Migration intraluminale colique d’une prothèse de cure de hernie inguinale

Migration intraluminale colique d’une prothèse de cure de hernie inguinale

Images en Chirurgie Migration intraluminale colique d’une prothèse de cure de hernie inguinale K. Pautrat (1), B. Scotto (2), M.C. Machet (3), N. Hut...

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Migration intraluminale colique d’une prothèse de cure de hernie inguinale K. Pautrat (1), B. Scotto (2), M.C. Machet (3), N. Huten (1), L. de Calan (1) (1) Service de Chirurgie Digestive et Endocrinienne, CHU Trousseau – Tours. e-mail : [email protected] (2) Service de Radiologie, CHU Trousseau – Tours. (3) Service d’Ananatomo Pathologie, CHU Trousseau – Tours. Correspondance : K. Pautrat, Service de Chirurgie Digestive et Endocrinienne, Hôpital Trousseau, F 37044 Tours.

Mots-clés : Paroi. Image. Hernie inguinale. Complications. Prothèse.

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Un homme de 47 ans était adressé en mars 2004 pour des douleurs fébriles de la fosse iliaque gauche, évoquant un tableau de sigmoïdite. Dans ses antécédents, il avait eu en décembre 1999 une cure de hernie inguinale bilatérale par mise en place d’une prothèse pré péritonéale selon la technique de Stoppa-Rives. Les suites avaient été marquées par l’apparition d’un hématome infecté, drainé chirurgicalement. Le patient avait présenté une récidive deux ans après avoir été traité chirurgicalement. Une exploration laparoscopique, intra péritonéale, avait permis de confirmer la récidive due à la migration de la prothèse autour du cordon spermatique gauche, et la prothèse avait été laissée en place en raison des adhérences étroites qu’elle avait contracté avec les vaisseaux iliaques. Une réfection pariétale, par voie inguinale, avec raphie simple, était alors réalisée. Depuis 2000, le patient se plaignait itérativement de douleurs abdominales de l’hypogastre et de la fosse iliaque gauche, à type de coliques associées à des troubles du transit, qui cédaient sous antalgiques simples. À l’admission on notait une cicatrice tuméfiée et indurée avec une défense de la fosse iliaque gauche. Le bilan biologique montrait un syndrome infectieux associé à un syndrome inflammatoire. Les radiographies de l’abdomen et du thorax étaient normales. Un scanner abdomino-pelvien mettait en

évidence une image de sigmoïdite, sans diverticule individualisé et une infiltration pariétale gauche situé à proximité de la prothèse (figure 1). Le diagnostic de sigmoïdite était retenu soit d’origine diverticulaire, soit d’origine iatrogène au contact du matériel prothétique. L’évolution sous traitement médical (antibiothérapie et régime sans résidu) était favorable et le patient était sorti au 9e jour d’hospitalisation. Quinze jours après, le patient consultait en urgence pour une récidive de la symptomatologie douloureuse abdominale, associée à une fièvre à 39 °C, ainsi qu’un arrêt des matières et des gaz. Un scanner abdomino-pelvien montrait la persistance de la sigmoïdite avec une importante infiltration de la graisse péri colique. Sur un lavement aux hydrosolubles on notait l’absence de diverticule colique avec une discrète sténose sigmoïdienne. Le reste du colon était normal. De plus, on constatait une opacification extra-sigmoïdienne prenant un aspect « peigné » au contact de la boucle sigmoïdienne (figure 2). Une laparotomie exploratrice était décidée. Il existait une volumineuse boucle sigmoïdienne, adhérente à la paroi abdo-

Figure 2 : Lavement aux hydrosolubles : absence de diverticule et Figure 1 : Scanner abdomino-pelvien : aspect de sigmoïdite et

infiltration pariétale gauche (flèche). J Chir 2004,141, N°6 • © Masson, Paris, 2004

opacification d’une cavité au contact de la boucle sigmoïdienne (flèche).

J Chir 2004,141, N°6 • © Masson, Paris, 2004

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Figure 3 : Pièce de colectomie sigmoidienne avec prothèse (flèche) dans la lumière colique.

Figure 4 : Pièce de colectomie sigmoidienne ouverte.

minale antérieure, où l’on mettait en évidence une fistule colique et la migration intra luminale de la prothèse herniaire posée en 1999 (figures 3 et 4). Une résection sigmoïdienne avec anastomose termino-terminale manuelle était réalisée sous couvert d’une stomie. Les suites opératoires ont été simples et le patient a pu regagner son domicile au 8e jour d’hospitalisation.

