécithine de soja. Les Rf des différentes classes lipidiques étaient les suivants : phospholipides (Rf : 0), 1,2-diacylglycérols (Rf : 0,33), 1,3-diacylglycérols (Rf : 0,39), stérols libres (Rf : 0,40), acides gras libres (Rf : 0,50), triacylglycérols (Rf : 0,73). L’identification des phospholipides a été confirmée par pulvérisation d’une solution de bleu de molybdène développant une coloration bleue avec le phosphore des phospholipides. Les taches fluorescentes correspondant aux différentes classes lipidi ques ont été grattées puis éluées avec du dichlorométhane, à l’exception des phospholipides pour lesquels un
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mélange de dichlorométhane-méthanol-acide acétique (1 : 1 : 0.5 ; v/v/v) a été utilisé. Une aliquote de ces différentes fractions a été ensuite prélevée, afin de quantifier l’incorporation de l’acétate [1-14C] par comptage en scintillation liquide. Les stérols ont été isolés, analysés, identifiés et quantifiés suivant la méthode décrite par Grandmougin-Ferjani et al. [17]. Les acides gras des triacylglycérols, les diacylglycérols et les phospholipides ont été transméthylés avec 2 mL de trifluorure de bore–méthanol à 14 % (p/v) pendant 10 min à 80 °C tandis que, les acides gras libres ont été méthylés par le même réactif durant 2 min à 90 °C. Les acides gras ont été analysés par la méthode décrite par Muchembled et al. [18]. Les phospholipides totaux ont été séparés par CCM en employant le système de solvants suivant : chloroforme– acétone–méthanol–acide acétique glacial–eau (100 : 40 : 20 : 20 : 10, v/v/v/v/v). Les phospholipides ont été localisés par pulvérisation de réactifs comme la primuline à 365 nm et identifiés à l’aide de standards commerciaux (issus de soja) et des colorations spécifiques comme le bleu de molydbène, la ninhydrine et le réactif de Dragendorff décrites par Kates [19].
3. Résultats Le champignon dans les trois conditions expérimentales différentes (stades A, B, C) a été incubé en présence d’acétate [1-14C] durant 12, 24, 48, 72 et 96 h. La mesure de la radioactivité résiduelle (rapportée à la masse fongique) dans le milieu de culture, après 12 heures d’incubation, a montré une variation de 15 à 35 % suivant les stades analysés. Ceci démontre une absorption active du précurseur radioactif. On a observé une absorption quasi complète de l’acétate [1-14C] par le champignon après 96 h d’incubation. Très rapidement, la radioactivité a été détectée au niveau des lipides fongiques totaux (figure 1.a), avec un maximum d’incorporation à 48 h pour le champignon au stade B et à 72 h pour les deux autres conditions expérimentales (stades A et C). Les lipides totaux ont été séparés par CCM en différentes classes lipidiques : stérols, acides gras, 1,3-diacylglycérols, 1,2-diacylglycérols, triacylglycérols et phospholipides. La répartition des classes lipidiques chez Glomus intraradices en symbiose (stade A) est représentée dans la figure 2. Les lipides majeurs sont représentés par les triacylglycérols (57 %) et les acides gras libres (26 %). L’analyse des acides gras associés à ces différentes classes lipidiques démontre que l’acide gras majeur est le 16 :1 ω 5, excepté pour les acides gras libres et les acides gras associés aux phospholipides, pour lesquels les acides gras à 18 atomes de carbone sont majoritaires (données non montrées). Le phospholipide majeur est la phosphatidyléthanolamine. Les stérols ont fait l’objet d’analyses plus poussées. Ils ont été identifiés et quantifiés. Les stérols majeurs sont le 24-méthylcholestérol et le 24-éthylcholestérol.
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D’après la figure 1.b, toutes les classes lipidiques étudiées (stérols, acides gras, 1,3-diacylglycérols, 1,2diacylglycérols, triacylglycérols et phospholipides) ont incorporé l’acétate [1-14C]. Les phospholipides, les triacylglycérols et les 1,3-diacylglycérols sont les trois classes lipidiques les plus fortement marquées. En revanche l’incorporation, dans les stérols libres, les acides gras libres et les 1,2-diacylglycérols, est moins importante. Ces lipides dans leur ensemble n’ont incorporé que 20 % de la radioactivité totale, quels que soient le stade expérimental ou la durée d’incubation. Les spores en germination sont caractérisées par une très forte incorporation de la radioactivité dans les phospholipides après 96 h d’incubation comparativement au champignon en symbiose (stade A) et déconnecté des racines (stade B). La figure 1.c présente le marquage des lipides totaux des racines colonisées reliées au champignon extraracinaire, après introduction d’acétate [1-14C] dans le compartiment fongique exempt de racines. Malgré un marquage croissant des lipides totaux racinaires observé après 12 à 96 h d’incubation, la radioactivité décelée dans les racines représentait moins de 1 % de la radioactivité incorporée dans les lipides du champignon extraracinaire.
