Revue du rhumatisme 84 (2017) 472–474
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Éditorial
MGUS et traitements biologiques : que faire ?夽
i n f o
a r t i c l e
Mots clés : MGUS Myélome multiple Syndrome lymphoprolifératif Traitement biologique Anti-TNF alpha
1. Introduction La gammapathie monoclonale de signification indéterminée ou mieux connue sous l’acronyme MGUS (monoclonal gammopathy of undetermined significance) a de quoi soulever bien des questions aux cliniciens qui la découvrent chez leurs patients. Son association potentielle avec l’utilisation des thérapies biologiques ajoute aux préoccupations. 2. Définition En premier lieu, il s’agit d’un état porteur d’anomalies clonales qui a un potentiel de transformation maligne vers des maladies comme le myélome multiple (MM), un syndrome lymphoprolifératif (SLP) ou l’amyloïdose. Il est donc primordial de bien distinguer les entités diagnostics, puisque l’état porteur demande un suivi à long terme alors que pour les autres un traitement immédiat peut être indiqué. La MGUS se défini comme : • la présence de plasmocytes ou de lymphocytes infiltrant moins de 10 % de la moelle osseuse ; • la sécrétion monoclonale d’une immunoglobuline lourde (le plus souvent IgG, IgA et IgM) de moins de 30 g/L ou légère (kappa ou lambda) avec excrétion urinaire de < 300 mg/L ; • l’absence de symptômes associés [1]. Un myélome multiple symptomatique nécessitant un traitement diagnostique par la présence d’au moins un des 4 critères cardinaux soit l’anémie significative, l’insuffisance rénale, des lésions osseuses ou l’hypercalcémie. Une entité intermédiaire, soit
DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.jbspin.2017.04.003. 夽 Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc¸aise de cet article mais la référence anglaise de Joint Bone Spine avec le DOI ci-dessus.
le myélome indolent, rencontre les critères de laboratoire du MM sans l’atteinte symptomatique. Le risque d’évolution d’une MGUS vers un MM est estimé en moyenne à 1–2 % par année [2]. Cependant, toutes les MGUS ne sont pas égales sous le soleil. Certains éléments de laboratoire permettent de déterminer des catégories de risque de faible à élevée et ainsi d’orienter les interventions diagnostiques nécessaires et le suivi. Un modèle simple d’utilisation a été développé par la Clinique Mayo et inclus le type d’immunoglobuline lourde, la concentration de la paraprotéine et le ratio des chaînes légères [2]. Par exemple, un patient qualifiant pour le groupe de risque faible a un risque absolu de progression de 5 % sur 20 ans alors qu’un patient avec l’ensemble des facteurs anormaux aura un risque de 58 % sur 20 ans. Deuxièmement, la MGUS est prévalente dans la population particulièrement à partir de 50 ans variant de 3 % dans la population caucasienne à 8 % chez les Afro-Américains [3]. De plus, des associations entre les maladies auto-immunes et le MGUS ont été rapportées dans des études de registre [4]. Il est donc parfois difficile de déterminer s’il peut s’agir d’un effet d’un traitement ou d’un événement évolutif parallèle lorsqu’une MGUS est découverte chez un patient avec une maladie rhumatologique. Finalement, il n’y a pas d’indication de dépistage de MGUS dans la population en général [5]. Ceci se justifie par les coûts médicaux, mais également émotifs pour les patients qui seront étiquetés avec un état pour lequel il n’existe encore aucun traitement et le plus souvent avec un risque d’évolution faible, mais qui demandera tout de même un suivi à long terme. La recherche de MGUS devrait être réservée uniquement dans le contexte d’une suspicion d’une dyscrasie plasmocytaire en présence d’indices cliniques, lorsqu’il y a une réduction d’une ou plusieurs classes d’immunoglobuline (IgG, IgA ou IgM) ou la présence d’une hypergammaglobuliémie ou une hyperprotéinémie à l’électrophorèse des protéines sériques.
