Microbiote intestinal : un univers méconnu

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le microbiote : un monde polymorphe aux fonctions multiples Le microbiote : un monde polymorphe aux fonctions multiples MICROBIOTE INTESTINAL : UN U...

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le microbiote : un monde polymorphe aux fonctions multiples

Le microbiote : un monde polymorphe aux fonctions multiples

MICROBIOTE INTESTINAL : UN UNIVERS MÉCONNU

Marion Leclerc, Catherine Juste, Hervé Blottière et Joël Doré

Les micro-organismes qui nous entourent sont perçus le plus souvent comme des envahisseurs potentiels, néfastes et dangereux, contre lesquels il est important de lutter sans relâche. Cette perception négative des « germes » s’oppose à la reconnaissance de leur utilité pour l’environnement et l’industrie. Les rôles majeurs que jouent les micro-organismes qui colonisent notre organisme et établissent une symbiose qui dure toute la vie sont également de mieux en mieux reconnus. Ainsi, le monde dans lequel nous vivons est avant tout un monde microbien. L’organisme humain et avant lui les animaux ont coévolué à travers les millénaires avec les micro-organismes environnants, aboutissant à une adaptation mutuelle. Les micro-organismes qui colonisent les muqueuses (intestinale, buccale, vaginale...) et la peau sont ainsi importants pour le maintien de nombreuses fonctions essentielles de l’organisme. Les bactéries du tube digestif conditionnent de nombreuses fonctions de l’hôte dont la réponse immunitaire. La colonisation par les micro-organismes que l’on dit commensaux est ainsi un élément clé du développement de l’immunité innée et adaptative [1-4]. Le microbiote joue également un rôle direct de prévention de la colonisation par des micro-organismes pathogènes [5-8]. Plus récemment, le rôle du microbiote intestinal dans la régulation du stockage des matières grasses a été démontré chez les souris [9]. Nous allons ici retracer les grandes étapes de la mise en place d’un complexe microbien majeur associé à l’organisme humain, le microbiote intestinal, et donner une image actualisée de sa constitution et de sa stabilité à la lumière des résultats acquis par sa réévaluation moléculaire récente.

Comment l’organisme humain est-il colonisé ? Tout contact entre le corps humain et un micro-organisme, qu’il vienne d’un aliment, de l’environnement, d’un autre humain ou d’animaux, peut en principe conduire à la colonisation. Le fœtus des mammifères évolue in utero dans un environnement stérile et la colonisation microbienne débute durant le processus de la naissance. Les muqueuses vierges, digestive et respiratoire, et la peau constituent un

Unité d’Ecologie et Physiologie du Système Digestif, INRA, Domaine de Vilvert, 78352 Jouy-en-Josas cedex.

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ensemble de niches écologiques très favorables à la colonisation microbienne. En l’absence des mécanismes immunitaires sophistiqués de l’adulte, le tube digestif du nouveau-né est un environnement particulièrement permissif où les niveaux de population atteignent rapidement 1011 bactéries par grammes de selles. La colonisation suit néanmoins un schéma relativement organisé, sous la dépendance de facteurs exogènes et endogènes. Les facteurs exogènes incluent l’exposition aux micro-organismes d’origine maternelle (fécale, vaginale et cutanée) et environnementale, mais aussi l’alimentation et parfois l’antibiothérapie, qui peut avoir des effets perturbateurs majeurs. Quelques études indiquent que le lait maternel pourrait être le vecteur de micro-organismes de la mère vers l’enfant. Ainsi, même collecté aseptiquement le lait de femme Cah. Nutr. Diét., 42, Hors-série 2, 2007