4. Discussion et conclusion Suivant les espèces, les lipides des champignons endomycorhiziens représentent entre 45 et 72 % de la biomasse [7, 20]. D’après nos résultats, les deux classes lipidiques majeures chez Glomus intraradices en symbiose, cultivé in vitro sont les triacylglycérols et les acides gras libres. Ces résultats sont en accord avec les résultats de Jabaji-Hare [21] obtenus sur des spores de Glomus intraradices et sur d’autres espèces de Glomus [22]. Le marquage par l’acétate [1-14C] des différentes classes lipidiques montre clairement les capacités du champignon endomycorhizien Glomus intraradices à biosynthétiser de novo ses propres molécules lipidiques. Cependant, en fonction des conditions expérimentales dans lesquelles il se trouve, la distribution de la radioactivité dans les différentes classes lipidiques varie. Lorsque le champignon est en symbiose, la biosynthèse lipidique est principalement orientée vers les lipides neutres (triacylglycérols et 1,3-diacylglycérols) et vers les phospholipides. Ce résultat est en parfait accord avec ceux de Gaspar et al. [22], qui démontrent que lorsque le champignon est en symbiose, le développement du champignon extraracinaire (développement des hyphes et maturation des spores) est caractérisé par une augmentation des lipides totaux avec une élévation des triacylglycérols et des phospholipides. La synthèse importante des triacylglycérols correspond très probablement à leur accumulation durant la maturation des spores, organes stockant une grande quantité de lipides de réserve. La synthèse relativement élevée de phospholipides au cours de ce stade
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b a
c Figure 1. a. Incorporation de l’acétate [1-14C] dans les lipides totaux chez Glomus intraradices dans le stade symbiotique A (■), le stade B ([) et le stade C (spores en germination) (▲). b. dans les différentes classes lipidiques de Glomus intraradices dans les stades A, B et C. c. dans les lipides totaux des racines colonisées reliées au champignon en symbiose, après différents temps d’incubation en présence du précurseur, dans le compartiment fongique dépourvu de racines.
peut, quant à elle, s’expliquer par la croissance des hyphes extraracinaires et l’élaboration de nouvelles spores. Lorsque l’on prive brusquement le champignon de son partenaire végétal (stade B), on observe une diminution de l’incorporation de l’acétate marqué, qui résulte probablement d’un phénomène de stress et/ou à un ralentissement du métabolisme lipidique correspondant vraisemblablement à un arrêt de la croissance des hyphes et de la
production de nouvelles spores. Néanmoins le champignon, dans cette condition expérimentale, incorpore l’acétate [1-14C] dans ses molécules lipidiques. Ceci démontre que les hyphes et les spores extraracinaires sont capables de synthétiser leurs lipides même en l’absence de racines hôtes. Une étude récente, conduite avec Glomus intrara dices issu de la culture in vitro, mais utilisant le 13C comme traceur, indique que la synthèse lipidique serait
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Figure 2. Répartition des différentes classes lipidiques de Glomus intraradices au stade symbiotique A.
essentiellement localisée au niveau du champignon intraracinaire [23]. En raison d’une plus grande sensibilité des marquages au 14C, nos résultats ont mis en évidence une synthèse lipidique de novo également dans le champignon extraracinaire. Le faible marquage des lipides totaux des racines lorsque l’acétate [1-14C] est administré au champignon extraracinaire, montre que s’il existe, le transport d’acétate ou de lipides marqués du champignon extraracinaire vers les racines est très faible (1 %). La méthodologie utilisée ici, ne permet malheureusement pas de marquer les lipides du champignon intraracinaire de façon distincte de ceux des lipides de la racine support et donc, de détecter les lipides fongiques synthétisés dans le mycélium intraracinaire. Nos résultats ne remettent nullement en cause ceux de Pfeffer et al. [23] stipulant que le lieu de biosynthèse majeur des lipides de réserve se situe dans les hyphes intraracinaires, site où le champignon endomycorhizien reçoit les photosynthétats de la plante. Par rapport aux deux autres stades physiologiques, les spores en germination se caractérisent par un marquage plus intense des phospholipides, en particulier après 96 h d’incubation. On observe parallèlement une diminution du marquage lié aux di- et triacylglycérols. Cette observation est certainement à corréler avec l’émergence du tube germinatif, qui implique une forte production de membranes. Une augmentation de la teneur en phospholipides et une diminution de celle des lipides neutres, principalement des triacylglycérols, a été également observée dans des spores en germination d’une autre espèce de Glomus, Glomus caledonium [7]. Nos résultats divergent cependant de ceux obtenus par Beilby et al. [24] montrant que
l’incorporation majeure de l’acétate [1-14C] a lieu dans les triacylglycérols et les diacylglycérols de spores des Glomus caledonium en germination. Cette divergence peut s’expliquer par le fait que ces auteurs n’ont pas travaillé en présence de CO2. En effet, il a été depuis démontré, que l’incubation des spores dans des étuves comportant 2 % de CO2 augmente considérablement le pourcentage des spores en germination ainsi que la croissance des hyphes [25]. Récemment, des expériences de marquage au 13C ont permis de montrer qu’au moment de la germination, la synthèse des lipides de réserves est bloquée ou fortement réduite [16]. La germination des spores n’est donc pas uniquement alimentée par une utilisation et une nouvelle mobilisation des lipides de réserve. Lors de la germination, il existe à la fois une utilisation des molécules de réserve telles que les triacylglycérols grâce à des enzymes lipolytiques [22, 26] mais aussi une synthèse lipidique de novo principalement orientée vers les phospholipides nécessaires à la formation du tube germinatif. En conclusion, Glomus intraradices se montre tout à fait capable de synthétiser ses propres lipides à partir de l’acétate [1-14C] comme précurseur quel que soit le stade expérimental étudié. Ainsi, la biotrophie obligatoire de cet organisme ne peut être expliquée par son incapacité à synthétiser ces différentes classes lipidiques.
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Remerciements. Nous remercions le professeur Guillaume Bécard, de l’université de Toulouse-III, France, de nous avoir fourni les racines transformées de carotte colonisées par Glomus intraradices. Ce travail a été financé par le Conseil régional du Nord-Pas-deCalais dans le cadre d’un contrat d’objectifs.
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