3. Les premières observations L’avènement des agents biologiques dans le traitement des maladies rhumatologiques permet des améliorations significatives dans le contrôle de ces affections souvent débilitantes. Depuis la commercialisation, cependant, des associations potentielles avec le développement de néoplasies sont soulevées. Dans le cas des SLP, les données disponibles demeurent contradictoires quoique somme toute rassurantes, mais elles incitent à la prudence [6,7]. C’est dans ce contexte que la MGUS s’est retrouvée sur le radar. Dès 2009, suite à l’utilisation de l’efalizumab, depuis retiré du marché pour d’autres raisons, 5 cas de MGUS sur 62 utilisateurs de
http://dx.doi.org/10.1016/j.rhum.2017.01.015 ´ e´ Franc¸aise de Rhumatologie. 1169-8330/© 2017 Publie´ par Elsevier Masson SAS au nom de Societ
Éditorial / Revue du rhumatisme 84 (2017) 472–474
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Tableau 1 Caractéristiques des MGUS décrites comme en association potentielle avec les agents biologiques. Pts (n) Vilarrasa et Puig [8]
62
MGUS
Agent biologique
Délai (mois)a
Traitements antérieurs
Durée suivi (mois)
Évolution pic monoclonal
Progression MM observée
5
Efalizumab
10–33
Non mentionné
5–18
Stable à diminué Diminution après arrêt Diminution 5/8 après arrêt tx En diminution après arrêt
Aucune
Prignano et al. [9]
202
12
Efalizumab
8 et plus
Non mentionné
2–10
Prignano et al. [11]
300
8
Adalimumab Etanercept Infliximab Etanercept
9–16
Cyclosporine MTX Acitretin MTX Sulfasalize Prednisone
6
Smale et Lawson [10]
1
MGUS depuis 6 ans
1
18
Aucune Aucune
Aucune
MGUS : monoclonal gammopathy of undetermined significance ; Pts : patients ; MTX : méthotrexate ; MM : myélome multiple. a Entre le début du traitement et le diagnostic de MGUS.
l’efalizumab atteints de psoriasis furent rapportés [8] (Tableau 1). En 2012, un autre groupe publie 12 cas sur 202 patients qui développent sous la même médication des pics monoclononaux [9]. De fac¸on intéressante, le retrait de l’agent mène à une diminution de concentration de la protéine et aucun cas de myélome multiple ne fut diagnostiqué bien que le suivi soit court. Alors qu’on pourrait s’interroger sur l’agent même, de son mécanisme d’action ou de la structure de l’anticorps, pour s’expliquer cette trouvaille, d’autres agents sont aussi mis en cause notamment l’etanercept. En effet, également en 2009, Smale et Lawson [10] rapportent le cas d’un patient atteint d’arthrite rhumatoïde connu déjà pour une MGUS depuis 6 ans pour qui on observe une augmentation significative du pic monoclonal 1 mois après l’introduction de l’etarnecept pour cause d’échec à l’infliximab. Après l’arrêt de la médication, la protéine monoclonale diminue progressivement et après 18 mois, redevient à des concentrations < 15 g/L. Suite à leurs premières observations avec l’efalizumab, Prignano et al. [11] ont inclus une électrophorèse des protéines sériques de fac¸on systématique aux 4 mois dans leur bilan de départ et de suivi avec l’utilisation des inhibiteurs anti-TNF␣ infliximab, etarnecept et adalinumab. En cas d’apparition d’un pic, une immunofixation était réalisée et le test répété aux deux mois. Aucune médication n’était administrée si les résultats s’avéraient positifs. Sur 300 patients, 8 patients âgés de 38 à 64 ans ont développé un pic monoclonal simple ou double (7 IgG et 1 IgM). Les traitements antérieurs comportaient le méthotrexate, la cyclosporine et l’acitretine. L’utilisation d’un anti-TNF␣ variait de 9 à 16 mois avant l’apparition de la MGUS. Sur 6 mois de suivi rapporté après l’arrêt du traitement, 4 patients ont vu leur protéine M diminuée, voir devenir indétectable. Les hypothèses explicatives soulevées par les auteurs font état de la possibilité d’un rôle de l’anti-TNF␣ sur les plasmocytes et la génération de paraprotéine, d’une accumulation de l’agent biologique de type IgG1 durant les mois de traitement ou d’une prédisposition génétique de ces patients à développer une MGUS. Cette dernière correspondrait à l’observation d’une prévalence augmentée des MGUS dans les cas de maladies rhumatologiques. Par ailleurs, ces rapports de cas ne bénéficiaient pas de groupe témoin et le suivi étant court, ne permettaient pas de statuer sur le risque d’évolution vers un myélome. La moyenne entre le diagnostic d’une MGUS et l’évolution vers un myélome est de 11–15 ans. D’autres facteurs confondants viennent également complexifier le tableau. La plupart des patients ont déjà été exposée à d’autres agents immunosuppresseurs comme le méthotrexate ou la cyclosporine. De plus, environ 2 à 5 % des MGUS régresseront d’eux-mêmes particulièrement dans le contexte des traitements des maladies auto-immunes, de la levée d’une immunosuppression ou le traitement d’une infection [12].