probiotiques et santé n’est pas stérile [10]. Les bactéries qu’il contient peuvent être transmises à l’enfant via le lait maternel [11]. Les facteurs endogènes incluent un ensemble de sécrétions du tube digestif, mais aussi de produits des premiers microorganismes colonisateurs qui globalement conditionnent la physico-chimie du biotope. Les bactéries anaérobies qui dominent le microbiote intestinal de l’adulte font partie des premiers microbes rencontrés lors d’une naissance par voie basse. Elles ne se développeront cependant en dominance dans l’intestin que lorsque les anaérobies facultatives auront consommé l’oxygène présent. Des travaux récents chez l’animal indiquent que certaines espèces anaérobies colonisant modifient leur métabolisme après le sevrage [12]. Ce premier relais d’espèces s’opère durant les heures qui suivent la naissance. Des relations antagonistes gouvernent ensuite progressivement le relais d’espèces en dominance conduisant vers l’âge de deux ans à un microbiote stable au plan fonctionnel [13]. Les bactéries anaérobies dominent les bactéries anaérobies facultatives dans le côlon distal et les selles par un facteur de 1 000 environ. L’hygiène qui entoure la naissance et les premiers moments de la vie conditionne fortement la dynamique de colonisation. Il apparaît aujourd’hui clairement que la colonisation par des espèces commensales habituelles comme Escherichia coli est retardée dans les pays industrialisés par rapport au passé (de quelques jours à 6 mois) et par rapport aux pays en voie de développement, apparemment du fait des conditions d’hygiène appliquées aujourd’hui [14,15]. Des bactéries habituellement associées à la peau (Staphylococcus sp.) apparaissent alors dans la flore dominante précoce [16]. Une naissance par césarienne s’accompagne également le plus souvent de l’acquisition retardée des groupes dominants usuels et de la présence plus fréquente de bactéries d’origine environnementale que dans le cas de naissances par voie basse. Certaines inconnues demeurent cependant dans le domaine de la colonisation. • Il est très probable que le tube digestif offre une « fenêtre de permissivité » à la colonisation durant laquelle les micro-organismes rencontrés pourraient devenir une composante du microbiote dominant de l’adulte, mais ce concept n’a pas été fermement validé et la durée pendant laquelle l’écosystème resterait permissif et en cela fragile mais aussi potentiellement manipulable au bénéfice de l’hôte, reste indéterminée. • Une étude ayant porté sur trois couples de jumeaux monozygotes (vrais jumeaux) a montré qu’après l’âge de 25 ans, ceux-ci avaient un microbiote intestinal étonnamment similaire [17]. Ceci suggère que le génotype de l’hôte pourrait jouer un rôle déterminant dans la mise en place du microbiote intestinal, mais le poids respectif de l’écologie microbienne (micro-organismes rencontrés) et du génotype n’a pas encore été évalué de façon définitive. • Le lieu de naissance peut de nombreuses façons influencer la colonisation microbienne de l’intestin chez l’enfant. Les études ont à ce jour porté sur des enfants d’un seul pays et les comparaisons sont difficiles. Nous avons tout récemment montré qu’il existe un impact du pays de naissance en Europe et qu’il existe notamment un gradient NordSud tel que le microbiote fécal des enfants à 6 semaines de vie est plus fortement colonisé par Bifidobacterium dans les pays du Nord (Suède, Écosse), alors que le genre Bacteroides domine plus précocement une flore plus diversifiée dans les pays du sud (Italie, Espagne). Cah. Nutr. Diét., 42, Hors-série 2, 2007

• Le sevrage a également un impact majeur sur la dynamique de développement du microbiote intestinal. C’est un moment de perturbation majeure jusqu’à ce que le microbiote s’adapte à la dégradation des fibres alimentaires qui arrivent intactes dans le côlon et sont une source de substrats fermentescibles. L’impact respectif des grands modes de sevrage appliqués sur la planète aujourd’hui n’a pas été exploré de façon systématique.

Les grandes familles de bactéries constituant le microbiote intestinal humain On estime aujourd’hui que le microbiote intestinal humain, dont la densité atteint son maximum dans le côlon distal avec 1011 bactéries par gramme de contenu, est composé de centaines d’espèces. Cependant la description exhaustive des espèces intestinales n’a pas été réalisée pour deux raisons majeures. Tout d’abord, la caractérisation traditionnelle par la culture in vitro [18-20] est aujourd’hui délaissée dans la mesure où elle ne permet de prendre en compte que 30 % environ des micro-organismes dénombrables par microscopie. Ensuite, l’utilisation d’outils moléculaires a montré que la plus grande partie (2/3 environ) des espèces dominantes observées dans le microbiote fécal d’un individu lui sont propres ; elles ne sont qu’exceptionnellement retrouvées en dominance dans le microbiote fécal d’autres individus [21-23]. Ainsi, même si un nombre encore très limité d’individus a été étudié, la diversité d’espèces bactériennes commensales de l’intestin humain, à l’échelle de la planète, apparaît immense. S’il semble que le microbiote intestinal dominant puisse conduire à la détermination d’une empreinte fécale essentiellement spécifique de l’individu, l’analyse de sa composition en taxa (genres bactériens et/ou grands groupes phylogénétiques) fait ressortir l’existence de composantes récurrentes, retrouvées chez tous les individus. Certains de ces taxa sont connus depuis bien longtemps et représentés par de nombreuses espèces bactériennes en collection de souches ; d’autres n’ont été mis en évidence que récemment grâce à des approches moléculaires et sont parfois totalement dépourvus de souches représentatives cultivées à ce jour. Les genres bactériens dominants de la microflore fécale cultivable de l’adulte sont Bacteroides, Eubacterium, Ruminococcus, Clostridium et Bifidobacterium [18, 20]. La prise en compte des micro-organismes non cultivés a permis d’affiner cette vision et de l’inscrire dans un cadre phylogénétique, plaçant les microorganismes en fonction de leurs relations dans l’évolution. Trois phylabactériens, Firmicutes, Bacteroidetes et Actinobacteria rassemblent la plus grande part des bactéries fécales dominantes. Le phylum des Firmicutes (bactéries à Gram positif) est toujours fortement représenté. Il comprend tout d’abord le groupe dit « Eubacterium rectale - Clostridium coccoides » qui est souvent le plus important (14 à 31 % des bactéries totales en moyenne suivant les études) [24-28]. Il comprend des espèces bactériennes appartenant aux genres Eubacterium, Clostridium, Ruminococcus, Butyruvibrio. Le Phylum des Firmicutes comprend également le groupe « Clostridium leptum », avec notamment les espèces Faecalibacterium prausnitzii, Ruminococcus albus et R. flavefaciens, groupe qui est aussi très souvent dans la dominance (16 à 22 % en moyenne) [26, 29]. Les Bacteroidetes sont représentés par les genres apparentés 2S23