rurgie inguinale. En effet, le délai de survenue est souvent long. Il est en moyenne de 3 ans avec des extrêmes de 1 à 15 ans [3, 8]. De plus, un sepsis local tel qu’un hématome pariétal infecté postopératoire, comme dans notre observation, est souvent un facteur déclenchant, tout au moins majorant le risque de migration prothétique [3]. Enfin, la nature de la prothèse pourrait jouer un rôle favorisant et apparaissait d’ailleurs comme un des facteurs prédisposant de migration dans l’étude multifactorielle de Leber et al. [5]. Les prothèses multifibrillaires telles que le Mersilène auraient un risque plus élevé de migration et donc de fistule, alors que dans leur expérience aucun accident n’avait été rapporté avec le Goretex [3, 5]. Il est actuellement établi que le matériel prothétique ne doit pas être placé en intra abdominal au contact des viscères. Il est désormais certain que la cure laparoscopique de hernie inguinale par voie transpéritonéale, augmente le risque de migration, du fait de la possibilité d’une fermeture incomplète de l’incision péritonéale. La persistance d’une brèche péritonéale peut favoriser le contact de la prothèse avec les viscères. Certes, la majorité des cas rapportés concernaient des prothèses posées par voir transpéritonéale [3, 7, 9], mais comme le montre une étude récente, la voie extrapéritonéale n’exclut pas ce type de complication [10]. Notre observation confirme ces observations, même si on peut aussi incriminer la tentative de reprise chirurgicale par voie laparoscopique avec la possibilité de la persistance d’une brèche péritonéale. La non fixation de la prothèse, pourtant recommandée en cas de matériel prothétique « pré formé », a pu être mise en cause. D’autres facteurs de risque de migration ont été analysés, ainsi dans une étude récente il a été montré que la reprise précoce d’une activité physique par le patient après cure laparoscopique extra péritonéale de hernie inguinale n’augmentait pas le risque de migration prothétique [10]. La migration prothétique est une complication exceptionnelle de la cure chirurgicale de la hernie inguinale, pouvant être à l’origine non seulement d’une récidive mais aussi d’un risque de fistules avec les viscères voisins, aboutissant le plus souvent à une sanction chirurgicale sévère, eu égard à la pathologie initiale. Cette complication pourrait voir son incidence augmenter dans les années à venir avec l’essor de la voie laparoscopique et donc de l’utilisation de prothèses dans la réfection pariétale.

La cure de hernie inguinale est l’intervention chirurgicale la plus couramment réalisée en chirurgie digestive. Le recours à du matériel prothétique, mis en place par voie inguinale ou laparoscopique, est actuellement privilégié [1]. La morbidité globale postopératoire varie dans la littérature de 5 à 20 %. Les complications le plus souvent rapportées sont des hématomes, des séromes, des névralgies avec douleurs chroniques résiduelles ou un risque de rétention urinaire [1, 2]. Nous rapportons dans cette observation un cas de sigmoïdite aiguë avec fistule colique due à la migration intra luminale du matériel prothétique 4 ans après la cure d’une hernie inguinale récidivée. Les cas de migration prothétique après cure de hernie inguinale sont exceptionnels. Leur incidence est estimée dans la littérature entre 0,3 et 3,5 % [3, 4]. La physiopathologie n’est pas clairement établie. Elle est l’aboutissement de phénomènes adhérentiels entre la prothèse et les viscères voisins avec la formation d’un trajet fistuleux avec l’organe lui-même et/ou la paroi abdominale antérieure [5]. Ces migrations sont à l’origine de tableaux cliniques divers selon l’organe lésé, avec souvent, l’apparition d’une suppuration au niveau de la cicatrice ou de la paroi abdominale dont le caractère chronique et récidivant doit faire évoquer une fistule digestive. Ainsi, il peut s’agir d’un tableau clinique d’occlusion fébrile, en cas de migration dans l’intestin, notamment dans sa portion iléale [6]. Il peut s’agir aussi de migration intra colique, comme dans notre observation, le plus souvent intéressant le colon sigmoïde à l’origine d’un tableau de sigmoïdite et d’occlusion [7]. Enfin des cas de migration intra-vésicale responsable d’hématurie macroscopique ou d’infection urinaire ont été rapportés [8, 9]. Cependant, si ces migrations sont à l’origine de tableaux cliniques divers, elles présentent certaines caractéristiques communes qui sont analysées dans la littérature [3]. Ainsi, dans notre observation, la fistule colique était survenue 4 ans après la chi-

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Migration intraluminale colique d’une prothèse de cure de hernie inguinale

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K. Pautrat et al.

6. Ferrone R, Scarone PC, Natalini G. Late complication of open inguinal hernia repair: small bowel obstruction caused by intraperitoneal mesh migration. 7. Rieger N, Brundell S. Colovesical fistula secondary to laparoscopic trans abdominal preperito polypropylene (TAPP) mesh hernioplasty. Surg Endosc 2002;16:218-219. 8. Riaz AA, Ismail M, Barsam A, Bunce CJ. Mesh erosion into the bladder: a late complication of incisional hernia repair. A case report and review of the litterature.

4. Morris-Stiff GJ, Hughes LE, The outcomes of nonabsorbable mesh placed within the abdominal cavity: Literature review and clinical experience. J Am Coll Surg 1998;186:352-367.

9. Bodenbach M, Bscchleipfer T, Stoschek M, Beckert R, Sparwasser C. Intravesical migration of a polypropylene mesh implant 3 years after laparoscopic transperitoneal hernioplasty. Urology 2002;41:366-368.

5. Leber GE, Garb IL, Alexander AL, Reed WP. Long-term complications associated with prosthetic repair of incisional hernias. Arch Surg 1998;133:378-382.

10. Choy C, Shapiro K, Patel S, Graham A, Ferzli G. Investigating a possible cause of mesh migration during totally extraperitoneal (TEP) repair. Surg Endosc 2004;18:523-525.