4. Y a-t-il réellement association ? Est-il donc justifié d’inclure de fac¸on routinière l’électrophorèse des protéines et de ne pas offrir de traitement biologique en présence de MGUS ? Depuis ces observations, d’autres viennent contrebalancer les résultats (Tableau 2). L’équipe de Vilarassa et Puig [8], après avoir rapporté les premiers cas sous efalizumab, a également dépisté de fac¸on systématique les MGUS chez leurs patients avec psoriasis sous agents biologiques. Cela a mené à la détection de 2 patients sur 307 patients traités. Aucun cas n’a été observé avec l’ustekinumab. Des résultats similaires ont été obtenus toujours avec des patients psoriasiques par l’équipe du Dr Conti [13]. Aucun des patients n’a cessé la médication et aucun n’a développé jusqu’à présent de myélome bien que le suivi soit maintenant de plusieurs années. Ces dernières études font donc état d’une incidence du MGUS proche de celle de la population en général. Dans une étude transversale portant sur des sujets atteints de psoriasis, 8 MGUS sur 180 patients ont été répertoriées [14]. La prévalence des MGUS chez les patients traités par anti-TNF␣ était similaire à celle des patients traités par médication conventionnelle incluant le méthotrexate (4,44 % vs 5,28 % p = 0,65). La littérature est beaucoup plus pauvre pour les autres maladies rhumatologiques bénéficiant des traitements biologiques. Outre celui de Smale et Lawson, un autre rapport de cas publié fait état d’un patient avec une spondylarthrite ankylosante et connu pour une MGUS [15]. Il fut placé sous adalimumab suite à l’échec aux anti-inflammatoires non stéroïdiens et aucune détérioration ni évolution de la paraprotéine malgré cette thérapie n’ont été observées. Pour ce qui est des autres maladies inflammatoires sous traitement biologique, des cas de MM furent rapportés pour les maladies inflammatoires de l’intestin [16] ou le pyoderma gangrenosum [17]. Dans ce cas précis, un patient connu pour une MGUS à IgA à développer rapidement un MM après le début de l’infliximab. Par contre, l’association entre les maladies hématologiques et pyoderma gangrenosum étant bien connue, il est donc possible que les risques soient variables selon la pathologie de base. Il est malheureusement difficile de conclure quand le tout demeure anecdotique. Par ailleurs, malgré les cas de néoplasies solides ou les SLP rapportés initialement, les études de registre ne démontrent pas cette augmentation. Jusqu’en 2009, aucune n’avait établi de lien entre les traitements anti-TNF␣ et la MGUS [18]. Récemment, une étude observationnelle démontre qu’il n’y aurait pas d’incidence augmentée de néoplasie ou de récidives chez des patients déjà connus avec des antécédents de cancers entre les patients avec arthrite rhumatoïde sous anti-TNF␣ ou rituximab [19]. Bien sûr, il faut rester prudent compte tenu des limitations de ces études qui manquent de puissance pour faire la distinction entre le risque d’un cancer en particulier, mais font plutôt référence à des sous-groupes comme
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Tableau 2 Caractéristiques des MGUS décrits comme sans évidence d’association avec les agents biologiques. MGUS
Agent biologique
Délai (mois)a
Traitements antérieurs
Durée suivi (mois)
Évolution pic monoclonal
Progression MM observée
91
3
72–89
PUVA MTX Cyclosporine
12
Stable Tx poursuivi
Aucune
307
2
Infliximab Etanercept Ustekinumab (pas MGUS) Etanercept Infliximab Adalimumab
20–26
Non rapporté
60–81
Aucune
54
AINS
Stable Tx poursuivi Stable Tx poursuivi
Au moins 12
Non rapporté
Pts (n) Conti et al. [13]
Vilarrasa et Puig [8] Mielnik et al. [15] Di Lernia et al. [14]
1 180
Depuis 7 ans 8
Infliximab Etanercept Adalimumab
Étude transversale
Aucune Aucune
MGUS : monoclonal gammopathy of undetermined significance ; Pts : patients ; MTX : méthotrexate ; MM : myélome multiple. a Entre le début du traitement et le diagnostic de MGUS.