le microbiote : un monde polymorphe aux fonctions multiples à Bacteroides (Bacteroides, Prevotella et Porphyromonas). Ils sont toujours présents et partagent la dominance avec les groupes précédents [9 à 42 % des bactéries totales en moyenne suivant les études]. Le Phylum actinobacteria est moins systématiquement détecté en dominance, mais il représente en moyenne quelques pourcents des bactéries totales. On y trouve les bifidobactéries [0,7 à 10 %] et les bactéries du groupe CollinsellaAtopobium (0,3 à 3,7 % en moyenne) [27, 30]. Les entérobactéries sont plus rarement observées dans la microflore fécale dominante (en moyenne 0,4 à 1 %), de même que les lactobacilles et streptocoques (2 %) [25]. On y trouve également, mais exceptionnellement, des espèces apparentées à Clostridium ramosum, Eubacterium cylindroides, Phascolarctobacterium, Verrucomicrobium ou Sporomusa-Selenomonas-Veillonella. Si l’on reconnaît ainsi des caractéristiques très conservées en termes de composition au niveau des Phyla et grands groupes phylogénétiques, au niveau des espèces, la caractéristique principale semble être la présence de nombreuses espèces sujet-spécifiques. Ceci laisse penser qu’il existe, au plan fonctionnel, une interchangeabilité entre espèces et que les niveaux de résolution différents apportent des informations totalement complémentaires. Enfin, les espèces observées ont le plus souvent une spécificité humaine, et dans tous les cas, sont associées à l’environnement digestif de façon quasi exclusive. Ceci indique des phénomènes de coévolution avec l’hôte [31] que confirment des travaux récents d’association de complexes microbiens entre espèces différentes [32]. Certaines inconnues demeurent cependant dans le domaine de la composition et de la diversité du microbiote intestinal humain. • Les progrès apportés par les approches moléculaires se sont limités à une réévaluation phylogénétique précise du microbiote dominant. Cela a conduit à deux limites majeures. Dans le microbiote fécal, cela a concerné les bactéries présentes à des niveaux de population de 108 bactéries par gramme ou plus. Les connaissances sur le microbiote sous-dominant restent ainsi encore fragmentaires et essentiellement basées sur une caractérisation des bactéries cultivables. La PCR quantitative devrait dans l’avenir renseigner sur cette composante qui peut jouer un rôle important dans les interactions entre micro-organismes (nutrition croisée et fourniture vitaminique). À quelques exceptions près, la phylogénie ne renseigne pas l’écologiste microbien sur le rôle in situ des microorganismes et le lien entre phylogénie et fonction reste à faire. • La contribution du domaine archaea a été étudiée de façon anecdotique. Ce groupe est présent dans le microbiote fécal dominant de la moitié environ des adultes en pays occidentaux. Les raisons de cette dichotomie et l’impact général sur les équilibres globaux du microbiote intestinal restent à préciser. • L’approche moléculaire a permis d’avancer dans la reconnaissance et la caractérisation de micro-organismes dominants restés non cultivables jusqu’à ce jour. Néanmoins, l’aptitude à isoler les micro-organismes et à les cultiver reste une étape essentielle. Un effort est aujourd’hui dédié spécifiquement au développement de procédures spécifiques pour tenter de cultiver davantage de composantes d’environnements microbiens complexes tel que l’intestin humain. 2S24