les SLP, les cancers cutanés non-mélanome, etc. Elles ne font pas état non plus des critères de sélection des patients par leurs médecins traitants et les groupes ne sont pas nécessairement balancés. Dans le cas de la MGUS, il est difficile de savoir s’il a été inclus dans ce type d’analyse n’étant pas en soi un cancer et pour ce qui est du MM, il ne semblait pas ressortir du lot. 5. Conclusion Il est impossible d’affirmer hors de tout doute que l’apparition de la MGUS ou que la modulation de la paraprotéine sous traitement biologique ne sont pas reliées, du moins pour certains agents comme l’efalizumab. Son retrait de commercialisation depuis 2009 limite l’échantillon et donc l’analyse à long terme pour les MGUS possiblement secondaire tout particulièrement pour les cas des paraprotéines s’améliorant avec l’arrêt du traitement. Les suivis rapportés sont aussi généralement courts pour un risque de progression qui persiste sur de nombreuses années. Cependant, pour l’instant l’incidence est similaire à ce que l’on peut observer dans la population en général et ils ne semblent pas généralement mener à une progression plus rapide vers un MM ou un SLP. Compte tenu des bienfaits reconnus des agents biologiques chez les patients avec indications, il apparaît raisonnable de continuer les traitements en adoptant une approche collaborative avec l’hématologue qui évaluera le diagnostic, le risque de progression et déterminera le suivi adéquat. Déclaration de liens d’intérêts Honoraire de Celgene, Janssen et Amgen. Références [1] International Myeloma Working Group. Criteria for the classification of monoclonal gammopathies, multiple myeloma and related disorders: a report of the International Myeloma Working Group. Br J Haematol 2003;121:749–57. [2] Kyle RA, Durie BG, Rajkumar SV, et al. Monoclononal gammopathy of undetermined significance (MGUS) and smoldering (asymptomatic) multiple myeloma: IMWG consensus, perspectives, risk factors for progression, and guidelines for monitoring and management. Leukemia 2010;24:1121–7. [3] Wadhera RK, Rajkumar SV. Prevalence of monoclonal gammopathy of undetermined significance: a systematic review. Mayo Clinic Proc 2010;85:933–42. [4] Brown LM, Gridley G, Check D, et al. Risk of multiple myeloma and monoclonal gammopathy of undetermined significance among white and black male United States veterans with prior autoimmune, infectious, inflammatory, and allergic disorders. Blood 2008;111:3388–94. [5] Bird J, Behrens J, Westin J, et al. UK Myeloma Forum (UKMF) and Nordic Myeloma Study Group (NMSG): guidelines for the investigation of newly detected M-proteins and the management of monoclonal gammopathy of undetermined significance (MGUS). Br J Haematol 2009;147:22–42.
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Émilie Lemieux-Blanchard Service d’hématologie-oncologie, centre de recherche du CHUM, hôpital Notre-Dame, centre hospitalier de l’université de Montréal (CHUM), 1560, rue Sherbrooke E., Montréal, Québec H2L 4M1, Canada Adresse e-mail :
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