Dynamique et homéostasie de la flore intestinale La colonisation microbienne permet à un micro-organisme de persister et se multiplier dans une niche écologique donnée sans nécessiter de ré-inoculation. La dynamique du microbiote intestinal peut être considérée dans l’espace (entre individus ou entre compartiments intestinaux) et dans le temps (pour un individu donné). Le niveau de résolution choisi dans les analyses (phyla, groupes phylogénétiques, genres, espèces) a une incidence sur le degré de stabilité observé. La composition globale de la communauté microbienne intestinale dominante apparaît conservée entre individus et stable dans le temps. La diversité des espèces dominantes semble remarquablement stable dans le temps pour un individu donné sur des échelles de temps allant de quelques jours à plusieurs années [33, 34, 28], alors qu’une large fraction des espèces dominantes apparaît spécifique de l’individu. Quelques travaux ont montré qu’au niveau souche, la communauté présente une plus ou moins forte stabilité suivant l’individu considéré [35, 36]. Il est ainsi suspecté que la stabilité observée au niveau des groupes ou des espèces masquerait un turnover important au niveau des souches. Il a également été observé que la diversité d’espèce au sein des groupes sous-dominants (ex. Lactobacillus) est moins stable que celle des dominants (ex. Bacteroides) [34], et que la stabilité des communautés est plus grande au niveau du côlon que de l’iléon. À l’échelle de l’individu, des modifications du microbiote peuvent correspondre à des phénomènes concomitants de colonisation et de pertes ; plus probablement, dans la majeure partie des cas, il s’agira de relais en dominance, sous l’influence de facteurs induisant une modification des niches écologiques. Les facteurs pouvant avoir un impact sur la stabilité des communautés microbiennes intestinales sont innombrables. Parmi ceux-ci, le temps de transit des contenus, le pH, les qualité et quantité des substrats exogènes et des mucines endogènes. Bien que les communautés microbiennes intestinales semblent aptes à s’adapter aux évolutions de niches écologiques, il apparaît difficile d’induire des modifications durables de populations établies. De très nombreuses observations traduisent ainsi l’aptitude de l’écosystème microbien intestinal à résister à la modification. L’apport d’une souche bactérienne allochtone telle qu’un probiotique ou d’un substrat exogène tel qu’un prébiotique conduit à une modification transitoire des équilibres microbiens. Les prébiotiques qui représentent un apport de substrat énergétique exogène favorisent spécifiquement certains groupes de micro-organismes anaérobies, mais n’affectent en général pas la composition globale de l’écosystème. Même un stress majeur tel qu’un traitement antibiotique est suivi d’un retour au profil initial d’espèces dominantes au bout d’environ un mois [37]. Cette aptitude à revenir à l’équilibre initial après un stress, la résilience, suggère une adaptation très forte du microbiote à l’organe et même à l’hôte qui l’héberge. Cela peut être rapproché de l’observation que des jumeaux monozygotes ont des microbiotes fécaux plus proches que ne le sont ceux d’individus non apparentés, suggérant un impact du génotype sur la structuration des populations intestinales. La distribution spatiale du microbiote intestinal en fonction du site digestif est très complexe à étudier ; elle suppose la collecte d’échantillons intra-intestinaux, ce qui Cah. Nutr. Diét., 42, Hors-série 2, 2007

probiotiques et santé passe par des méthodologies invasives, et la préservation des relations topologiques entre bactéries et épithélium par exemple. Cela explique qu’il y ait encore quelques controverses sur ce sujet. Le microbiote luminal (occupant la cavité intestinale) a pu être étudié de diverses façons et sa composition a été déterminée. On sait ainsi que le microbiote du côlon proximal est différent du microbiote fécal dont la composition ne représente correctement que les parties distales de l’intestin [38]. Entre le côlon proximal et le côlon distal, les populations microbiennes augmentent de deux logs par gramme de contenu et la différence est uniquement le fait d’une augmentation des bactéries anaérobies strictes. La couche de mucus qui tapisse l’intestin constitue une niche écologique particulière. Plusieurs études ont pu montrer que le complexe d’espèces qui colonise cette niche est stable dans le temps, mais aussi et surtout, remarquablement stable de l’iléon au rectum pour un individu donné [39, 40]. Par contre, les espèces qui colonisent le mucus diffèrent des espèces luminales telles qu’on les observe dans les selles [23, 39]. La possibilité pour les bactéries commensales d’adhérer aux cellules de l’épithélium intestinal n’a, par contre, pas encore été documentée de façon non équivoque. Quelques évidences indirectes existent comme la présence de gènes codant pour des adhésines dans le génome de souches d’E.coli capables de coloniser l’hôte plus durablement. Les adhésines pourraient cependant contribuer à la reconnaissance de sites dans le mucus ou sur des cellules desquamées. Quoiqu’il en soit, pour se maintenir dans l’écosystème, une souche doit se diviser au moins aussi rapidement que sa descendance est éliminée de l’écosystème [41]. De ce fait l’adhésion à l’épithélium n’apparaît pas comme une nécessité absolue, mais la reconnaissance de sites d’adhésion dans le mucus ou les contenus pourrait contribuer au maintien de souches à croissance lente [6]. Si l’adhésion à l’épithélium ne semble pas une caractéristique des bactéries commensales, cette propriété a été associée à des bactéries intestinales de patients atteints de maladies inflammatoires de l’intestin. Certaines inconnues demeurent cependant concernant l’homéostasie du microbiote intestinal humain. • Les mécanismes déterminant la résistance et la résilience du microbiote intestinal sont inconnus. Stable ou variable : il est encore pertinent de se demander à quel niveau phylogénétique et sur quelle période de temps le microbiote intestinal est-il stable. • Limites de la résilience : il est naturel de penser que le microbiote intestinal, comme tout écosystème microbien complexe, pourrait être irréversiblement perturbé par un stress. Les limites au-delà desquelles le microbiote intestinal humain perd son aptitude à retrouver son état d’équilibre initial ne sont pas connues à ce jour. • La résistance et la résilience du microbiote intestinal au plan fonctionnel sont également inconnues. • Quel est le lien entre diversité taxonomique et diversité des fonctions accomplies par les micro-organismes et en quoi la « quantité de diversité » assure-t-elle la résistance des fonctions ?

Conclusion L’application des outils de l’écologie moléculaire au microbiote intestinal a permis des avancées très importantes dans la connaissance de cet écosystème du point de Cah. Nutr. Diét., 42, Hors-série 2, 2007

vue de sa composition et de sa dynamique en termes de diversité d’espèces. Ces travaux se sont cependant basés sur l’utilisation du gène codant l’ARN ribosomal comme marqueur phylogénétique universel. Les fonctions des micro-organismes dans leur environnement ont donc échappé à l’investigation. Il est aujourd’hui possible de cloner et séquencer de grands fragments de génomes de micro-organismes faisant partie d’un environnement microbien complexe et ainsi d’accéder à leur potentiel fonctionnel global et à terme à leurs activités. C’est l’approche métagénomique à laquelle s’adjoint progressivement une analyse globale des protéines et des métabolites issus de l’activité du microbiote. L’exploration fonctionnelle du microbiote intestinal est donc en marche suivant une approche globale qui ouvre des perspectives tout aussi riches que celles qui ont permis les avancées de la décennie passée.

Résumé Le microbiote intestinal humain, dont la densité atteint son maximum dans le côlon distal avec 1011 bactéries par gramme de contenu, est composé de centaines d’espèces. Les études moléculaires du microbiote fécal dominant ont conduit à la description d’une diversité d’espèces qui apparaît essentiellement spécifique de l’individu sain. Cependant, l’analyse de sa composition en taxa (genres bactériens et/ou grands groupes phylogénétiques) fait ressortir l’existence de composantes récurrentes, retrouvées chez tous les individus. Les groupes phylogénétiques dominants de la microflore fécale de l’adulte sont Firmicutes, Bacteroidetes et Actinobacteria. Après une phase de colonisation lors des premiers mois de vie du nouveau-né, l’écosystème microbien intestinal d’un adulte sain possède la capacité à résister aux perturbations extérieures, sans que les mécanismes sous-jacents à cette homéostasie soient encore identifiés. Mots-clés : Microbiote – Colonisation – Diversité microbienne – ADNr16S – Homéostasie.

Abstract Hundreds of species compose the human intestinal microbiota, which reaches its highest density in the distal part of the large bowel, with up to 1011 bacteria per gram of content. Molecular studies have demonstrated that the species and sub-species diversity of the human fecal microbiota tend to be specific to a given healthy individual. However, when observed at taxa level, (bacterial genus and/or major phylogenetic groups) its composition appears similar among all healthy individuals. The dominant phylogenetic groups of human fecal microbiota are the Firmicutes, Bacteroidetes and Actinobacteria. After the colonisation process, occurring during the first few months of infant life, the human intestinal microbiota of a healthy adult demonstrates the ability to resist external perturbations. The mechanisms underlying such homeostasis phenomenon are yet to be characterised. Key-words: Microbiota – Colonisation – Microbial diversity – 16S rDNA – Homeostasis. 2S25

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